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Ligne XIII, Jipaï

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Vous connaissez la ligne XIII, côté Montparnasse direction porte de Vanves et Châtillon ? Surtout le soir vers dix-huit heures trente, quand vous montez dans une rame, il vous revient des refrains comme celui de Jean Yann « A dix-sept heures en sortant du boulot la dactylo sent mauvais sous les bras ». Vous multipliez par l'infinité des voyageurs et vous obtenez un parfum très parisien. Le bruit et l'odeur disait l'autre. Sans compter les frotteurs qui profitent de la promiscuité, l'air détaché, ailleurs, quoi. Y a que leurs mains qui sont là, bien présentes au bon endroit.

Y a les frotteurs, mais il y a aussi les frotteuses.

Vous ne me croyez pas ? ben vous avez tort, ça m'est arrivé. Remarquez bien, j'ai pas porté plainte, j'ai l'esprit large. Ce dont je me souviens c'est de la donzelle, une petite blonde, ça j'en suis sûr, pas la genre de chose qui laisse indifférent. Ça constitue des souvenirs, ça fait passer le temps du trajet quand on se les remémore, on oublie les stations qui défilent.

A chaque arrêt, le wagon se déleste peu à peu de ses passagers, la foule s'éclaircit et comme il y a moins de monde, qu'on reste entre habitués, on se regarde les uns les autres, « Tiens, il était déjà là hier soir » ou bien on se plonge dans la contemplation d'un minois jeune et joli, mais fatigué de sa plongée journalière dans le microcosme parisien. « Où va-t-elle ? Y a-t-il quelqu'un qui l'attend ? », toute question qu'on est fondé à se poser lorsque l'on se trouve dans un métro et qu'il fait nuit dehors.

C'est là que je l'ai vue, soudainement. C'était elle, j'en étais certain, on n'oublie pas ce genre d'aventurière. Elle était debout au coin de la porte, prête à bondir dès que le machiniste aurait libéré l'ouverture du wagon.

Ça faisait combien de temps ? Cinq ans ? Oui, dans ces eaux-là. Elle n'avait pas tellement changé, un peu plus mûre probablement. Dans mon souvenir, c'était encore une gamine, lycéenne ou étudiante. Ce soir, avec son tailleur pantalon gris rayé, ses cheveux ramassés en chignon, ses petites lunettes fines, elle faisait businesswoman. Bien sûr, elle ne regardait personne, perdue dans ses préoccupations. A quoi pensait-elle d'ailleurs ? à ses problèmes de bureau ? Peut-être avait-pensait-elle un chef qui lui mettait la main aux fesses, ce serait un juste retour des choses. Ou bien, plus prosaïquement, se demandait-elle ce qu'elle pourrait bien faire ce soir au dîner.

On n'est pas dans la tête des gens et parfois c'est bien dommage. J'aurais pu lui dire : « Tu te souviens de moi ? Mais si, le mec que t'a peloté un jour sur cette même ligne. Non ? ça ne te dit rien ? Bon, au fait, tu manges quoi ce soir ? »

Elle aurait alors pu me répondre « T'as une idée ? parce que moi vois-tu, faire le menu tous les soirs pour un type qui, de toute façon n'aura d'yeux que pour la télé, j'en ai ma claque, c'est bien simple, il ne me voit même plus ! »

« Comment tu l'as connu celui-là ? Tu l'as choisi en lui tâtant le croupion ? »

« Non, non, je ne suis pas une obsédée, je ne sais pas ce qu'il m'a pris ce soir-là ! tu ne m'en veux pas ? »

« Pas trop non, c'était plutôt flatteur. »

Elle aurait pu alors me glisser un de ses sourires complices qui vous cèle une amitié. Mais non, elle regardait défiler sans les voir, toutes les fenêtres éclairées des immeubles que longeait le métro, aérien à cet endroit.

D'un mouvement las, mue par l'habitude, elle a fait un pas vers la porte tandis que le métro ralentissait. Les battants se sont écartés et l'air froid est venu casser la torpeur

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malsaine. Elle est passée devant moi et dans un courant d'air, m'a laissé son parfum comme une signature. J'ai levé la main, ma bouche s'est arrondie comme pour lui dire quelque chose, mais je suis resté muet. Elle s'est mise à marcher le long du quai, je l'ai regardé s'éloigner, parce que, comme un imbécile, je l'avais suivi. Les portes du métro ont claqué dans mon dos. J'ai continué à la regarder s'éloigner.

Et tout comme Jean-Pierre Marielle dans « Les galettes de Pont Aven », j'ai pensé : « Nom de dieu quel beau cul ! ».

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