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Projet REMUER - REseaux thermiques MUlti-ressources Efficients et Renouvelables : des opportunités pour augmenter l'efficience énergétique et la pénétration du renouvelable dans le système
énergétique ?
FAESSLER, Jérôme, et al. & Services Industriels de Genève
Abstract
De nombreux exemples montrent que les réseaux thermiques permettent une valorisation intensive de ressources renouvelables comme la géothermie, la biomasse, le solaire ou les chaleurs fatales. A Genève, un grand intérêt est porté aux réseaux thermiques, que ce soit par le Canton, les SIG ou l'Université. Le projet présenté, inscrit dans ce cadre, pourrait contribuer à développer au niveau régional, voir national, des compétences sur l'efficacité énergétique, ceci : - aussi bien pour la filière thermique qu'électrique ; - en prenant en compte les synergies et les conflits entre ces deux filières ; - et sans favoriser l'approche par l'offre ou par la demande (concept de «both side management», BSM). Ce projet est composé de deux grandes parties : 1. deux retours d'expérience sur des projets pilotés par SIG, l'un sur la liaison entre deux grands réseaux (l'un fossile, l'autre chaleur « fatale »), l'autre sur le développement d'un réseau local avec intégration du renouvelable ; 2. des analyses transversales de thématiques plus larges, touchant des aspects techniques, financiers, de gestion, [...]
FAESSLER, Jérôme, et al. & Services Industriels de Genève. Projet REMUER - REseaux thermiques MUlti-ressources Efficients et Renouvelables : des opportunités pour augmenter l'efficience énergétique et la pénétration du renouvelable dans le système énergétique ?. Genève : Services Industriels de Genève, 2012, 27 p.
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:78921
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Projet REMUER
REseaux thermiques MUlti‐ressources Efficients et Renouvelables
des opportunités pour augmenter l’efficience énergétique et la pénétration du renouvelable dans le système énergétique ?
Projet basé sur deux retours d’expérience
Jérôme FAESSLER, Pierre HOLLMULLER, Bernard LACHAL et Loïc QUIQUEREZ (UNIGE)
Michel MONNARD et Gilles GARAZI (SIG)
Avec la collaboration de Daniel CABRERA, Carolina FRAGA, Jad KHOURY et Floriane MERMOUD (UNIGE)
décembre 2012
Réalisé dans le cadre du Partenariat SIG – UNIGE Contrat spécifique « ExpTherm »
Responsable UNIGE : B. Lachal Responsable SIG : M. Monnard
Groupe Energie
Institut Forel / Institut des Science de l’Environnement Site Battelle ‐ Bat D ‐ 7 route de Drize ‐ CH 1227 Carouge
www.unige.ch/energie
Sommaire
1. Problématique ... 3
2. Intégration au plan d’action de la recherche énergétique suisse ... 4
3. Objectifs du projet REMUER ... 5
4. Réseaux thermiques : contextes européens, suisses et genevois ... 6
Europe ... 6
Suisse ... 11
Genève... 14
Agglomération franco‐valdo‐genevoise ou Grand Genève ... 18
5. Les questionnements clés du projet REMUER ... 19
Point 1 : Gestion de l’offre et de la demande (BSM ou « Both Side Management ») ... 19
Point 2 : Modèles économiques du financement du développement des réseaux thermiques : 19 Point 3 : Synergies et conflits entre les réseaux thermiques et électriques ... 20
6. Méthode pour le projet REMUER ... 21
7. Compétences interdisciplinaires du groupe énergie Forel ... 22
8. Aspects financiers et temporels du projet REMUER ... 24
9. Conclusions ... 25
Bibliographie ... 26
Annexes ... 27
Cadre général de l’étude
Cette étude est effectuée dans le cadre du Partenariat établi entre les Services Industriels de Genève (SIG) et l’Université de Genève (UNIGE), dont l’objectif est de renforcer la collaboration entre les deux partenaires pour le développement de la filière académique dans le domaine de l’énergie, tout en permettant à SIG de bénéficier de prestations d’expertise, de recherche et de conseils de UNIGE, notamment dans les domaines de l’efficience énergétique et de la production et distribution d’énergie.
1. Problématique
Deux constats peuvent être faits au niveau suisse :
1. Les enjeux des usages thermiques (versus électriques) sont sous‐estimés par rapport à leur importance dans le système énergétique (env. 50% versus 25%) ;
2. A l’inverse de quelques pays européens (par exemple Danemark, Suède, Allemagne, Lituanie), l’intérêt pour la recherche sur les réseaux thermiques reste modéré et un faible développement local de ceux‐ci est observé.
Dans la suite de ce document, deux hypothèses sont considérées comme largement admises : d’une part, l’efficacité énergétique globale du système doit être améliorée et, d’autre part, l’utilisation des ressources renouvelables doit être augmentée.
Dans ce cadre, on peut citer plusieurs atouts qu’ont les réseaux thermiques :
Du côté des ressources, la possibilité de valoriser une partie des nombreuses chaleurs
« fatales » existantes sur le territoire (y compris celles des CCF) et d’intégrer une part significative des ressources renouvelables dans le mix énergétique ;
Au niveau du réseau, une grande flexibilité d’usages avec l’opportunité de stocker de grandes quantités de chaleur (effet de taille) permettant d’écrêter les pointes de demande ;
Du côté de la valorisation, la chance de pouvoir gérer de manière intégrée les températures de chauffage et de substituer des prestations électriques (machine de froid, lave‐vaisselle, machines à laver, etc…).
En revanche, la question centrale d’éventuels conflits avec les investissements pour la rénovation thermique ne peut être éludée et doit être considérée avec la plus grande attention. En effet, au vu des lourds investissements à consentir dans la rénovation des bâtiments (actions sur la demande), sera‐t‐il possible et/ou souhaitable de développer en parallèle des réseaux thermiques (action sur l’offre) ?
Sachant que les réseaux sont très capitalistiques et qu’ils ont besoin d’une densité minimale pour être rentables, existe‐t‐il des modèles de développement coordonné afin de rendre les investissements dans le domaine de l’énergie les plus efficaces possible ?
Enfin, de manière plus générale sur les réseaux thermiques, les questionnements suivants paraissent fondamentaux :
Quels rôles peuvent‐ils jouer pour favoriser l’efficacité énergétique et le développement du renouvelable (complémentarité entre les ressources, mutualisation des besoins) ?
Quelles formes devront‐ils prendre à l’avenir (niveaux de température, densité de la demande, prestations chaud et/ou froid) et comment vont évoluer les réseaux existants ?
Quelles gestions nécessitent‐ils pour permettre leur développement (organisation, économicité, contraintes législatives, aspects politiques, synergies avec les réseaux électrique et gaz) ?
2. Intégration au plan d’action de la recherche énergétique suisse
Au niveau suisse, les nouvelles perspectives énergétiques 2050 (Conseil Fédéral, 2012a) et son premier paquet de mesures (OFEN, 2012a), actuellement en phase de consultation politique, listent de très nombreux points à mettre en œuvre. En complémentarité, un plan d’action pour la recherche énergétique en suisse a été élaboré (Conseil Fédéral, 2012b). Il prévoit la création de sept pôles de compétences interuniversitaires d’ici 2020 dans les champs d’action suivants :
1. efficacité énergétique ;
2. réseaux et composants, systèmes énergétiques ; 3. stockage ;
4. mise à disposition de courant ;
5. économie, environnement, droit, comportements ;
6. concepts, processus et composants efficaces dans la mobilité ; 7. biomasse.
Il est prévu de créer 30 nouveaux groupes de recherche avec autant de professeur à la clé, dont une douzaine dans les Universités. Un programme d’encouragement « énergie » sera coordonné par la commission pour la technologie et l’innovation (CTI) et le fond national suisse de la recherche scientifique (FNS) afin de mettre en place et exploiter les pôles de compétence. En plus, des projets de recherche innovants seront mis au concours dès 2013 avec une volonté des autorités de faire participer les entreprises et les institutions universitaires au cofinancement de ces projets.
Au niveau de l’Université de Genève (UNIGE), le groupe énergie (issu du Centre Universitaire d’Etude des Problèmes de l’Energie ‐ CUEPE) rattaché désormais à l’institut Forel et à l’institut des sciences de l’environnement (ISE) réalise des recherches interdisciplinaires sur les systèmes et filières énergétiques, dans une perspective de maîtrise de la demande, d’amélioration de l’efficacité énergétique et d’intégration des énergies renouvelables. La spécificité du groupe consiste en une approche par problèmes fondée sur des retours d’expérience de projets et de programmes innovants. Depuis trente ans, il a ainsi constitué une base de connaissances des pratiques et des réalités dans le domaine énergétique.
En complément, un poste de professeur en efficience énergétique, financé par les SIG, sera attribué début 2013 avec comme objectif de développer des thèmes tels que les « implications technologiques de l’efficacité des systèmes énergétiques, les politiques de l’énergie, la manière de mettre en œuvre de nouvelles stratégies énergétiques, et comment se diriger vers une société à basse consommation d’énergie ».
Enfin, le processus engagé par ce projet de recherche nourrira les réflexions engagées aussi bien par les SIG que le canton sur les moyens les plus pertinents à mettre en place pour optimiser le système énergétique dans son entier.
Il s’agit donc là d’une opportunité exceptionnelle de développer des compétences sur l’efficacité énergétique au niveau régional et national, ceci :
aussi bien pour la filière thermique qu’électrique ;
en prenant en compte les synergies et les conflits entre ces deux filières ;
et sans favoriser l’approche par l’offre ou par la demande (concept de « both side
management », BSM).
3. Objectifs du projet REMUER
Dans le cadre du partenariat de l’UNIGE avec SIG, l’idée de ce projet est d’une part de traiter deux études de cas et d’autre part d’initier une réflexion plus transversale à partir de ces retours d’expérience, des travaux antérieurs du groupe énergie et des meilleures pratiques dans le domaine des réseaux thermiques.
Les deux études de cas (intitulées « Laurana‐Parc » et « CADIOM‐CAD Lignon ») sont détaillées dans les annexes 1 et 2 :
1. L’une correspond à l’intégration du renouvelable dans un CAD de quartier en phase de développement, avec des questions autant techniques (relation puissance/énergie entre pac géothermique et chaudière gaz, impacts sur la consommation électrique), économiques (répartition des coûts fixes et variables, intérêts du contracting énergétique), qu’organisationnelles (relations entre producteurs et gestionnaires d’énergie, relations entre propriétaires et locataires).
2. L’autre correspond à la création d’une connexion entre un réseau alimenté au gaz (100%
fossile) et un réseau alimenté par une usine d’incinération (100% chaleur fatale), connexion qui va permettre de mieux valoriser la chaleur fatale aujourd’hui déversée dans le Rhône. De nombreuses questions restent ouvertes non seulement sur les périodes réelles de connexion physique de ces réseaux, mais également sur les aspects économiques et organisationnels.
Ces deux études de cas devront nourrir une réflexion plus large qui permettrait une analyse :
Des données nationales et internationales pour une comparaison ;
Des synergies et des conflits potentiels entre les filières thermiques et électriques ;
Des synergies et des conflits potentiels entre les économies d’énergie et le développement des réseaux thermiques et/ou de gaz ;
Des évaluations des modèles de financement pour un développement coordonné afin de rendre les investissements dans le domaine de l’énergie le plus efficace possible.
Soulignons que l’appel à projet de la confédération qui se déroulera en 2013 est le lieu idéal pour ce type de projet, avec l’objectif de construire des équipes sur le long terme et trois types de contributions attendues pour le financement : Universités (> 20%), privés, par exemple SIG (> 20%) et Confédération (< 60%).
4. Réseaux thermiques : contextes européens, suisses et genevois
Europe
Plusieurs projets de recherche européens ont eu lieu ces dernières années sur les réseaux thermiques, par exemple EcoHeatCool (http://www.euroheat.org/files/filer/ecoheatcool/
project.htm) qui concerne notamment les gisements globaux ou EcoHeat4 (http://www.ecoheat4.eu) sur les différentes politiques législatives d’une douzaine de pays européen. Les données suisses sont intégrées au premier projet EcoHeatCool. Un symposium bisannuel sur les réseaux thermiques (http://www.dhc13.dk/) permet aux scientifiques et aux industriels de débattre des nouveautés et des innovations dans ce domaine.
Au niveau européen (32 pays), l’analyse des statistiques globales de 2003 montre une perte globale de plus de 50% d’énergie entre l’énergie primaire et l’énergie utile (Figure 1) :
Figure 1 : énergie primaire, finale et utile de 32 pays européen (yc Suisse) – année 2003 – en EJ (1 EJ = 278 TWh ≈ consommation finale de la suisse) – (Werner, 2007)
La part de marché des réseaux thermiques selon l’énergie finale étaient de 6% en 2003. Les principaux résultats montrent des gisements bruts très élevés (notamment dans la récupération des productions centralisées d’électricité ou dans la géothermie), et des gisements encore mobilisables de l’ordre d’un triplement de l’actuel (soit 6,8 EJ/an en plus des ventes actuelles d’environ 1.5 à 2 EJ/an). Surtout, la mobilisation d’une partie de ces gisements permettrait d’améliorer l’efficacité du système énergétique tout en intégrant des ressources renouvelables (Werner, 2007).
Les statistiques peuvent parfois être sujettes à débat et ne sont pas toujours très détaillées selon les pays. Un effort d’agrégation, de compatibilité et de comparabilité est en cours au niveau européen. Il existe par exemple aujourd’hui la statistique des citoyens raccordés à un réseau de chaleur urbain qui n’inclut donc pas les ventes de chaleur aux industries et au tertiaire (Figure 2) :
Figure 2: habitants raccordés à un chauffage à distance selon différents pays européens (Source : http://www.euroheat.org/Comparison‐164.aspx)
On constate dans cette figure une grande disparité des citoyens connectés à un réseau thermique, avec certains pays comme le Danemark ou la Lituanie qui en ont plus de 50% tandis que des pays tels que la France ou l’Allemagne n’ont que 6 à 12%. La valeur pour la Suisse n’est à notre connaissance pas connue exactement aujourd’hui mais se situerait plutôt aux alentours de celle de la France.
Actuellement, la feuille de route du développement du mix énergétique de l’UE pour 2050 (Energy Roadmap 2050 : http://ec.europa.eu/energy/energy2020/roadmap/index_en.htm) définit les principaux objectifs de la commissions européenne en matière d’énergie, notamment la décarbonisation du système énergétique, le développement du renouvelable et l’efficacité énergétique.
Cette feuille de route insiste beaucoup sur la production d’électricité à l’aide des renouvelables, les enjeux liés aux réseaux électriques et les futures possibilités de stockage d’énergie électrique. En revanche, il n’y a aucune explicitation mettant en avant les réseaux thermiques comme un instrument d’efficacité et d’intégration du renouvelable dans le mix énergétique.
Les associations faitières des réseaux thermiques (EuroHeatPower, http://www.euroheat.org/) tentent de peser dans le débat européen à travers une stratégie intégrant les réseaux thermiques comme élément clé d’une plus grande efficacité et d’une valorisation des chaleurs fatales et du renouvelable (Heat Roadmap Europe 2050 ; http://www.euroheat.org/Heat‐Roadmap‐Europe‐
165.aspx).
Cette volonté se retrouve dans les projets de recherche cherchant à diffuser les meilleurs pratiques de valorisation de la chaleur fatale, qu’il s’agisse de celle des usines électrothermiques dans le cas du Danemark ou de celle des usines d’incinération dans le cas de la Suède.
La figure ci‐dessous montre dans trois domaines (production électrothermique, déchets municipaux solides, rejets industriels) le pourcentage de valorisation d’électricité (en blanc) et le pourcentage de valorisation thermique (en gris) par rapport au gisement brut (Figure 3 ‐ Persson 2012). Dans chaque
cas, la moyenne de l’UE à 27 pays est comparée au pays possédant le meilleur rendement (Danemark ou Suède selon les cas).
Figure 3 : efficacité de conversion pour la valorisation de la chaleur électrothermique (best practice = Danemark), pour la valorisation de la chaleur des usines d’incinérations (best practice = Suède) et pour la valorisation de la chaleur des rejets
industriels (best practice = Suède) ‐ Persson 2012).
On s’aperçoit que la Suède a un taux moyen de 82% de valorisation énergétique des ses déchets municipaux (à comparer aux 42% des usines d’incinération suisses ‐ OFEN 2011), probablement grâce à sa stratégie de longue date du tout à l’incinération avec une excellente valorisation thermique (par rapport à de nombreux pays européens ayant longtemps pratiqués plutôt la mise en décharge).
Quant à l’exemple danois, il est détaillé ci‐après :
L’exemple danois :
Quelques dates clés sont retenues ici (selon Christensen, 2009) :
1976 : 1er “electricity supply act”
1979 : 1er “heat supply act” (avec à la clé un plan directeur des réseaux de chaleur)
1986 : promotion des CCF décentralisés (y compris biomasse)
On citera également les points suivants ayant probablement joués un rôle important :
Une stratégie à deux niveaux, avec une supervision par les autorités centrales danoises et une mise en œuvre par les autorités locales ;
L’obligation de connexion ;
L’importance du régulateur et de la stabilité du cadre politique et juridique ;
L’importance des taxes d’incitations pour le financement de ces infrastructures.
Les résultats en matière de décentralisation (Figure 4) et de pénétration des CCF dans le mix énergétique (près de 50% de l’électricité totale et 80% de la chaleur en 2010 – Figure 5) sont impressionnants :
HEAT ELECTRICITY
HEAT
ELEC
Figure 4: d’une production par CCF centralisée (1985) à une production décentralisée (Christensen, 2009)
Figure 5: importance des CCF dans la production d’énergie danoise (Danish Energy Agency, 2011)
Ces deux schémas interpellent et mériteraient un approfondissement car le couplage réel entre les usages électriques et thermiques montre qu’il s’agit plus que « simplement » de la récupération de la chaleur des productions électriques fossiles.
A titre d’exemple, une des stratégies développée au Danemark est une valorisation de la chaleur fatale en ruban en complétant les pointes de demande thermique avec d’une part des CCF situés au
Thermal Electricity (80% of total electricity)
niveau du système de transport de la chaleur (« transmission system ») et d’autre part des CCF situés au plus près des utilisateurs, comme le montre la représentation simplifiée du marché des réseaux thermiques à Copenhague (Figure 6) :
Figure 6: représentation simplifiée du marché des réseaux thermiques à Copenhague (Aronsson and Hellmer, 2009)
La compagnie CTR qui gère le réseau de transport est en réalité possédée par les différentes municipalités de Copenhague, permettant à ces dernières de contrôler l’ensemble de la chaîne, de la production à la consommation. Deux autres cas au Danemark sont gérés de manière identique, portant à 25% de la production de chaleur « réseaux thermiques » ce mode de gestion (Aronsson and Hellmer, 2009).
Le contexte de certains pays européens montre un fort développement des réseaux thermiques et est lié à une intense activité de recherche sur les thématiques de l’efficacité énergétique et de la pénétration du renouvelable grâce à ces systèmes.
Suisse
Au niveau suisse, différents objectifs énergétiques généraux sont exprimés en matière d’indicateurs comme (CORE, 2012) :
« la société à 2’000W »
« la société à une tonne de CO2 »,
«un total de 2’000W pour l’énergie primaire non renouvelable et de 2 tonnes d’équivalent CO2 en 2050 ».
Il faudrait y ajouter la sortie programmée de la production électrique par voie nucléaire en 2034. Il y a ici nécessité de clarifier ces points, de confronter les points de vue et de rendre cohérent ces indicateurs de long terme. Un des problèmes vient du fait que les données statistiques actuelles qui servent de base au calcul de ces indicateurs sont issues d’un monde dominé par le fossile (80%) et qu’il sera sans doute nécessaire d’éprouver leur validité dans un monde où ces énergies deviendraient minoritaires. Par exemple, si on n’intègre pas la production renouvelable (panneaux solaires pour la production d’eau chaude, sources froides des pompes à chaleur, geocooling,…) dans la comptabilité énergétique alors que ces énergies deviennent majoritaires dans le chauffage, l’image donnée va être fortement faussée.
Les nouvelles perspectives énergétiques 2050 (Conseil Fédéral, 2012a) et son premier paquet de mesures (OFEN, 2012a), actuellement en phase de consultation politique, listent de très nombreux points à mettre en œuvre. L’objectif principal étant de sortir de la production électronucléaire tout en produisant la majorité de l’électricité sur le territoire suisse, l’approche confédérale reste très liée aux usages électriques, par exemple pour le développement des énergies renouvelables (solaire photovoltaïque, éolien, hydroélectricité, CCF biomasse). Il est question d’une planification commune des zones de développement de l’éolien et de l’hydroélectricité avec une inscription dans la loi pour élever certaines de ces futures zones au rang « d’intérêt national » égal ou supérieur aux intérêts naturels, paysagers et/ou patrimoniaux.
En revanche, la chaleur et ses infrastructures sont globalement peu considérées (sauf les rejets de chaleur des futures centrales à cycles combinés à gaz), même s’il existe une volonté de créer un programme d’encouragement pour la valorisation des chaleurs fatales dans les entreprises (dès 2015). Quant aux CCF, pour pouvoir toucher la rétribution à prix coutant (RPC), ils devront utiliser
« entièrement la chaleur produite » (article 31, al.1, projet de nouvelle LEne, 2012).
La définition et l’harmonisation des plans directeurs cantonaux des réseaux d’approvisionnement en énergie (y compris des réseaux de chaleur à distance) devrait se faire dans le cadre de la révision du modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC 2014), soit d’ici 2018 (mesure G1, OFEN, 2012a). A l’heure actuelle, il n’existe pas de stratégie globale d’optimisation de la valorisation de la chaleur, en complémentarité avec les valorisations électriques, et en relation avec les autres politiques (déchets, eau, air, etc…). Cet état de fait est justifié par le fait qu’« en comparaison des défis que doivent relever les réseaux électriques, les défis des autres structures énergétiques, comme par exemple le réseau de gaz, sont considérés comme moins urgents, ils ne sont donc pas au cœur des préoccupations. » (p. 61, OFEN, 2012a).
Ces différences de priorisation et la non‐transversalité entre les usages thermiques et électriques se retrouvent aussi dans le plan d’action pour la recherche énergétique en suisse (Conseil Fédéral, 2012b). Sur les 7 champs d’action proposés (voir détails dans le chapitre 2), la plupart traitent uniquement de l’électricité (réseau électrique, stockage électrique, production de courant), tandis
que la chaleur n’est incluse que partiellement pour l’efficacité énergétique (via les bâtiments), la biomasse, ou encore comme un rejet de la production électrique. Les synergies et les conflits entre les différentes filières électriques et thermiques ne sont pas réellement considérés comme un thème potentiel de recherche.
Le plan d’action de la recherche énergétique suisse promeut une vision de l’innovation que l’on ressent linéaire : on invente un matériau, un procédé, un système, on le développe, on démontre sa viabilité sur un pilote et on le transfert vers l’industrie. En fait, dans le domaine de l’efficience énergétique et des énergies renouvelables, le dépassement par une innovation du stade des pionniers pour devenir opérante dans l’organisation traditionnelle de la technologie en question est un très long chemin, où les retours d’expérience et le suivi de la diffusion sont indispensables. La seule voie de maturation d’une technologie énergétique face à des énergies aussi anciennes et bon marché que le fossile reste le développement incrémental. Celui‐ci est basé sur l’essai‐erreur, l’évaluation continue, les corrections et l’effet d’entraînement grâce à une communication reposant sur de l’information sérieuse. Ces retours d’expérience sont des occasions uniques de recherche interdisciplinaire, intégrant naturellement, au fur et à mesure que l’innovation progresse et devient plus mature, les aspects économiques et d’appropriation par les acteurs en place.
Au niveau quantitatif, les données suisses concernant les réseaux de chauffage à distance (pas de statistiques liées aux réseaux de type Genève‐Lac‐Nations – GLN – qui utilisent des sources froides naturelles) sont les suivantes (Figure 7) :
Figure 7: statistiques suisses des réseaux de chaleur à distance (OFEN, 2012b)
Ces statistiques concernent la production des plus grandes centrales de chauffage et des principales centrales chaleur‐force. Elles regroupent les données de production (à gauche), les données de fourniture au réseau (autoconsommation déduite, au milieu) et les données de consommation finale
de chaleur (pertes réseaux déduites, à droite). Près de deux tiers de la fourniture de chaleur au réseau se fait grâce à la valorisation thermoélectrique des ordures dans les usines d’incinération.
Les données sur les couplages chaleur‐force (usines d’incinération exclues) sont les suivantes (Figure 8) :
Figure 8: statistiques suisses des couplages chaleur‐force (OFEN, 2012b)
Ces données ne semblent renseigner que partiellement sur la valorisation effective via des réseaux thermiques. En réalité, les statistiques sur la valorisation de la chaleur dans les CCF > 1 MWélec sont incluses dans la statistique de la chaleur à distance vue précédemment.
Genève
Axée sur la vision de long terme qu'est la Société à 2000 Watts sans nucléaire, la politique cantonale est encadrée par la loi sur l'énergie et son règlement (L2 30 et L2 30.01). Les objectifs quantifiés ainsi que les modalités de mise en œuvre de cette politique sont ensuite définis, à un niveau stratégique dans la Conception Générale de l'Energie (CGE) et en tant que programme opérationnel dans le Plan Directeur Cantonal de l'Energie (PDCE) (Lachal et Lavallez, 2010).
Dans la CGE, on citera la recommandation concernant « la mise en place de systèmes centralisés et décentralisés de production d’énergie », avec notamment « Le développement et l'interconnexion des réseaux faisant, par exemple, le lien entre des réseaux de chauffage à distance et des réseaux de chaleur issue de l'environnement ou de rejets thermiques et la promotion de systèmes de production centralisés efficaces » (p.77, Etat de Genève, 2007).
La révision de la loi et de ses règlements ont été votés par le peuple en 2010 (http://etat.geneve.ch /dt/energie/a_votre_service‐directives_formulaires_relatifs_nouvelle_loi_energie‐11772.html).Cette nouvelle loi apporte des compléments à différents niveaux d'action, dont entre autres (Lachal et Lavallez, 2010) :
les bâtiments : suivi de la consommation et assainissement obligatoire des bâtiments les moins performants; obligation de pose de capteurs solaires pour la production d’eau chaude sanitaire (ECS), renforcement des exigences sur le neuf et la rénovation ;
la planification énergétique territoriale : systématisation du concept énergétique territorial dans les procédures d'aménagement ;
les modalités de financement des travaux d'assainissement (report possible et encadré d'une partie des charges sur les locataires).
Réaffirmant le rôle des SIG en tant que bras armé pour la mise en œuvre de la politique cantonale, la loi leur réitère en outre la demande d'un plan directeur des énergies de réseau (L2 30 art.7) et introduit une nouvelle disposition permettant au conseil d'Etat non seulement de prescrire la création d'un réseau de distribution d'énergie thermique, mais également de contraindre SIG à en assurer la réalisation et l'exploitation en l'absence d'autre solution (L2 30 art 22).
Au niveau genevois, il a déjà été montré (Lachal et Lavallez, 2010) que les statistiques par habitant montrent une stabilisation relative des usages électriques et une diminution des autres usages (sauf l’aéroport – voir plus loin) depuis une vingtaine d’années (Figure 9 et Figure 10) :
Figure 9: évolution de la consommation électrique et de carburant par habitant (W/hab –Genève)
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1'000
1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011
Consommation finale d'électricité W/hab
Evolution de la consommation électrique finale par habitant ‐canton de Genève
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1'000
1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011
Consommation finale de carburant W/hab
Evolution de la consommation de carburant finale par habitant ‐canton de Genève
Figure 10: évolution de la consommation pour le chauffage (mazout, gaz, bois) en W/hab ‐ Genève
Ce dernier graphique montre bien la progression continue du gaz par rapport au mazout dans le mix énergétique. Pour la première fois en 2010, une consommation plus importante pour le gaz par rapport au mazout a été observée.
Malgré une statistique peu fiable (basée uniquement sur la vente de combustible), le bois reste encore très marginal dans la consommation. A noter que les données concernant CADIOM n’apparaissent pas dans ces statistiques, car la chaleur fatale de l’usine d’incinération est considérée comme une ressource non commerciale (comme la chaleur de l’environnement soutirée par les pompes à chaleur). Quantitativement, CADIOM représente tout de même environ 30 W/hab (Faessler, 2011).
Les carburants consommés par les avions faisant le plein à l’Aéroport International de Genève (AIG) sont statistiquement connus. Mais sur combien d’habitants répartir cette consommation ? Et cette consommation doit‐elle être réellement répartie uniquement sur des habitants locaux ? Quel est l’impact sur l’économie, et indirectement sur l’énergie, de l’aéroport ? Quels avions font‐ils vraiment le plein à Genève et pour quelles destinations ? Autant de questions encore ouvertes. Pour simplifier, le choix a été fait ici de ne comptabiliser que la moitié des carburants de l’AIG sur le canton de Genève (Figure 11) :
Figure 11: évolution de la consommation de la moitié de la consommation aérienne en W/hab ‐ AIG
0 200 400 600 800 1'000 1'200 1'400 1'600 1'800 2'000
1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011
Consommation finale de chauffage W/hab
Evolution de la consommation de chauffage finale par habitant ‐canton de Genève *
chauffage Mazout Gaz naturel bois
* sans correction climatique
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000
1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 Consommation finale de 50% carburant AIIG W/hab
Evolution de la consommation de 50%
carburant AIG finale par habitant ‐canton de Genève
Malgré une croissance importante ces dernières années (en raison du développement des compagnies low‐cost tels qu’EasyJet), la consommation par habitant est revenue à son niveau de 1990, époque où la compagnie nationale Swissair était prépondérante. La question de l’évolution du trafic aérien et de son impact fait partie de discussion plus globale, avec notamment la question lancinante de la taxation du kérosène au niveau international.
Le graphique faisant le résumé de l’évolution de la consommation finale par habitant omet donc volontairement la consommation de l’AIG (Figure 12) :
Figure 12: évolution de la consommation finale du canton de Genève (hors AIG) avec droite de tendance linéaire
En évaluant linéairement l’évolution de la consommation par habitant, on s’aperçoit que la société à 2000 Watts en 2050 paraît à portée de main. Précisons qu’il s’agit de données sur l’énergie finale, ne tenant pas compte du facteur « énergie finale/énergie primaire » qui est de l’ordre de 1.3 actuellement sur Genève, ce qui sous‐entend que 2000W primaire équivalent aujourd’hui à environ 1500W finale. Ce rapport « finale/primaire » est très bon grâce notamment au bannissement du nucléaire dans le mix électrique.
0 500 1'000 1'500 2'000 2'500 3'000 3'500 4'000
1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050
Consommation finale du canton GE (sans AIG) W/hab
Evolution de la consommation finale par
habitant (sans AIG) ‐ canton de Genève
Historique des réseaux thermiques genevois
Après ce rappel du contexte quantitatif général genevois, revenons aux réseaux thermiques avec l’analyse faite par Mme Lavallez sur leur développement historique à Genève. Trois grandes étapes peuvent être distinguées (Lavallez, 2011) :
1960‐1974 : premiers tronçons « Châtelaine‐Lignon » et « Avanchets‐Palexpo » ;
1986‐2002 : projet Cadiom, visant à valoriser la chaleur issue de l’incinération des ordures ménagères (usine des Cheneviers) ;
décennie 2000 : extensions et interconnexions des réseaux existants, développement de réseaux de quartier liés à des projets de valorisation des énergies renouvelables et locales.
Ces trois étapes permettent de mettre en évidence trois grandes évolutions dans le lien énergie‐
territoire via l’acteur réseau thermique (Lavallez, 2011) :
l’emprise spatiale des réseaux thermiques : initialement simples « tuyaux » reliant localement une ressource fossile et un gros preneur, les réseaux thermiques se constituent progressivement en un véritable « système » d’ambition cantonale voire transfrontalière.
le rôle des réseaux dans la structuration de filières locales impliquant un travail simultané sur les ressources et les besoins propres au territoire : auparavant simples supports pour le transit de flux énergétiques fossiles, les réseaux thermiques deviennent actifs dans les stratégies de valorisation d’énergies renouvelables et locales soumises à de multiples contraintes (en particulier contraintes techniques de temps, de lieu, de qualité). En rendant possible des combinaisons « fossile renouvelable », ils contribuent en outre à favoriser la transition vers la Société 2000 W.
la nature et l’étendue des arrangements sociotechniques liés aux réseaux thermiques : au cours des décennies considérées, les arrangements noués autour des réseaux thermiques semblent se diversifier.
Historiquement, il exista donc à Genève un premier grand réseau de chaleur urbain fonctionnant aux énergies fossiles, le CAD Lignon, rejoint dès 2000 par le réseau CADIOM, qui valorise une partie de la chaleur fatale de l’usine d’incinération des Cheneviers. Ces deux réseaux historiques ont été connectés en octobre 2012.
SIG a toujours possédé et géré le réseau CAD Lignon tandis que le réseau CADIOM a vu l’apparition d’investisseurs privés (CGC Dalkia) en complément de SIG. En pratique, CADIOM est géré par Dalkia tandis que l’usine d’incinération (producteur de la chaleur) est gérée par SIG. La connexion des réseaux CADIOM et CAD Lignon aura donc des implications techniques, économiques, juridiques et d’acceptabilité des acteurs importantes.
En parallèle de ces deux réseaux historiques, de plus petits réseaux de chauffage intégrant du renouvelable existent (Cartigny, Laurana, Chancy, etc…) tandis que c’est développé à Genève des réseaux basés sur la source froide « eau du lac » et qui fournissent principalement des prestations de froid (GLN, Versoix).
Deux autres projets importants sont à replacer dans ce contexte et peuvent apporter un éclairage très utile : le projet de turbine à gaz à cycle combiné actuellement en veilleuse et le projet de géothermie de moyenne et grande profondeur, et les enjeux énormes liés à la valorisation principalement thermique de cette ressource.
Agglomération franco‐valdo‐genevoise ou Grand Genève
L'importance d'un travail à une échelle franco‐valdo‐genevoise pour la mise en œuvre d'une politique énergétique locale cohérente est reconnue. A un niveau politique, des engagements ont été pris dès 2010 tandis qu’au niveau plus opérationnel, une ébauche de coordination a lieu dans le cadre du groupe air/climat/énergie.
Différentes études de planification énergétique territoriale sont achevées ou en cours à échelle des périmètres d'aménagement coordonné d'agglomération (PACA) ou des projets stratégiques de développement (PSD). Visant à esquisser des stratégies d'approvisionnement énergétique pour ces territoires, ces études accordent une place importante à la question des infrastructures énergétiques locales – au premier rang desquelles les réseaux thermiques. D'une part, les réseaux existants sont considérés comme des opportunités à prendre en compte pour les choix d'aménagement et, d'autre part, des propositions d'extension ou de création de nouveaux réseaux peuvent y être faites (Lachal et Lavallez, 2010).
5. Les questionnements clés du projet REMUER
Dans le cadre du partenariat avec SIG et du projet REMUER, trois thématiques clés vont être abordées et sont détaillées ci‐après :
1. Gestion de l’offre et de la demande (BSM ou « Both Side Management ») ;
2. Modèles économiques du financement du développement des réseaux thermiques ; 3. Synergies et conflits entre les réseaux thermiques et électriques.
Point 1 : Gestion de l’offre et de la demande (BSM ou « Both Side Management »)
Ce point traitera de l’importance de mieux connaître la demande en quantité (temporellement, mais aussi spatialement) et en qualité (températures de fonctionnement du chauffage et de l’eau chaude sanitaire ‐ ECS), avec des aspects techniques mais aussi comportementaux des gestionnaires et des utilisateurs.
Au vu de la durée des infrastructures mises en jeu, l’évolution de cette demande doit aussi être soigneusement étudiée, en particulier :
la part grandissante de l’ECS par rapport au chauffage, que ce soit dans le neuf ou dans l’existant après rénovation, et ses conséquences en quantité et en qualité ;
Les possibilités de stockage de chaleur pour l’ECS, aussi bien du côté primaire que du côté secondaire ;
Les demandes de froid et de chaud et leur complémentarité spatiale et temporelle (exemple de GLN / GéniLac) ;
La complémentarité ou la concurrence entre productions centralisées et décentralisées.
Les contraintes de l’évolution attendue des réseaux thermiques doivent être bien cernées :
Vers la basse densité (Impacts des rénovations des bâtiments sur la demande de chaleur et concernant l’économicité des réseaux) ;
Vers des basses températures, ce qui favorise la pénétration de la chaleur fatale et des ressources renouvelables.
Point 2 : Modèles économiques du financement du développement des réseaux thermiques :
De façon comparable à la mise en place de la valorisation des ressources énergétiques renouvelables, la mise en place de réseaux thermiques est intensive en capital et doit être considérée comme une opération de long terme.
Dès lors, comment mettre en œuvre des modèles de financement pour le développement de ces infrastructures de long terme ? Quels politiques ont‐elles été appliquées dans les pays
« exemplaires » tels que le Danemark ? Quelles planifications et quelles gestions pourraient être appliquées sur Genève, respectivement la Suisse ?
Point 3 : Synergies et conflits entre les réseaux thermiques et électriques
Aujourd’hui, les approches et les analyses ne peuvent plus être purement électriques ou thermiques.
En effet, le développement actuel et futur de nombreux usages non spécifiques de l’électricité (pompe à chaleur, voiture électrique, chauffage partiel des bâtiments par récupération de l’air vicié, etc…) ou les modifications importantes de l’utilisation électrique dans certaines filières (climatisation via des réseaux hydrothermiques de type GLN plutôt que des machines de froid) amènent à se questionner sur les synergies et les conflits entre des filières restées souvent cloisonnées.
A titre d’exemple, on peut citer le cas du réseau de Skagen au Danemark, où lorsque le marché spot électrique est bas, les surplus de production électrique renouvelable (essentiellement éolien dans ce cas car celles‐ci représentent près de 30% de la puissance électrique installée au Danemark) peuvent être stockés dans le réseau de chaleur pour une optimisation économique du système permettant d’éviter un arrêt des éoliennes (Figure 13) :
Figure 13: évolution du stockage de chaleur du CAD de Skagen au Danemark (en haut) et évolution des sources de productions de la chaleur pour le CAD selon le prix spot de l’électricité (en bas) – adapté d’après Nast 2012
L’étude des synergies et conflits des filières thermiques et électriques dans un contexte d’optimisation global de système est un objectif ambitieux, qui ne pourra qu’être ébauché dans ce projet. Il devra être repris dans un projet plus vaste de développement des compétences en efficacité énergétique, tel que mentionné au paragraphe 2 (page 4) et :
traitant aussi bien la filière thermique qu’électrique ;
prenant en compte les synergies et les conflits entre ces deux filières ;
sans favoriser l’approche par l’offre ou par la demande (concept de « Both Side Management », BSM).
Capacité nominale stockage chaleur
Evolution stockage chaleur
Prix spot Electricité
Evolution consommation
chaleur
Prix Electricité↓
→ Stockage chaleur ↑ (« électricité fatale »)
6. Méthode pour le projet REMUER
Afin de répondre à ces nombreux questionnements, la méthode générale suivie sera d’effectuer plusieurs retours d’expérience sur des systèmes réels, en intégrant les aspects techniques, économiques, environnementaux, politiques et sociaux. Même si ces études de cas sont en eux‐
mêmes des projets intéressants, le but est de les insérer dans un contexte plus large. Une thèse de doctorat est prévue, financée à moitié par SIG et à moitié par l’Université. Elle sera encadrée par un groupe interdisciplinaire, composé d’universitaires et de professionnels, dont une partie sera directement financée par le projet. Des collaborateurs de SIG seront intégrés dans le projet de recherche à l’aide d’un financement interne.
Plus pratiquement, il est proposé d’effectuer deux études de cas en détails :
1. Étude de cas Laurana‐Parc (Genève) : remplacement d’une chaufferie à mazout de quartier par une production combinée gaz / pompe à chaleur géothermique
2. Étude de cas de la liaison des réseaux CADIOM (100% chaleur fatale) et CAD Lignon (100%
fossile) à Genève : analyses, enjeux et évolutions possibles.
Ces deux projets sont détaillés dans les annexes 1 et 2. On retiendra les points clés suivants :
Analyse du fonctionnement du système réel et comparaison à la situation initiale ;
Caractérisation de l’évolution du taux de couverture en énergie renouvelable ;
Analyse des coûts de production ;
Évaluation de scénarios d’évolution ;
Mise en évidence des points forts et faibles du système ;
Pistes d’améliorations et potentiel de généralisation.
Les scénarios évolutifs et le potentiel de généralisation seront établis sur la base de projets concrets ainsi que du corpus de connaissances du groupe énergie‐Forel, notamment dans le domaine de la thermique des bâtiments et des CAD incluant des énergies renouvelables (Cartigny, GLN, GéniLac, etc…)
En parallèle, des fonds complémentaires permettraient de rajouter à ces retours d’expérience une analyse :
Des données nationales et internationales à des fins de comparaison ;
Des synergies et des conflits potentiels entre les filières thermiques et électriques ;
Des synergies et des conflits potentiels entre les économies d’énergie et le développement des réseaux thermiques et/ou de gaz ;
Des évaluations des modèles de financement pour le développement d’infrastructures de type réseaux thermiques ;
Des évaluations des cadres politique et juridique associés.
L’appel à projet de la confédération qui se déroulera en 2013 est le lieu idéal pour ce type de projet, avec l’objectif de construire des équipes sur le long terme et trois types de contributions attendues pour le financement : Universités (> 20%), privés, par exemple SIG (> 20%) et Confédération (< 60%).
7. Compétences interdisciplinaires du groupe énergie Forel
A partir principalement d’évaluations et de retours d’expérience sur des systèmes énergétiques innovants mais inscrits dans la réalité locale, le groupe énergie‐Forel cherche à mieux comprendre et à améliorer la diffusion des innovations dans la société. Ses compétences portent sur la physique, la technique, l’économie et la politique de l’énergie. Il travaille sur les systèmes énergétiques, l’efficience, les énergies renouvelables en mettant l’accent sur la relation énergie‐territoire, principalement au niveau de l'Agglomération Franco‐Valdo‐Genevoise (Grand Genève).
Les retours d’expériences sur de nombreux systèmes énergétiques ont déjà été réalisés, entre autre :
Audit‐bois : Ressource bois et chauffage à distance : rendement global, émissions polluantes et tarification de l’énergie bois. Etude basée sur le retour d’expérience de l’installation de Cartigny (Genève) ;
COP5 : Source froide solaire pour pompe à chaleur avec un COP annuel de 5 généralisable dans le neuf et la renovation ;
Evaluation des économies d’électricité (éco21) ;
GLN : projet Concerto/Tetraener : étude de cas de Genève‐Lac‐Nation (GLN) ;
Gros‐Chêne : Suivi énergétique d'un immeuble de logements rénové Minergie (Onex‐
Genève) ;
Polimmo : Suivi énergétique du bâtiment tertiaire Polimmo (Genève) ;
Pommier : Evaluation énergétique d'un immeuble MINERGIE (Grand‐Saconnex‐ Genève) ;
Solaire thermique : analyse et suivi de la cité solaire de Plan‐les‐ouates (Genève) ;
Solaire Photovoltaïque (développement du logiciel PV Syst, www.pvsyst.com) ;
Stockage saisonnier à Marcinhes (Meyrin, Genève).
D’autre part, afin d’inciter à la diffusion des bonnes pratiques d’économies d’énergie dans les entreprises, une nouvelle formation continue en management de l’énergie (CAS – Certificate of Advanced Studies), coordonnée par le groupe énergie‐Forel de l’Université, va débuter en 2013 (http://www.unige.ch/formcont/managementenergie.html).
Les deux principaux chercheurs qui seront fortement impliqués dans ce projet ont le profil suivant : Loic Quiquerez:
Après un baccalauréat en géographie à l’UNIGE sur la dimension sociale du développement durable dans les projets écoquartiers, M. Quiquerez a effectué une maîtrise universitaire en sciences de l’environnement. Son travail de mémoire, qui a reçu le prix SIG 2012, a pour titre l’« Evaluation du potentiel solaire photovoltaïque et thermique dans un environnement urbain. Etude de cas de deux territoires du canton de Genève : Les Pâquis et Veyrier ». En parallèle, il a terminé le certificat complémentaire en géomatique de l’UNIGE en 2011.
Il travaille depuis début 2012 au groupe énergie‐Forel, notamment sur les températures de distribution de chauffage à Genève (expertise thermique réalisée dans le cadre du partenariat SIG). Il est inscrit comme assistant‐doctorant avec l’objectif de réaliser une thèse d’ici 2015.
Jérôme Faessler :
Après un baccalauréat en biochimie et un master en sciences naturelles de l’environnement à l’UNIGE sur la récupération de la chaleur du processus de compostage, M. Faessler a travaillé 6 ans au site de Châtillon à Genève (pôle multifonctionnel de traitement de déchets).
Entre 2008 et 2011, il a mené et réalisé le projet VIRAGE (Valorisation Intensive des énergies Renouvelables dans l’Agglomération franco‐valdo‐GEnevoise), cofinancé par l’Etat de Genève et l’UNIGE. Ce projet interdisciplinaire a abouti à la réalisation de sept rapports plus une thèse de doctorat disponible sur le site de l’UNIGE (http://archive‐ouverte.unige.ch/). En parallèle, M. Faessler a terminé le certificat complémentaire en géomatique de l’UNIGE en 2010 sur le potentiel des toitures solaires du canton de Genève.
Il travaille depuis l’automne 2011 au groupe énergie‐Forel et a réalisé plusieurs études pour les SIG dans le cadre du partenariat (potentiels de froid du projet GLU/GLA, aspects énergétiques de la mobilité électrique, gisements des déchets organiques du Pôle Bio, éléments de réflexions pour la stratégie thermique).
8. Aspects financiers et temporels du projet REMUER
La planification temporelle du projet est prévue en deux parties, avec d’une part les deux études de cas et d’autre part les aspects plus généraux qui devront être étudiés en parallèle (Figure 14). Ces aspects pourraient être développés et reconduits en imaginant un élargissement de la problématique à d’autres groupes et avec des financements complémentaires (par exemple via la confédération).
Figure 14: planification temporelle des études de cas et de l’étude générale
Le financement de base a été validé dans le cadre du partenariat avec SIG (un élargissement à d’autres partenaires et institutions est envisageable) :
SIG‐UNIGE Partenariat : 150 kCHF (2 études de cas décrites)
SIG‐UNIGE Partenariat : 100 kCHF (projet REMUER)
SIG‐interne : 60 kCHF
UNIGE interne (y compris co‐financement d’une thèse) : 150 kCHF
Partenaires 2012 2013 2014 2015 2012‐2015 SOMME
SIG ‐UNI Partenariat 25 100 100 25 250
Université de Genève 15 60 60 15 150
SIG Interne 10 20 20 10 60
TOTAL 50 180 180 50 460
Tableau 1: planification financière du projet REMUER (y compris les deux études de cas)
A l’aide des retours d’expérience et à la suite des analyses plus générales, une thèse de doctorat cofinancée entre SIG (via le partenariat) et l’UNIGE sera effectuée par Loïc Quiquerez. Le titre sera précisé ultérieurement mais s’inscrira dans la problématique générale développée dans ce document.
1. Etudes de cas
Analyse de la situation antérieure doc/analyse
Analyse technique/énergétique /économique hiver no 1 été/hiver no 2
Scénarios d'évolution Groupes de suivi Rapports finaux 2. Généralisation
bibliographie doc/analyse
synergies/conflits thermiques/électriques thermiques/électriques
synergies/conflits réseaux/économies d'énergie réseaux VS économie d'énergie
modèles de financements du dvpt des réseaux financement
évaluation des cadres juridiques et politiques politique
Rapport général 3. Thèse Quiquerez
déc.15
thèse rapports
scénarios
rapport
oct.12 avr.13 oct.13 avr.14 oct.14 avr.15
9. Conclusions
De nombreux exemples montrent que les réseaux thermiques permettent une valorisation intensive de ressources renouvelables comme la géothermie, la biomasse, le solaire ou les chaleurs fatales (issues de l’incinération des déchets, de la production d’électricité thermique ou des rejets thermiques industriels et/ou de datacenters).
Malgré tout, cette voie est peu explorée et les réflexions autour d’elle peu présentes au niveau suisse. La situation à Genève est différente car un intérêt très grand est porté aux réseaux thermiques, que ce soit par le Canton, SIG ou l’Université. Le projet présenté, inscrit dans ce cadre, pourrait contribuer à développer au niveau régional, voir national, des compétences sur l’efficacité énergétique, ceci :
aussi bien pour la filière thermique qu’électrique ;
en prenant en compte les synergies et les conflits entre ces deux filières ;
et sans favoriser l’approche par l’offre ou par la demande (concept de «both side management», BSM).
Ce projet est composé de deux grandes parties :
1. deux retours d’expérience sur des projets pilotés par SIG, l’un sur la liaison entre deux grands réseaux (l’un fossile, l’autre chaleur « fatale »), l’autre sur le développement d’un réseau local avec intégration du renouvelable ;
2. des analyses transversales de thématiques plus larges, touchant des aspects techniques, financiers, de gestion, etc….
La question de base est :
Sachant que les réseaux sont très capitalistiques et qu’ils ont besoin d’une densité minimale pour être rentable, existent‐t‐il des modèles de développement coordonné afin de rendre les investissements dans le domaine de l’énergie les plus efficaces possible ?
Pratiquement, ce projet sera l’occasion d’un travail de thèse financé de façon égale par SIG et l’Université, travail appuyé par un groupe interdisciplinaire. En complément et à l’aide d’autres financements, un élargissement du projet à des thématiques plus larges et à d’autres acteurs permettrait de développer au niveau régional et national les compétences en efficacité énergétique.