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Former les enseignants par et/ou à l improvisation?

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Academic year: 2022

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19-1 | 2022 Varia

Former les enseignants par et/ou à l’improvisation ?

Training teachers through and/or in improvisation?

Guillaume Azéma et Serge Leblanc

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/activites/7254 DOI : 10.4000/activites.7254

ISSN : 1765-2723 Éditeur

ARPACT - Association Recherches et Pratiques sur les ACTivités Référence électronique

Guillaume Azéma et Serge Leblanc, « Former les enseignants par et/ou à l’improvisation ? », Activités [En ligne], 19-1 | 2022, mis en ligne le 15 avril 2022, consulté le 17 avril 2022. URL : http://

journals.openedition.org/activites/7254 ; DOI : https://doi.org/10.4000/activites.7254 Ce document a été généré automatiquement le 17 avril 2022.

Activités est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Former les enseignants par et/ou à l’improvisation ?

Training teachers through and/or in improvisation?

Guillaume Azéma et Serge Leblanc

1. Introduction

1 En Occident, le terme improvisation a d’abord été « associé à des pratiques populaires et ludiques de théâtre (…) puis lié à la musique avec le verbe “improviser”, défini au XVIIe siècle par “composer sur-le-champ et sans préparation”. » (Mouëllic, 2011, p. 7).

Comme nous avons déjà pu en rendre compte (Azéma, 2015, 2019), depuis plus de 40 ans, la notion d’improvisation apparaît dans diverses recherches portant : (a) sur la description ou la compréhension des interactions en classe et de leurs dynamiques (e.g.

Erickson, 1982 ; Gershon, 2006 ; Sawyer, 2004a), (b) sur le fonctionnement des enseignants (e.g. Borko & Livingstone, 1989 ; Perrenoud, 1994b ; Tochon, 1993), (c) sur le travail enseignant (e.g. Azéma, 2019 ; Tardif & Lessard, 1999), (d) sur la façon dont apprennent les élèves (e.g. Baker-Sennett & Matusov, 1997), ou encore (e) pour analyser la portée de situations d’apprentissage spécifiques dans des disciplines d’enseignement ciblées (e.g. Gagnon, 2011, en cours de français). Cette revue de littérature s’intéresse à un thème connexe qui est plus ou moins directement en relation avec l’ensemble des thèmes précités. Elle choisit de mettre la focale sur les recherches portant sur (ou ayant un lien avec) la formation des enseignants par et/ou à l’improvisation, elle vise à enrichir l’exploration de ce thème1.

2 Concernant le travail enseignant, la légitimité ou l’intérêt de la formation par et/ou à l’improvisation ne va pas forcément de soi. Dans le cadre de notre problématisation, nous verrons qu’elle peut être considérée comme impossible, indésirable, ou qu’à l’inverse, elle peut apparaître incontournable, souhaitable. Quelles différentes formes peuvent prendre l’entraînement ou le développement par et/ou à l’improvisation (l’improvisation en tant que praxis et en tant que résultat) ? Apporter des éclairages à

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cette question participe d’une révélation de différentes logiques concernant le travail enseignant.

3 Afin de donner sens et relief à la synthèse des textes qui sera présentée dans cet article, nous proposons ci-après deux points de problématisation.

1.1. « L’impensable » formation par et/ou à l’improvisation ?

4 « On ne naît pas professeur, on le devient – prendre en compte la différence ne s’improvise pas ! (…) Il y a un temps et un lieu pour chaque chose, les IUFM2 n’improvisent pas la formation des enseignants depuis 20 ans ! », pouvait-on lire sur certaines affiches de la campagne de communication3 qui, en 2008, accompagnait une résistance à l’intégration des IUFM aux universités. Des deux acceptions extrêmes de la notion d’improvisation, cet affichage choisissait la pire : celle qui fait d’elle le synonyme d’un amateurisme inefficient, voire dangereux (« dévalorisation critique »), contre celle qui la confond avec la virtuosité du génie créateur de et dans l’instant (« valorisation mythique », De Raymond, 1980)4.

5 S’il peut être avancé que toute une part des pratiques pédagogiques réelles se niche dans les « non-dits », dont « l’improvisation à haut risque » (Perrenoud, 1995), en France, à l’Éducation nationale ou dans les institutions de formation des maîtres, ont été mises en avant les figures du « technicien » ou de « l’ingénieur » et plus récemment celle du « praticien réfléchi » (Altet, 2001 ; Schön, 1994). Cette évolution traduit-elle une certaine prudence ? Tout se passe comme s’il fallait, sur le plan symbolique, contrecarrer a priori le risque d’un reproche d’incompétence et d’un discrédit social de la profession ou encore comme s’il y avait un devoir à donner du métier d’enseignant une image publique conforme à un idéal de maîtrise et de raison, alors même que l’on peut aussi considérer que techniciens, ingénieurs ou praticiens réfléchis improvisent.

6 Dans les textes officiels, l’efficience en enseignement est fortement associée à des dispositions à la planification du travail dans le détail. Le référentiel des 10 compétences des maîtres de 2010 valorisait largement le couple planification/

évaluation et les compétences d’anticipation, de prévision, et de régulation qui lui sont associées. Le terme d’improvisation n’est jamais employé. Dans le référentiel de 2013

« des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation » (arrêté du 01/07/2013 paru au BO no 30 du 25/07/2013), on note un infléchissement de la place faite au champ lexical de l’anticipation, avec la mise en avant des notions d’adaptation (en contexte de classe) et d’innovation (sachant que l’innovation est d’abord associée à une activité réflexive hors de la classe). On ne rencontre pas la notion d’improvisation.

7 Pourquoi, dans un tel contexte, des chercheurs peuvent-ils en venir à étudier ou à discuter la question de la formation par et à l’improvisation ? Comment analysent-ils ou conçoivent-ils les situations qui s’y rapportent ? Ces analyses ou conceptions peuvent-elles nous renseigner plus largement sur le travail enseignant ? Peuvent-elles nous engager à adopter certains partis pris quant à la formation ?

1.2. « L’impossible » formation à l’improvisation ?

8 Nombre d’auteurs abordant la question de l’improvisation en enseignement et apprentissage scolaire considèrent que les enseignants ont tout intérêt à devenir compétents en improvisation. Avec Tochon (1989) et Huberman (1993), on peut

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toutefois se poser les questions paradoxales suivantes : comment les compétences d’un

« bricoleur » (ses savoirs et savoir-faire incarnés, ses capacités) peuvent-elles se partager avec autrui ? Comment le formateur peut-il traiter d’un acte « en quelque sorte indéterminé ou en tout cas invisible » (Huberman, 1993, p. 84) ? Un doute sur la possibilité de formations par et/ou à l’improvisation avait déjà été soulevé par De Raymond (1980, p. 62) lorsqu’il interrogeait : « Peut-on apprendre ce qui, par définition, ne se répète pas, qui à chaque fois diffère, n’arrive qu’une fois tel qu’il arrive ? ». Y a-t-il un intérêt à considérer la possibilité d’un apprentissage, d’un développement par ce qui, par définition, n’arrive qu’une seule fois tel que cela arrive ?

9 Ces questions nous invitent à faire la différence entre l’improvisation en tant que résultat (ce qui est improvisé) et l’improvisation en tant que praxis. On pourrait avancer que l’improvisation-résultat échappe constamment à toute reproductibilité. Plus exactement, elle doit y échapper car c’est, ontologiquement, ce qui la caractérise.

L’improvisation-résultat est en effet, d’une manière ou d’une autre, nécessairement autre, différente de ce qu’elle a déjà été. Est-ce à dire qu’elle est toute différente, à chaque fois ? Est-ce à dire que rien ne reste de ce qui la précède, de ce qui contribue à son émergence ? Sans doute pas. Le même raisonnement pourrait valoir pour l’improvisation-praxis. Est-elle à chaque fois intégralement nouvelle ? D’aucuns défendent que ce n’est pas le cas. Pour Laborde (2005), cette « mémoire de l’instant » émerge régulièrement d’une rencontre entre ce qu’un acteur a déjà fait et ce qui, à la pointe du présent, survient du et dans le jeu des interactions (affordances impromptues, associations improbables, tentatives, actions alternatives et altérées, soit des actions qui, dans le feu de l’action, sont ou deviennent autres). C’est cette rencontre qui à la fois comprend des régularités et du « encore jamais vu », du « encore jamais fait » (tel que cela a complètement déjà été vu, déjà été fait) qui peut transformer jusqu’au processus de rencontre lui-même, et qui débouche sur un résultat qui, on l’a vu, doit être toujours suffisamment nouveau5.

10 Peut-on former à être contemporain d’un mouvement qui, systématiquement, est à la fois identique et nouveau ? L’improvisation peut-elle être le sujet ou l’objet d’une mise en forme, d’un engendrement, ou d’une forme qui se prend ?6

11 Notre article « marchera sur un fil », en tentant d’appréhender comment éviter un double écueil : a) celui de valoriser un modèle d’acculturation basé sur l’apprentissage de l’improvisation, mais qui lui enlève son caractère spontané et, b) celui d’écarter ce type d’apprentissage pour le réserver à certaines personnes (De Raymond, 1980).

2. Méthode

12 Délimitant en amont notre corpus par The scientific basis of the art of teaching (Gage, 1978)7, nous nous sommes centrés sur des textes qui font explicitement référence à l’improvisation8. Les textes ont été sélectionnés suivant une méthode systématique ayant consisté : a) à interroger, en première approche, le moteur de recherche Google Scholar, b) à interroger diverses bases de données en sciences humaines et sociales : Éric, ScienceDirect, Francis, Isidor, à partir des mots clés : improvisation, enseignement/

teaching, éducation/education, classe/class, formation/training ; c) à « remonter » la littérature à partir des références citées dans les publications étudiées ; et d) à rester ouvert et en alerte sur l’actualité scientifique des sciences de l’éducation en lien avec la formation à ou par l’improvisation.

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13 L’ossature du corpus se compose majoritairement d’articles de revues à comité de lecture ou de chapitres d’ouvrages scientifiques (tableau 1). Les textes ont été produits par 48 auteurs (dont 37 Américains du Nord, 2 Américaines du Sud, 9 Européens, dont 4 Français).

Tableau 1 : Résultats de la recherche pour constituer la revue de littérature.

Table 1 : Results of the research to constitute the literature review

Types de textes Nombre

Articles de revues scientifiques 22

Ouvrages et chapitres d’ouvrages scientifiques 11

Communication / rencontre annuelle d’associations de recherche USA 1

Thèses 3

Ouvrage pédagogique (introduit et co-écrit par des chercheurs) 1

14 Afin de déboucher sur l’architecture de la présente note, nous avons opéré selon une méthode d’analyse inductive (Blais & Martineau, 2006). Nous nous sommes appliqués à repérer des unités de sens traversant les textes et, suivant ces dernières, à la construction progressive de catégories ; ce jusqu’à saturation des principales lignes de force de leur contenu. Cette catégorisation nous a conduits à associer dans notre modélisation des pratiques et des concepts.

15 Comme nous le verrons, une lecture attentive permet de pointer un ensemble de partis pris très différents en termes de développement de la professionnalité des enseignants.

Ils concernent par exemple : la formation comme espace-temps de professionnalisation hors de la classe versus la classe comme lieu et moment crucial de développement professionnel9 ; le poids de l’arrière-plan réglé de l’action de l’enseignant versus le processus de modification du réglage de cet arrière-plan ; une activité d’invention chez les novices versus l’adaptation maîtrisée chez les chevronnés.

16 En guise de synthèse synoptique de ce travail, nous présentons au préalable un schéma de six axes, mettant en exergue un ensemble de particularités et permettant une série de jeux dialectiques (schéma 1).

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Schéma 1 : Propositions d’une modélisation de possibles axes dialectiques concernant : la conception de la formation et l’improvisation.

Diagram 1 : Proposals for the modeling of possible dialectic axes concerning: training and improvisation

17 Dans la suite du texte, pour donner à comprendre ces possibles jeux, nous développons de manière détaillée deux illustrations, puis nous présentons une synthèse des modalités de formation ou des façons d’accompagner le développement de la professionnalité par et/ou à l’improvisation. L’article se termine par une courte discussion concernant la différence que l’on gagne selon nous à faire entre formation par et/ou à l’improvisation et formation par et/ou à l’adaptation.

3. Normalisation versus « émancipation »

18 Globalement, en les nuançant, les auteurs avancent deux points de vue différents10. Barbier (1981) insiste largement sur la nécessité de création, d’émancipation et de liberté en éducation via l’improvisation. Pour lui, « l’improvisation éducative » repose sur « l’autorisation » dans le sens de « devenir soi-même son propre auteur » et est associée à une « pédagogie du potentiel créateur ». Elle suppose, dans une dynamique de type structuration-déstructuration-restructuration, une révolte contre « l’ordre établi », la bousculade des « systèmes sociaux-mentaux qui nous régissent de façon mélodramatique » (ibid., p. 9). Ce qui ne va pas sans conflit et jubilation. On retrouve la problématique de l’émancipation chez Cardozo de Freitas et Amarilha (2008), ou chez Cazden (1988) qui évoque le caractère transgressif de l’improvisation. Selon ces auteurs, l’improvisation présuppose une transgression des règles, une adaptation des schémas classiques par l’utilisation des connaissances de façon créative. Gage (1978, p. 15) précise : « En tant qu’art pratique, l’enseignement doit être reconnu comme un processus qui implique l’intuition, la créativité, l’improvisation et l’expressivité. Un processus qui fait une entorse à ce qui est impliqué par les règles, les formules et les algorithmes ». Berliner (2011) le rejoint, en précisant que si les algorithmes, les

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procédures, les scripts, les protocoles de conduite de l’instruction ont une valeur indéniable, le fait de croire qu’ils peuvent systématiquement améliorer l’enseignement et l’apprentissage et le fait de les imposer aux enseignants constituent des erreurs.

19 Pour Sassi (2011), les enseignants, en tant que responsables, ne sauraient improviser selon les caprices du moment et/ou leur improvisation ne saurait déboucher sur une pratique chaotique ou inefficiente de classe et sur la construction par les élèves de compétences de bas niveau11. Aussi, la portée positive de l’improvisation des enseignants en classe est conditionnelle. L’auteure remarque que, livrés à eux-mêmes, les enseignants ne saisissent pas suffisamment les enjeux d’apprentissage et n’honorent pas toujours leurs obligations et leur responsabilité. Elle envisage comment les artefacts curriculaires tels des dispositifs d’enseignement ou des manuels « peuvent être conçus pour encourager des réponses improvisationnelles spécifiques plutôt que les simples ajustements inévitables qui sont partie intégrante des interactions courantes » (ibid., p. 214).

Suivant la métaphore musicale, elle parle de « jouer le morceau dans la tradition », suivant des « partitions » qui ne sont donc pas à jouer à la note. Cela favorise par ailleurs l’émergence d’occasions d’apprentissage collaboratif. Toutefois, Sassi (ibid.) souligne que cette saisie et exploitation des occasions en situation d’enseignement implique une compréhension approfondie des contenus disciplinaires et de la façon dont les élèves apprennent et peut nécessiter un accompagnement, par exemple, par un conseiller pédagogique.

4. Réfléchir sur l’action versus réfléchir en action

20 Pour Perrenoud (1994a, p. 81), « enseigner c’est souvent réagir au quart de tour devant des situations imprévues et s’en sortir sans trop de dégâts ». Partant du principe que toute liste de conseils, élaborée suivant un ensemble de correspondances incidents/actions, serait vaine, il insiste sur le fait que « la seule façon défendable de former les maîtres à agir efficacement dans de telles circonstances, c’est de les y placer régulièrement durant leurs études » (ibid., p. 83), puis d’analyser cette pratique pour les aider à comprendre leur fonctionnement, leurs impulsions, leurs émotions, leurs allergies, leur indifférence à certains signes, leur cécité face à certains mécanismes. Car il soutient que l’improvisation est réglée par l’habitus. C’est pour transformer cet habitus (ensemble de routines, d’habitudes et de schèmes opératoires de haut niveau qui sous-tendent les microdécisions d’urgence), pour en faire le levier d’une action enseignante à la fois opérationnelle et éthique, qu’il convient de former les enseignants – en étendant la réflexion sur l’action au-delà de son registre conscient et rationnel (Perrenoud, 2001a, 2001b). L’analyse de pratique, entendue, dans l’après-coup de l’(inter)action, comme un travail sur ce qui sous-tend cette pratique (mémoire, identité, représentations, savoirs, savoir-faire, attitudes, schèmes de pensée), doit favoriser la prise de conscience.

Prendre conscience, c’est accéder à un peu de son « inconscient pratique ». Réfléchir sur l’action doit donc concourir à servir le caractère efficient et éthique de l’improvisation en classe : a) en participant de la transformation des schèmes et de l’habitus, b) en étant un moteur possible du changement et, c) en visant à contrecarrer les actions transparentes inefficaces, injustes, etc., sous-tendues par des « prêts à penser » et par des « prêts à ré-agir » inopérants.

21 Ce point de vue, très largement répandu dans la culture des instituts de formation d’enseignants, est contrebalancé par un second, qui rappelle que chez Schön, la

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réflexivité du praticien connaît deux espaces-temps : après l’action et en action. C’est par exemple, semble-t-il, le cas de Yinger (1987b) ou de Humphreys et Hyland (2002).

22 La suite de l’article présente une synthèse des partis pris typiques de formation par et/

ou à l’improvisation qui pourra aider le lecteur à comprendre comment d’autres possibilités dialectiques (présentées dans le schéma ci-avant) ont été construites.

5. Se former hors de la classe pour être capable d’improviser en classe

23 Le développement des compétences des enseignants en rapport à l’improvisation (devenir capable d’improviser et que cette improvisation soit fructueuse, pour ce qui concerne la dynamique des interactions en classe) s’effectue hors de la classe dans une institution ou une association, et intègre un programme de formation initiale ou continue. Les dispositifs sont souvent alternatifs et innovants. Ils concernent non exclusivement, mais régulièrement les enseignants débutants. Cette formation hors de la classe prend différentes formes.

5.1. Pratiquer le théâtre d’improvisation

24 Aux États-Unis ont vu le jour des programmes de développement professionnel proposant un entraînement à l’improvisation, par exemple : le Center for Artistry in Teaching – Washington DC, l’Academic Play – New Jersey (Sawyer, 2004b) ; le Stanford Teaching Studio et le Center to Support Excellence in Teaching – San Francisco (Barker &

Borko, 2011) ; le Development Fellowship Program – Eastside Institute, New-York (Lobman, 2011) ; le Second City Theatre de Chicago qui propose des ateliers d’improvisation à destination des enseignants (Dezutter, 2011). C’est aussi le cas au Québec dans le cadre d’un dispositif « actif-réflexif » (Pelletier & Jutras, 2008 ; Pelletier, 2019) ou en France (Archieri, 2013).

25 La pratique de l’improvisation théâtrale ou IMPROV (Lobman & Lundquist 2007), avec ses règles et techniques12, permet aux enseignants d’apprendre à diverger du plan initial suivant ce qui émerge, à collaborer, à ouvrir leur champ de possibles communicationnels en accompagnant et proposant des offres, bref à participer à une co-création (Lobman, 2005 ; Sawyer, 2004a, 2004b). Pour Pelletier (2019), « il faut faire, et ce, de manière intensive, dans un environnement contrôlé » (p. 138). Les exercices d’improvisation théâtrale13, corrélés à une activité réflexive de groupe immédiatement après14, permettent aux enseignants entrant dans le métier d’incorporer des habiletés15 et des stratégies qui les rendront plus aptes à réagir rapidement aux imprévus de la phase interactive de gestion de classe.

26 Globalement, les situations de formation impliquant l’improvisation théâtrale contribuent chez les enseignants : a) au développement des capacités d’écoute de leurs émotions, qui est à associer à un gain de confiance en soi (Archieri, 2013), b) à l’amélioration de leur vigilance, ainsi que de leur rapidité de réflexion en action et d’exécution (Pelletier & Jutras, 2008 ; Pelletier, 2019), ou de leur souplesse et de leur réactivité (Shem-Tov, 2011), pour faire face à des situations inattendues potentiellement problématiques. Le développement de nouvelles stratégies ou actions

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de gestion des imprévus contribuerait, en début de carrière, à atténuer le choc de la réalité, et par là même à diminuer le taux d’abandon (Pelletier & Jutras, 2008).

27 Toivanen et al. (2011) considèrent qu’en tant que stimulants de la créativité et source de jubilation en éducation, l’art dramatique et l’improvisation sont particulièrement adaptés à la formation des jeunes enseignants. Ils leur permettent d’approfondir leur sens de l’interaction, ainsi que la construction de leur identité professionnelle. On retrouve chez Archieri (2013) et Guérin et Archieri (2012) cette relation entre expérience de l’improvisation théâtrale (avec une démarche réflexive dont elle peut faire l’objet) et construction identitaire au plan professionnel.

5.2. Vidéoformation et compétences improvisationnelles

28 Dezutter (2011) propose qu’une partie des discussions et réflexions sur la complexité du métier d’enseignant fasse de l’improvisation un objet central. Pour elle, il ne suffit pas que les enseignants se pensent comme des improvisateurs accidentels. Ils doivent se penser comme des improvisateurs professionnels (c’est-à-dire comme des enseignants non seulement capables de flexibilité et de réactivité, mais aussi capables de générer l’improvisation-apprentissage des apprenants en de multiples collaborations). Si les jeunes enseignants comprennent la valeur de l’improvisation, ils seront davantage disposés à préparer pour (et à se préparer à) improviser au cours de l’interaction en classe. Des situations d’accompagnement au développement des compétences improvisationnelles sur la base d’analyses et de réflexions prenant appui sur des vidéos de pratiques de classe sont conçues16.

29 Pour Wiesemes et Wang (2010), la vidéoformation, en formation initiale (à destination des étudiants en enseignement) et en formation tout au long de la vie, permet d’ouvrir les portes de la classe, soutenir l’imitation et encourager l’improvisation (conçue comme un moment spontané et imprévu d’apprentissage par combinaison et re- combinaison innovante d’un large panel de standards, suivant le but et les besoins immédiats et contextuels). On retrouve des arguments similaires chez Leblanc (2012) qui, à partir d’analyses de l’activité (Theureau, 2006) d’enseignants, évoque l’intérêt de la vidéoformation au service de leur développement de dispositions à agir propres à soutenir leurs improvisations en classe.

5.3. Didactiques disciplinaires et formation à l’improvisation

30 Pour Towers et Martin (2009), la compréhension des mathématiques est comparable à une performance improvisationnelle, dans le sens où elle émerge dans le jeu d’un processus co-actionnel. Ils défendent qu’au-delà de leurs compétences disciplinaires, les futurs enseignants de mathématiques doivent comprendre les processus de cogénération de la compréhension des mathématiques, de façon à pouvoir soutenir la compréhension de leurs propres élèves. Pour ce faire, ils proposent des situations de formation où les enseignants-stagiaires sont eux-mêmes mis en situation de résolution collective de problèmes didactiques.

31 La proposition de Maheux et Lajoie (2010) vise à préparer les étudiants se destinant au métier d’enseignant, à savoir comment faire avec l’inattendu. Elle se fonde sur la reconnaissance que l’improvisation de l’enseignant détermine la qualité de l’enseignement, en ce sens que c’est bien sa capacité : a) à écouter et accueillir les

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questions et propositions des élèves, b) à s’intéresser à leurs raisonnements ou leurs observations, et c) à soutenir leurs explorations et leurs tentatives, potentiellement déstabilisantes, qui peut déboucher sur une qualité d’enseignement-apprentissage. Ils proposent de placer l’improvisation au cœur des cours de didactique des mathématiques, sur la base de jeux de rôles. Par exemple : le formateur donne aux étudiants une fiche de jeu comprenant des informations sur une situation (du type : dans votre classe, des élèves ont travaillé à…, ils font maintenant…, vous observez certaines erreurs…, vous souhaitez travailler à partir de ces erreurs pour…), auxquelles s’ajoutent des consignes (pour ce jeu, l’élève désigné devra choisir une solution erronée… s’approprier le raisonnement qui conduit à cette solution et le présenter comme sien. L’enseignant désigné devra amener l’élève désigné à résoudre le problème en partant de sa propre démarche, en restant dans le contexte de la situation…) et une suite de problèmes. Les étudiants sont répartis par petits groupes d’« élèves » ou d’« enseignants », ils ont 30 minutes pour se préparer. Les étudiants ne disposent d’aucun scénario de cours, et aucune façon de s’y prendre n’est prédéfinie.

6. Professionnalisation, développement professionnel et improvisation en classe

32 Concernant la phase d’interaction en classe, il est davantage fait mention de compétences improvisationnelles déjà développées chez l’enseignant, pour qu’il puisse piloter une co-construction des savoirs et des compétences de haut niveau des élèves, dans le cours d’une activité professionnelle efficace et en tant que responsable de l’interaction. Rares sont les auteurs qui insistent sur le rôle de l’improvisation enseignante en interaction en classe du point de vue du développement professionnel, en particulier celui des enseignants dits novices. Pourtant, dans divers textes (e.g.

Baker-Sennett & Matusov, 1997 ; Gagnon, 2011 ; Graue et al., 2015 ; Pelletier & Jutras, 2008 ; Perrenoud, 1994b), on comprend bien, en filigrane, que l’improvisation elle- même, en interaction en classe, est sans doute « formatrice ».

6.1. Professionnalisation et dispositifs plus ou moins encadrés

33 Mettant l’accent sur la professionnalisation des enseignants, des auteurs présentent des environnements de formation en classe (auxquels ils aboutissent ou qu’ils analysent).

Burnard (2011) analyse le Creative Partnership, un programme gouvernemental de formation spécifique mis en œuvre au Royaume-Uni à compter de 2004, impliquant le partenariat en classe d’enseignants et d’artistes. Elle note le caractère fécond de la collaboration, en soulignant comment, dans ce travail collaboratif, enseignants et artistes résolvent la tension entre leurs pratiques respectives, leurs croyances et leurs perspectives professionnelles tacites. Et comment ce travail collaboratif inspire des changements de pratique aux enseignants. Humphreys et Hyland (2002), s’ils jugent importantes la réflexion, l’analyse et l’évaluation critique de la pratique, soutiennent que, pour faciliter le développement de l’intuition et de la créativité chez les étudiants, il faut, dans le style d’une jam-session : a) favoriser un dialogue entre formateurs chevronnés et étudiants, dans un environnement comprenant des démonstrations (de formateurs d’enseignants, virtuoses et coaches), b) des répétitions et de la pratique (des étudiants eux-mêmes), le processus et le plaisir esthétique collectif étant au cœur de

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l’évaluation des performances (et secondairement la préparation). Pour les auteurs, il en va du développement des compétences des enseignants, mais encore de leur construction identitaire.

6.2. L’interaction en classe intrinsèquement (trans)formatrice

34 Au fond, nos différentes lectures concernant improvisation et travail enseignant, improvisation et enseignement et apprentissage scolaire laissent le sentiment que nombreux sont les textes qui (sous-)entendent que l’interaction en classe est, elle- même, formatrice par excellence. Par exemple, chez Yinger (1987b), les modèles contextuels de pensée et d’action qui constituent le langage de la pratique sont considérés comme émergeant sans cesse dans/de l’interaction (conception qui s’oppose à la notion de stockage permanent sous forme symbolique dans le système cognitif des acteurs). Ils sont en permanence (re)structurés par l’action. La performance est perçue comme un tout dynamique, progressivement composé des modèles de l’expérience (Yinger, 1987a). Pour Yinger (1987b), le « langage de la pratique » est donc en perpétuel développement. Il défend le modèle de « l’insider » (apprentissage en faisant), qui permet l’accès à de riches et déterminantes informations contextuelles spécifiques par opposition à celui de « l’outsider » (apprentissage en regardant). Pour Piot (2008), les matrices cognitivo-pragmatiques sont le résultat de l’expérience et élaborées dans l’action. Quant à Tardif et Lessard (1999), ils considèrent le travail quotidien comme un processus d’apprentissage au cours duquel les enseignants ajustent leurs connaissances aux conditions du métier pour constituer un savoir professionnel d’expérience, qui comprend des routines.

6.3. L’improvisation, intrinsèquement développementale

35 Si la situation d’interaction peut être considérée comme source d’un développement professionnel, il en va logiquement de même de l’improvisation qui en est corrélative.

Plus rares sont les textes qui font de ce point le cœur de leur propos.

36 Pelletier et Jutras (2008) reconnaissent que les stages, donc les situations spécifiques d’interaction en classe dans lesquelles les étudiant.e.s doivent faire face à de nombreux imprévus, participent à la construction de capacités utiles à l’improvisation. Gagnon (2011) avance aussi que l’improvisation en classe est développementale pour l’enseignant, notamment dans le cadre de la pratique de l’improvisation théâtrale en classe.

37 Baker-Sennett et Matusov précisent qu’« un aspect important du développement implique de créer et d’utiliser les moyens (ressorts), culturels, sociaux, psychologiques et physiques sur le fil du moment et en réponse à des situations problèmes (…) Les processus cognitifs sont développés par un perpétuel engagement dans les activités quotidiennes » (1997, p. 198). Les novices apprennent et se développent en classe, dans une « communauté d’apprenants ».

38 Graue et al. (2015), suivant la même perspective socio-culturaliste, dans la ligne de Holland et al. (1998), considèrent l’improvisation en interaction en classe comme un espace de co-construction identitaire : des élèves et de l’enseignant. L’improvisation consiste en des actions impromptues, sur la base de nos expériences et de notre capital culturel, mais dans des circonstances et des conditions pour lesquelles nous n’avons pas

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de réponse toute faite et qui, par conséquent, impliquent une réforme de notre subjectivité. La nouvelle identité de l’enseignant correspond à celle d’un acteur capable de reconnaître et d’actualiser le capital culturel des élèves.

39 Perrenoud (1994b, p. 26) écrit : « (…) dans une situation inédite, aucun schème ne convient exactement. Il faut transposer, différencier, ajuster les schèmes, les coordonner de façon originale. Le maître sort de ses routines, puisqu’il est devant un problème nouveau. Mais la solution qu’il “improviseˮ n’est pas créée ex nihilo. Elle dérive des schèmes disponibles ».

Notons ici que si l’improvisation doit être considérée comme réglée, on pourrait davantage insister sur son potentiel régleur, ou renouvelant. Piot (2008) fait quant à lui de l’improvisation une activité d’invention en situation inédite, que l’on rencontre plus particulièrement chez les enseignants novices, et qu’il différencie de l’adaptation maîtrisée qui pour lui caractérise davantage l’activité d’enseignants chevronnés.

40 De notre côté, nous nous démarquons des thèses considérant que l’improvisation n’est pas une affaire de débutants (Azéma & Leblanc, 2014). Nous défendons la pertinence de tenter de décrire et de comprendre comment les enseignants entrant dans le métier improvisent, quand ils estiment qu’ils improvisent. Nous en venons à considérer certains moments de l’activité d’interaction en classe des néo-enseignants comme des performances dans le sens de Lobman (2011) – c’est-à-dire comme des moments où ils sont capables de faire, sans savoir au départ comment faire.

41 Nous précisons et renforçons cette thèse (Azéma, 2015, 2019). Nous montrons en quoi et comment l’« activité » (Theureau, 2006) qui pour les néo-enseignants porte le nom d’improvisation peut être appréhendée comme un temps fort de la dynamique de leur couplage asymétrique à leur environnement (y compris social) et, corrélativement, comme un mouvement majeur d’invention d’eux‑mêmes.

42 Suite à ces résultats, nous développons une discussion qui nous a conduits entre autres (Azéma, 2019) : (a) à défendre la pertinence de mettre en place, dès la formation initiale (et ce régulièrement), la possibilité d’une expérimentation de l’activité- improvisation en classe. Sur ce point nous soulignons l’importance de considérer le fait

« d’aller à l’aveuglette, à la devinette, [de] substituer la logique de l’Homme de progrès à celle de l’expert, c’est-à-dire celle de “l’Homme qui marche, qui va voir, qui expérimente, change sa pratique, vérifie son savoir, et ainsi sans fin.” (Rancière, 1987, p. 194) et non celle de l’Homme qui est arrivé (même si c’est en un lieu où il est roi de l’adaptation), qui sait faire et qui est enfin prêt à enseigner aux autres ce lieu où il est arrivé. » (p. 23) ; (b) d’accompagner le développement du courage et de soutenir la confiance ; (c) d’accompagner le développement de l’attention ; et (d) de réaliser une analyse critique de ce que l’on entend par préparation, en s’inspirant du paradigme de l’action située.

7. Une formation par et à l’adaptation versus une formation par et à l’improvisation

43 Dans cette dernière section à partir de la synthèse de nos résultats, nous proposons de développer un axe de discussion.

44 « Il faut d’abord s’adapter. Tel est le nouvel impératif politique que nul ne doit discuter. Mais s’adapter à quoi ? » interroge Barbara Stiegler (2020, p. 31). D’où peut bien venir une telle injonction récurrente dans notre société et quel sens peut-elle avoir ? Elle propose un éclairage historique dans une analyse de la confrontation théorique et éthique, au cœur

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du XXe siècle, entre Walter Lippmann et John Dewey. La philosophe développe une critique du nouveau libéralisme, soulignant sa « double trahison » : (a) de la leçon de Darwin « qui a montré que l’évolution de la vie partait (…) dans une multitude de directions, dont personne ne pouvait jamais prévoir ni le sens, ni le but », dans le sens où ce néo- libéralisme propose un « sens univoque de l’adaptation » pour servir un seul cap (au sens de tête et au sens de direction) ; (b) de la démocratie, « car si le sens de l’histoire est déjà fixé, les peuples n’ont pas à en décider ni même à en débattre, c’est au nouvel État libéral d’imposer à l’espèce humaine, de gré ou de force (…) la “grande révolution”. » (p. 32). Elle dénonce un « autoritarisme néo-libéral » qui entend rééduquer l’espèce humaine dans le sens d’une flexibilité et d’une instabilité qui lui sied, via le pédagogisme et le pouvoir des experts. Elle y oppose « la conception de la démocratie comme expérimentation et coéducation » de John Dewey (p. 42).

45 Sans disputer ici l’analyse de Stiegler, soulignons qu’elle engage à une approche à la fois prudente et critique de la formation par et/ou à l’improvisation. Dans cette dernière sous-section, des réflexions conduites dans le cadre de nos recherches passées sont prolongées, concernant les rapports et les écarts entre adaptation et improvisation pendant l’interaction en classe. Est mis en avant l’intérêt qu’il peut y avoir à faire la différence entre formation par et à l’adaptation versus formation par et à l’improvisation.

46 En 1940 (p. 31), dans L’imaginaire, Sartre écrit : « puisque nous pouvons parler d’imagination, puisque ce terme a un sens pour nous – il faut que l’imagination, prise en elle- même, renferme dans sa nature intime un élément de distinction radicale ». Pour nous cette remarque vaut pour toute notion dont il s’agit de préciser le ou les éléments de distinction.

L’automate ne peut que s’adapter en réduisant de plus en plus l’écart qui existe entre son action et le but prédéterminé ; mais il n’invente pas et ne découvre pas des buts au cours de son action, car il ne réalise aucune véritable transduction, la transduction étant l’élargissement d’un domaine initialement très restreint qui prend de plus en plus de structure et d’étendue. (Simondon, 1958/2013, p. 161).

Le vivant résout des problèmes, non pas seulement en s’adaptant, c’est-à-dire en modifiant sa relation au milieu (comme une machine peut le faire), mais en se modifiant lui-même, en inventant des structures internes nouvelles, en s’introduisant lui-même complètement dans l’axiomatique des problèmes vitaux.

(Simondon, 1958/2013, p. 28).

47 Ces citations de Simondon nous invitent à bien différencier ces deux notions. La chose est entendue : on peut s’adapter sans rien inventer. L’adaptation peut, paradoxalement, rimer avec automatisation, obéissance mécanique.

48 Durand et Perrin (2014, p. 29) conçoivent la notion d’individuation, empruntée à Simondon, comme « le processus par lequel se construisent les individus au cours de leur activité et de l’histoire du couplage avec leur environnement ». Pour Simondon (1958/2013) : (a) l’individu (conçu comme « résultant de », donc second) est l’expression momentanée d’un processus d’individuation (conçu comme premier), (b) l’individu est une phase de l’être, lui-même considéré comme l’équivalent d’un germe, d’un potentiel, dont le devenir est l’une des dimensions, (c) l’individuation est une médiation qui permet le passage de l’être à l’individu, jamais achevée, car « elle n’épuise pas d’emblée les ressources potentielles de l’être » (ibid., p. 315). Autrement dit, l’individu est le résultat d’un processus continu, sans cesse inachevé, du fait du couplage à son environnement, ad vitam et ad mortem.

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49 Notre thèse (Azéma, 2015, 2019) va dans ce sens. Elle rejoint le point de vue de Bailey (2011). Selon les néo-enseignants, l’activité-improvisation est caractérisée par la nouveauté, la surprise et l’incertitude. Si elle implique une adaptation, elle se double nécessairement d’une invention (pour soi, de soi, avec les autres, humains ou non humains). Par là même, elle est un incontournable du développement professionnel et personnel. Considérer l’activité-improvisation comme corrélative d’un espace-temps spécifique d’individuation, c’est, fondamentalement, l’assimiler à une activité

« poïétique17 », c’est-à-dire à une activité de création, d’invention et de (re)génération non seulement de pensées, d’actions ou de choses particulières, mais de soi. Sans laquelle, nous semble-t-il, l’activité court le risque de la sclérose, voire de la nécrose, et l’acteur celui de devenir, à terme, un automate.

50 Les enseignants entrant dans le métier font la différence entre improviser et s’adapter (Azéma, 2015). Par exemple Jérémy, professeur des écoles, à propos d’une séance d’EPS en classe de maternelle : « Je ne suis pas allé chercher bien loin. C’était plus de l’adaptation que de l’improvisation (…) l’adaptation c’est des choses qui arrivent régulièrement. On sait, on sent que ça va arriver. C’est des choses récurrentes, par exemple le matériel en EPS (le calage, l’ajustement du matériel en type, nombre, mise en place…). Ce sont de petites choses simples à régler. C’est que du réglage. Le bouton n’est pas sur la bonne fréquence, je tourne, mais je change pas de bouton ». Et nous avons pu écrire (ibid., p. 235) :

Le complexe nouveauté-surprise-incertitude semble constituer le (ou jouer le rôle de) facteur de variation de l’estimation improvisationnelle de l’activité.

L’estimation d’improviser est d’autant plus forte que le sentiment de nouveauté- surprise-incertitude est élevé, c’est-à-dire que la situation vécue est non seulement imprévue, mais imprévisible. Ce complexe apparaît indissociable d’une activité particulière de découverte et de construction de soi.

51 On peut alors considérer qu’il s’adapte davantage qu’il improvise : cet enseignant qui réagit en classe par un geste professionnel éprouvé, au cours d’une interaction marquée par la montée en puissance d’un brouhaha dont il connaît le type qui émerge ce jour-là, mais dont il ne savait pas que ce type émergerait ni ce jour-là ni à ce moment‑là.

8. Conclusion

52 Cette revue de littérature aura peut-être pu aider le lecteur à se faire une idée des dispositifs existants concernant la formation à et/ou par l’improvisation et des dialectiques possibles qu’ils alimentent, ou des débats qui peuvent les concerner.

53 Pour nous, qui dans le cours de nos recherches en sommes venus à concevoir l’improvisation comme une activité impliquant adaptation et invention18, il est possible de la considérer, dans les surprises de ses émergences, comme une clé développementale. Est-ce à dire qu’aucun dispositif de formation ne peut la favoriser ou démultiplier son action ? Non, sans doute. Mais c’est, à notre avis, à condition de ne pas la confondre avec l’activité « cousine » d’adaptation (même si elle l’implique), et sous réserve des façons que l’on se donne de mettre en œuvre ou de participer à une formation.

54 En effet, selon la manière dont est abordée la question de la formation par et/ou à l’improvisation19 il nous semble que l’on peut : soit participer d’une construction individuelle et collective qui donne du souffle ; soit, insidieusement, en rabattant la

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formation par et/ou à l’improvisation sur une formation par et/ou à une adaptation mécanique, participer d’une dévitalisation. Baker-Sennett et Matusov (1997) citent Johnstone qui, concernant les acteurs de théâtre, précise que « les mauvais improvisateurs bloquent l’action, souvent avec un haut niveau de compétences par ailleurs (…) [alors que] les bons improvisateurs contribuent à un développement de l’action » (p. 199).

55 Après ce tour d’horizon, nous sommes conduits à défendre l’idée selon laquelle, pour que les enseignants soient en capacité professionnelle, pour qu’ils puissent partager avec d’autres (enseignants ou élèves) un bonheur d’apprendre, et pour qu’ils continuent de construire le sens de leur métier, la formation par et/ou à l’improvisation gagne sans doute à être le corrélat de paradoxes. Ceux-ci consistent par exemple :

à apprendre des routines et à sortir des routines,

à risquer une émancipation des cadres comme une émancipation de soi (y compris, comme le soulignent Ingold & Hallam (2007), pour garder actifs certains de nos usages),

à apprendre parfois indirectement, sans la nommer, par un travail de qualité d’écoute, de qualité attentionnelle, etc.

56 Sans doute l’improvisation implique-t-elle de participer d’une culture, sans tout à fait

« entrer dans le rang ». Et sans doute doit-elle, en tant qu’activité irréductible, toujours échapper d’une manière ou d’une autre aux acteurs, aux institutions…

57 Former à l’improvisation, c’est considérer qu’il faut travailler à côté de l’événement (De Raymond, 1980) (avant, après) pour travailler la possibilité agile de l’événement lui- même. Mais c’est aussi envisager, en sourdine, l’improvisation elle-même comme école d’improvisation. Former par l’improvisation c’est, en clair, considérer que l’improvisation est en soi une source de développement, et la condition sine qua non de sa possibilité agile. Parler de former par/à l’improvisation c’est donc entendre la maxime « on ne s’improvise pas improvisateur » de façon polysémique.

58 Au final, cet article engage à remettre une fois de plus l’ouvrage sur le métier. Il invite à réinterroger le rôle que peut jouer le formateur et comment il peut jouer ce rôle. Il appelle une reconsidération des différences et des proximités de besoins ou de fonctionnement entre enseignant entrant dans le métier et enseignants expérimentés, et entre enseignants et élèves. Il interroge sur les façons dont ils peuvent partager leurs mondes, et faire ensemble.

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NOTES

1. Cette revue de littérature a en effet été élaborée en sélectionnant et en retravaillant un thème ciblé, précédemment abordé dans une revue de littérature plus large sur l’improvisation en enseignement scolaire (Azéma, 2015), dévolue à la problématisation d’une thèse.

2. Institut universitaire de formation des maîtres.

3. Ces affiches réalisées par la direction des IUFM diffusaient une représentation du bon enseignant avant tout comme un bon planificateur.

4. Remarquons au passage qu’il nous semble que penser a priori à partir d’un modèle dualiste exclusif (« dévalorisation critique » contre « valorisation mythique ») peut perturber voire interdire la fertilité d’autres heuristiques. Par exemple : celle qui peut être attachée à un entre-

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deux dont on peut se dire qu’il reste à interroger, à investiguer ; ou celle qui pourrait émerger d’une étude de l’« activité » (Theureau, 2006).

5. Nous verrons que, pour certains auteurs, le résultat, avec le produit extrinsèque de l’interaction, ce peut être le développement ou l’apprentissage (professionnel ou personnel) des acteurs eux-mêmes. On improvise toujours au-dessus de ses moyens (Miles Davis, in Hervé, 2012) du moment.

6. Nous nous interrogeons ici à partir des différentes options que nous offre l’étymologie du terme formation.

7. Dans le vaste mouvement des recherches s’intéressant à l’enseignement ou à l’apprentissage à l’école, on peut considérer que ce texte est l’un des tous premiers textes mobilisant la catégorie improvisation en lien avec les problématiques des sciences de l’éducation et de la formation contemporaines.

8. Nous avons donc ici volontairement laissé de côté les textes proposant de considérer l’enseignement comme la « gestion d’un environnement dynamique » (e.g. Rogalski, 2003, 2007), ceux qui considèrent les « gestes de bricolage » ou les « gestes de braconnage » (e.g. Jorro, 1998), ceux qui développent la notion de gestes professionnels d’ajustement (e.g. Bucheton & Soulé, 2009 ; Bucheton, 2009 ; Jean, 2009), ainsi que ceux qui ont consisté à élaborer et raffiner la théorie de l’action conjointe en didactique (e.g. Sensevy, 2006).

9. Dans la suite du texte, nous reprenons à notre compte la distinction entre

« professionnalisation » et « développement professionnel » proposée par Wittorski et Briquet- Duhazé (2009, p. 45). Pour ces derniers : « la professionnalisation relève d’une intention d’une institution de “mise en mouvement” de ses personnels ». On pourrait ajouter que cette « mise en mouvement » est orientée. « Le développement professionnel relève de la dynamique de développement que met en œuvre un individu au fil des situations de travail et de formation qu’il rencontre. »

10. Ces deux points de vue sont sans doute marqués par les macro ou micro contextes historiques de leur production. Par exemple l’inertie des années 1970, revendicatives, dans le cas de René Barbier, par ailleurs, à l’époque, professeur à Paris-VIII. Notre propos n’est toutefois pas ici de souligner et de préciser ces jeux d’influence mais de mettre en exergue une « carte » des partis pris.

11. C’est-à-dire des connaissances issues presque exclusivement d’un travail individuel de mémorisation, versus des compétences construites de façon collaborative « qui incluent une pensée critique et créative », jugées de haut niveau (Berliner, 2011).

12. Prenant appui sur les deux auteurs américains de référence (Viola Spolin puis Keith Johnstone) qui ont théorisé et structuré le travail d’improvisation théâtrale, les auteurs font référence à tout ou partie de quatre principaux fondamentaux : le Giving and receiving offers (principe qui considère que tout ce que fait ou dit un participant à une scène est une offre) ; le Don’t negate (principe d’acceptation de l’offre, quelle qu’elle soit – en veillant à ne pas utiliser de négations verbales ou non verbales, directes ou indirectes) ; le Make the ensemble look good (principe de recherche de la performance d’ensemble – en prenant pour acquis le talent de chacun) ; et le Yes and (principe d’être soi-même force de proposition, suite à l’acceptation de l’offre, afin que l’activité se développe) (voir par ex. Lobman & Lundquist, 2007).

13. Ils ont en particulier été mis en œuvre avec Tammy Verge, une comédienne improvisatrice contribuant aux formations et travaux de recherche.

14. Ainsi, réflexion sur l’action et réflexion en action telles que décrites par Schön se combinent fructueusement. L’activité réflexive de groupe ouvre un « cheminement professionnel » et « doit permettre à chaque personne de s’assurer que le développement du savoir-improviser est transférable dans son propre contexte » (Pelletier, 2019, p. 142).

15. Le savoir-improviser est composé de « 3 habiletés distinctes et complémentaires » : l’« hyperperception », l’action rapide et la qualité de la communication. Il « est le résultat de la

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fusion des habiletés de gestion de classe interactives nécessaires à la pratique des enseignants et des habiletés interactives nécessaires à la pratique des comédiens-improvisateurs » (Pelletier, 2019, pp. 135‑136).

16. Le dispositif décrit consiste à stopper la vidéo à un moment, à demander aux étudiants ce que pense l’enseignante à ce moment et à les inciter, dans un brainstorming, à proposer des directions que pourrait prendre le cours à partir des réponses des élèves.

17. Du grec poiein : « créer, inventer, générer » (voir Luce Girard, In De Certeau, 1990).

18. Par invention nous entendons la praxis consistant à participer au fait de faire du nouveau (notamment pour soi ou de soi) ainsi que le résultat de cette praxis. Nous avons montré ailleurs (Azéma, 2015, 2019) que l’activité-improvisation peut encore être caractérisée par un régime spécifique, une qualité attentionnelle particulière, etc.

19. Hors de la classe et/ou en classe, en privilégiant la réflexion sur l’action et/ou la réflexion en action, en visant une professionnalisation et/ou un développement professionnel… en l’abordant de façon directe ou indirecte par des exercices d’attention, de présence, etc.

RÉSUMÉS

Cet article propose une revue de littérature concernant les recherches qui, au niveau international, ont abordé ou abordent les questions de formation des enseignants par et/ou à l’improvisation. Après avoir proposé des éléments de problématisation qui mettent le propos en tension, le texte présente une synthèse en six axes mettant en avant une série de partis pris de formation opposés pouvant alimenter des jeux dialectiques. Pour donner à comprendre ces possibles jeux, deux illustrations sont développées. Une synthèse des modalités de formation ou des façons d’accompagner le développement de la professionnalité par et/ou à l’improvisation est ensuite exposée. L’ensemble débouche sur une discussion et une conclusion qui défendent : (a) l’intérêt qu’il y a à ne pas confondre formation par et/ou à l’improvisation avec formation par et/ou à l’adaptation, (b) le fait que la formation par et/ou à l’improvisation ne peut que se situer qu’« entre chien et loup ».

This article provides an overview of research which, at the international level, has addressed or is addressing the issues training teachers through and/or in improvisation. After proposing elements of problematization which bring the subject matter into tension, a six-axis summary highlights a series of opposing training biases that might fuel dialectic games. To understand these possible games, we developed two illustrations. We then present a summary of training methods or of ways to support the development of professionalism through and/or towards improvisation. The article as a whole leads to a discussion and a conclusion which defend: (a) the value of not confusing training through and/or in improvisation, with training through and/or in adaptation, and (b) the fact that training through and/or in improvisation will remain “entre chien et loup” (an “in‑between”).

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INDEX

Mots-clés : travail enseignant, formation, développement professionnel, improvisation Keywords : teaching, training, professional development, improvisation

AUTEURS

GUILLAUME AZÉMA

Université de Montpellier, LIRDEF. 6, Campselves, 12560 Saint Laurent d’Olt – guillaume.azema@umontpellier.fr

SERGE LEBLANC

Université de Montpellier, LIRDEF, 12 rue Courlis, 34750 Villeneuve Lès Maguelone – serge.leblanc@umontpellier.fr

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