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Pour une géographie sociale des espaces et des pratiques funéraires

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Academic year: 2022

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Pour une géographie sociale des espaces et des pratiques funéraires Appel à textes pour la revue Géographie et Cultures

Si la thématique de la mort a été largement traitée par un certain nombre de disciplines en sciences sociales (anthropologie, sociologie, histoire, etc.), rares sont les travaux réalisés en géographie concernant sa dimension spatiale. Pourtant, comme l’explique le géographe G.

Di Méo en avant-propos des actes d’un colloque intitulé « Les espaces de la mort »1 − colloque organisé le 7 avril 2009 à Bordeaux par l’association DOC’GEO −, la mort est une

« réalité incontournable, aboutissement inexorable de toute forme d’existence » qui s’inscrit dans la matérialité des lieux et « hante l’espace géographique » (Di Méo, 2010, p.5). Elle génère

des espaces spécifiques (cimetières, nécropoles, panthéons, mémoriaux, sites mortuaires, etc.) et des formes spatiales concrètes (tombes, mausolées, columbariums, cavurnes, etc.) qui, au- delà de leurs « consistances matérielles », véhiculent de « puissantes charges idéelles » (Ibid., p.5) opposant la rupture physique à la restructuration symbolique, le visible à l’invisible, l’éphémèrité corporelle à la permanence mémorielle.

Dans l’avant-propos des actes du colloque de 2009, G. Di Méo montre en quoi la thématique de la mort a un intérêt tout particulier pour la géographie, tant dans l’organisation et la configuration matérielle des espaces qui lui sont consacrés, que dans les pratiques, rites et représentations idéelles qui lui sont associées. S’il révèle une carence disciplinaire de la géographie française dans l’étude des espaces et des pratiques de la mort, il ne fait que remettre en exergue un constat déjà établi en 1991 par l’historien R. Bertrand dans un article écrit spécialement à l’intention des géographes dans la revue de géographie Méditerranée. Cet article au titre explicite « Pour une étude géographique des cimetières de Marseille » (1991) démontre en quoi les cimetières peuvent – et surtout devraient − faire l’objet d’études approfondies en géographie. Il recommande notamment aux géographes d’analyser les espaces de la mort sous l’angle d’une double approche : une approche « externe » dans laquelle la place du cimetière est interrogée dans son environnement et, une approche

« interne » qui s’intéresse à « localité des morts » ou, – pour le dire plus simplement – à la

« place des morts » dans la configuration propre du cimetière. Plus qu’un simple conseil, il s’agit avant tout d’une invitation lancée aux géographes pour éveiller leur intérêt à rejoindre le rang interdisciplinaire des études consacrées à la mort, ses espaces, ses rites et ses représentations.

En effet, bien qu’elle ne soit pas formalisée, il existe bel et bien une géographie de la mort et des espaces qui lui sont consacrés. La mort est présente partout (chaque être humain meurt), et partout elle est ritualisée (chaque société adopte une attitude particulière face à la mort, face aux morts). Cependant, toutes les sociétés, groupes sociaux ou individus, n’entretiennent pas le même rapport au mourir (les derniers instants du vivant), à la mort (le passage de la vie à la mort) et à l’après-mort (le deuil et la prise en charge du défunt). En fonction des époques, des cultures, des croyances et des classes sociales auxquels les

1 DOC’GEO, 2009. Colloque Les espaces de la mort. Bordeaux, 7 avril 2009. UMR ADES.

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individus et les groupes sociaux appartiennent (ou ont appartenu), la ritualisation dans le traitement des morts, de même que les modes d’appropriation des espaces de la mort varient, évoluent et se transforment (Gravari-Barbas, 1992 ; Pitte, 2004).

Si presque trente ans se sont écoulés depuis le premier appel lancé aux géographes par R. Bertrand (1991) – suivie de l’invitation de G. Di Méo (2009) –, il est clair que la géographie ne prend toujours pas sa place aux côtés des sciences sociales dans les réflexions autour des enjeux spatiaux liés à la mort. Malgré quelques travaux réalisés ces dernières années (P. Philifert, 2004 ; A. De Cauna, 2005 ; E. Petit, 2009 ; C. Gueguen, 2010 ; Tratnjek, 2010), l’apport des géographes sur le sujet reste discret (Germaine, 2016). Ce numéro de la revue Géographie et Cultures propose donc de réitérer cet appel afin d’encourager les géographes à s’engager davantage dans l’étude des espaces de la mort, de ses pratiques et de ses représentations.

Trois axes de réflexion sont proposés pour ce numéro thématique :

1. Les espaces funéraires

Cet axe propose de s’intéresser aux différents types d’espaces de la mort qui existent dans le monde en tenant compte de la place qu’ils occupent au sein de l’espace géographique.

En effet, s’il existe une multitude d’espaces de la mort dans le monde, c’est avant tout parce qu’ils constituent des « espaces sociaux » inégaux (Di Méo, 2010), empreints des diversités culturelles et des inégalités sociales qui divisent les sociétés, les groupes sociaux ou, les individus entre eux. Aux différentes échelles de la géographie, les espaces de la mort se distinguent du fait qu’ils ne réfléchissent pas tous le même héritage historique, culturel, social, politique ou même artistique. Ainsi, loin de se limiter à une simple comparaison des espaces de la mort − à l’échelle globale ou locale −, l’idée est de s’interroger sur la complexité des hétérogénéités sociales et culturelles qui composent les sociétés et influent sur la manière de produire et de s’approprier ces espaces. En quoi les différences géographiques entre les cimetières – aux échelles intra-urbaines, urbaines et rurales, régionales, etc. – traduisent-elles des rapports différenciés à la mort entre les sociétés ? En quoi les évolutions sociales, culturelles et économiques des sociétés engendrent-elles de nouveaux rapports à la mort (accroissement démographique, accélération du rythme de l’urbanisation, augmentation de la pratique de la crémation, processus de mobilités, déclin de la religion, passage au numérique, création de cimetières virtuels, etc.) ? Comment ces nouveaux rapports s’expriment-ils spatialement dans la manière d’aménager et de gérer les cimetières ?

2. L’espace des morts

Ce deuxième axe propose d’affiner l’échelle d’analyse en interrogeant cette fois-ci la place des morts dans la configuration même des espaces de la mort. En quoi l’espace des morts, et plus précisément la place que les morts occupent dans les cimetières, réfléchit-il et reproduit-il l’expression des enjeux sociaux, culturels, identitaires, politiques qui structurent et organisent le monde des vivants ? Dans une perspective visant à la fois à mettre en lumière

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l’expression

et la persistance de certaines formes d’inégalités sociales et de rapports de pouvoir après la mort, plusieurs pistes peuvent servir à l’analyse : le style et la composition des tombes ou des monuments funéraires (formes architecturales, matériaux utilisés), l’emplacement et la visibilité de ces monuments dans les cimetières (urbains ou ruraux), la place des parcs privés (carrés des anges, carrés professionnels, carrés d’associations, carrés confessionnels, etc.), mais également celle des fosses communes par exemple. En effet, si le style et la composition

des tombes sont le résultat de choix individuels ou collectifs, leur emplacement répond très souvent à des logiques stratégiques d’aménagement qui révèlent − en plus des appartenances identitaires – le capital social, culturel et économique des individus enterrés. Enfin, il est possible d’affiner davantage l’analyse en s’intéressant aux marquages symboliques et identitaires présents ou non sur les monuments funéraires (noms, épitaphes, offrandes, éléments décoratifs, signes religieux, etc.). En quoi certains modes d’appropriation de l’espace des morts par les individus et les groupes sociaux peuvent-il être des indices révélateurs des différentes formes d’exclusion – sous-entendu des rapports de pouvoir et de domination − présentes dans la société ? Aussi, en quoi peuvent-ils devenir des moyens d’affirmer, voire de revendiquer des appartenances sociales, culturelles, politiques ?

3. Les temporalités rituelles

La mort est un processus social et culturel qui engage les vivants, à la fois dans l’élaboration et l’appropriation d’espaces qui lui sont consacrés, de même que dans la mise en scène des rites et des pratiques qui lui sont associés (Destemberg et Moulet, 2007). En effet, comme l’écrivait P. Baudry en 1998 : « Aucune société n’abandonne ses morts sans précaution rituelle » (Baudry, 1998, p.7). Largement étudié en anthropologie, en sociologie ou encore en histoire, le rituel funéraire est un processus normatif qui repose sur un ensemble de pratiques collectives, socialement ou culturellement transmises, dont les objectifs sont à la fois de marquer symboliquement la mort et, d’accompagner les morts, de leur rendre un dernier hommage, jusqu’au lieu de leurs sépultures. Prenant généralement la forme d’une cérémonie (religieuse ou non) ordonnée au sein d’un cadre spatio-temporel spécifique, le rituel funéraire permet aux vivants d’effectuer un dernier geste symbolique à l’égard de leurs proches décédés afin de clôturer correctement leur passage sur terre. Ici, on s’intéresse à la question des temps sociaux et des temporalités dans la pratique des rituels funéraires : le temps de préparation des corps (toilette mortuaire, habillement, embaumement), le temps de la mise en bière (mise en cercueil), le temps du regroupement des endeuillés autour de la figure du défunt, le temps de la levée du corps (le transport du cercueil vers l’espace de cérémonie puis/ou de sépulture), celui de la mise en sépulture (cérémonie des adieux suivie de l’inhumation ou de la crémation), ou encore les temps de partage, de recueillement ou de commémoration dans les cimetières. En quoi ces temporalités rituelles sont-elles dépendantes du rapport des individus et des groupes sociaux à la mort ? En quoi l’évolution des différents rapports à la mort fait-il émerger de nouvelles temporalités rituelles ? Quels sont les espaces consacrés à − ou spécifiquement aménagés pour − la réalisation de ces temporalités rituelles ?

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Enfin, en quoi les différentes pratiques de l’espace des morts agissent-elles sur ces temporalités ?

N.B : Il est à noter que les trois axes proposés pour cet appel peuvent être pris séparément ou de manière transversale. Aussi, cet appel est interdisciplinaire. Il est ouvert à tout-e-s chercheur-e-s en sciences sociales à condition que les réponses s’intègrent aux différents enjeux sociaux et spatiaux de la géographie.

Modalités de soumission et d’évaluation

Les textes (entre 35 000 et 50 000 signes) sont à soumettre à

Une déclaration d’intention est attendue pour le ** avec une remise des articles le ** au plus tard en vue d’une publication **.

Les instructions aux auteur-e-s sont disponibles en ligne : **

Les articles seront évalués en double aveugle.

Références citées

Baudry, P, 1998. « La mise en scène de l’invisible », Frontières, variations sur le rite, vol.10, n°2, p.7-10.

Baudry, P, 2006. La place des morts. Enjeux et rites. Paris, Ed. L’Harmattan, Coll. Nouvelles Etudes Anthropologiques, 206p.

Bertrand, R, 1991. « Pour une géographie des cimetières de Marseille », Méditerranée, n°73, pp.47-52.

De Cauna, 2005. « Les cimetières de Saint-Denis : un territoire de reconquête identitaire pour les communautés indiennes de la réunion », Mappemonde, n°77.

Destemberg, A et Moulet, B, 2007. « La mort. Mythes, rites et mémoire », Hypothèses, vol.

10, n°1, pp.81-91.

Di Méo, G, 2010. « Avant-propos », Cahiers Ades. Les Espaces de la mort, n°5, pp.5-9.

Gravari-Barbas, M, 1992. « Déchristianisation et espace : évolution de l’espace de la mort pendant le siècle des Lumières », Géographie et cultures, n°4, pp.121-142.

Gueguen, C, 2010. « Le rôle des morts dans la localisation et les actes sociaux des Chinois aux Philippines », Cahiers Ades, Les Espaces de la mort, n°5, pp.117-129.

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Lemieux, R, 1985. « L’écriture du cimetière », In Lemieux, R et Réginald, R, Survivre… La religion et la mort. Montréal, Ed. Bellarmin, Coll. Les Cahiers de recherches en sciences de la religion, n°6, 285p.

Ndiaye, L, 2005. « Mort et altérité : approche socio-anthropologique d’un phénomène indicible », Ethiopiques, n°74, pp.15-20.

Petit, E, 2009. « La lutte des places à Chamonix : Quand la mort devient enjeu spatial », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Politique, Culture, Représentations, document 475, mis en ligne le 28 octobre 2009.

Philifert, P, 2004. « Rites et espaces funéraires à l’épreuve de la ville au Maroc. Traditions, adaptations, contestations », Les Annales de la recherche urbaine, n°96, pp. 34-43.

Pitte, J-R, 2004. « A short cultural geography of death and the dead », Geojournal, n°60, pp.345-351.

Tratnjek, B, 2010. « Les espaces de la mort à Mitrovica (Kosovo) : des géosymboles de la lutte identitaire », Cahiers Ades, Les Espaces de la mort, n°5, pp. 105-115.

Varnier, C, 2016. « De la mobilité des vivants à celle des morts : permanences et mutations du rituel funéraire guajiro dans les cimetières de Maracaibo, Venezuela », Cahiers d’Outre-Mer, n°274, pp.207-234.

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