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Le Stromboli

BRUN, Albert

BRUN, Albert. Le Stromboli. Echo des Alpes , 1901, p. 3-20,pl.I-II

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:149675

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LE STR011BOLI

La grande fosse méditerranéenne, cette dépres- sion qui coupe en deux l'hémisphère nord, est trop accentuée et brise d'une faron trop gl'ave l'écorce terrestre, pour que ses prof'omlellrs 11e possèdent pas q11elc1 ue commm1ication avecles lanHle feu des masses centrales. L'Etna, le Vésuve, le Stromboli, Santoein, sont des manifestations vivantes encore de nos jour::;

de ces extrnsions de la matière fondue intérieure.

Les roches érnptives, répandues un peu partout le long des cotes de la ~Iécliterranée, montrent que ces phénomènes volcaniqHes ont été généraux et que les quelques volcans encore en activité ne sont que des restes d'une période d'action beaucoup plus intense.

Une région curieuse à étudier, il ce point de vue, est le groupe des iles Eoliennes, au nord de la Sicile, en mer Tyrrhénienne. Si nous jetons un coup d'n~il sur une carte géologique, nous voyons que ce groupe de sept iles et plusieurs îlots est uniquement fol'mé par une suite de volcans dont les deux extrémités Vulcano et Stromboli sont encore en activité, tandis que les cent1·aux sont éteints.

En 1880, Vulcano, l'ile la plus méridionale, donna une éruption <l'une violence inonïe. La colonne des cendœs s'éleva à 10,000 mètres dans les airs et re-

Ê::cHo ngs Af.PRs. ~ 1901

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LI~ STRmIBOLI

tomba s'engloutit· dans la met·. :Mais comme l'ile est inhabitée, l'én1ption ne causa pas de mort d'homme,

et on en parla pen.

Le Stromboli, il 50 kilom. au nord-est de Vulcano, est toujours en nction; depuis '1889 il a subi un ac- croissement de violence, et actuellement, avec sa coulée cle lave, ses explosions et ses projections, il présente une grande allure

.J'arrive de rifossine par Milazzo, et déharqne à

Lipari, l'île principnle du grnupe éolien. Mon pre- mier soin est de chercher une barque qui me condnira à Stromboli. Sn r la grève qui forme la <( Marina >l de la petite ville, et gràce à q uelcrues mots dits pour moi par le capitaine qui m'a amené, je trouve un proprié- taire de barciue de pèche, qui consent à me piloter à Stromboli. Entre temps, je vnis dîner et courir la ville. An fond d'un golfe, avec ses toits plats, ses mu- railles blanches éclatantes, ses rues étroites, servant de dépotoir général aux maisons voisines, sa popu- lation, elle a un air ot·iental. Au reste ln race est un

m(ilange composite à l'exll'ème. Dans le dialecte lipa- riote, l'arabe, l'espagnol, le sicilien, se combinent agréablement, an désespoil' du touriste qui parle à coups de dictionnaire, Heureusement c1ue, par ci par là, des rnatelo ts savent l'anglais. C'est ce qui me sanve;

car sans cette langue univel'selle, j'aurais clù me pas- ser sou vent d'objets indispensahles . .Je m'embarque;

un menclinnt loqueteux qui m'a servi cle guide, et que j'ai fait dinee, pol'le 111011 bagage; il rel'use noble- ment les six sons que je lui tends: qni fut abnsomdi?

Ce fut moi. ·

L'ile noire de Vulcano, Lipari aux blanches mu- railles disparaissent. La barque, vent arriète, marche

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LI<; STROMBOLI 5

a

souhait; trop fort au gré cl 'un << terrien, )) trop fort aussi au gré d'un photographe.

La mer est légèrement houleuse, et la barque danse comme nn bouchon. Les longnes vagues la soulè- vent et l'écume l'arrose; mais les lfUatre matelots semblent à lenl' aise; aussi je ne m'émeus pas trop.

LE STROMBOLI VU EN MER A 20 KILOMÈTRES AU S. s .. o.

Peu à peu le Stromboli, ce large cùne, apparalt en vagne silhouette sombre dans la brnme grise et loin- taine. Nous doublons Panaria et les curieux récifs de Baziluzzo et dn Guglie, aux fo!'mes creusées et fantastiques dignes de plusieurs photographies. Mais hélas! tout bouge, tout craciue, tout remue sur la bnrque, l'écume blanchît les récifs, et je suis trop occupé /t fixer mon équilibre entre un filet, une rame et une plaque de liège pour songer à<< kodaker. ))

Liscia nera, Liscia bia nca, longtemps étudiées sur la carte, vons voilà enfin! laves encore fumantes

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6 LE STROMBOLI

sortant de la mer! A tout prix il faut le Kodak. Signo1,:I Signor ! Aspettare ! crie le pilote, cambiare la f/ela ! Au diable la manœuvre ! Mais que faire? J'ai le soleil dans l\eil et la photographie sera ratée ... Je me rat- traperai plus tard.

La houle semble se calmer ; je pourrai changer de film, opération délicate. Je me cale bien et je com- mence : Hop! signor ! la mare! Paf! l'écume me cou- vre . .Je me penche vite pour protéger l'appareil, je me cogne ; la pellicule roule entre les filets; on la repèche. Une secousse me fait manquer le pas de vis, et par surcroît, un hl'in de bois de la bobine empêche le papier d'entrer. Un matelot se place alors du càté du vent et reçoit clans le clos l'écume; il me sert d'écran, je suis prèt. Le Stl'omboli approche, atten- tion ! 1 o,· déclanchement ((zut», j'ai piqué une tèt~ .. '. ..

2me déclanchement, tonnerre ! la voile a tourné, la vergue vient en !)!ein milieu de la vue. 3mo ... Ah!

ceci ira bien, la mer ne sera pas bien horizontale, et une rame sera en travers, mais c'est excellent quand même. Vile encore une. Aïe ! <[Uelle secousse, j'ai cru passer par-dessus le bord; mais la vne était prise.

Sur ce, je me couche, car j'en ai assez pour le mo- ment.

Ceux qui verront mes photos prétendront que ma mer penche et que <;a manque de premier plan. Je les enverrai à Bazil uzzo, tout simplement, en guise d'explication.

Enfin nous débarc1uons. Cette l'ois, sur terre Cenne, je polll'rai photographier loin de cette mer endiablée, qui ne permet que des instantanés il peine ajustés, qui vous mouille et vous secoue, sans compter les au- tres agréments.

Vive la lene ! Eh ! nous verrons demain!

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LE STRO.MBOLI 7 Avant que demain soit là, je m'installe: un Strom- boliote, car il n'existe pas d'auberge, veut bien m'hos·

pitaliser. Les appartements sont somrnafres, la nour- riture aussi, et c'est avec une pointe de mélancolie que je vois s'éloigner la voile q11i m'a amené iei. Senl clans une ile perdue, au milieu cle gens c\ontj'ai peine à me !aire comprendre, je dois passer plusieurs jours.

Que vais-je voir? Je me cloutais peu qne ces journées seraient pou1· moi les plus élonnantes de mon exis- tence.

LA PLAGE DE SAN VINGfüNZO E'r LE srnoiIBOLI

Le Stromboli forme un la1·ge cône de 926 mètn,s de hauteur, sut' 3 à 4 kilomètl'es de base, sortant de la mer; ses flancs sont ravinés par l'érosion, ses rochers plongent i.l pie dans l'eau, et un petit plateau

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8 Lffi STROMBOLI

au nol'd-est, séparé du cratère pat· une haute CI'l\te, permet à un village de 300 à 1±00 âmes d'exister. La végétation est formée pa1· de rnres figuiers, des cac- tus, des 1rignes bien cultivées et des joncs sauvages qui 1·etien11en t les sahlf:S volcaniques, constarn ment charriés par la brise.

A peine ai-je débarqué que le volcan me salue:

nne détonation formidable, 1m nuage de cendres, em- porté par le vent, puis pllls rien, rien q11e le << res- sac)) sur la plage. C'est impressionnant. Ce fut aussi une surprise, car je ne me doutais pas que l'él'uption fùt anssi violente. Je pris bientôt mes dispositions pour visiter le cratère et le lendemain quelques heu- res de montée le long de l'arète nord, formée par les laves anciennes, nous amenèrent an hord de la région

• • , l

volcamque en actrv1te .

Celle-ci forme un tet'l'Îtoire mamelonné de qn ques cents mètres de pourtour à l'altitude de 750 à 800 mètres. De cette hauteur et d'un seul jet, ù l'ouest, une pente de lapilli plonge jusqu'ü la mer et l'aborde par un front de mille mètres. Snr celte face retombent les laves projetées, qui roulent alors, en avalanche de feu, jusq11e dans l'eau.

D'un des sommets du cratè1·e ancien qui forme cirque, dominant tont autour, l'on voit ü ses pieds le cratère moderne. Rien de pins fautastique, de plus étourdissant que ce spectacle. La roche, un basalte, est noire comme le charbon; au nord s'échappent les nuages blancs des furnerolles; sur 1P côté ouest, trois gueuhis à parois abruptes s'ouvrent sur le flanc de la pente et vomissent des laves. Tel'l·ibles sont les explo- sions; .. brèves et sèches, comme nn coup de foudre,

1 Pour l'intelligence de ce qui suit, se reporter aux planches.

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LIG 8TROMBOLI

elles me font chaque fois tressai! lir, tandis que dans les airs se jouent les lapilli, les paquets de lave chauffés au ronge et les cinél'Îles. La grandehouche qui donne les détonations les plus violentes, peut avoir 40 mè- tres diamètre. Le premier jour je pus m'en ap- pl'Ochee jus(pl'à la distance de 300 mètres; j'avais un bon poste d'observation, sur une crète de lapilli.

A cette distance nous sentions la chaleur émanée par les parnis incandescentes intérieures de cette gueule.

De temps en temps le cratère tonne. La pui;;sance des projections1 esL alot·s telle que des pa(ptets de lave fondue sont lancés à plllsieurs centaines de mètrec,. Sur la ceète nord, il 800 mètres distance de la bonche, j'ai il'Ottvé un paquet de lave de un mètre cube qui en retombant s'était aplati sur le sol.

Un jour, placé trop près, je dus batti·e en retraite devant les lapilli qni me canonnaient. 11 fallut tra- verser une pente de cinérite::; croulanle8, de 37° d'in- clinaison, pour trouver un meilleue poste d'observa- tion. De ce nonyean point je pus voir le spectacle le plus étonrdissaut{JU'il soit possible de rèver. Depuis vingt minutes environ, le volcan était ealrne. Tout ù coup une explosion formidable se fait entendre. Les parois du c1·atère s'écaetent; des blocs de cent mètl'e8 cubes s'éboulent et roulent à la mer, une colonne in- candescente s'élèYe, et une terrible pluie de paquets de lave canonne tons les abords. Pendant longtemps ce füt uu épouvantable vacarme, une poussière indes- criptible, d'où sortaient comme des obus des blocs rouges. Les parois du cratère démantelées par l'explo- sion laissaient ape1·cevoir de8 cavités chauffées au

1 Celles-ci sont lancées vers le nord-ouest, en sol'[e qu'en 1•e11ant du sud on court moins de risques.

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10 LE :,;TRŒ\lBOLl

rouge orange, le sol avait tremblé; sur la Jougne pente l'avalanche tle lave faisait t·age ...

L'émotion füt à son comble. Je voulus rapidement prendr.e des notes; je ne savais plus écrire!

La régioll ouest et les alentours du cratère ·so11t constamment battus par les projections; les cendres, voyageant avec le vent, vont sur les pentes de l'est former de 1 (< burrnni )) sahlonneux et arides.

Les masses ainsi chaniées sont considérables et la mer en engloutit la majeure partie. Plus l'explosion estvio lente, plus les cinérites lancées sont abondantes, car celles-ci ne sont que le résultat de la pulvérisation dé la roche par la violence de l'explosif'.

Une foi3, à plus de denx kilomètres du nati>1·e sur la pente est. je fus pris clans un de ces nuages ciné- 1·itiq nes; ces poussières sèches entrent dans les narines et arrôtent la respii·aLion,

Ce charriage éolien a des conséq l!ences curieuses.

Le frottement continu clu sah I e contre les roches anciennes a poli celles-ci el leur donne un brillant superbe. Pat· places, de véritables canat1x out été rongés horizontalement dans les parois verticales.

Depuis 1889 le Stromboli a donué une coulée de lave qui s'accroit lentement dept1is cette date. Au- jourd'hui elle occupe une portion de la pente ouest inclinée à 37°. En raison cle cette inclinaison, des blocs rouges et J'nmants s'en échappent à chac1ue ins- tant et roulent à la mer. A l'oriO'ine de la coulée est t:>

une bouche qui donne perpétuellement des projec- tions. De nuit, cette gerbe permanente de teinte oran- gée offre un spectacle inoubliable.

Le terrain que l'on parcourt dans la zone supérieure est formé de cendres et de blocs plus ou moins gros,

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LE :,;TROîllBOLI H sans cohésion, épars, et d'une couleur noire charbon.

Deux petites vallées se sonl formées enlre le cralère actuel et les parois anciennes : un cone créé par les laves et les pierres rejetées se trnu ve à l'est des bouches et au travers de ses pierres les f'nrnerolles se fonl jout·.

LES CRJ~TES DU CRATÈRE XNCIEN avec 11nage de cinérite~ à u11e exp1o:-:iou.

C'est ün spectacle bien curieux que celui des fume- rolles : avec un bruit sifilant, filtre entre les pierres

un nuage blanc opaque, d'odeur suffocante de gaz chlorhydrique, irrespirable, qui se répan(l dans l'at- mosphère. L'espace duquel ces fumées chaudes s'échappent comprend toute la conlée de lave et une partie du cône central, soit un ovale de 150-200 mè- tres d'axes au sommet.

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12 LE STROMBOLI

Le séjour aux Hbords du cratère était très excitant.

Les difilcultés offertes pour obtenir de bonnes ob- servations amenaient l'esprit à uu degré de tension agréable, c1ui se reflétait clans mon journal de route.

Je me permets d'en extraire ici quelques fragments.

« .2 mars. - :'de voici près du cratère : assis sur (( nne petite Cl'éte de lapilli,je regarde les explosions.

« Le spectacle est si nouveau, si saisissant, que j'ou- (( hlic mon Kodak qui pend avec mélancolie sur mon (( dos. Tout il coup je m'en souviens; vite, vite, clic,

(< clac, clic, elac. l\Iais la douzaine est finie, il faut chan-

(< ger de rouleau. A ce moment une explosion, les

<< pienes volent; par un monvemenl instinctif je lève

<< le bras pour les parer! La bobine s'échappe et roule

<< sur la pente; il faut courir après, ce qui me fait

« manquer deux he1Ies vnes.

<( ... Le vent m'amène les cinél'ites et du gaz

<c chlorhydrique, je suis aveuglé et étouffé un mo-

(( ment ... observations barométl'Î(JUes bonnes ...

« ramassé bombes chaudes ... augite isolée par ac-

<< tion éolienne .... pluie d'orage pendant une heure ...

<< assez pour aujourd'hui, demain je ferai mieux .. '.'

<c 4 mars. - Qnel vent! Quels hurlements! Le ton-

<< nerre des explosions, le bruit de l'avalanche des

« laves coulant clans la mer, le vent qui hurle, et

<c connue hounlonnement sinistre le ressac de la

<( vague, tout cela m'ahurit, m'hébète ... Il faut se te-

<< nir, observer, noter, plwtog1·aphier, lutter contre

<c le sable qui envahit tout, paralyse le Kodak, aveu-

<< gle, cuit les yeux, remplit le cou, la bouche, le nez.

<( Oh! misérable sable, quelles heures tu m'as fait

<r passer, quand chassé en rafales comme la neige de

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LE STROMBOLI 13

<< nos Alpes, tu venais me frapper en pluie pour me

<< forcer à te céder la place! Mais non! je suis resté

<< malgré toi! Je reprends mon poste d'hier. i\lais

c< que vois-je? des paquets de lave chaude, ici; là, la

<< crête sur laquelle j'étais assis, ébréchée, le volcan

<( a tonné cette nuit et la place est peu sùre, mais

<<bah! photographions et récoltons ces pierres que le

<< cratère m'envoie si gentiment. ))

U:-!E EXPLOSIO;;! A TI CR,lTÈRE Projection de8 lHves, le 2 mars 1901.

Bientôt les cendres volent; la lave rouge saute par- tout, c'est grandiose. Vite une vue pom· prendre le mrnge de cinérites; mais le sable sur le1piel je suis s'ébranle, je croule, je me rattrape comme je peux.

Voici une nouvelle explosion. La photo en 8era bonne;

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:l4 LW S1'ROMBOLI

mais, mes mnis, quelle émotion! pierres proje- tées avaient passé autour de nous, notre aeète avait tremblé, il fallait partir, et sur l'heure! il me prend une violente eirde de détaler: alors abandonner l'appareil et le baromètre, les observations seraient perdues! non, je reste: après, une fois tout en ordre, je pourrai partir. Avec quel soin j'ai ajusté, tourné les lu le ba~'omètre, pendant que je surveillais le cratère qui pournit sauter d'un instant à l'autre.

C'est fait. En avant! cl:1ns les pentes de cendres, vite!

vite! tout e, tout croule sous les pas; l'inclinai- son est de 37° et tombe à la mer.

Dans le Grey Valley un tonnerre grandiose pro- jette partout des cendres que le vent m'apporte natn- rellement, le sable chassé m'aveugle, le tapage des explosions est infernal, je ne sais plus où je suis;

cette fois c'est la l'nite, la l'nite sans honte.

Une bombe passe, elle va frappet· le petit col que nous devons franchir, nous sommes sous le feu; cette fois, adieu photo! Derrière, l'on entend : pat pat ...

pata ... ra ... pat ... Ce sont les paquets de lave qui re- tombent. Oh! ce doit être beau! il faut qlle je me retourne, je veux voir 1

Zi ... zi ... hou ... hou ... La fumée hrùl:rnle, les sco- ries légères, tranchantes com1ne le verre brisé, arri- vent chassées pat' le vent. Qnelle cuisson, quelle souffrance que ces aiguilles sur les paupières et dans les yeux ... Adieu photo: c'est fini! non, j'en veux encore une, une, cieux, de cette vallée enrngée de cendres et de lapilli, canonnée par le volcan, où j'ai passé des heures si émouvantes.

C'est pris. Ivfointenant la rell'aite.

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LB! STROMBOLI 15 Le Grev Vallev est ,J ~t loi11 de nous, c'est-à-dire CJUe nous le dominons. Assis snr la crèle supérieure de l'imcien cratère nous , vovo11s <} tourbillonner le sable ' pHis, comme des bouffées d'un fom de l'ùge dn gi·a- nite, le volcan rejetie ses cendres noires en paquets gros comme des nuages, les J'umerolles blanches sif- flent leurs fomées et, impassible. la mer engloutit chaque avafonche.

LES PENTES DG CRA1'ÈRE A'{CIEN, smmm SUD

Vu depuis le Grey Valley.

Comment photographier ce spectacle, ce monde qui se bouleve1·se, qui l'ugit, qui fume et tournbie.

Kodak! tu es impuissant.

Je lève les yeux : quel spectacle! Au nord, la mer écmnante à perte <le vue, au sud, dans u11e mer

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'

16 LE STROMBOLI

de platine, brillante, émergent les ilots de Panaria et BazHnzzo comme des blocs de fer sombre. Quel con- traste de couleurs: le blanc brillant, le noir! Vite nne photo! J'appelle mon Stromboliole: (< - Renda! una scatola! )) (< Subito!>) Il fouille dans le sac. J'at- tends. La rner en vagues troehoîdes lrrnce une lu- mière blanche; au loin un nuage noir, les iles, comme des fantômes, semblent flotter. (< Antonio! aspetto, aspetto! vite, vite nn film.)) ((

è pr'.ù!

Si Signor ! ma! 11011

Un volcan n'est pas toujours en paroxysme, il ne sa1tte pas constamment et souvent lorsque la coulée de Jaye apparaH le signe clu début d'une période pins calme. Au Slrornlioli nous avons une coulée de lave qui ne diminue en l'ien la puissanoe des explo- sions. Les tt·ois cheminées sont voisines, toutes sont pleines de lave à une températu1·e s'élevant à la sur- face à 800° degrés e11viron.

Ce hain de roches i'ondues est en perpétuelle fluc- tuation; des yagues de lave viennenl battre les flancs de la cheminée comme les vagues d'un lac; je pou- vais les di si i ngner pa L' les petits paquets incandes- cents qui sautaient lio1·s de la !Jonche dans les ins- tants d'accalmie.

A quoi sont dues les explosions du cratère:' A mon avis l'hydrogène c1·éé dans la rnche en l'usion, par réaction chimique, aerin, à l'air où il s'allume et, comme l'hyd ne et l'oxygène forment le plus puissant explosif connu, la liwe esl projetée comme la mitraille par la gueule cl'rn1 canon.

D'où vient la lave ? a éié, il y a einqmrnte ans, le sni'et de bien des discussions. lin'" a 1 ,) J1f1S lono·-0

temps mème, des théot·ies enl'anlines ont étè soute-

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LE STROi\lBOLI 17 nues par des hommes sérieux. Mais l'opinion actuelle, certainement irréfutable, est qu'nu volcan n'est c1u'une cheminée pas tl'ès large, faisant tant au tra- vers de la croù te solide du globe, comm1miquer l'at- mosphère aYec les masses centrales qui,. elles, sont à l'état d'ignition.

Un volcan sera au bord de la mer, non pas parce c1ue l'eau est nécessaire à son existence, mais parce que, en ce point, la croùte terrestre présente une zone de moindre résistance ou 11ne cassure. Les éruptions, les explosions, ne sont que l'ébullition de la masse intérieure provoquée pat• des causes de géodynami- crue interne dont la principale est la contraction du noyau terrestre.

Du reste, ces derniers mois seulement, d'ingénieu- ses expériences de 1L Gautier ont éclairé d'un jour nouveau les causes des phénomènes volcaniques et montré <1ue des roches simplement échauffées don- nent assez de gaz pour provoquer des explosions, sans cp1'il soit nécessaire de faire intervenir l'eau de la mer. An Stromboli, la quantité de vapeur d'eau re- jetée est exceRsivement minime, si mème il y en a!

::\fois parlons de l'habitant de cette ile.

Le Stromboliote a le type sicilien : cheveux, yeux, barbe noirs. Les femmes ont un viRage rond et sont hien moins ridées, pour le même àge, que celles du continent. L'homme est plutôt de petite taille. Il est très navigateur et les matelots comprenant l'anglais ne sont pas rares. La pèche et la culture de la vigne sont les seules ressources des insulaires; ceux-ci sont complaisants: souvent l'on m'offrait du vin à mon passage devant les maisons, vin que je n'osais refu- ser, et qui par sa richesse alcoolique (17°), me trou-

î~cHo DES ALPES, - 1901

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LE STROMBOLI

blait les esprits pour nne heure ou deux. On me fai- sait entrer dans la cave, une sorte de magasin, oü les tonneaux, les rames, les filets, le poisson sec, les fragments de bateau, les cordages, étaient mélangés

A SAN VINCENZO

pittoresq11ement. Devant la porte, la population, hom·

mes, femmes, enfants, par familles entières, me re- gardaient boire. Cat' c'est très curieux un (< fores- tiel'e J) qui boit. J'aurais de heaucoup préféeé un verre d'eau ; mais celle-ci est rare. Dans tonte l'ile il n'y a qu'une seule petite source minusctile, à mi-hau- teur du cône. Les maisons ont un toit plat, légère- ment creusé pour recevoir l'eau de pluie qui s'emma- gasine dans une citerne pour servir ensuite aux usa·

ges domestiques. A la sortie de la cave j'étais tou- jours suivi par tous les enfants pouvant marcher. Ils

ne me quittaient plus, souvent je voulus m'en débar- rasser en grimpant des parois de lave abruptes, mais ces gamins-là étaient meille1us varappems que moi, malgré leurs pieds nus et leur petite taille. Mon pio- let les étonnait, et c'était à celui c1ui s·en érigeait le porteur.

Je fis plusieurs excursions dans l'ile, 1rn1i$ celle-ci n'est pas geande et le crat<'\re attire toujoms.

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LE S'l'RmIBOLl

Il n'y a guère de plages, et celle de S1-Vincenzo est noire, conleur de la roche. La vague partout ailleurs vient battre les falaises des coulées de laves anciennes coupée:,; à pic, en sorte qu'une excursion resgemhle en général à une semi- <tYarappée, 11 car la pente généra le dn cone est de 37 à 40°. J'aimais, la nuit, jouir du spectacle sublime que donne le volcan.

COULÉE DE LAVE A LA :MER

La couleur orangée cl'incandescence cle la lave est admirable et les projections font alors un effet fan- tastique.

Dans nos Alpes j'ai vu éboulements de rochers, des séracs hhmcs, des névés, s'abimer dans les pré- cipices. L'avalanche de f'eu du Stromboli m'a fait peut- ètre une impression plus profonde encore. Et puis, la mer, cette mer impassible qui engloutit, absorbe, annihile les résultats de ces tourmentes d'un monde, d'un âge qui pins, de l'àge clu granite et du por- phyre rouge. Basaltes incandescents, coulées gigan-

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20 LE S'l'ROMBOLI

tesr1ues, explosions fornliclahles, qu'êtes-vous à côté de la mer? rien, presque rien. Combien de convulsions vous a-t-il fallu, Stl'Omholi, pour ériger votre cône de 900 mètres? Combien de c:rnonnacles, de hurlements, de sifflements de fumerolles ponr entasser peu à peu, pénible ment, votre édifice constamment battu pat' les vagues. Et si le basalte noir et solide ne venait pas fixer vos tufs et ciné1iles et essayel' de les rendre immortels, vous auriez disparu depuis longtemps dans la mer Tyl'rhénienne, comme lll1 navire qui :-,0111.

hre y disparait pom toujotu·s.

Le petit steamer postal, bimensuel, me ramena à :Messine; j'emportais le souvenir d'un des spectacles les plus étonnants qu'il soit donné à l'homme de contempler, telui d'un volcan en érnption.

A Ibert Bnu~.

Sec.lion genevoise;

EXPLICATION DES PLANCHU:s

Pl, 1. - Une explosion au cratère vue à la distance de 500 mètres environ. Le cratère est à l'altitude de

+

780 mètres. A gauche la mer. La fumée en traînée Je long de la pente indique la position de la coulée de lave permanente.

Pt. Il. Photographie comme I, prise à l'instant qlli suit immé- diatement une explosion, au moment où les paquets de lave proje- tée commeucent à retomber. Quelques secondes plus tard la mon- tagne disparait toute entière dans un nuage impénétrable de cendres, de fumées et de petits lapilli soulevés par l'avalanche.

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PLANCHE I

PLANCHE Il

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