Thesis
Reference
Sécurité et efficacité de l'amphotéricine B déoxycholate comme traitement de la leishmaniose viscérale en Ouganda
MUELLER, Yolanda
Abstract
Entre septembre 2003 et avril 2004, l'approvisionnement de l'hôpital d'Amudat, Ouganda, en antimoniaux fut interrompu et tous les cas de leishmaniose viscérale durent être traité par amphotéricine B déoxycholate (AmB). Ceci permit d'évaluer la sécurité et l'efficacité de l'AmB, par comparaison avec une cohorte historique de patients traités dans le même hôpital par méglumine antimoniate (SbV). Le taux de létalité hospitalier fut de 4.8% (IC95% =2.4%- 8.8%) parmi les 210 de patients traités par AmB et de 3.7% (IC=1.4%-7.9%) parmi les 161 patients traités par SbV (p>0.20). Les événements indésirables nécessitant l'interruption du traitement furent rares dans les deux groupes. Les échecs de traitement (à savoir non-réponses et rechutes) représentèrent 2.9% (IC=1.2%-6.4%) des patients traités par AmB et 1.2% (IC=0.1%-4.4%) des patients traités par SbV (p>0.20). L'AmB a une efficacité et un profil de sécurité similaires à SbV pour le traitement de la leishmaniose viscérale en Ouganda.
MUELLER, Yolanda. Sécurité et efficacité de l'amphotéricine B déoxycholate comme traitement de la leishmaniose viscérale en Ouganda. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2008, no. Méd. 10558
URN : urn:nbn:ch:unige-7023
DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:702
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:702
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UNIVERSITE DE GENEVE FACULTE DE MEDECINE
Section de médecine clinique
Département de Santé et Médecine Communautaires
Unité des Voyages et des Migrations
Thèse préparée sous la direction du Professeur Louis Loutan
SECURITE ET EFFICACITE DE L’AMPHOTERICINE B DEOXYCHOLATE COMME TRAITEMENT DE LA LEISHMANIOSE VISCERALE EN OUGANDA
Thèse
présentée à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève
pour obtenir le grade de Docteur en médecine
par
Yolanda MUELLER
de
Mettau (AG)
Thèse n° 10558
Genève
Y. Mueller, A. Nguimfack, P. Cavailler, S. Couffignal, J. B. Rwakimari, L. Loutan et F.
Chappuis. Safety and effectiveness of amphotericin B deoxycholate for the treatment of visceral leishmaniasis in Uganda. Annals of Tropical Medicine & Parasitology. 2008; Vol.
102, No. 1, 11–19.
TABLE DES MATIERES
Table des matières page 1
Résumé page 2
Introduction page 3
Patients et méthodes page 4
Résultats page 5
Discussion page 6
Tableau I page 8
Tableau II page 10
Références page 11
Annexe : article
RESUME
Entre septembre 2003 et avril 2004, l’approvisionnement de l’hôpital d’Amudat, Ouganda, en antimoniaux fut interrompu et tous les cas de leishmaniose viscérale durent être traité par amphotéricine B déoxycholate (AmB). Ceci permit d’évaluer la sécurité et l’efficacité de l’AmB, par comparaison avec une cohorte historique de patients traités dans le même hôpital par méglumine antimoniate (SbV). Le taux de létalité hospitalier fut de 4.8% (IC95% =2.4%- 8.8%) parmi les 210 de patients traités par AmB et de 3.7% (IC=1.4%-7.9%) parmi les 161 patients traités par SbV (p>0.20). Les événements indésirables nécessitant l’interruption du traitement furent rares dans les deux groupes. Les échecs de traitement (à savoir non-réponses et rechutes) représentèrent 2.9% (IC=1.2%-6.4%) des patients traités par AmB et 1.2%
(IC=0.1%-4.4%) des patients traités par SbV (p>0.20). L’AmB a une efficacité et un profil de sécurité similaires à SbV pour le traitement de la leishmaniose viscérale en Ouganda.
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INTRODUCTION
La leishmaniose viscérale (LV), ou Kala-azar, est une maladie mortelle qui touche environ 500 000 nouveaux cas chaque année dans le monde (1). L’accès aux traitements à base d’antimoine pentavalent tel que le méglumine antimoniate (SbV ; GlucantimeTM; Aventis, France)ou le sodium stibogluconate (PentostamTM; GlaxoSmithKline, Royaume-Uni) est limité, principalement pour des raisons de coût. Le générique du sodium stibogluconate (SSG), produit par Albert David Ltd, Calcutta, Inde, a permis de réduire le coût du traitement et son efficacité et sa sécurité d’emploi ont été démontrées comme étant équivalentes aux médicaments originaux (2-4). Malheureusement, l’importation de ce générique est interdite dans de nombreux pays. L’amphotéricine B (AmB), tant sous sa forme classique
(amphotéricine B déoxycholate) que sous sa forme liposomale, est un médicament anti- leishmaniose bien connu (5). Il n’y a cependant pas de données sur l’utilisation de l’AmB en Afrique. L’extrapolation directe à partir des données indiennes n’est pas aisée, en raison d’une part de la variation de la sensibilité aux médicaments du parasite et d’autre part des
caractéristiques de l’hôte (6). L’amphotéricine B liposomale (AmBisomeTM; Gilead, USA) est mieux tolérée est plus facile d’utilisation, mais son coût la rend inaccessible à la plupart des pays en voie de développement.
En Ouganda, l’existence de la LV a seulement été décrite dans le Comté Pokot, District de Nakapiripirit. Ce comté forme une seule et même zone d’endémie avec le district kényan voisin de West Pokot. Dans cette région, la LV est causée par L. donovani et transmise par Phlebotomus martini (7). Médecins Sans Frontières (MSF) a établi le seul centre de traitement
de la LV dans la région à Amudat en 2000, avec SbV et AmB comme traitements de première et deuxième ligne, respectivement. En 2003, la production de GlucantimeTM fut interrompue par Aventispour des raisons techniques. Au vu de la pénurie en antimoniaux, l’AmB fut
temporairement utilisée en traitement de première ligne. Nous présentons ici une analyse descriptive de notre expérience avec l’AmB comme traitement de première ligne de la LV.
C’est à notre connaissance le premier rapport sur l’utilisation de ce traitement en Afrique.
PATIENTS ET METHODES
L’hôpital d’Amudat est un hôpital rural de 120 lits, sans équipement chirurgical ni
radiologique. Depuis 2001, le diagnostic de la LV est basé sur un algorithme combinant les résultats du test d’agglutination directe (DAT) et l’examen microscopique d’aspirations de rate colorées au Giemsa. Les données démographiques et cliniques furent collectées de routine pour chaque patient suspect de LV dans le cadre du suivi du projet. Entre septembre 2003 et avril 2004, les patients furent traités par AmB, avec une dose totale de 15 mg/kg. Une dose quotidienne de 1 mg/kg fut administrée tous les deux jours afin de limiter le risque de néphrotoxicité et en infusion lente sur 8 à 12 heures afin d’améliorer la tolérance. L‘efficacité du traitement fut évaluée au 25ème jour, en se basant sur l’amélioration de l’état général, la réduction de la taille de la rate, et l’augmentation du taux d’hémoglobine. La survenue d’effets indésirables fut évaluée chaque jour lors de la visite médicale. De plus, un sous- groupe de patients répondit à un questionnaire hebdomadaire administré par un traducteur entre décembre 2003 et février 2004. A titre de comparatif, nous avons utilisé une cohorte historique constituée de tous les patients traités pour une LV par méglumine antimoniate (SbV) à l’hôpital d’Amudat entre septembre 2002 et avril 2003. Le SbV était administré à une dose de 20 mg/kg en injection intramusculaire.
Les données furent d’abord entrées dans un fichier Excel par le clinicien sur place. L’analyse statistique fut effectuée avec le logiciel STATATM. Après nettoyage de la base de données, la comparaison entre les cohortes fut effectuée à l’aide de l’analyse de variance unidirectionnelle
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pour les variables continues, et par le test de chi-carré ou le test de Fisher pour les proportions. Les résultats sont présentés avec leurs intervalles de confiance à 95%.
RESULTATS
Parmi les 210 patients traités par AmB, 194 furent guéris, y compris un répondeur lent, ce qui donne un taux de guérison de 92.4% [IC: 87.9 – 95.6]. Dix patients décédèrent pendant leur séjour, résultant en un taux de létalité de 4.8% [IC: 2.4 – 8.8]. Les causes de décès furent des saignements (3 patients), des complications infectieuses (2), une anémie sévère (1), une insuffisance cardiaque (1), un iléus (1), et inconnues (2). Six patients présentèrent une rechute, ce qui représente un taux d’échec du traitement de 2.9% [IC: 1.2 – 6.4]. Le taux médian d’hémoglobine augmenta de 1.4 g/dl et la taille de la rate évaluée par palpation,
manuelle diminua de 5.3 cm en moyenne à la fin du traitement comparé aux valeurs de départ.
La dose totale moyenne d’AmB administrée fut 13.6 mg/kg, correspondant à une dose quotidienne de 0.93 mg/kg en moyenne. Quatre cas présentèrent des effets indésirables qui nécessitèrent l’interruption du traitement (1.9%, IC: 0.5 – 4.8): vomissements pour 2 patients, prurit pour 1 patient et un cas de réaction anaphylactique. Tous les patients se rétablirent. Les effets indésirables furent enregistrés à l’aide d’un questionnaire prédéfini chez 55 patients consécutifs, représentant 26% de la cohorte. Les événements principaux rapportés dans ce sous-groupe furent de la fièvre (52.7%), des sudations (40%), des douleurs abdominales (38.9%), des céphalées (37.0%), des diarrhées (22.2%), un prurit (14.8%), et des frissons (14.5%). Tous ces effets furent considérés comme légers à modérés, et aucun ne nécessita une interruption de traitement. L’association des symptômes avec le traitement fut considérée comme probable dans 54%, possible dans 43%, et indéterminée dans 3% des cas,
respectivement. L’intensité des événements indésirables diminua au cours du traitement.
Seuls 29% des patients ne mentionnèrent aucun effet indésirable.
Les caractéristiques démographiques des 210 patients traités par AmB furent semblables à celles des 161 patients traités par SbV (voir Tableau I). Les caractéristiques cliniques furent également comparables, à l’exception d’une plus forte proportion de patients moyennement à sévèrement anémiques dans le groupe SbV. Nous ne trouvâmes pas de différence dans les taux de guérison (92.4% vs. 95.0%; p>0.20), de décès (4.8% vs. 3.7%; p>0.20) ni d’échecs (2.9%
vs. 1.2%; p>0.20) entre les deux groupes de patients (voir Tableau II). La diminution de la taille de la rate fut plus marquée parmi les patients traités par SbV (6.8 cm vs. 5.3 cm;
p<0.001). L’augmentation du taux d’Hb fut également plus marquée (2.4 g/dl vs. 1.4 g/dl;
p=0.032), mais les taux d’Hb en fin de traitement furent semblables (9.7 g/dl dans les deux groupes; p=0.13). Deux patients traités par SbV subirent des événements indésirables nécessitant l’interruption du traitement (1.2%, 95CI: 0.1 – 4.4), à savoir 2 cas de pancréatite clinique, comparé à 4 patients (1.9%, 95CI: 0.5 – 4.8) traités par AmB (p>0.20).
DISCUSSION
La faible proportion d’échecs observés parmi les patients traités par AmB (2.9%) indique que ce traitement est efficace pour le traitement de la LV en Ouganda. Nous ne pouvons
cependant pas exclure une sous-estimation du taux d’échec, en l’absence de données sur le suivi à 6 mois des patients. Cependant, le nombre de rechutes manquées fut probablement faible, sachant que l’hôpital d’Amudat est le seul centre de traitement dans la région.
Le traitement d’AmB fut bien toléré. Ceci est probablement lié aux précautions
d’administration telle que l’infusion lente, le soin donné à l’hydratation, et les suppléments en électrolytes. En raison de ces aspects pratiques, l’utilisation d’AmB entraîne clairement une
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surcharge de travail pour le personnel paramédical, comparativement aux traitements d’antimoniaux qui ne nécessitent qu’une injection par jour. De plus, l’AmB requiert une chaîne du froid, ainsi que des capacités de transport et de stockage de quantités importantes de solutions d’hydratation.
L’efficacité et le profil de sécurité de l’AmB furent comparables aux antimoniaux pour le traitement de la LV à Amudat, Ouganda. Le taux de létalité observé dans notre étude (4.8%) est inférieur à ceux rapportés en Inde dans le contexte d’essais cliniques (5, 8). En Afrique, des taux semblables ou même plus élevés ont été rapportés (2-4, 9). Le nombre d’effets indésirables nécessitant l’interruption du traitement fut bas (1.9%). Lorsque recherchés activement, des effets indésirables furent cependant rapportés par la plupart des patients.
L’issue et la tolérance du traitement furent comparables entre les deux groupes traités par AmB et SbV, respectivement. Une des limitations de cette étude réside cependant dans le fait qu’il s’agit de cohortes consécutives, et non simultanées.
En conclusion, l’AmB peut être considérée comme un traitement efficace et relativement sûr pour le traitement de la LV en Ouganda. L’AmB liposomale serait probablement une option mieux tolérée et plus simple d’utilisation (10). La miltefosine, et bientôt la paromomycine permettront dans un avenir proche d’élargir l’arsenal thérapeutique disponible pour traiter la LV. Cependant, la priorité actuelle en Afrique sub-saharienne est avant tout d’assurer l’accès au traitements de première ligne, à savoir les antimoniaux, pour les populations négligées souffrant de cette maladie (6, 11).
Tableau I: Caractéristiques démographiques et cliniques des patients atteints de leishmaniose viscérale traits par amphotéricine B déoxycholate (AmB) ou méglumine antimoniate (SbV ) à l’hôpital d’Amudat, Uganda
AmB SbV Valeur de p
(N=210) (N=161)
n (%) n (%)
Age (en années) >0.20b
- 0 à 5 42 (20.0) 32 (19.9)
- 5 à 15 101 (48.1) 71 (44.1)
- plus de 15 67 (31.9) 58 (36.0)
Sexe >0.20b
- Homme 154 (73.3) 116 (72.0)
- Femme 56 (26.7) 45 (28.0)
Origine >0.20b
- Uganda 59 (28.1) 44 (27.3)
- Kenya 151 (71.9) 117 (72.7)
Durée moyenne des symptômes, en semaines (Intervalle interquartile)
4 (4;12) 7.7 (4;8) >0.20c
Etat nutritionnela >0.20b
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- normal ou malnutrition légère 92 (44.7) 69 (43.7)
- malnutrition modérée 61 (29.6) 38 (24.0)
- malnutrition sévère 53 (25.7) 51 (32.3)
Taille moyenne de la rate à l’entrée, en cm (Déviation Standard)
13.7 (4.2) 13.3 (4.1) >0.20c
Anémie à l’entrée <0.001d
- Sévère (Hb <5g/dl) 3 (1.4) 4 (2.5)
- Modérée (Hb 5-7 g/dl) 60 (28.7) 75 (46.6)
- Légère (Hb 7-11 g/dl) 139 (66.5) 82 (50.9)
- Absente (Hb >11 g/dl) 7 (3.3) 0 (0.0)
a definition de la malnutrition: basée sur le rapport poids sur taille pour les enfants de moins de 137 cm (filles) ou 145 cm (garçons): 80-89%: malnutrition légère; 70-79%: malnutrition modérée;
<70%: malnutrition sévère. Dans les autres cas, définition basée sur l’indice de masse corporelle (IMC) : 17-18 kg/m2: malnutrition légère; IMC 16-17 kg/m2: malnutrition modérée; IMC <16 kg/m2: malnutrition sévère.
Valeur de p obtenue par le test de chi-carréb, l’analyse de variance unidirectionnellec, ou le test de Fisherd
Tableau II: Issue clinique des patients atteints de leishmaniose viscérale traités par amphotéricine B déoxycholate ou méglumine antimoniate à l’hôpital d’Amudat, Uganda
Amphotéricine B Méglumine antimoniate
(N=210) (N=161) n % [95% IC] n % [95 % IC] Valeur de p
Guérison 194 92.4 [87.9 – 95.6] 153 95.0 [90.4 – 97.8] > 0.20 a
Décès 10 4.8 [2.4 – 8.8] 6 3.7 [1.5 – 8.3] > 0.20 a
Echecs 6 2.9 [1.2 – 6.4] 2 1.2 [0.2 – 4.9] > 0.20 b
NOTE:
IC: intervalle de confiance
Valeur de p obtenue par le test de chi-carréa ou le test de Fisherb
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REFERENCES
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