Book Chapter
Reference
Les mouvements sociaux: structures, processus et conséquences
GIUGNI, Marco
GIUGNI, Marco. Les mouvements sociaux: structures, processus et conséquences. In: Ulrich Klöti, Peter Knoepfel, Hanspeter Kriesi, Wolf Linder et Yannis Papadopoulos. Manuel de la politique suisse . Zürich : Neue Zürcher Zeitung, 1999. p. 262-286
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:112894
Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.
1 / 1
Anhang II: Griindungsdaten der Sèhueizer Parteien auf
nationaler
Ebene,Auflôsungm und Umbenennungen 1888
Sozialdemokratische Partei der Sch*eizL894
Freisinnig-DemokratischePanei SPFDP CVP
LPS
EvP PdA
SVP
LdU SD
R.P SAP
POCH EDU GPS
t9L2 1957 1970 L913 196t 1977
t92L 1943 t944 1936 197t
196t 1990
t969 1980
Konservative Vollspartei, Katholische Vollspartei (KK) Koqservativ-Christlichsozide Vollspartei der Schweiz (KCVPS).
Chrisdichdemokratische Volkspanei Liberale Demokratische Partei
Liberal-Demokratische Union der Schweiz (LIDUS) Liberale Partei der Schweiz
1919
EvangelischeVollspaneiKommunistische Panei der Schweiz (1939 verboten) Arbeiterpanei/Parti ouvrier
Partei der Arbeit
Schweizerische Bauem-, Gewerbe- und Biirgerpanei @GB) Schweizerische Volkspartei
7936
Landesring der Unabhlingigen NationaleAktion$A)
Schweizer Demokraten
l97l
ProgressiveOrganisationen (aufgelôst 1993)L975
Eidgenôssisch-DemokratischeUnionl97L
Republikaner(aufgelôst1989)Revolutioniire Marxistische Liga (RML) Sozidistische Arbeiterpartei (aufgelôst 1989)
1983 1986 L993
Fôderation der griinen Parteien der Schweiz Griine Partei der Schweiz (GPS)
Griine - Griine Partei der Schweiz 198s
1994
Autopanei (AP)
Freiheits-Partei der Schveiz (FPS) FPS
I-g 1991
LegadeiTicinesi3.2 Les mouvements sociaux:
structures, processus et conSéquencesl
L
2 J 4
Marco Giugni,
Laboratoire de Recherches sociales et politiques appliquées (RXSO?) et Département de science politique, Université de Genève
Table des rnatières
Mouvements sociauxt définition, dimensions et approches Les structures
Les processus
Les conséquences: en guise de conclusion
262 264 279 286
1 Mouvements sociaux: définition, dimensions et
approchesLes mouvements sociaux
forment,
avec les partis politiques et les associations d'intérêt, une des trois arènes pour I'articulation politique des intérêts collectifsqui font
lelien
entre I'ensemble des citoyenneset
citoyens et les institutions étatiques(Kriesi
t994). Chacune de ces arènes se distingue par une logique et des moyensd'action qui lui
sont propres: lespartis fonctionnent
selon une logique électorale etI'action
parlementairee$ le
moyen principal; les associa- tions d'intérêt agissent dans une optique de la représentation et oPtent pour les sffatégies de lobbying; les mouvements sociaux répondent au paradigme de la mobilisation et tentent d'influencer les autorités politiques principalement par des moyensd'action
non-institutionnels. Comme nousle
verrons ultérieure-ment,
en Suisseil
existe une procédureinstitutionnelle qui
traverse cestrois
arènes: la démocratie directe, plus précisément la possibilité de lancer des initia- tives populaires et des référendums facultatifs. En ce sens, la démocratie directe forme en quelque sorte une quatrième arène, arène qui a été largement exploi- têe par certains mouvements,
Deux aspects démarquent l'arène des mouvements sociaux des deux autres
lieux
de concertationpolitique.
Premièrement,leur
place au seindu
système politique est différente. Selon la conceptualisation de Kriesi (L994), alors que les partis et les associationsd'intérêt font
partie intégrantedu
système politique, les mouvements sociaux.agissent en dehors de celui-ci, bien que lestrois
parti- cipent à ce gue dans la littérature de langue anglaise on appelle le"polity". Tout
en partâgeant cette persPective, nous considérons les mouvements comme ap- partenant au systèmepolitique
et les deux autres arènes comme étant, de plus, intégréesau
systèmeinstitutionnel.
Deuxièmement'alors que les
colltours conceptuels des partis et des associationsd'intérêt
semblent relativement nets, ceux des mouvements sociaux se prêtent à la discussion et sont matière à con- troverse.En simplifiant, il
existe deux définitions deprincipe
des mouvements so- ciaux: unedéfinition
suivant une perspective sociologiçlue, souvent adoptée par les auteurs européens,et
une autre,qui
pafiagele point
de vue dela
sciencepolitique
et plus repandueparmi
les auteurs américains.Un bon
exemple dedéfinition
sociologique nous estoffert
par Melucci (1989). Selon cet auteur, un mouvement social se caradérise par la présence de liens de solidarité entre les participânts, I'engagement dansun conflit
social contreun
adversaire etle
dé-passement des limites de compatibilité (aussi bien matérielles que symboliques)
du
système au sein duquelil
évolue,qui
s'exprime parI'utilisation
de formes d'actionsnon
institutionnelles.Tilly (1994:7), del'autre
côté, nousa
récem- menr donné une très bonnedéfinition
politologique des mouvements sociaux:"A
social movemenr consisrs of a sustained challenge to pouerboldersin
the name of a populationliaing
under tbejurisdiction of
those powerholders by meansof
repeated
public
diryIaysof
tbatpopulation\
numbers, commitment,unity,
and wortbiness>2-selon cette
définition
relationnelle, un mouvement social est donc.un type particulier de relation sociale, un ..ensemble de performances politiques"(Iilly
199a)
où un
groupe de.défiants'
s'engage dansun
exercice de revendications auprès des détenteursdu pouvoir
dansle but
d'influencer leurs décisions et leurs comportements.ceci
démarque les mo.rrrements sociaux d'autres formes depolitique
contesta.taire, telles que les révolutions, les révoltes, les insurrec-tions, les
guerres civiles, erc., catégorieplus
généralequi peut être
définie comme "collectiveactivity on
thepart of
claimants- or
thosewho
claimto
represent them
-
relying at leastin
part on noninstitutionalized forms of inter- actionwith
elites, opponenrs, or the srate>(Iarrow
t996:874).Notre
discussion s'appuiera surla
secondedéfinition
des mouvements so-ciaux.
En
ce sens,
nous noussituons
dans I'approcbe du processus politique(Ikiesi et al.
L995;McAdam
1982;McAdam et al. !996; Tarrow
1998;Tilly
1978, 1986, 1995;
Tilly
et d,. t975). En réaction aux théories classiques du com- portement collectif (I(ornhauser 1959; smelser 1963; Turner etKillian
L957) et de la déprivation relative(Gvr
L97o) er en s'appuyanr sur la lancée du renou- veau théorique des années soixante-dixpar
l'approche dela
mobilisation des ressources (Gamson 1990;McCarthy et
ZaJd 1977; Oberschall 1973; Zald etMcCanhy
1979, L987),l'approche du processuspolitique
postule que les pro- cessusdu
changement socialn'ont qu'un
impactindirect
sur les mouvements sociaux,via une restructuration
des rapportsde pouvoir
existants3. Récem- ment,McAdam
(L996) afait
une synthèse des travaux qui suivent cerre appro- che et a ainsi pu souligner les trois ensembles de facteurs explicatifs sur lesquel- les elle porte son arrention: les opportunités politiques, les srructures de mobili- sation et les framings culturels (es images-cadre, c'est-à-dire les schémas inrer- prétatifset
discursifs des mouvements). Les aureursqui travaillent
dans cettetradition
théorique rentenr de monrrer le poids des opportunités offertes par le contexte politique, des strucrures organisationnelles de la contestation et de sesaspects symboliques dans l'émergence,
le
développemenret
les conséquences des mouvements sociaux.Dans cet essai, nous tenterons, par le biais d'un regard comparatif, de mettre en évidence certaines caractéristiques
du
contextepolitique
suissequi
influen- cent la mobilisation et les répertoires d'actions des mouvements sociaux. Nous traiterons autant des mouvemenrs quel'on
peut qualifier de traditionnels, telsque le
mouvemenrouvrier, les mobilisations
régionalistes (notamment, le mouvement jurassien)et
celles des populations étrangères en Suisse, que des262 263
nouvealrx mouvements sociaux: notamment les mouvements pacifiste, écolo- giste, antinucléaire, féministe, de solidarité
et
des autonomes urbains. Nous consacrerons une grande partie denotre
discussion à ces mouvements, car ilsont
constitué la force extraparlementaire la plus importante en Suisse àpartir du début
des années soixante-dix (Giugni/PassyI997i Giugni/Kriesi
1990;Giugni 1995; Kriesi et al. 1981). Ils se disdnguent des mouvements traditionnels autant par les thèmes soulevés que par la population qu'ils mobilisent. De façon peut-être plus appropriée, Kitschelt (1990) les a appelés mouvements libertaires de gauche: de gauche car,
tout
comme le mouvement ouvrier,il
sont sceptiques à l'égard du marché et s'engagent pour une redistribution égalitaire des ressour- ces; libertaires carils
rejettent I'emprise des bureaucraties(y
compris celle du socialisme) sur les individus. Nous pourrions ajouter que les revendications de ces mouvements concernentle
<paradigmedu
style devier,
c'est-à-dire les as-pects éminemment culturels de
la vie
sociale S,aschke 1985)et portent
unecritique
aux risques engendrés parla
croissance économique @eck 1986). Ces nouveaux mouvements sociaux articulent un nouveau clivage au sein de la nou- velle classe moyeflne(Iftiesi
1989) et,parmi
leurs activistes, nous retrouvons une largeproportion
de professionnels dans les services sociauxet
culturels,bien qu'ils
mobilisent des secteurs plus larges dela population.
Finalement, nous aborderons égalementla
mobilisation dela
nouvelledroite
radicale, qui s'estfaite
remârquer principalement entre les années quatre-vingtet
quatre-vinç-dix.
En mettant en évidence les structures, les processus et les conséquen- ces des mouvements, nous jetterons en même tempsun
regard surl'état
de la recherche sur les mouvemeflts sociaux en Suisse, une situation qui,il y
a quel- ques années, avait êté caractêrisée comme celled'un
"champ de recherche mar- ginal au sein d'une communauté des sciences sociales sous-développée" (Kriesi 1991),. Ce sera notre tâche de montrer que ce jugement correspond de moins en moins àLaftalité.
2
Lesstructures
Clioages et
potentiel
demobilisation
Dans la perspective que nous défendons, contrairement à ce que postulent les théories classiques, les grands changements socio-économiques
n'ont
pas unimpact direct sur
les mouvements sociaux, maiscontribuent à la formation
d'un potenticl d.e mobilisation qui peut se transformer en action dans la mesure où des circonstances favorables, que nous examinerons plus bas, se présentent.
Le
concept depotentiel de mobilisation (ou potentiel politique)
se réfère à I'ensemble de groupes et de personnes qui constituent une sorte de *réservoiruprêt
àfournir
des ressources àI'action
collective lorsqueI'opportunité
se pré-sente (Klandermans/oegema t987).
ce
potentiel esr largemenr déterminé par la structure des clivages sociaux et culturels (Brand 1985; Kriesi 1993; Kriesi et. al.1995; Passy 1998). Plus un clivage est saillant er non pacifié, plus le potenriel de
mobilisation
de ce clivage est élevéet,
donc, disponiblepour
l'émergence de mouvements articulant des thèmes correspondant au clivage.Ainsi,
nous pou- vons nous demander dans quelle mesure les clivages traditionnels sont saillants en Suisse et représentenr une basepour
la mobilisarion des mouvements tradi- tionnels.Les quatre clivages mis en évidence par
Rokkan
(1920) sont à I'origine des mouvements traditionnels en Suisse ainsi que dans les autres pays européens.Premièrement, le clivage centre-péripbérle constirue la base pour l'émergence des mouvements régionalistes et nationalisres revendiquant la défense d'une identi- té
territoriale.
La force de ce clivage dépend de la structure del'Etat:
une srruc-ture
fédérale tend àl'institutionnaliser
par le biais dela
diffusion du pouvoir,diminuant
ainsi sa saillance.Pour
cetre raison,r'Etat
tédéral suisse,qui
donne beaucoup d'autonomie et depouvoir
aux cantons, devrait être un cadre défavo- rable à la constitution d'un potentiel de mobilisation des mouvements régiona- listes et nationalistes, conrrairement par exemple à l?Angleterre ou à la France, où un Etat fortement centralisé constitue un terrain fenile pour la mobilisation des communautés périphériques souvent discriminées parI'Etat
central et quise fondent sur des clivages ethniques ou linguistiques. Deuxièmemenr, le clivage religieux, qui en suisse a traditionnellemenr opposé les catholiques et les
prorÀ-
tants, a également êté pacifié, principalemenrpar le
biaisdu
fédéralisme.Au
cours del'histoire
moderne du pays, les catholiques, minoritaires pâr rapporr aux protestants qui ont été les artisans de la construction del'Etat,
ont progres- sivement été intégrés dans lapolitique
et l'administration nationales au rravers de règles de représentation proportionnelle des communautés religieuses.Troi-
sièmement, le clivage oille-campagne oppose les régions urbaines et industrielles aux régions ruralesoù domine
l'économie paysanne. C'esrun
clivagequi
adominé la politique un
peuparrour en Europe
dansle
dix-neuvième siècle (R okkan 1970), mais qui a beaucoup perdu de sa saillance au cours du vingtième siècledû
àla
réduction dela taille
dela
classe paysanneet
à son intégrationpolitique.
Cependant, probablementdri
à I'organisationpolitique et
au poids électoral des paysans, en Suisse ce clivage agardêune cerraine capaciré de mobi- lisation. Finalement, le clivage de classe est, aujourd'hui encore, cerrainement le plusimportant
parmi les quatre clivages distingués. Comme c'esr le cas pour le mouvement paysan, 7a capacité demobilisation
de ce clivage, soutenupar
le mouvement ouvrier, s'est progressivement réduite dans le monde occidental à cause de la transformation de la structure de classe provoquée par l'avènementdu
secteur des services àpartir du
deuxième après-guerre, mais aussidu
déve-loppement
de
I'Etat-providenceet de l'amélioration
desconditions de
vie.NZanmoins,
la
saillancedu
clivage de classe varie considérablement de pays à pays.A
nouveau, Ia Suisse présenteun
cadre défavorable à la mobilisation des mouvements ancréssur
des clivages traditionnels, en I'occurrencele
mouve- ment ouvfier.Ici,
contrairement à cequi
s'estproduit
par exemple en Franceou
enItalie, la
pacificationdu conflit
de classe, devenue une caractéristique institutionnelle du système politique avec l'instauration de la paix du travail en t937 etla cooptation du Parti socialiste au sein de la formule magique dès 1959, laisse relativement peu d'espace à la mobilisation ouvrière.En
résumé, nous pouvons dire que les mouvementsqui
s'appuient sur des porentiels politiguesraditionnels (y
comprisle
mouvement ouvrier)ont
unecapacité de mobilisation relativement faible en Suisse car ces clivages sont Peu saillants.
Nous
devrions donc constaterun
faible niveau de mobilisation por-tant
sur les thèmes traditionnelset
concernant ces gfouPes dela
population.C'est précisément ce
qui
ressort d'une étude comparée dela
mobilisation des mouvements sociâux en Suisse, en Allemagne, en Ffance et aux Pays-Bas cou- vranr la périodede
1975 à 1989 (Duyvendak t994; Giugni 1995; Giugni/Passy1997; Koopmans 1995; Kriesi et
^.
L992,1995). Le tableau 1 montre la distribu-
tion
des âctions de protestation dans les quatre pays étudiés selon les mouve- ments. Ce tableau se réfère uniquement aux actions non-conventionnelles, c'est- à-dire aux actions démonstratives, confrontatives ou violentes, excluant ainsi les actions conventionnelles de type juridique,politique ou
médiatique. Ces don- nées confirment l'ârgument selon lequel les mouvements traditionnelsont
un potentiel relativement faible en Suisse dans la mesure où les clivages sur lesquels ces mouvements s'appuientont
été pacifiés.En
effet, ces mouvements sont responsablesd'environ 40
o/o dela mobilisation
non-conventionnelle, contrepr.rq,r,
deux tiers en France. Aussi en tefmes de personnes mobilisées, la diffé- rence entre les deux pays est très marquée. En outre, selon cet indicateur nous pouvonsvoir
comment en incluant les grèves, moyen par excellence des luttes ouvrières,le
mouvementouvrier
a mobiliséinfiniment
plus en France qu'en Suisse.Ce tableau nous donne
aussila distribution des actions
non-conven- tionnelles et le nombre de participants en Allemagne et aux Pays-Bas. Sans allertrop
dans les détails, nous pouvons remarquer que les mobilisations tradition-,r.li", y
sont eflcore moins importanres qu'en Suisse. Dans ces deux pays, la pacification des lignes deconflit
traditionnelles s'exprime par une faible activitéà. ..,
*or1rr.ments. La structure fédéraliste del'Etat
allemand et la piliérisation deI'Etat
hollandaisont
largement contribué à réduirela
saillancedu
clivage cenre-périphérie et du clivage religieux, de même que le clivage de classe a été padfiéet
dépolitisé etle
clivage ville-campagne, comme nous I'avonsdit,
estdésormais assez faible un peu partout en Europe.
Il
n'en reste pas moins que le mouvement ouvrier est toujours actif en Allemagne et aux Pays-Bas, surtout en termes relatifs si nous ne considérons pas les grèves.Tableau 1: Actions non-conl)entionnelles et participation pdr rnounement et par pays, 1975-89 (en o/o et en rnilliers par
million d'habiunt)o
N
o/o
CH
DFNL CHDFNL
Mouvement pacifiste Mouvemeff antinucléaire Mouvement écologiste Mouvement de solidarité Autonomes urbains Mouvement gay Mouvement féministe Totd NMS
Contre-mobilisation Mouvement étudiant Mouvement des droits civ.
Etrangers
Mouvements régionalistes Education
Paysans
Mouvement ouvrier Autres mobilisations gauche Extrémisme de droite Autres mobilisations droite Autres mobilisations Total non-NMS Total général
(')
Grèves
61.0 73.2
36.1.
65.439.0 26.8
63.9
34.6101 168 43
1436.0 t8.7 4.4
16.97.2
L2.8I2.8
5.110.6
LL.3 4.4
8.016.0
15.0 9.2
17.718.4
13.4 3.0
14.10] 0.3 0.8
2.02.L 1.7 t.5
t.63.0 2.2 0.6 7.1 0.0 1.0 1.3 9.2 2.4 0.7 1.0 6.2
92 15 5 19 5 4 3
25 ltt
7424269 16112 19 t3
151460 001
312 0.9 1.3
0.90.2 1.5
4.82.7 1.3
l.s8.5 4.2
2.s10.6 0.1
16.60.2 1.5
4.00.8 0.3
6.63.7 4.3
10.12.4 3.9
2.00.6 3.8
3.32.0 t.9
2.66.6 2]
8.804237 4142 3200 8213 11 040
02622
L5 t9 33 123t
t943tL4
0010 4712 5154
100o/o 100o/o 100o/o (12t5) Q343) Q132)
1s6 2tl 178
198(1027) Q22e) (2076) (1264)
55 43 135
557 17 ))< )7
100o/o (13 1e)
Total général avec les grèves
158 248 403
221Source: Kriesi et al. (L995)
Pour revenir à la Suisse,
il
faut d'abord remarquer la mobilisation relarivement importante des mouvements des étrangers et des mouvements régionalistes. Les activités politiques des étrangers, en particulier, semblenr en rrain de devenir de plus en plus importantes au sein de la politique narionale suisse @arran co L997;Ireland
1994). Ceci s'explique en parriepar le nombre
éLevé d'étrangers quivivent
en Suisse et qui se mobilisent souvent pour protester contre la situation dans leur pays d'origine. Cette interprétation esr corroborêepar le pourcentage que nous trouvonspour
les Pays-Bas, autre paysd'immigration.
Cependant, la place de plus en plus centrale des politiques migratoires un peu parrout en Eu-266 267
rope est également responsable des mobilisations par,
pour
et contfe les étran- gefs en suisse.La forte mobilisation régionaliste en Suisse est plus surPfenante, surtout à la lumière de
la
faible saillancedu
clivage centre-périphérie.Ici
nous devons ce-pendant considérer
deux
éléments supplémentaires.D'abord, le
fédéraiisme suisse est du type.incongruent" pijphart
1984), qui se caractérise par des unités ayanr une composition sociale et culturelle différente. Ceci facilite laformation
et la préservation des identiÉs territoriâles, contfairement à ce gui se passe dans
un
système fédéraliste <<congruent>>où
chaqueunité
se ressemble, comme en Allemagne. Ensuite,un conflit
centre-périphérie peut touiours se Pfoduire au sein d'une des unités del'Etat
fédéraldû
à la présence de minorités politique- ment discriminées. Ceci est précisément le cas du Jura, où laminorité
franco- phoneet
catholique de I'ancien caûton de Berne a longuementlutté pour
la créationd'un
canton séparé, revendicationqui n'a
que Paniellement été satis- faite par la création du canton Jura en L979. Or, comme on le devine aisément,le
mouvement jurassien couvrela
quasitotalité
des événements régionalistes.Ce n'est guère surprenant, dès lors, que plusieurs auteurs se soient penchés sur ce mouvement imPortant
pour l'histoire
de la Suisse, à commencer par l'étude classique de Henecka (1972) (Gangoillet 1984, 1985; Jenkins 1986; Rennwaldree4).
La pacification des clivages traditionnels offre un espace Pour une mobilisa-
tion importante
des nouaeailx Tnowvernents sociamc,Au
sein de ces derniers, nous pouvonsvoir
que les mouvements pacifiste, antinucléaire, écologiste, de solidarité et des autonomes urbeinsont
tous été très actifs en Suisse, autant en tefmes d'événements produits que de personnes mobilisées. Certes, la contesta-tion
pacifistey
a &ê moins forte qu'en Allemagne et qu'aux Pays-Bas, mais ceci est principalement dtr aufait
que la Suisse n'a pas été concernée par la décision deI'OTAN
d'installer des missiles nucléaire sur sol euroPéen, décisionqui
aprovoqué une grande vague de mobilisation pacifiste dans plusieurs Pays euro- péens au début des années
quatre-vinç. En
revanche, les autres mouvements ont fait preuve d'une mobilisation comparable, et parfois supérieure, aux autfes pays.Le
mouvement de solidarité,par
exemple, est Particulièrementfort
en Suisse.Il est à noter,
cependant,que la mobilisation sur le thème
de I'antiracisme est presque inexistante, peut-êtredû
àla
faiblemobilisation
de l'extrêmedroite
pendant cette période.D'ailleurs,
aussi aux Pays-Bas, l'autre paysoù la
présence de l'extrémisme dedroite
semble être moins importante, I'antiracisme a mobilisé moins que les autres thèmes dela
solidarité. Finale- ment, les actions du mouvement des autonomes urbainsont
été plus nombreu- ses etont
mobilisé plus de Personnes en Suisse que dans les autres pays.A
cepropos,
il faut
dire 'quele
mouvementde Zurich de
1980-81(Kriesi
1984;\Tillener
1984) est responsable de laplupart
de ces acrions, bien que les squar- tersont
été présents dans plusieursvilles
suisses, surtour pendant les années quatre-vingt, comme par exemple à Bâle, Berne, Genève @uchs et al. 1988) et Lausanne (Ir4énétreyet al.
1981). Finalement, nous remarquerons le faible ni- veau de mobilisation du mouvement féministe,un
mouvementqui
semble ne pas avoir exploité toutes les opportunités quele
systèmepolitique
suisselui
amis à disposition
@anaszak 1996)et qui, de surcrolt,
s'est progressivemenrinstitutionnalisé
depuisl'introduction du
suffrage universelen
197L. Proba- blementdir à
safaible mobilisation,
les rravauxporranr
surla
question des femmes consâcrent relativement peu d'espace au mouvemenr proprement dit.Ainsi, la plupart
des études existantestraitent,
souvent dans une perspective historique, des luttes féministespour
l'égalité politique et sociale au siècle der- nier $4esmer 1988), à cheval entre leXIX
et leXX
siècles (Flardmeier 1997) ou même jusqu'à des époques plus récentes (VoegeliL997;Yloodtli
L977), mais la période post-suffragen'est
que raremenr abordée. Cependant,au
cours des dernières décenniesil y
a eu l'émergence, aussi en Suisse, de nouveaux enjeux féministes, tels que I'avortemenr et la procréation assistée(Moroni
1994), ame- nés par la seconde vague du mouvement. En ce qui concerne les autres pays,il
est intéressant de noter la faible mobilisation du secreur des nouveaux mouve- ments sociaux
-
en particulier, des autonomes urbains-
en France, ce qui sem-ble confirmer
I'hypothèsede
l"espacelimité pour
ces mouvementsdtr à
la saillance des clivages traditionnels.Bien que les données récoltées par Kriesi et d,. (1995), couvranr la période de 1975 à 1989, ne comprennenr qu'un nombre
limité
d'actions d'extrême droite,un
certain nombre d'études témoignent du potentieldu
radicalisme de droite@âhler 1994;
Cantini
t992; Frischknecht I99L) et de la présence de sentiments nationalistes, xénophobes er racisres auprès de lapopulation ffrischknecht
eteJ. 1987; Saint-Ouen 1986;
\flindisch
1978). D'ailleurs, la nouvelle droite a une longue histoire dans notre pays(|ost
1992).D'unpoint
de vue de sa mobilisa-tion,
elle aproduit un
nombreimportant
d'événements surrour au début des années quatre-vingt-dix(Altermatt/Kriesi
1995;Gentile
1996, lg98).On
peut donc affirmerqu'il
existe aujourd'hui un porentiel imporrânr pour la mobilisa-tion
de I'extrêmedroite
en Suisse, comme c'est le cas dans d'autres pays euro- péens et notamment en Allemagne, en France et en ltalie. En Suisse, par exem- ple, l'analyse de lavotation
sur laLoi
antiraciste du 25 septembre!994
nous donne un indicateur indirect de ce potentiel, qui se situerait aurour du25 o/o de lapopulation
(Schloeth L994). Ce potentiel crée les conditionspour
une con-frontation
entre deux mouvements antagonistes dans I'espace public:le
mou- vement de solidarité (principalemenr son aile antiraciste) etla droite
radicale.Plus en générd,, nous sommes peut-être en présence d'un ..nouveau clivager qui
oppose ceux qui peuvent
profiter
du processus de modernisation et ceux qui en sont les perdants(Kriesi
1995a).Il s'agiraitd'un
clivage entre une Suisse tradi-tionnelle et
ruralequi
est perdante face à une globalisation èroissanteet
une Suisse moderneet
urbainequi
s'ouvre vers I'extérieur.et qui
bénéficie de la globalisationNous
pouvons également corrstater, commele font Altermatt et
Kriesi (1995) ainsi que Gentile (1996), qu'unpetit
groupe d'organisations sont respon- sables dela majorité
des actions menéespar
I'extrêmedroite
au cours de la période qu'ilsont
étudiée (I984-t993). Lepoint
intéressant qui resson de leurs analyses est que presque 60 o/o des événements proviennent des quatre partis de cette tendancepolitique qui on
su gagner des sièges au parlement fédéral en t987 ou en L99I: Démocrates suisses, Lega dei Ticinesi, Parti des automobilistes (aujourd'huiPani
de la liberté) etlJnion
démocratique fédérale. Ces analyses montrent clairement l'ancrage de la droite radicale au sein des forces politiques conventionnelles et notamment des partis.Il
semble d'ailleurs qu'une des carac-téristiques des mouvements de droite soit de se polariser sur un
axed'intervention partisane, d'un côté, et de violence et de marginalistion (tels que les skinheads), de l'autre, alors que les nouveaux mouvements sociaux
ont
déve-loppé un
large secteurde mobilisation
extraparlementaire démonstrative et non-violente. Ceci suggèrequ'il
estimportânt
d'étudier les mouvements et les oppositions des deux parties de l'échiquierpolitique
en les comparant âttenti- vement entre eux(Altermatt et
aJ.. t994;Kriesi
1995b), afin d'en faire ressortir les différences et les similitudes.Contexæ
politique,.mobilisation
et répertoires d'actionsLors de notre discussion du potentiel de mobilisation des mouvemerlts sociaux,
nous
avons soulignécomment
les clivages sociauxet
culturels déterminent I'espacepour
l'émergence detel ou tel
autre mouvement.Maintenant
nous aimerionsporter notfe
attention sur certains aspects du contextepolitique
des mouvements.Au
cours des dernières années, le concept de structure des oppor- tunités politiqnes s'est révélé êtreun outil
précieuxpour
câracériser les aspectsdu
contexte des mouvements, principalementson
influencesur l'action
et I'organisation de ces mouvements.D'abord introduit
par Eisinger (1973) dansle but
de représenterle
degré d'ouverture desvilles
américaines vis-à-vis des désordresqui ont
eulieu
versla fin
des années soixante,il
apar la
suite été élaborépar de nombreux
chercheurset
appliqué principaiementau
niveaunational (Brockett L99L; della Porta/Rucht 1995; Gamson/Meyer
t996;Kitschelt
1986;Kriesi
1995c;McAdam
L996;Rucht
1994,1996;Tanow
t989, 1996, t998)pour
étudierl'impact du
contextepolitique
sur les mouvements sociaux en général.Toujours
en nousinspirant
des rravaux deKriesi
(1995c)et Kriesi et
al.(1992, 1995), nous pouvons distinguer rrois aspeds des opportunités politiques:
la
structureinstitutionnelle,
les stratégies dominanteset la
configuration dupouvoirs. La structure institutionnelle se
rêfèreau degré d'oiverture
et d'accessibilitédu
systèmepolitique et détermine ainsi la force de l'Etat
(Kitschelt 1986).un
Erat esrforr,
et par conséquent fermé et peu accessible aux groupes contestataires, dansla
mesureoù il
est centralisé, ses pouvoirs sont concentrés, son administration publique esrfofte
et cohérente etil
ne présente pas des modalités de démocratie directe. Les stratégies dominantes (et, plus en gênêrd,,les procédures informelles) onttrait
aux modalités,plutôt
exciusives et répressivesou plutôt
inclusives et facilitantes, par lesquelles les âutoritésfont
traditionnellement face àla
contestation. La configuration da pouaoir,l'aspect des opponunités politiques qui peut changer à court rerme, indique la srrucrure des alliances politiqueset
les rapports de force enrre les différents acreurs du sy$ème politique.Kriesi
etù.
(L995) soulignent deux aspecrs importants de laconfiguration du pouvoir pour la mobilisation
des nouveaux mouvemenrs sociaux: la configuration au sein dela
gauche et la présence ou I'absence de la gauche au gouvernement. La possibilité deformer
des alliances politiques avec les partis de la gauche, en particulier, est très importante pour ces mouvements(Kriesi
1986),car
cela augmente les chances que leurs revendicarions soient prises au sérieux et que leurs buts aboutissent.La structure des opportunités politiques influence les stratégies des autorités ainsi que celles des alliés et adversaires des mouvements (della Porta L995, L996;
della
PortalRucht
1995) au seindu
contexte d'interaction,qui
estle lieu
desrelations concrètes entre les différentes acreurs (Giugni 1995; Koopmans 1995;
rù(/isler L994).
A
leurtour,
les actions et stratégies des autorités, des alliés et des adversaires débouchent surun
ensemble d'opportunités concrètes pour les mou- vements sociaux (I(oopmans L995), c'est-à-dire de facreursqui
agissent directe- ment sur les motivations des gens et affectent la mobilisation ainsi que ses for- mes: le rapport entre la répression subie et la facilitation renconrrée, le degré de réforme ou de menace par râpport aux buts des mouvements et les chances de succèsde la mobilisation.
Toutes ces variablesforment un ..mix'
d'oppor-tunités
concrères spécifiquesà un
contexrepolitique
donné. Finalement, les résultats de ces interactions constituent les conséquences de la mobilisation, que nous aborderons dansla
dernièrepartie
de cer essai.La figure
1,qui
est une adaptation de celle présentée par Kriesi et al. (1995),illustre
graphiquement le modèle que nous venons de présenter.270
27t
Figure 1: Modèle du contexte politique des ntouoements soci.aux faiblesse de
I'administration
publiqueet
àl'importance
dela
démocratie di- recte.De I'autre
côté, les autorités politiquesoptent
généralementpour
une stratégie inclusiveet
de négociarion erle
systèmepolitique
penche vers uneintégration
consensuelledes conflits. ceci se traduit dans un ..mix'
d'opportunités concrètes favorables à la mobilisation des mouvements sociauxqui conduit
à des formes d'actionplutôt
modérées,du
moins en cequi
con- cerne la mobilisation orientée sur le plan national. En particulier, I'imporrantefacilitation,
le bas niveau de répression, les chances de succès élevées et le rap-port
relativement stable entre réforme er menâce nous amènent à prédire de hauts niveaux de mobilisation et des stratégies modérées de la part. des mouve- ments sociaux en suisse. Le tableau 2, qui compare la suisse à I'Allemagne, à la France et aux Pays-Bas, nous permer de vérifier cette hypothèse par rapporr âux niveaux de mobilisation.Tableau 2: Niveaux de mobilisation par pdrys, l97i-89. (en milliers par
million d'babiunt)
Stratégies des adversaires Stratégies des
autorités Stratégies des
alliés
Opportunités concrètes
+
+
Niveau et formes de la mobilisa-
tion Clivages sociaux
et culturels
Potentiel
+
Structure des opponunités
politiques
Contexte
d'interaction CH
DFNL
202 74
197 1. Membres organisations(NMS, mouvement ouvrier) 2. Démocratie directe 3. Pétitions
4. Festivals politiques 5. Non-conventionnelles 6. Grèves
29t
)
198 23 22 36 178 225 218
795
1627203 83 156
2
4 136 18 211, 37
857 2289 608 53s
712(1314) (12ee) Q343) (2132) (131e)
187417537
Conséquences de la mobilisation
La structure des opponunités politiques en Suisse se distingue certainement par
son ouverture vis-à-vis des groupes
contestataires,offrant
beaucoup d'opportunités autant formelles qu'informelles (Giugni 1995;Kriesi
1995a)'En nous concentrantpour l'instant
sur les aspects stables,la
Suisse se câractérise parla
combinaisond'un Etat
faible (c'est-à-dire une structure institutionnelle ouvene) avec une stratégie dominante inclusive.D'un
côté,il y
a une extrême ouvertureformelle
due aux fédéralisme, àla
fragmentationdu pouvoir,
à laTotal (n,2-5)
o/o non-conventionnelles (y compris les grèves) Source: Kriesi et al. (1995)6
Les données,
qui
metrent en évidence le nombre de personnes mobilisées pro-portionnellement
àla taille
dela population,
confirmenr que les niveaux demobilisation
augmenrent dansun
contexred'intégration tel
quecelui
de la suisse. C'est unesituation où
les acteurs sociauxet
politiquesrpour
utiliser I'heureusedéfinition
queTarrow
(1996) a donnée des opportunités politiques, reçoivent des signaux qui les encouragent à faire usage de leurs ressources pourformer
des mouvements sociaux.En
effet,si
nous regardonsla
mobilisation totale des mouvements sociaux, nous voyonsqu'ils ont
mobilisé davantage en Suisse que dans les trois autres pays. De plus, l'ouverture institutionnelle est un facteur décisifà cet
égard, puisquela
présence d'instruments de démocratie directecontribue larglment
àfaire croître
les niveaux de mobilisation, sans même quel'on
compte la participation aux vorations qui, bien évidemment, ne peut pas être considérée une forme d'action des mouvements sociaux. Ceci est+
Structure institu- tionelle
Stratégies dominantes
du Configuration
d'autant plus
vrai
que nous prenons en considération les données officielles-
exhaustives
-
outre celles découlant des journaux (deuxième colonne pour le casde la Suisse), données
qu'il
estutile
de regarder du moment que celles des jour- naux sous-estiment systématiquement les formes de la démocratie directe. Bien que les données officielles portent uniquement sur le plan f.êdêraJ',le niveau de mobilisation se trouve presquetriplé.
De manière semblable,on
a montré quela
structure fêdérd,edu
pays, avecla multiplication
despoints
d'accès qu'elle offre, contribue également à faciliter la mobilisation des mouvements (Giugniree6b).
Si nous comparons les quatre pays dans le tableau 2, nous Pouvons effecti- vement
dire
quela mobilisation
des mouvements sociaux augmente avec \a faiblesse de I'Etat et avec I'inclusivité des stratégies des autorités, et qu'elle est le plus élevée lorsque ces deux facteurs sont combinés. Cependant, les niveaux de mobilisation dépendent de la définition des formes d'action utilisées. Le tableau comprend aussi des formesd'action
ayarrt utt très faible seuil d'entréeet
qui n'engagent que faiblementdu point
de vue dela participation'
telles qu'être membred'une
organisationde
mouvement social,la
démocratie directe, la signature de pétitions et la participation aux festivals politiques(a
fête du peu- ple jurassien,par
exemple). C'est principalement grâce à ces formes d'action très modérées que les niveaux de mobilisation sont élevés, alors que dans un cadre fermé comme celui de la France ce sont les formes non-conventionnelles, plus radicales, et les grèves du mouvement ouvrier qui représentent le gros de la mobilisationLe fait qu'en Suisse les organisations des nouveaux mouvements sociaux
ont
beaucoup plus de membres qu'en France suggère que les opportunitéspoliti-
ques agissent également sur I'infrastructure organisationnelle des mouvements
$ftiesi
1996).Nous
pouvonsvoir
ceci à l'aidedu
tableau 3,qui montre
une comparaison, àla fois
entre payset
entre mouvements, des membreset
desressources financières de cinq nouveaux mouvements sociaux, en chiffres abso- lus et proponionnellement à la
taille
dela
populationt. Si ,rorrs regardons les chiffres relatifs, nous pouvons constater I'importance dela
structure organisa-tionnelle
des mouvementsen
Suisse. Dans l'ensemble, lescinq
mouvements retenusont
une infrastructure organisationnelle plus solide aux Pays-Bas, puis en Suisse, en Allemagne et, finalement, en France. L'aspect systématique qui ressort de ces données est la faiblesse des organisations en France, comparati- vement auxtrois
autres pays, cequi
confirme les résultats discutés plus haut quant à la place des nouveaux mouvements sociaux dans ce pays. Cependaflt, cetableau nous
indique
encore quele
degréde structuration
des organisations varie énormément selon les mouvements, indépendamment du contexte natio- nal. Les organisations écologistes sont deloin
les plus riches, autant en termesde
membres que d'argent.certainement, la popularité de la
problémarique environnementale et la prise de conscience del'état
de l'environnement par lapopulation ont contribué à
augmenterles
ressourcesdu
mouvement. par ailleurs, les mouvements écologisteet
de solidarité se démarquenr des autres quant à leur degré élevé de formalisation, de professionnalisation et de bureau- cratisation.on
consrate en général que les mouvementsplutôt
expressifs, quiont
dans la reproduction d'une identité collectiveun
élément fondamental de leur raison d'être,onr un
niveau de ressources (membres et argent) inférieur àcelui des mouvements
qui
suivent une optique plus instrumentale pour,attein-dre leurs
buts politiques. Les gayset
les autonomes urbains constituent un exemple du premiertype,
alors que les écologistes, les pacifistes etle
mouve- ment de solidarité sont eutant d'examples du second type.Ainsi,
certaines ca- ractéristiques propres aux mouvements, noramment leur logique de fonction- nement, sembleraient avoir un impact sur leur structure organisationnelle dansla mesure où ces
caractéristiquesinteragissent avec
I'environnement (Koopmans 1995; Kriesiet
aL.7995).Tableau 3: Membræ et ressources fi.nancières des NMS dans qaatre pays, I9B9 (en ruilliers, cbffies absolues et rehtioes à Ia
popuktion/
Membres
Abs.
Rel. Ressources financièresAbs. Rel.
(")Suisse Allemagne France Pays-Bas
Mouvement écologiste Mouvement de solidarité Mouvement pacifiste Mouvement gay Autonomes urbains
16500 62700 7200 59200 91800 15s00 5300 5000 880
1600 246
Q8)35e0 58
Qns80 10
Qr)3e40 263
(13)(") Q2) (1e) Q4) Qr) 2550 1020 130 3940
4390 23s
(301850 144
(30330 I
(r2)720 14
(e)170 24
(6)5450
Q7)r02o
Q2)270
(1tt7o
(16)110
(6)Moyenae gén&ale
32700 1e50
(96)2300 132
(8e)Source: Kriesi (1996).
Le rôle des opportunités politiques pour les mouvemenrs sociaux réside surtout dans leur impact sur les répertoires d'actions. Le tableau 4 nous permer de con-
firmer
cette constatation. sans aller dans les détails, ces données confirmentI'opposition entre les deux
cas contrastésque sont la
Suisseet la
France (Giugni/Passy 1993a),rour
en nous présentant les deux cas intermédiaires que sont I'Allemagne et les Pays-Bas.t'ouverture
formelle autant qu'informelle du systèmepolitique
suisseincite
à I'adoption de stratégies modérées telles que la démocratie directe, les pétitions et les festivals politiques (des rassemblemenrs institutionnalisésqui
se découlent à des intervalles réguliers). Les acrions con-214 275
frontatives sont largement moins nombreuses que dans les
trois
autfes Pays'Quant
àla
violence,bien
qu'elle se produise beaucoupmoins
fréquemment qrr'en F.ance, elle affiche des niveaux comparables à ceux de l'Allemagne et desp"yr-$"r.
Cependant,le
mouvement des autonomesurbains
(notamment àZurich) a
produit
la plupart des actions violentes en Suisse, suivi par le mouve- ment jurassien. Surtout en ce qui concerne les autonomes zurichois, cette radi- calisation dépend de la configuration des opportunités locales et n'est donc pas unproduit
de I'impact des opportunités nationales'Tableau 4: Formes d'actiondes mouaements sociawx par pays' 1975-89 (en %ù
CH D F NL
Démocratie directe Pétitions
Festivals politiques Démonstratives Confrontatives Violence légère Violence dure
8.1 8.1 5.5 52.5
t3.4 7.7 4.7 100 Vo
(1322)
2.7 2.2 60.6 19.3 6.2 9.0 1OO Vo
(2343)
1.2 1.4 4t.7 24.5 5.8 25.4 100 7o
(2132)
2.8 1.4 49;7 35.0 5.1 6.0 100 Vo (13r9) Total
(n)
Source: Kriesi et al. (1995).
Mis
à part cette situation locale spécifique et le Jura, le répertoire d'actions des mouvements sociaux en Suisse se caractérise donc par sa modération' Ceci est encofe plus évident si nous tenons compte également des formes d'action con- ventionnelles fiuridiques, politiques et médiatiques),qui
Pour ceftains mouve- menrs sonrrès
importantes.A
I'aide du tableau 5, nous Pouvons nous fendfe compte que les formes d'action conventionnelles et démonstratives dominent les répertoires d'actions en Suisse,et
notamment ceux des nouveaux mouve- ments sociaux. Ces derniers, en Particulier'ont
articulé leurs demandes essen- tiellement par le biais de deux stratégies:la
mobilisation pacifiqued'un
grand nombred" p.rrorrr.r,
notamment les manifestations de rue et les marches de protesrarion, d'un côté, et la sensibilisation deI'opinion
publique, directe ou au,r"rr"r.
des médias, de I'autre. Ces deux stratégies sont imPortantes aussi dans les trois âutres pays. Cependant, alors que les formes démonstratives demeurent la forme principale de contestation en Allemagne, en Franceet
aux Pays-Bas, dans cesirois p"ys
les stratégies conventionnellesont
été utilisées moinsfrê
quemment qu'en Suisse.
Bien éviJemment,
il
serait illusoire devouloir
expliquer les variations de lamobilisation
uniquementpar le contexte'politique. Au moins trois
facteurslimitent
I'impact des opportunités politiques sur les mouvements sociâux. Pre- mièremenr, cer impacr varie selonle type
de mouvements s.oopmans 1995).Les mouvements instrumentaux (pour
qui
la poursuite des buts politiques estprioritaire) sont
davantageinfluencés par des
changementsdu
rapport cotrts/bénéficesqu'implique l'action
collective que les mouvemenrs subcultu- rels ou contre-culturels (pour qui la production des identités collectives est plus importante). Deuxièmement, les actions des mouvements ont des effets rétroac-tifs
sur les stratégies des autorités, de leurs alliés et de leurs adversaires, instau- rant des dynamiques indépendantes des opportunités politiques une fois que lamobilisation
a démarré. Troisièmemenr, les mouvements peuvent créer leurs propres opportunités(farrow
1996, 1998) en modifiant les différents éléments de la structure des opportunités politiques.Tableaw 5: Formes d'action dcs nouaeaux rnounernents sociaux par pays,
Ig7i-|g
(en o/")'
CH D F
Conventionnelles Démonstratives Confrontatives Violentes
Total 100 o/o
L00o/o
!00o/o 100 o/o(1081)
(1416) Q568) (t2t
0 Source Giugni (i995).Par ailleurs,
le rôle
des opportunités politiques se manifesre aussi àI'intérieur d'un
pays donné.Ainsi,
en comparanrla
mobilisation du mouvement des au-tonomes urbains dans
deux
grandesvilles
suisses (Genèveet Zurich),
nous avons pu souligner qu'à Genève les auronomes ont privilégié des formes modé- iées, alors quele
mouvemenr deZurich du
début des années quatre-vingt estdevenu célèbre
pour la
radicalisationet la
violence de sa contesration pourI'ouverture d'un
centre auronome des jeunes. Cette différence a êtê expliquéepar le
contextepolitique
existant dansles
deuxvilles,
spécifiquemenr parI'attitude
ouverte et visanr à la négociation des autorités genevoises par opposi-tion
à I'exclusion et à la répression exercée par les autorités zurichoises (Giugni 1995). De façon plus systématique, Kriesi et S/isler (1996) ont tenté une compa- raison intranationale visant à merrre en évidence I'effet modérateur des procé- dures de démocratie directe,un
facreur clé de I'ouverture formelle du système politique suisse, sur les répertoires d'actions des mouvements sociaux. Selon ces auteurs, leprix
d'entrée à la démocratie directe-
en rermes de signatures requi- ses et de délai pour la récolte des signatures-
plus bas en Suisse alémanique parrapport à la
Suisselatine contribuerait en
gênêrd,à
rendreles
répertoires d'actions plus radicaux dans cette dernièredû
à I'usage plus fréquent des ins- truments dela
démocræie directe, surrour deI'initiative
populaire.En
même42.4 42.1 6.9 8.6
28.7 47.3 13.3 10.6
15.8 48.1 17.7 18.3
NL
24.8 42.4 21.r 11.7
(")
temps, cependant, ceci provoquefait une plus grande exclusion et répression des mouvements marginaux dans la parrie du pays de langue allemande, ce qui les pousserait à se radicaliser davantage dans un contexte de grande ouverture de la
àérrro"r"ti.
directe (rJ7isleret d"
1996).La
violence des autonomes zurichoispourrait
donc s'expliquer en Partie Par cette ouvertureformelle du
systèmepolitique
local, carurmouvement
marginal n'a souvent pas les moyens ou la volonté de passer par la démocratie directe. En revanche, lorsqu'un mouvement décided'.*ploit", l.s
possibilités institutionnelles de la démocratie directe, cela a un effet modérateur sur sa mobilisation. Epple-Gass (1988) a notamment mis en exefgue cette fonction modératrice et intégrative deI'initiative
populaire et a même parlé de la transformation du mouvement pacifiste enun
<<mouvement d'initiativerr. Nous ne partageons cependant pas le pessimisme de cet auteur, quivoit
dans cettefonction
latente deI'initiative
une grandelimite
de la contesta-rion
en Suisse @pple-Gass 1991).A notre
avis,il
néglige les effets positifs et indirects de cet instrument surla
mobilisation des mouvemeflts sociaux, sur-rour la
possibilité de placerun
enieu sur I'agendapolitique
etpublic
(Giugni 1991). Evidemment, les mouvements doivent être prêts à saisir cette opportuni-té institutionnelle
queleur offre le
systèmepolitique
suisse @anaszak I99L).L'exemple
le plus
êclatantest
Peut-êtfecelui de la première initiative
du Grorrp. po,r, une suisse sans armée (GSsA) pourl'abolition
de I'armée. Si elle a été,"leté.
lors de lavotation
en 1989, cetteinitiative
a probablement'contribué à mettre en marche les réformes au sein de I'arméequi ont
eulieu
dans ces dernières années.Pour
conclure cette partie consacrée aux stfuctures, nous Pouvonsportef notfe
attention sur ladistribution
des actions de la droite radicale. Nous cons- tatons d'abord que, contrairement à cequ'on pourrait
penser,le
pourcentage d'actions conventionnelles menées Par cet acteurcollectif
est plus élevé eu1 celui des autres mouvements et même des nouveaux mouvements socraux, quront
dans la sensibilisation du public par le biais des médias une de leurs straté- gies privilégiées,surtout
en Suisse.En
effet, plus dela moitié
des événements prodrritrp"i
ladroit.
radicale ont suivi des formes conventionnelles (surtout detyp. poftiqne
et médiæique). Ensuite, nous observonsun
large usage desfo'-
mes violentes. Presqu'untiers
des événementssont
des ades de ,riolencelo'Nous
voyons donc quçla
violencepolitique
dedroite n'a
pas étêun
phéno-mène marginal, bien au contraire, même si la plus grande partie de la mobilisa-
tion de la droite
radicaleen
Suisses'inscrit
dansle
cadrede la
légalitê(Altermatt/Kriesi
1995).En
combinant ces deux constâtations' nous pouvolls insister sur l'idée avancée plus haut, comme quoi l'action politique de la droite radicale se polarisesur un axe
conventionnel-violentne
laissàntque
Peud'espace au stratégies non-conventionnelles modérées (es démonstrations paci-
fiques, par exemple), dors que les nouveaux mouvemenrs sociaux agissent prin- cipalement par
le
biais de ce type d'actions. Les caractéristiques internes de la droite radicale er le contexte politique concourenr probablement à produire cet effet (Kriesi 1995b).3
Les processusJusqu'à présent, nous avons
porté un
regard statique sur les mouvements so- ciaux en Suisse et dans les pays que nous avons utilisés pour avoir des termes de comparaison. Maisla
mobilisation estun
processus eril
nous faut donc nous pencher également sur son côté dynamique. L'étude de Kriesi et al. (19g1) sur les activitéspolitiques en
Suisse àpartir du
deuxième après-guerre amis
en évidence I'explosion du nombre d'événements de protestation à cheval enrre les années soixante et soixante-dixll.Com-e
le montre la figure2,
ceteaugmenra-tion du
niveaud'activité
est due principalement à I'avènemenr des nouveaux mouvements sociaux aprèsla
vague de contestârion estudiantine. Cependant, tous les mouvementsont
accru leurs activités pendant cette période,un
phé- nomènequi
caractérise'vn qtcle de protestationffarrow
LgBg, tggg).parmi
les mouvements ancrés sur les clivages traditionnels, une place centrale est prisepar le conflit
jurassien (Ganguillet 1984; Henecka L972; Rennwald rgg+:).ce conflit
aux racines profondes éclata à la suite de la dite affaire Moeckli de 1947.A partir
de ce moment,le
Rassemblernent jurassien intensifia ses activirés et lança, en L957,we initiative
cantonale visantla
séparation du Jura du canton de Berne,initiative
rejetêeen
Lg59.ParIa
suite,le conflit
se durcira, ce quiprovoquera I'intervention des autorités
fédérales.Finalement, grâce
àl'adoption d'un additif
consrirurionnel dans le canron de Berne, le canton Juravit
lejour
en L979.L'intensification
de la campagne aurour de la constitution du nouveau canton explique en grande partie l'augmentation des actions régio- nalistes en Suisse à lafin
des années soixante et âu cours des années soixante-dix.Par ailleurs, l'exclusion d'une partie du
territoire
originairement perçu comme faisant partie du Jura afait
en sorre que leconflit
ne se soit pas réglé complète- ment avec la création du nouveau canton,La figure 2 monrre que liexplosion de la mobilisation extraparlementaire à
partir de la
fin
des années soixanre est également due à la reprise de l'activité du mouvement ouvrier, qui est certainement le mouvement historiquement le plusimportant en
suisse.L'importance du
mouvementouvrier
se reflète dans lenombre
considérablede
rravauxporranr sur son histoire
(Garbani/schmid 1980;Groupe'de travail pour I'histoire du
mouvementouvrier zurich
r97g;Gruner
7987-1988; Hardmeier L97o;Lezzi 1990; Revue Européenne des scien- ces sociales1973;studer/vallotton L997;Yuilleumier t973;vuilleumier
et al.278 279