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Épilepsies frontales : identifier les candidats à la chirurgie

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Academic year: 2022

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Épilepsies frontales : identifier les candidats à la chirurgie

Elisabeth Landré

1

, Suzanne Trottier

1, 2

, Baris Turak

1

, Francine Chassoux

1

, Bertrand Devaux

1

1. Service de Neurochirurgie, hôpital Sainte-Anne, Paris, France 2. Unité INSERM U573, hôpital Sainte-Anne, Paris, France

Correspondance : E. Landré

Service de Neurochirurgie Hôpital Sainte-Anne 1, rue Cabanis 75014 Paris, France

E-mail : landre@chsa.broca.inserm.fr

MOTS-CLÉS : épilepsies frontales, chirurgie de l’épilepsie

KEY WORDS: frontal epilepsy, epilepsy surgery

RÉSUMÉ − La chirurgie de l’épilepsie s’adresse aux épilepsies partielles sévè- res pharmacorésistantes, symptomatiques ou cryptogéniques, pour lesquelles on peut identifier une zone épileptogène unique dont l’exérèse sera possible sans risque de déficit. La sélection des candidats à cette chirurgie repose sur la confrontation d’arguments cliniques, électriques, et d’imagerie. Les critères cliniques à discuter sont : l’âge du patient, l’évaluation du handicap (intensité et fréquence des crises, retentissement socio-professionnel ou scolaire), l’histori- que du traitement médicamenteux, la sémiologie des crises, l’existence d’un déficit neurologique et/ou neuropsychologique et/ou de troubles psychiatriques associés. Le bilan EEG permet, à partir de l’analyse des anomalies intercritiques et du pattern électro-clinique des crises, de proposer une hypothèse sur la localisation de la zone épileptogène. L’existence d’une lésion symptomatique de l’épilepsie est recherchée par une IRM de haute résolution, réalisée dans les trois plans de l’espace en séquences T1, T2 et Flair.

Dans le cadre des épilepsies frontales, les particularités de la sélection des candidats à la chirurgie résident dans les données du bilan électro-clinique qui peuvent s’avérer non contributives : l’aspect du tracé intercritique et des dé- charges est rarement localisateur et souvent amène à discuter une origine des crises bilatérale, voire à évoquer le diagnostic de crises généralisées. L’interpré- tation d’un tracé critique peut s’avérer difficile si la décharge est masquée par les artéfacts, liés au caractère « explosif » de la sémiologie, par exemple dans les crises impliquant le gyrus cingulaire antérieur.

Enfin, les risques de déficits post-opératoires, lorsque les décharges intéressent primitivement ou rapidement l’aire de Broca ou lorsque la zone épileptogène est proche de la région motrice, constituent une contre-indication à la chirurgie de l’épilepsie frontale.

ABSTRACT − Frontal lobe epilepsies: selection of surgical candidates Epilepsy surgery concerns severe drug resistant symptomatic or cryptogenic partial epilepsies where a single epileptogenic zone is identified that can be resected without risk of neurological deficit. The selection of surgical candi- dates is based upon the confrontation of clinical, electrophysiological and imaging data. Clinical criteria to be discussed include patient age, evaluation of the handicap (seizure severity and frequency, and their influence on socio- professional status or schooling.), treatment history, seizure semiology, existing neurological and/or neuropsychological deficits and associated psychiatric disorders. The EEG workup permits the elaboration of a hypothesis concerning

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the location of the epileptogenic zone on the basis of the analysis of interictal abnormalities and electroclinical seizure patterns. High resolution MRI using T1 and T2 weighted and FLAIR sequences with slices in all three planes of space is used to search for a structural lesion.

This presentation deals with the specific aspects of patient selection for frontal lobe surgery. It is true that due to the large size of the frontal lobe and to its numerous connections with adjacent cortical areas (central, temporal, limbic system) the clinical expression of frontal seizures is tremendously variable. On the other hand EEG information does not systematically allow for reliable localization of the epileptogenic “focus” because surface electrodes record poorly activity in mesial frontal, fronto-orbital and anterior cingulate areas and the multiple connections of the frontal lobe give rise to widespread projection of the discharges to neighboring areas and, via the corpus callosum, to rapid bilateralization. Thus interictal and ictal recordings often lead to the presump- tion of bilateral or even generalized seizures. Furthermore, because of the

“explosive” character of frontal lobe seizure semiology, for example when the anterior cingulate gyrus is involved, interpretation of an ictal recording may prove to be impossible due to movement artifacts.

And finally, contraindication to surgery must be considered in cases where the ictal discharge affects primarily or rapidly Broca’s area or the motor strip.

In this presentation we review the literature on surgical candidate selection in frontal lobe epilepsy and report our experience with a series of 26 patients operated at the Sainte-Anne Hospital for frontal lobe epilepsy during the last 10 years, illustrating the presurgical evaluation procedure by two case obser- vations.

Introduction

La chirurgie de l’épilepsie s’adresse aux épilepsies partiel- les sévères pharmacorésistantes, symptomatiques ou cryptogéniques, pour lesquelles on peut identifier une zone épileptogène unique dont l’exérèse sera possible sans risque de déficit. Les épilepsies symptomatiques de tumeurs évolutives pour lesquelles le traitement chirurgi- cal conditionne le pronostic carcinologique n’entrent pas dans ce cadre.

Dès la fin du 19esiècle, Sir Victor Horsley, à Londres, avait proposé une résection corticale focale comme traitement des crises d’épilepsie. Le bilan préchirurgical se limitait alors à l’étude de la sémiologie des crises rapportée aux aires corticales fonctionnelles [1]. La neuroradiographie puis l’électroencéphalographie sont venues compléter les investigations. C’est ainsi, qu’à Montréal, les travaux de Penfield et Erickson, publiés entre 1929 et 1941, ont permis d’énoncer les principes de la chirurgie de l’épilep- sie [2]. La pratique de l’électrocorticographie (enregistre- ment de l’activité cérébrale à l’aide d’électrodes directe- ment posées sur le cortex) par Jasper et Penfield a permis de définir la zone épileptogène comme étant un foyer de pointes [3]. À partir de 1958, en France, Talairach et Bancaud introduisent une nouvelle méthode d’explora- tion par électrodes implantées intracérébrales : la stéréoé- lectroencéphalographie (SEEG). Ils définissent le bilan préchirurgical de l’épilepsie partielle, basé sur l’établisse- ment de corrélations anatomo-électro-cliniques [4, 5]. Il

s’agit d’identifier le siège anatomique de la zone épilep- togène, à partir de l’organisation spatio-temporelle des décharges critiques et de leurs voies de propagation, de déceler une éventuelle lésion cérébrale, et de préciser les rapports topographiques entre la zone épileptogène, la lésion et les aires corticales fonctionnelles. Cette métho- dologie a largement contribué à l’identification de la sémiologie des crises partielles.

À l’heure actuelle, les techniques modernes d’imagerie cérébrale, imagerie par (IRM) résonance magnétique ana- tomique et fonctionnelle, tomographie d’émission mono- photonique (SPECT), tomographie par émission de posi- tons (PET) sont intégrées dans le bilan préchirurgical d’une épilepsie.

L’épilepsie frontale représente environ 15 à 20 % des épilepsies partielles chirurgicales selon les séries publiées [6, 7]. Une même proportion est retrouvée sur 205 pa- tients opérés pour épilepsie à l’hôpital Sainte-Anne, ces dix dernières années : 26 patients, soit 13 % présentaient une épilepsie frontale(figure 1). Cette distribution résulte de la moindre fréquence des épilepsies frontales, parmi les épilepsies partielles mais aussi de la complexité de la sélection des candidats à la chirurgie du lobe frontal, du fait de la diversité des patterns électro-cliniques.

Dans une première partie, nous exposerons les particula- rités de cette sélection pour dégager les critères d’inclu- sion et d’exclusion à la chirurgie. Nous n’aborderons ici

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que les indications des cortectomies chez l’adolescent et l’adulte jeune [4, 5].

Dans la seconde partie nous illustrerons la démarche préchirurgicale par deux observations.

Critères de sélection

Ils sont d’ordre clinique, électrique, et morphologique.

Âge du patient

L’adolescent et l’adulte jeune, chez qui les crises représen- tent le seul handicap à une insertion socioprofessionnelle, sont les candidats les plus fréquents de la chirurgie de l’épilepsie. Au-delà de 50 ans, le bénéfice de l’acte neu- rochirurgical en terme de guérison des crises sera discuté en tenant compte des risques de séquelles neuropsycho- logiques.

Chez l’enfant, la guérison de l’épilepsie conditionnant ses capacités d’acquisition et d’intégration sociale et scolaire, la possibilité d’une chirurgie sera recherchée rapidement devant toute épilepsie partielle pharmacorésistante.

Durée chronique de la maladie

La chirurgie n’est pas proposée devant des crises d’appa- rition récente ou occasionnelles mais lorsque celles-ci persistent malgré le traitement médical. Cependant, l’essai de multiples médicaments antiépileptiques ne doit pas retarder la prise en charge chirurgicale.

Sévérité de l’épilepsie

Elle est évaluée sur la fréquence, la sémiologie des crises et le retentissement socioprofessionnel ou scolaire. L’ap- préciation du handicap, purement subjective, se discute cas par cas en fonction des conditions de vie, de l’âge du patient et des conséquences psychologiques de la mala- die.

Pharmacorésistance

Elle est appréciée sur l’historique des traitements médica- menteux et définie, en théorie, par un traitement antiépi- leptique bien conduit pendant au moins deux ans, délai que l’on peut être amené à réduire par exemple chez l’enfant présentant une épilepsie symptomatique. Cette définition sous-entend la vérification des posologies thé- rapeutiques et de l’observance du traitement [8].

Zone épileptogène unique localisée Arguments cliniques

L’existence d’une zone épileptogène unique et localisée suppose la stéréotypie des accès, et la mise en évidence d’un pattern clinique évoquant une crise frontale [9].

La mise en jeu d’une région du lobe frontal est suspectée devant l’association de certains symptômes.

1. Aire motrice supplémentaire : arrêt de la parole ou vocalisation, adversion de la tête et des yeux, manifesta- tion posturale du membre supérieur controlatéral.

2.Région fronto-polaire : pensée ou actes forcés, rupture de contact, antéflexion de la tête, manifestations toniques axiales, tableaux parfois difficiles à distinguer de crises généralisées.

3.Gyrus cingulaire antérieur : peur, activités gestuelles et verbale automatiques complexes, agitation.

4.Région fronto-orbitaire : illusions ou hallucinations ol- factives, manifestations viscéro-végétatives, urination, automatismes bimanuels ou bipédaux.

5. Région centrale : crises motrices, clonies localisées, déficit moteur post-critique.

6.Région frontale intermédiaire dorso-latérale : déviation tonique des yeux, adversion de la tête, illusions ou hallu- cinations visuelles.

Arguments électriques

À l’EEG, les anomalies intercritiques (ondes lentes, poin- tes), les paroxysmes infracliniques et les décharges criti- ques rencontrées dans les épilepsies frontales sont rare- ment focales, souvent étendues et bilatérales, parfois absentes.

1.Rarement focales

Dans notre série personnelle (26 cas), 12 (46 %) patients présentent des pointes intercritiques frontales unilatérales, et pour neuf (36 %) l’EEG critique avait un aspect focal (figure 2), [voir observation n° 1].

Dans la série de Quesney et al. (113 cas), 12 % des patients présentent des anomalies intercritiques focales, 22 % des décharges critiques focales [10]. Dans celle de Talairachet al.(100 patients), 37 présentent des déchar- ges critiques localisées, et 53 des pointes intercritiques focales [11].

Pour d’autres équipes [12-13], dans 42 % des cas l’EEG critique est localisateur, il s’agit cependant de plus petits effectifs (respectivement 19 et 26 cas). Leeet al.soulignent

Temporale 75 % Pariéto-

occipitale Multi-lobaire 4 %

8 % Frontale

13 %

Figure 1. Série de 205 cortectomies réalisées à Sainte-Anne de 1993 à 2001.

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que l’aspect focalisé des décharges critiques n’est pas influencé par la présence d’une lésion à l’imagerie [13].

2.Souvent étendues ou bilatérales

En effet les multiples connexions du lobe frontal favorisent une large projection des décharges aux territoires adja- cents et une bilatéralisation rapide via le corps calleux.

Ainsi, on peut être amené à discuter le diagnostic différen- tiel entre crise frontale, crise bifrontale ou crise générali- sée [14-16] [voir observation n° 2].

3.L’EEG intercritique peut se révèler normal

En effet les anomalies émergeant des régions frontales mésiales, du gyrus cingulaire, et de la région fronto- orbitaire, sont difficilement accessibles, voire inaccessi- bles aux électrodes de scalp. Les enregistrements de som- meil sont utiles car dans 50 % des cas d’épilepsies frontales, les anomalies intercritiques et les crises survien- nent préférentiellement durant le sommeil [7].

4.Enfin, l’interprétation d’un tracé critique peut s’avérer impossible si la décharge est masquée par les artéfacts liés au caractère « explosif » de la sémiologie, par exemple dans les crises impliquant le gyrus cingulaire antérieur [9-14-17].

Lésion à l’imagerie

Les épilepsies frontales symptomatiques regroupent 70 % à 80 % des épilepsies frontales chirurgicales [7, 11, 13].

La recherche d’une lésion exige la pratique d’une IRM de haute résolution, réalisée en coupes fines (< 5 mm), dans les trois plans de l’espace, en séquences T1, T2, et Flair. Le scanner garde comme indication la visualisation des cal- cifications et des déformations de l’os.

Ce protocole permet d’identifier les principales lésions responsables des épilepsies frontales chirurgicales [18, 19],(figure 3):

– les lésions atrophiques, les kystes porencéphaliques, les dilatations ventriculaires, les cicatrices d’infection,

d’anoxie néonatale, de traumatisme crânien ne posent en général pas de problème d’identification ;

– les lésions vasculaires (angiomes, cavernomes) sont ra- res parmi les étiologies des épilepsies chirurgicales. Leur traitement est avant tout la prévention des complications hémorragiques, en cas d’épilepsie associée elle n’est phar- macorésistante que dans 10 % à 14 % des cas [20-21] ; – les tumeurs dysembryoneuroépithéliales sont une cause fréquente des épilepsies partielles [22]. En IRM, le dia- gnostic est évoqué devant une image corticale, hypoin- tense en T1, hyperintense en T2. L’érosion caractéristique de la table interne de la voûte en regard est mieux visible au scanner.

– les dysplasies corticales sont des lésions très épileptogè- nes [23-24]. Ces malformations corticales seront éviden- tes si elles sont étendues, par exemple à type de pachygy- rie, mais elles peuvent être focales de petite taille, limitées à un seul gyrus, de visualisation plus difficile. Il s’agit de mettre en évidence en séquence T1 une zone d’ indiffé- renciation substance blanche- substance grise, la sé- quence Flair, plus sensible, pouvant révéler un hypersi- gnal [voir observation n°2].

En centre spécialisé, l’imagerie fonctionnelle par PET (étude en intercritique du métabolisme cérébral du glu- cose) ou SPECT (étude en intercritique et percritique du débit sanguin cérébral) apportent également des argu- ments d’orientation sur la localisation de la zone épilep- togène : hypométabolisme, hypodébit intercritiques et hy- perdébit critique. À l’heure actuelle, ces techniques ne sont pas de pratique courante et méritent d’être validées [25-27].

Au terme de cette enquête, les données cliniques et le pattern électro-clinique des crises sont confrontés aux résultats de l’imagerie :

– soit le siège de la lésion et le tableau électro-clinique sont concordants et permettent d’émettre une hypothèse sur la localisation de la zone épileptogène,

– soit le pattern électro-clinique oriente vers une zone épileptogène, mais l’imagerie ne retrouve pas de lésion, – soit les données de l’imagerie et le tableau électro- clinique ne sont pas congruents.

Tracés intercritiques

Pointes frontales unilatérales : 12

Pointes bilatérales : 10

Ondes lentes frontales : 2

Absence d’anomalie : 2

Tracés critiques

Décharge rapide frontale brève : 9

Décharge unilatérale étendue : 4

Décharge bilatérale : 8

Artéfacts : 4

Figure 2. Bilan EEG, série de 26 patients opérés pour épilepsie fron- tale.

Cicatrice 19 % Infection

8 % Sans cause

23 %

DNE 19 %

Dysplasie 31 %

Figure 3. Étiologies, série de 26 patients opérés pour épilepsie fron- tale.

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En centre spécialisé, l’exploration par électrodes profon- des (SEEG) confirmera ou infirmera ces hypothèses, défi- nira la zone épileptogène, ses rapports avec l’éventuelle lésion, et localisera les aires fonctionnelles.

Si au décours de cette exploration l’hypothèse retenue est celle d’une épilepsie bifrontale, certaines équipes discu- tent la callosotomie en tant que traitement chirurgical palliatif, réduisant en théorie le risque de chutes durant les crises [28].

Les critères d’exclusion

Âge

Après 50 ans, l’indication à une chirurgie de l’épilepsie se discute en fonction de son bénéfice mais également de l’état de santé général du patient et des pathologies asso- ciées.

Risques de déficits permanents

Les risques de troubles du langage lorsque les décharges impliquent primitivement ou rapidement l’aire de Broca, que l’on peut cliniquement suspecter par la survenue d’une aphasie per et/ou post-critique. La dominance hé- misphérique pour le langage est déterminée par l’IRM fonctionnelle, dans certains cas confirmée par le test de Wada.

Les risques de déficit moteur lorsque la zone épileptogène est située dans la région centrale ou proche. Il s’agit alors de crises motrices, avec ou sans déficit moteur intercriti- que.

La décision doit prendre en compte l’importance de ce déficit et le risque d’aggravation.

Par exemple chez les patients présentant une hémiplégie cérébrale infantile, avec des crises motrices réflexes et un déficit moteur majeur, la région centrale est très remaniée, peu fonctionnelle, et son exérèse n’entraîne pas d’aggra- vation permanente du déficit [11, 29].

Ces risques de déficits sont des contre-indications à la cortectomie. Dans ces cas cependant, quelques équipes proposent des transections sous-piales, sans résection cor- ticale [30, 31]. Ce type de technique permet une amélio- ration de la fréquence des crises dans 38 % des cas, avec cependant un risque de complications permanentes de 7 % [31].

Troubles neuropsychologiques

Un déficit intellectuel important peut limiter voire rendre impossible la pratique du bilan préchirurgical, durant lequel la coopération du patient est indispensable.

Des troubles neuropsychologiques en rapport avec des lésions bifrontales peuvent être aggravés par une cortec- tomie frontale [11].

Troubles psychiatriques

Avant toute décision chirurgicale, les troubles psychiatri- ques nécessitent une prise en charge rigoureuse. Les pa- tients présentant des troubles évolutifs non stabilisés sous traitement adapté sont écartés de la chirurgie.

Conclusion

Sélectionner pour la chirurgie des patients présentant une épilepsie frontale signifie rassembler les arguments clini- ques, électriques et d’imagerie en faveur d’une épilepsie sévère pharmacorésistante, symptomatique ou cryptogé- nique, en rapport avec une zone épileptogène unique dont l’exérèse sera possible sans risque de déficit.

Les difficultés de cette sélection sont en rapport avec le large volume du lobe frontal et avec la multiplicité de ses connexions avec les régions adjacentes et controlatérales, où les décharges critiques se propagent, en règle rapide- ment.

L’existence d’une zone épileptogène unique et localisée suppose la stéréotypie des accès, et la mise en évidence d’une sémiologie critique évoquant une crise frontale.

Certaines crises frontales sont difficiles à distinguer de crises généralisées.

Le bilan EEG de scalp, dans plus de la moitié des cas d’épilepsie frontale, ne permet pas de définir l’origine focale des crises : on retiendra qu’un EEG intercritique normal, la présence de pointes bilatérales, un aspect d’emblée diffus du tracé critique, voire l’absence de dé- charge critique identifiable n’écartent pas l’indication à la chirurgie. Cependant, l’interprétation de l’EEG ne se ré- sume pas à la description des anomalies, mais c’est l’as- pect électro-clinique des crises enregistrées qui permet d’envisager l’origine et la propagation les plus probables des décharges.

La recherche en IRM d’une lésion symptomatique de l’épilepsie nécessite un protocole rigoureux avec des cou- pes fines, des séquences en T1, T2 et Flair.

La confrontation des données cliniques, électriques et d’imagerie doit pouvoir faire évoquer une hypothèse co- hérente sur la localisation de la zone épileptogène.

L’appartenance des aires fonctionnelles du langage ou de la motricité à la zone d’origine des crises constitue une contre-indication à une résection corticale. L’indication doit, également, être discutée en fonction de l’âge, du risque d’aggravation neuropsychologique et des troubles psychiatriques pré-existants.

Remerciements

Remerciements aux techniciens-EEG, Dominique Toussaint et Jean- Paul Gagnepain, et à la secrétaire Sandrine Liminana. M

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Observation n° 1

Il s’agit d’un homme de 40 ans, sans antécédent particulier, ambidextre, bien inséré au plan socio- professionnel.

À l’âge de 7 ans surviennent des crises stéréotypées, pluriquotidiennes, de durée brève (< 20 s). La sémiologie critique est la suivante : manifestation subjective inaugurale à type de sensation céphalique indéfinissable, éloignement du réel, puis survient une rupture de contact et des automatismes gestuels, un dandinement, une grimace. La reprise du contact est rapide sans déficit. L’examen neurologique intercritique est normal. Sous traitement le patient est libre de crises jusqu’à l’âge de 27 ans. À l’arrêt du traitement, les crises, de même sémiologie, réapparaissent, à nouveau de fréquence pluri- quotidienne. Les différents médicaments anti- épileptiques prescrits sont inefficaces.

Les tracés intercritiques sont caractérisés par des pointes peu voltées frontales gauches (figure 4). Les enregistrements vidéo-EEG critiques permettent de conclure à une origine frontale gauche des crises, sur les données cliniques : brièveté des accès, automatismes gestuels désordonnés, reprise de contact rapide, et sur les données électriques : décharge rapide peu voltée frontale gauche(figure 5).

Le scanner cérébral réalisé à l’âge de 27 ans est normal. L’IRM pratiquée à l’âge de 38 ans met en évidence une lésion frontale interne et antérieure gauche, discrètement hyperintense en séquence T2, nettement hyperintense en séquence Flair, image évocatrice d’une dysplasie corticale focale(figure 6).

Dans cette observation tous les critères de sélection à la chirurgie sont réunis :

– épilepsie partielle sévère, pharmacorésistante ; – pattern électro-clinique évoquant une origine focale, frontale gauche, des crises ;

– lésion frontale interne gauche, de localisation cohérente avec l’origine des crises.

Le bilan préchirurgical a été complété par une IRM fonctionnelle couplée à un test de Wada prouvant la dominance hémisphérique gauche pour le langage, une SEEG confirmera l’origine des décharges critiques, leur rapport avec la lésion et permettra de définir l’étendue de la résection, sans risque de déficit.

Observation n° 2

Il s’agit d’un homme de 23 ans, droitier, qui souffre d’un asthme depuis l’enfance, traité par corticoïdes. À l’âge de 13 ans, il présente une sinusite frontale compliquée d’un abcès cérébral bi-frontal ayant nécessité une intervention neurochirurgicale.

Un an plus tard surviennent les premières crises d’épilepsie, stéréotypées, d’emblée pluriquotidiennes.

Les différents médicaments anti-épileptiques prescrits sont inefficaces. La sémiologie critique, de durée brève de 2 à 10 s est la suivante : soit limitée à une rupture brutale de contact et une vocalisation brève, soit prolongée par une adversion de la tête et des yeux vers la gauche, une élévation en flexion du membre supérieur droit, et une brève anarthrie post-critique.

Cette sémiologie est compatible avec une mise en jeu de l’aire motrice supplémentaire gauche.

L’examen neurologique intercritique est normal.

Les tracés intercritiques sont caractérisés par des bouffées de pointes amples, suivies d’une onde lente de projection bilatérale, à prévalence antérieure gauche(figure 7). La décharge critique est étendue de projection diffuse(figure 8).

L’imagerie met en évidence des lésions atrophiques étendues bifrontales(figure 9).

Ce patient présente donc une épilepsie partielle pharmacorésistante. Le bilan électro-clinique est en faveur d’une épilepsie frontale, la sémiologie des crises évoque une mise en jeu de l’aire motrice supplémentaire gauche, cependant l’étendue des décharges critiques et l’existence de lésions bilatérales à l’imagerie contre-indiquent un geste d’exérèse du fait du risque de séquelles neuropsychologiques.

(7)

Figure 4. Pointes peu voltées frontales gauches.

(8)

1 2

Figure 5. Décharge rapide peu ample frontale gauche.

1: sensation céphalique.2: grimace, automatismes gestuels.

(9)

1s

Figure 7. Pointes amples bilatérales à prévalence antérieure gauche.

T1 T2 Flair

Figure 6. IRM, coupes coronales, anomalie gyrale frontale interne gauche, hypersignal en T2, plus net en Flair.

(10)

1 2

Figure 8. Décharge rapide de projection diffuse.

1: vocalisation

2: adversion tête et yeux, élévation du membre sup droit.

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