Article original
Le goupi (Goupia glabra Aubl), essence forestière
d’avenir en Guyane : analyse bibliographique
JF Lacoste DY Alexandre
1 Université de Paris XI, laboratoire
d’écologie végétale,
CNRS URA 121, Bât 362, 91405Orsay
Cedex;2ORSTOM, 213 rue
Lafayette,
75480 Paris Cedex 10, France(Reçu
le 21septembre
1990;accepté
le 20 mars1991 )
Résumé — Le
goupi (Goupia glabra Aubl)
est une essence forestièretropicale
à croissancerapide
et aux
caractéristiques
intéressantes. Ilprésente
uneremarquable plasticité
aux conditionsécologi-
ques et notamment aux contraintes
édaphiques.
Grâce à laphysiologie
de sesgraines qui
lui don-nent des
caractéristiques d’espèce pionnière,
legoupi
peut envahirrapidement
les surfaces mises ànu. L’arbre
présente un fût
droit et son bois naturellement résistant convient à demultiples
usages.Les
expériences
conduites enGuyane française
ont montré que ledégagement précoce
dejeunes
recrûs forestiers est une méthode
sylvicole prometteuse
pour obtenir despeuplements
enrichis inté- ressants pourvu que le stock initial de semis naturels soit suffisant.Goupia glabra
/sylviculture
/ enrichissement /écologie
/ forêttropicale
Summary — Kopi (Goupia glabra Aubl),
apromising
timber tree forforestry:
a literature re- view.Kopi (Goupia glabra Aubl)
is a fastgrowing tropical
timber tree withinteresting
features. It ex-hibits a tremendous
versatility
toecological
conditions, andnotably
to soil constraints.Owing
to itsseed
ecophysiology
andpioneer
characteristics,kopi
is able to invade open areasrapidly.
The treepossesses a
straight
bole and its wood, which isnaturally long-lasting,
is suitable for most purposes.The authors suggest an
ecological approach
tosylviculture,
basedmainly
onexperiments
conductedon
secondary regrowth
in French Guiana. Theseexperiments
have shown that theclearing
of theearly
stage of forestregrowth (ie,
the removal of a group of undesirablesecondary species,
eg Ce-cropia
spp, Vismia spp andSolanum spp)
could lead to an enriched forest. It has also been noticed thatkopi planting
could be beneficial for reforestation if economic constraints were not so severe. In this case a nursery ofkopi
would be the mainproblem. Finally,
it is concluded thatearly clearing
is apromising
way ofobtaining
a valuable stand ofsecondary
forestprovided
that the initialregrowth
issufficiently
rich in timber treeseedlings.
Goupia glabra
/sylviculture
/ enrichment /ecology
/tropical
forestINTRODUCTION
Face à la déforestation
rapide
des forêtstropicales
et notamment du massif amazo-nien,
lasylviculture
devient une nécessitéde
plus
enplus pressante.
Pendantlong- temps,
l’effort desforestiers, particulière-
ment en
Afrique francophone,
s’estconcentré sur la
technique
desplantations
en
plein. Malgré
des réussitestechniques incontestables,
cesplantations
très coû-teuses ne
répondent
pas aux besoins éco-nomiques
des pays concernés. On se tourne actuellementdavantage
vers l’amé-lioration des
peuplements
naturels dont larentabilité, compte
tenu des rôlesmultiples
de la
forêt, apparaît plus
sûre sinon meilleure(Leslie, 1987).
Ainsi,
les forêts secondairesplus
oumoins
dégradées qui remplacent
progres- sivement les forêtsprimaires,
renfermentdes
espèces technologiquement
intéres-santes,
qu’une sylviculture adaptée
pour- rait favoriser.Dans les forêts secondarisées en
Guyane,
on rencontreainsi,
pour ne citerque les
espèces
lesplus fréquentes :
labagasse (Bagassa tiliaefolia),
lebourgoni (Inga bourgoni),
le carapa(Carapa spp),
lecopaïa (Jacaranda copaia),
le simarouba(Simarouba amara)
et legoupi (Goupia glabra).
Cette dernièreespèce
est consi-dérée
depuis longtemps
commeparticuliè-
rement intéressante. Des rares travaux
qui
lui ont été
consacrés,
on retiendraparmi
les
plus classiques
ceux de Schulz(1960)
au Surinam
qui
montrent l’excellente ré- ponse del’espèce
aux traitements de dé-gagement.
Les travaux que nous avonsconduits sur le bassin «D» dans le cadre du programme MAB ECEREX
apportent
des données récentes sur lecomporte-
ment de cette
espèce
en conditions natu- relles(Lacoste
etAlexandre, 1989;
La- coste, 1990; Lacoste etAlexandre, 1990).
Nous
présentons
ici unesynthèse
desdonnées
bibliographiques
et de notre ex-périence
sur cette essence.CARACTÈRES GÉNÉRAUX
DEGOUPI,
LEBOIS,
SON COMMERCESystématique -
critères de reconnaissance -
morphologie -
modèle architecturalGoupia glabra
Aubl est connu sous le nomde
goupi
enGuyane française, kopie
auSurinam, cupiuba
ou tento auBrésil, congrio
blanco au Vénézuéla. C’est un trèsgrand
arbreappartenant
à la famille des Celastraceae ouparfois
classé dans unefamille propre : les
Goupiaceae
Miers(cf Willis, 1973),
cequi indique
bien son ca-ractère
particulier.
Aubletqui
décrivit lepremier l’espèce
en 1775 lui attribua deux binômeslatins, aujourd’hui
synonymes :Goupia glabra
décrit sur la forme adulte etGoupia
tomentosa sur la formejuvénile.
En
effet,
les deux stades diffèrentprofon-
dément. La forme adulte a de
petites
feuilles
vernissées, épaisses
et cassantes,tandis que les
jeunes
individusprésentent
des feuilles
plutôt grandes, poilues,
den-tées et à vrai dire très variables pour tous les caractères comme la
couleur, l’épais-
seur ou la forme. Dans tous les cas ce sont des feuilles
simples,
entières(lancéo- lées)
et alternes. Un autre synonyme del’espèce
estGoupia paraensis
Hub(Lemée, 1953).
L’arbre est
sempervirent
maisd’après
Alencar et al
(1979),
il y a unpic
dans lachute de feuilles en saison sèche
(cf infra).
Les fleurs très
petites
sontgroupées
enombelles. Elles sont
hermaphrodites
maison n’a aucune indication sur leur
biologie
reproductrice.
Elles sont d’une couleurjaune-verdâtre,
très discrètes et donc pro- bablementanémophiles.
Le fruit est une
petite
baiesphérique
d’environ 5 mm de
diamètre,
de couleurrouge-orangé
à maturité. Il contient de 5 à 10graines (Prévost, 1983),
voire davan-tage,
mais rarementplus
d’unegraine
viable. Ce sont des
graines arillées,
albu-minées,
trèspetites,
mesurant environ2 mm de
long
et 1 mm delarge
etpesant
environ
1,6
mg.La
plantule
estépigée
au sens de Mi-quel (1987),
de trèspetite
taille(<
3mm)
et
possède
descotylédons
foliacés commebeaucoup d’espèces héliophiles.
En
forêt,
l’arbre se reconnaît biengrâce
à son
port caractéristique
lié à unfeuillage
très clair et à une ramification très angu- leuse. La hauteur de l’arbre
peut dépasser
50 mètres
(Oldeman, 1974)
et le fûtcylin- drique peut
atteindre 25 m de haut et1,20
à1,30
m de diamètre. Il est muni à la base de contrefortsépais
mais peularges
pou- vant s’éleverjusqu’à
2 m. Des racines tra-çantes
sontparfois apparentes jusqu’à
5 mde distance
(Bena, 1960).
L’écorce ru- gueuse est fendillée dans le sens vertical et localement écaillée. Elle est de teintegris-argenté
ougris-rosâtre (Thiel, 1983).
D’après
Rooth(1972),
cette écorcepré-
sente la
particularité
deposséder
de nom-breuses cellules
pierreuses.
Lesjeunes
in-dividus ont un
port caractéristique
«ensapin
de Noël»qui correspond
au modèlearchitectural de Roux
(Hallé
etOldeman, 1970). L’espèce rejette
de souche trèsabondamment et
peut
former descépées.
Les racines sont
endomycorrhiziennes (Bonetti et al, 1983).
Caractères
technologiques,
usages et valeur commerciale du bois
Comparativement
à bien d’autres es- sencestropicales
legoupi
est dans l’en- semble bien conformé : billedroite, longue,
sans nœuds ni cœur creux. L’aubier est peu différencié. Le rendement au
sciage
est de 54%
(Sudam, 1979),
cequi
est bon.Le bois est de couleur brun clair avec
des reflets roses. Il
possède
un fil biendroit,
se travaille facilement etprend
untrès beau
poil qui
le rend propre aux usages de l’ameublement. Le bois fraîche- mentcoupé
a une odeurforte, désagré-
able pour
certains, qui disparaît
ous’atté-
nue au
séchage.
La densité sèche à l’air(12% d’humidité)
est de0,85 (Bena, 1960).
Le bois
possède
une bonne cohésiontransversale et un faible retrait. Sa struc- ture a été étudiée par
Araujo
et Filho(1973)
ainsi que par Detienneet al (1982).
Il résiste naturellement à la
pourriture
etaux
termites,
cequi
le destine aux usages de menuiserie et decharpentes
exté-rieures y
compris
en milieu marin(pon- tons).
Les
populations
tribales deGuyane
utili-sent le
goupi
pour la confection des co- ques despirogues.
Notonségalement
quel’écorce a des
propriétés analgésiques
couramment utilisées par ces
populations
pour combattre les maux de dent
(Gre-
nand
et al, 1987).
En raison de son abondance et pour toutes ses
propriétés,
legoupi
tient uneplace importante
sur le marchérégional
dubois. C’est la sixième essence de
Guyane (Détienne
etal, 1990)
et lapremière
duSurinam
(Vink, 1977).
AuBrésil,
il est unedes
principales
essences commerciales de l’état du Para(Dubois 1978,
in Rollet1983).
CARACTÈRES ÉCOLOGIQUES
DU GOUPI : DYNAMIQUE EN
FORÊT
GUYANAISERépartition géographique
L’aire
géographique
dugoupi
recouvrel’ensemble de la
région
desGuyanes,
dela Colombie et du Vénézuéla
jusqu’au
Bré-sil
(Béna, 1960)
et s’étendrait même enAmazonie
jusqu’aux
contreforts des Andes selon Hallé(comm pers).
Lescure(1986) indique
que dans larégion
de Trois-Sautsau sud de la
Guyane,
legoupi
est l’arbrequi
domine la forêt. Dans larégion
deCurua Una au
Brésil,
selon Rollet(1983),
c’est la seconde
espèce
enfréquence
pour les arbres de
plus
de 60 cm de dia-mètre. Au
Surinam,
legoupi
forme despeuplements quasi monospécifiques (Schulz, 1960).
En
Guyane française,
legoupi
est ac-tuellement totalement absent de «l’île» de
Cayenne
où selon Aublet ou Lemée(loc cit)
il étaitjadis présent.
C’estprobable-
ment là le résultat d’une secondarisation excessive du milieu.
Structure de
population
D’après
Schulz(1960),
la distribution dia- mètrale dugoupi
en forêtprimaire
au Suri-nam montre souvent un déficit
marqué
dans les classes de
petits
et/ou moyens diamètres. EnGuyane,
Gazel(1982)
sou-ligne également
le déficit en forêtprimaire
destiges
de 30 cm de diamètres(fig 1).
Ce
type
dedistribution, qui
ne traduit pasun
problème d’échantillonnage,
est carac-téristique
au contraire desespèces
forte-ment
héliophiles (voir
aussiRollet,
1969 et1983).
Legoupi
est en effet uneespèce qui
nerégénère
que dans les trouées.La distribution
erratique
ou très étalée desfréquences
au-dessus de 30 cm de diamètreindique
que la mortalité des indi- vidusqui
se maintiennent enpleine
lu- mière est faiblejusqu’à
unâge
avancé. Lamortalité dans les
jeunes
stades est en re-vanche
élevée,
elle atteint parexemple 21,3%
par an entre5,5
et 7 ans dans unrecrû du
dispositif ECEREX,
le bassin «D»(Lacoste, 1990).
Cela traduit les consé- quences de la fortecompétition
avec lesespèces pionnières
à vie courte et crois-sance très
rapide (eg Cecropia spp).
Phénologie
La
phénologie
n’est pas bien connue. Lespériodes
defloraison,
de fructification oude chute des feuilles varient dans la littéra- ture selon les auteurs et les sites d’obser- vation
(Bena, 1960;
Alencar etal, 1979;
Ayphassorho, 1984; Sabatier, 1983; etc).
En
fait,
aupetit
nombre d’individus suivis(généralement
inférieur à10)
et à la duréedifférente des
études, s’ajoute
lagrande
variabilité annuelle des conditions climati- ques. Ces facteurs ne rendent
compte qu’en partie
au moins des variations des donnéesdisponibles. Ainsi,
bien que legoupi puisse présenter
un maximum de floraison et de défoliaison en saisonsèche,
lagrande
variabilité des donnéespubliées apparaît
bien réelle. Eneffet, d’après
nosobservations,
iln’y
a pas desynchronisme
entre les divers individus d’unepopulation
et onpeut
même obser-ver différents stades
phénologiques
ausein d’un seul
houppier.
Au
total,
la floraison et parconséquent
la fructification sont étalées sur l’ensemble de l’année
(fig 2).
Dispersion
Les fruits sont consommés par de nom-
breuses
espèces
d’oiseaux dontcertains,
surtout lespetits,
sont connus pour être de bons disséminateurs degraines (cf
ta-bleau I ex
Lacoste, 1990,
p33).
Graines dans le sol
Les
graines
semblentposséder
une dor-mance de
type photolabile.
Cetype
de dor-mance
qui empêche
lagermination
tantque le couvert reste continu
permet
auxgraines
de s’accumuler dans le sol et dene germer que dans les ouvertures. C’est
un caractère
d’espèce pionnière (Alexandre, 1989).
Laprésence
degraines
de
goupi
dans le sol de la forêtprimaire
a étésupposé
dès 1960 par Schulz et véri- fiéeexpérimentalement
par Prévost(1981 ).
Germination
La durée de
germination
est de 30 à 40jours (Sudam, 1979).
En conditions natu-relles,
elle s’observepréférentiellement
làoù le sol est remué
(Rollet, 1983).
Schulz(1960),
Pereira et Pedroso(1972)
etd’autres notent que la
régénération
natu-relle est excellente. La densité de semis
peut
en effet être localement très élevée.Elle est en moyenne de 1 individu par
m 2 (soit
10 000 parha)
dans larégion
d’Ece-rex en
Guyane (Prévost, 1981).
Écophysiologie
et croissancedes
jeunes
stadesL’écophysiologie
del’espèce
est encoretrès mal connue. Les feuilles sont
hyposto- matiques
etprésentent
des densités sto-matiques
de 500/m2. Les stomates ont unelongueur
de 18 μm. Le limbe desjeunes
feuilles atteint en moyenne 14 cm delong
et une surface deplus
de 40cm 2 (Rollet (1969)
cite pour des feuilles adultesune valeur moyenne de
24,3 cm 2 ),
tandisque son
épaisseur
moyenne est de160 μm.
La massesurfacique augmente
avec
l’âge
et l’ensoleillement. Nous avonsmesuré sur des individus de 7 ans des va-
leurs extrêmes de 38
g/m 2
pour des feuilles de sous-bois àplus
de 120g/m 2
pour des feuilles de la
voûte,
cequi
estproche
des caractères de feuille adulte.Sur le
plan expérimental,
Colin(1989)
montre que la
régulation stomatique
est très sensible au déficit de saturation de l’air mêmelorsque
l’alimentationhydrique
est satisfaisante. Selon Alexandre
(1991), l’espèce
se montre tolérante au déficithy- drique :
elletranspire
en saison sèche mal-gré
un bilan déficitaire. Larégulation
sto-matique
estprogressive
à mesure que le déficithydrique s’accentue,
et bien que la teneur en eau des feuillespuisse
s’abais-ser
fortement,
on n’observe aucune lésionphysiologique (tableau II).
Le caractère dominant de
l’espèce
estsans doute son étonnante
plasticité
à la lu-mière comme l’ont bien montré Alencar et
Araujo (1980). L’espèce
est en effet hélio-phile,
mais si elle pousse mieux enplein soleil,
ellepeut supporter
desombrages
très denses. Lacoste
(1990)
montre sur lebassin «D» à Ecerex l’excellente
réponse
de
l’espèce (croissance
fortement stimu-lée,
mortalité diminuée d’un facteur3,1)
àune mise en lumière modérée
précoce (cf infra).
La croissance en hauteur est très va-
riable.
À Ecerex,
en milieu ouvert, nousavons mesuré des croissances maximales
supérieures
à trois mètres par anpendant
lespremières
années.La croissance en diamètre est
égale-
ment très variable. Sur le bassin «I» d’Ece- rex, très
éclairci,
nous avons mesuré unecroissance moyenne en diamètre sur
2,5
ans de
0,8
±0,1
cm par an. Sur le mêmebassin,
le maximum observé est de2,72
cm par an à 8 ans. Sur la bassin
«D», plus
dense que le bassin«I»,
Lacoste(1990)
observe dans un recrû de
1,5
ans une croissance moyenne en circonférence de 2,8 cm/an lapremière
annéeaprès
un trai-tement de
dégagement
sélectifléger,
alorsqu’elle
n’est que de 1,0 cm/an en zone té- moin(fig 3).
La troisième annéeaprès
dé-gagement,
la croissance moyen-ne enzone
dégagée
n’estplus
que de1,4
cm/an.Après
trois ans, la refermeture du couvert fait que lamajorité
destiges
nepoussent plus;
les maximums observés restent ce-pendant importants
avec6,0
cmaprès quatre
ans et encore2,0
cmaprès 5,5
ans(fig 4).
Dans une
plantation
de 11 ans au Bré-sil,
Pedroso et Pereira(1971)
observentune hauteur totale moyenne de
15,4
m pour un diamètre moyen de15,5
cm. Laproduction
en volume sur cettepériode
at-teint 30
m 3 /ha
par an. Laproduction
moyenne à 15 ans de cette
plantation
reste
supérieure
à 16m 3 /ha
par an(Sudam, 1979),
cequi
reste tout à fait considérable.Des
expériences
enpots
sous serres(Bariteau
etal, 1990)
montrent que la croissance en diamètre et en hauteur dugoupi
est meilleure sous 25% d’éclaire-ment relatif que sous des éclairements su-
périeurs
ou inférieurs. Ces résultats sont difficilement conciliables avec les meilleures croissances observées in situ dans les situations lesplus dégagées.
Si letempérament plastique généralement
re-connu au
goupi peut
rendrecompte
de cesvariations,
le conditionnement enpot
etsous ombrière entraîne aussi
peut-être
desmodifications du
comportement
de l’es-pèce (problème
demycorrhization,
confi-nement des
racines...). La généralisation
des résultats de ces
expériences
auxconditions naturelles doit donc être très
prudente.
Croissance des adultes
À l’âge adulte,
la croissance dugoupi
resteextrêmement variable comme l’a bien mon-
tré Schulz
(1960).
Le maximum observé par cet auteur atteint2,5
cm de circonfé-rence par an, la moyenne se situant entre
1,0
et1,5
cm par an.En
Guyane française,
Gazel(1983)
me-sure dans les
parcelles
duBafog
une croissance en diamètre moyenne«soutenue» de 5 à 8 mm/an selon les par-
celles,
avec des maximumsatteignant
12à 15 mm.
À
titre decomparaison,
les va-leurs citées par cet auteur dans les
mêmes conditions pour
l’angélique (Dicory-
nia
guianensis Caesalpiniacées)
et le gon- folo(Qualea
roseaVochysiacées),
es-pèces réputées productives,
sontrespectivement
de 6 et 7mm/an,
avec desmaximums
identiques.
Lesperformances
du
goupi apparaissent
ainsi commebonnes et
justifient
tout l’intérêt que l’on doitporter
à cetteespèce.
Exigences édaphiques
L’espèce
estégalement
trèsplastique
àl’égard
du sol. Aubreville(1961) indique qu’on
la rencontre sur des solsplutôt
fraiset
lourds,
tandis que Béna(1960)
la si-gnale
surtout sur des terrains sableux et biendrainés,
mais ces auteurs ne donnentpas de
précision
sur les données utilisées.Cependant,
Loureiro et Silva(1968) signa-
lent bien
qu’on
la trouve indifféremmentsur ces deux
types
de substrats. Nos propres observations sur lespremiers
stades de la
régénération
ont montré que lescapacités
de croissance del’espèce
n’étaient pas affectées par des conditions de
drainage
très contrastées(Lacoste, 1990;
Lacoste etAlexandre, 1990).
Desobservations
préliminaires
sur lesystème
radiculaire ont en effet montré que l’es-
pèce
franchit aisément la barrièrephysi-
que de
drainage
rencontrée dans les solsguyanais (Alexandre, 1988).
Alors que ces derniers sont ainsiphysiquement
trèscontraignants (Boulet, 1978),
cette carac-téristique
fait dugoupi
uneespèce
bienadaptée
aux contraintes locales.Sylviculture
et avenir dugoupi
En zone
tropicale humide,
lacomplexité
del’écosystème
forestier rend difficile la miseau
point
de méthodessylvicoles perfor-
mantes. De nombreuses études
expéri-
mentales sont en cours
(notamment
enGuyane) qui
visent à une meilleuregestion
de la forêt naturelle au bénéfice des es- sences
précieuses.
Letempérament
deces dernières ne
permet
bien souvent quel’application
de méthodes extensives. Il ap-paraît cependant qu’une sylviculture
inten-sive
peut
êtredéveloppée
auprofit
des es-sences
héliophiles
de valeur. Legoupi
enest une.
Toutefois,
les étudesqui
lui ontété
consacrées,
n’ont pas encore conduit àune véritable méthode
sylvicole
la concer-nant. Les
paragraphes précédents permet-
tent de
dégager
des élémentsqui
pour- raient être à la base d’unesylviculture
dugoupi
etplus largement
desespèces
se-condaires tardives
(au
sens deBudowski,
1965).
S’il existe desarguments
en faveurde la
régénération
artificielle de cette es-pèce,
c’est en revanche larégénération
naturelle
qui correspondrait
le mieux auxobjectifs
de valorisation des formations se-condaires et aux
potentialités
del’espèce.
C’est donc ce
premier point
que nous aborderons tout d’abord.De par ses
caractéristiques d’espèce pionnière,
larégénération
dugoupi
n’inter-vient que dans les trouées
(chablis
ou ex-ploitation forestière)
ou les coupes rases.C’est alors le
degré
deperturbation
de laforêt initiale
qui
détermine l’abondance des semis. Celle-ci estgrande (mais dépend
du nombre de semencier
initiaux)
dans lesrecrûs
après
coupe de la forêtprimaire,
mais elle décroît
rapidement quand
la se- condarisation despeuplements
dedépart augmente.
Onpeut
ainsienvisager,
comme le
suggère
Rollet(1983),
de con-server des semenciers d’essence hélio-
philes
dans lespeuplements
soumis à l’ex-ploitation
pour maintenir unepression
decolonisation de ces
espèces.
La très forte mortalité due à la
compéti-
tion dans les très
jeunes
stades et les po- tentialités de forte croissancejuvénile
dans de bonnes conditions
imposent
uneintervention
sylvicole rapide
dans les re-crûs de manière à
préserver
l’avenir de larégénération.
Nos essais conduits à Ece-rex montrent que la valeur
sylvicole
des recrûs forestiers naturelspeut
ainsi facile- ment être améliorée par undégagement précoce
des individus desespèces
inté-ressantes. L’intervention
sylvicole
consiste ici àsupprimer,
en une seule fois par abat-tage,
dans un recrû(issu
de coupe pape-tière)
de1,5
an lesespèces pionnières
lesplus compétitives
et sans valeur commer-ciale actuelle
(ie, Cecropia
spp, Vismia spp et Solanumspp).
Les résultats indi-quent
que cette intervention a un effet po- sitif durable tant sur la croissance dugoupi qui
est stimulée que sur la mortalitéqui
est fortement diminuée.Ici,
la faible intensité dudégagement
aégalement
eu pour effetde ne pas provoquer la
prolifération
deslianes, toujours
à craindre dans cetype
demilieu et de contribuer efficacement à l’éducation des
tiges
en favorisant l’éla- gage.Ces résultats
tangibles
montrent tout l’intérêt du modèlesylvicole proposé.
Lesétudes
déjà évoquées portant
sur lespla-
ceaux de
Bafog (Gazel, 1983) suggèrent qu’il
trouverait deplus
un excellentchamp d’application
dans lesgrandes
trouéesconsécutives à
l’exploitation
forestière. Lesexpérimentations
àpoursuivre
dans ce do-maine devraient donc s’attacher à
préciser
le nombre et l’intensité
optimale
des traite- ments dedégagement
à réaliser et donc les coûts. Dans cetteoptique,
il faudrait aussi déterminer la densité de semis d’es-sences de valeurs en dessous de
laquelle
l’intervention
sylvicole
n’est pasapplicable.
On
peut
aussienvisager
unesylvicul-
ture basée sur les
techniques
de larégé-
nération artificielle.
À
cetitre,
la bonneadaptation
dugoupi
aux contraintespédo- logiques
locales rendl’espèce particulière-
ment intéressante. La très forte
productivi-
té de cette
espèce
enplantation,
révéléepar des études
expérimentales (Pedroso
et
Pereira, 1971; Sudam, 1979)
est unatout
supplémentaire. Cependant,
cesétudes
expérimentales
n’ont pasété,
ànotre
connaissance,
suivies d’essais envraie
grandeur. À
ceniveau,
lagrande
diffi-culté est en fait l’obtention des
graines
pour les semis en
pépinière.
Eneffet,
laconsommation des fruits mûrs par les oi- seaux, la
petite
taille des fruits et lagrande
taille des semenciers sont autant d’obs- tacles à la récolte de
graines
enquantité
suffisante. On
peut
alorsenvisager
la créa-tion de vergers semenciers avec des
porte-graines greffés
ou latechnique
dubouturage
ou tout autreprocédé
de multi-plication végétative.
Nos essaisprélimi-
naires ont mis en évidence la difficulté du
bouturage,
mais aussi les bonnespotentia-
lités du
marcottage (non publié).
Un
problème
à ne pasnégliger
enplan-
tation est celui des
attaques
de ravageurs.Le
goupi
est très sensible àl’attaque
desfourmis
champignonistes (Foggie, 1960;
Foresta, 1983) qui,
si elle n’est pas létale pourl’espèce, peut compromettre
ou toutau moins ralentir la croissance des
jeunes
individus.
En
plantation,
enplein découvert,
onpeut également
craindre la mauvaise conformation dessujets
due à la mort del’apex.
Celle-ci est en effetfréquente
dansces conditions et est suivie de la formation de
tiges multiples.
Nous avons observé surle bassin «I»
Ecerex,
en conditions natu-relles, qu’en fait,
une sélectionspontanée
et
rapide s’opère qui
élimine les brins sur-numéraires et restitue une bonne confor- mation à la
tige.
Cependant,
les critères de rentabilitééconomique
sontaujourd’hui davantage
enfaveur de la
régénération
naturelle(Leslie,
op
cit).
LaGuyane,
où les coûts de main- d’œuvre sontélevés, n’échappe
pas à ce constat. De sorte que même si les pro- blèmestechniques qu’elle
pose ne sont pasinsurmontables,
larégénération
artifi-cielle de cette
espèce
n’a que peu d’avenir actuellement dans ledépartement.
En re-vanche,
le modèlesylvicole
que nous pro- posons nécessite peu d’intrants. Ils’intègre
dans le cadre d’une meilleure
gestion
desrégénérations
naturelles et vise à l’obten- tion d’uneaugmentation
deproduction
desessences
héliophiles
de valeur.Or,
on saitque la valeur d’une essence forestière re-
pose autant sur les
propriétés
de son boisque sur la
quantité
et larégularité
de saproduction.
Ces derniersaugmentant,
onpeut
penser que laplace
dugoupi
sur lemarché international du bois
augmentera
dans le même sens.CONCLUSION
Le
goupi apparaît
comme uneespèce
degrande
valeursylvicole.
Elle réunit en effetde nombreuses
particularités
intéres-santes, notamment :
- une
plasticité écologique importante
per- mettent salarge répartition;
- une excellente
adaptation
aux solscontraignants
rencontrés enAmazonie;
- une
aptitude
à envahirprécocement
leszones ouvertes. Le caractère d’essence
pionnière
étant lié àl’écophysiologie
desgraines;
- une
héliophilie marquée qui
laprédis-
pose à une
sylviculture semi-intensive;
- une croissance très
rapide
dans debonnes
conditions;
- une conformation
potentiellement
favo-rable;
- enfin et surtout, un bois aux très
grandes qualités technologiques malgré
une odeurqui peut exiger
desprécautions
de mise enœuvre.
Cette
espèce présente
l’inconvénientprincipal
d’être insuffisamment connue endehors du marché local.
La
grande
variabilitéécologique
rencon-trée en forêt
peut
certesapparaître
commeun obstacle au
développement
immédiatde sa
sylviculture
mais elle constitue enfait un atout pour l’avenir en rendant pos- sible une sélection
rapide
d’individus per- formants.Les résultats que nous avons obtenus montrent d’autre
part
que cetteespèce peut
être utilisée dans un modèlesimple
de
sylviculture
pour valoriser les forma- tions secondaires etparticiper
ainsi à unemeilleure
gestion
des forêtstropicales.
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