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De l’éternité et du suicide assisté

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1426 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 27 juin 2012

actualité, info

De l’éternité et du suicide assisté

Mi-juin 2012. Bientôt une nouvelle lune, froide sous la pluie. Et ce titre, accrocheur comme tous les bons titres, en tête de la li- vraison matinale et arachnéenne du Quoti- dien du médecin : «Fin de vie et suicide assisté : la légalisation fait son chemin en Europe».

En est-on bien certain ? C’est aujourd’hui que s’ouvre, à Zurich, le congrès annuel de la Fédération mondiale des associations pour le droit de mourir. Et on nous dit que bon nombre de représentants attendent de voir comment évoluera le texte français sur la fin de vie.

En est-on si sûr ? La voix de la France est- elle encore à ce point audible dans le grand concert des nations ? Du moins celui des na- tions démocratiques au sein desquelles les

conditions des derniers instants de la vie pren- nent une place croissante, essentielle. «Con- ditions de fin de vie» ? Mieux vaudrait sans doute parler de la question de la souffrance ; question que certains escamotent sous l’ap- pellation dignité associée ici à ce qui serait un nouveau droit ; une forme de solidarité au bord (c’est au choix) du néant ou du dé- part pour un au-delà dont a priori on ne re- vient pas.

Cet intérêt pour les conditions de la fin n’est certes pas nouveau. Pas plus que ne l’est la possibilité, lorsque c’est possible, d’apaiser quelques douleurs sans lendemains. Sauf à tenir la souffrance pour être toujours rédemp- trice, on aimerait d’ailleurs connaître la rhé- torique qui voudrait que des actions antal- giques licites tout au long de la vie devien- nent soudainement discutables lorsque cette dernière arrive à son terme. De là à justifier le droit pour chacun de disposer d’un mé- decin afin d’en finir au mieux le moment venu…

«Par l’entremise de son geôlier, qui avait l’habitude de ce genre de négociations, Zé- non avait payé les bourreaux pour que ces jeunes gens fussent étranglés avant d’être touchés par le feu, petit accommodement fort en usage, et qui arrondissait très oppor- tunément le maigre salaire des exécuteurs»

écrit Marguerite Yourcenar dans L’Œuvre au Noir. Nous étions alors à Bruges. Quatre siè- cles plus tard ou presque le législateur belge

s’est prononcé en faveur d’un autre petit ac- commodement.

C’est dans ce cadre qu’il faut resituer l’éton- nant appel à la neutralité professionnelle, lancé depuis Londres, par le British Medical Journal (BMJ) dans cette île où l’on se pique de faire du pragmatisme une vertu cardinale.

Dans cet appel, Fiona Godlee, rédactrice en chef, souligne pour mémoire, que «l’aide à mourir est un crime dans la plupart des ré- gions du monde». Cette pratique est légali- sée (ou tacitement autorisée) dans quel ques pays (la Belgique, le Luxembourg, les Pays- Bas et la Suisse) ainsi que dans trois Etats américains (Oregon, Washington et Mon- tana). Et point n’est besoin de rappeler que plusieurs initiatives visant à la dépénalisa-

tion suivent aujourd’hui leur cours dans différents pays.

En pratique, le BMJ sou- tient désormais offi ciellement une pétition qui appelle le corps médical à ne plus s’opposer à la pra- tique du suicide assisté pour les adultes, en phase terminale. Outre-Manche, cet appel a été ini tialement lancé par des professionnels de santé favorables à l’assistance à mourir.

C’est ainsi que le Healthcare Professionals for Assisted Dying demande à la British Medical Association d’adopter sur ce thème une posi- tion de neutralité. Un récent sondage réalisé pour l’Association Dignity in Dying établirait que près de deux médecins généralistes du Royaume-Uni sur trois seraient favorables à cette position de neutralité. D’autres enquêtes publiques laissent penser que la population britannique serait favorable à 80% pour la légalisation de l’aide à mourir.

«La question de la légalisation de l’assis- tance à mourir est un choix de société, pas une décision de médecins, estime Fiona God lee.

La réforme législative, avec tous les garde- fous qu’elle suppose, est une conséquence quasi inévitable d’un changement de société vers une plus grande autonomie individuel- le.» La rédactrice en chef du BMJ ose ici le parallèle avec la dépénalisation de la pra- tique de l’interruption volontaire de gros- sesse. Cette évolution se fera selon elle avec le temps, lorsque la mort sera perçue «comme un moment central de notre vie». Le spec- tacle des fins de vie douloureuses jouera en outre le rôle qui fut celui des avortements clandestins. Elle en est persuadée.

Depuis Zurich, Ted Goodwin, président

de la Fédération mondiale des associations pour le droit de mourir, annonce que l’Alle- magne pourrait très rapidement évoluer dans le même sens que la France si cette dernière devait modifier sa législation sur la fin de vie. Que fera la France ? Son tout nouveau Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, vient de faire savoir que le dispositif législatif en vigueur (depuis sept ans) serait prochaine- ment «perfectionné». Dans quel sens ? «Les soins palliatifs existent et ne sont pas tou- jours développés partout dans les mêmes conditions, avait-il expliqué. Donc, il y a toute une série de progrès que l’on peut faire et qui doivent respecter la dignité de la per- sonne et, en tout état de cause, sa libre déter- mination.» Et le pouvoir prend soin de rap- peler que contrairement à ce que certains avaient cru pouvoir entendre le nouveau président de la République n’avait jamais prononcé le mot d’euthanasie durant la cam- pagne présidentielle.

Faut-il verser en marge de ce dossier une nouvelle et assez spectaculaire publication médicale que vient de signer dans la revue en ligne Nature communications un groupe de point de vue

… Comment comprendre que des cellules souches puissent survivre dans un environnement sans oxygène ? …

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Dr Jean Martin La Ruelle 6 1026 Echandens jean.martin@urbanet.ch

chercheurs français, dirigés par Shahragim Tajbakhsh et Fabrice Chrétien ? Peut-être.

Ces chercheurs expliquent avoir découvert l’existence jusqu’ici ignorée d’un réservoir de cellules souches toujours bien vivantes, présentes au sein de tissus musculaires de cadavres humains dont le cœur ne battait plus depuis dix-sept jours.

On peut certes ne voir là qu’un nouveau

et précieux gisement de matériel cellulaire thérapeutique. Demain, les cadavres humains pourraient fournir, outre des organes et des tissus destinés à être greffés sur des vivants, des cellules capables de redonner vie à des pièces dégénérées de corps vieillissants. On peut aussi, raisonnablement, soulever quel- ques questions complémentaires.

Comment l’équipe française a-t-elle pu en arriver là ? «L’idée de ces expériences m’est venue en observant au microscope des cel- lules musculaires prélevées lors d’une autop- sie, explique simplement Fabrice Chrétien, spécialiste de neuropathologie à l’Hôpital Raymond Poincaré de Garches et professeur à l’Université Versailles Saint-Quentin. Alors même que toutes les cellules de leur envi- ronnement étaient complètement détruites, ces cellules souches conservaient un bel as- pect». Mais encore ? Comment com prendre que des cellules, fussent-elles sou ches, puis- sent survivre dans un environnement sans oxygène et très précisément aux antipodes de la vie ? Un peu à la manière des mammi- fères entrant en hibernation. Mais ici à l’éche- lon cellulaire.

Les chercheurs français n’expliquent pas les raisons premières qui poussent ces cel- lules à agir de la sorte. Ils ne nous éclairent pas non plus sur la durée de cette hiberna- tion microscopique. Pour savoir si les dix- sept jours peuvent être dépassés, il leur fau- drait désormais disposer de cadavres plus âgés. De nombreux points d’interrogation demeurent quant aux usages thérapeutiques qui pourraient être faits de ces cellules. Il n’en reste pas moins que l’équipe du Pr Chrétien est d’ores et déjà parvenue à gref- fer les descendantes des cellules survivantes et à obtenir leur différenciation en cellules musculaires d’une parfaite vitalité. Ceci à partir de cellules souches obtenues chez des souris mortes depuis quatorze jours.

Difficile, pour l’heure, en amont des pers- pectives médicales, de ne pas évoquer le possible impact de cette publication quant aux regards désormais portés sur les cadavres humains.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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