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À la recherche de la Troisième Intelligence

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Gilles Guerrin

À la recherche de la Troisième Intelligence

Dialogue n°1

Mercredi 21 mars 2018

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À mon fils aîné 
 avec qui la communication
 n’est pas toujours très simple. 


Mais ça, c’est un peu normal.

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Un dialogue, nous dit la première définition du larousse.fr, c’est une

« Conversation entre deux ou plusieurs personnes sur un sujet défini ». Dans celui qui suit, nous n’avons que deux protagonistes, un fils et son père.

Le fils, jeune adulte, se pose visiblement et légitimement des questions sur le futur. Il demande son avis à son père et la question parait très simple : «  Dis- moi, comment est-ce que tu vois le futur, toi ? ». Mais la réponse ne l’est pas tant.

Le père accepte cependant d’essayer d’y répondre, tout content de voir qu’il peut encore être un petit peu utile à son fils.

Le dialogue commence donc et se déroule comme tout dialogue. Il ne suit pas nécessairement une ligne bien droite. Hésitations, oublis, retours, répétitions, détours, rectifications, etc... Bref, une discussion normale.

Sans trop vendre la mèche, ou plutôt sans trop spoiler comme on dit maintenant, voilà en quelques mots ce que le père répond à son fils :

« Si nous avions su, nous n’en serions pas là. Maintenant que nous savons, nous pouvons (peut-être) enfin réagir car nous avons à présent toutes les connaissances, mais aussi toute la technologie, nécessaires. Il suffit que nous le voulions, mais surtout que nous acceptions de sacrifier une très grosse partie de notre orgueil et de notre amour-propre. Je vais donc te dire non pas comment je vois le futur, mais quel chemin j’aimerais que l’Humanité emprunte pour que son futur, ainsi que celui de toute la Terre, se passe disons le mieux possible ».

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Chapitre I

Cela faisait déjà plusieurs mois qu’il n’était pas rentré chez ses parents.

Trop occupé. Mais là, il a enfin réussi à prendre trois jours si bien qu’avec le week-end, ça en fait cinq qu’il a pu venir passer en famille.

En apprenant qu’il allait venir, son père de son côté avait pu prendre les mêmes jours de congés que lui alors, toute la famille s’est retrouvée réunie et ainsi, tout le monde a bien pu profiter de tout le monde.

Mais cinq jours, ça passe vite et demain, c’est déjà le départ. Et cette dernière soirée, père et fils ont décidé de la passer ensemble, entre hommes, que les deux.

Ils se retrouvent donc, comme ils aimaient souvent le faire il y a encore peu, sur le terrasse de la maison à contempler en silence les collines en face et le ciel qui aujourd’hui est tout bleu. Dans peu de temps, il y aura les étoiles, mais en attendant, ils admirent la nature qui s’étend devant eux à l’affût du moindre signe de vie et c’est le cri aigu d’un faisan qui tout à coup attire leur attention et les fait sortir de leur silence.

– Ah, Pierre est de retour.

Pierre, c’est le prénom que le père donne à tous les faisans du coin. Les hérons, eux, s’appellent Jean-Philippe, les couleuvres Fabienne, etc... Il donne un prénom comme ça à tout un tas d’animaux. Allez savoir pourquoi.

En tout cas, le fils ne réagit pas tout de suite à la remarque de son père. Il reste un moment silencieux puis lance une question qui n’a rien à voir avec la sérénité du paysage ou avec le cri de Pierre.

– Dis-moi, comment est-ce que tu vois le futur, toi ?

– Le futur ? Quel futur ?... Le mien? Celui de l’Humanité ?...

– Ben, disons les deux... le tien et celui de l’Humanité.

– Houlà ! Ce n’est pas facile ce que tu me demandes là et je ne sais pas si on aura le temps de tout débriefer mon point de vue sur la chose aujourd’hui.

D’une part, parce que l’on ne réfléchit pas toujours à des sujets aussi vastes et aussi complexes donc, ce n’est pas évident d’avoir une idée bien précise. Et d’autre part, même si on a une certaine opinion, ce n’est pas toujours simple de la formuler.

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Mais bon, je veux bien essayer quand même de te répondre, si tu as un peu de temps.

Et finalement fiston, je suis bien content que tu me poses la question. Ça prouve au moins que tu te la poses également, n’est-ce pas ?

– Ben oui, un peu quand même.

– C’est de ton âge.

Et pour tout te dire, ça me fait toujours plutôt plaisir quand tu me poses des questions. Ça prouve que, même si on ne se voit plus souvent, je peux encore t’être un peu utile.

Du moins, je l’espère. Ça fait du bien et c’est rassurant. Bon alors, mon futur et celui de l’Humanité... Je pense que le mieux, et le plus simple, c’est que je commence par le mien, tu ne crois pas? Ce n’est pas uniquement une question d’égo, mais c’est aussi, et plutôt, parce que mon futur a, je pense, beaucoup plus de chances de finir avant celui de l’Humanité. Même s’il est encore tout à fait possible que les deux prennent fin en même temps, mais bon...

– Ah bon, tu penses que c’est possible, toi ?

– Bien sûr que oui. Une météorite qui vient heurter la Terre par exemple et hop, on part tous ensemble, non ? Et puis, le “Bon Dieu” a toujours la possibilité de mettre fin à son expérience juste en claquant des doigts, n’est-ce pas ?

– Oui, si on veut.

– En tout cas, la seule certitude, c’est que mon avenir, tout comme le tien d’ailleurs, ne finira pas après celui de l’Humanité. À part ça, toutes les solutions sont possibles. Alors revenons à ce qui semble être le plus logique, à savoir mon départ en premier.

– OK.

– J’ai bientôt soixante ans et j’imagine que je vais encore passer entre dix et vingt ans sur cette Terre. En tout cas, mon premier objectif, c’est d’arriver au moins à mes 65 ans. Après, ce ne sera que du rab. Voilà pour la durée.

Pour ce qui est du contenu, comme je suis plutôt optimiste de nature, au moins pour ce qui me concerne, je me vois partir tranquillement, avec peut-être quand même une petite période Alzheimer sur la fin, vu que la maladie semble bien implantée dans les gènes de ma famille.

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Ce qui fait d’ailleurs qu’avec un peu de chance, et si aucun traitement n’est trouvé d’ici là, tu devrais y passer aussi un jour.

– Un peu de chance ? Ça dépend des points de vue.

Mais attends, qu’est-ce que tu veux dire par « optimiste au moins pour ce qui me concerne » ?

– Ben, je ne sais pas si tu as remarqué, mais on est tous différents – « sauf moi » comme dirait Monty Python dans “La vie de Brian” mais là, c’est une autre histoire – et cette différence, c’est tout simplement, à mon sens, une question de hasard et de chance.

– Et tu définis ça comment le hasard et la chance ?

– Pour moi, le hasard, c’est ce qui va s’occuper de la distribution en quelque sorte de tous les attributs qu’un être vivant aura à sa naissance, ainsi que de tout ce qui va lui tomber dessus tout au long de sa vie.

Alors, l’être vivant en question peut être n’importe quel être bien entendu, animal comme végétal, mais prenons par exemple un Être Humain.

Le hasard décide tout. Ce qui veut dire que selon l’endroit et l’époque où cet Être Humain naitra et vivra, selon les capacités physiques et intellectuelles qu’il aura, selon les bonnes ou mauvaises rencontres qu’il fera, etc, etc... bref, selon une infinité de facteurs, influencés aussi bien sûr par toute son histoire génétique, il aura plus ou moins de chance dans la vie. La chance étant simplement le résultat ressenti de ce que lui apporte le hasard.

Estimer que l’on a de la chance, sur le moment, c’est estimer que l’on se sort bien d’une situation quelconque. Et à l’échelle d’une vie, c’est estimer que l’on s’en tire entre “pas si mal” et “très bien” et que jusque là, on a bénéficié d’un surplus de positif par rapport au négatif. Ceci dit, je ne pense pas que quiconque ait jamais eu et n’aura jamais un 100 % de positif ou un 100 % de négatif.

Hélas, le hasard est loin, très loin, d’être équitable avec tous les acteurs du monde vivant. Et donc, la chance qui en découle, est loin, très loin, d’être la même pour tous. Il suffit de voir ce qui se passe autour de nous pour nous apercevoir que tout n’est pas que justice sur Terre.

– Oui, mais c’est un peu une lapalissade, je veux dire une évidence, de dire que l’on est tous différents et donc que certains auront plus de chances que d’autres, non ?

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– Oui bien sûr que c’est une lapalissade. Mais si tu veux bien, j’aimerais y revenir un peu plus tard quand on discutera du futur de l’Humanité. En attendant, ne mélangeons pas tout et avançons petit à petit.

Donc, je parlais de mon “optimisme au moins pour ce qui me concerne”

tout simplement parce qu’en ce qui me concerne justement, je n’ai toujours pas à me plaindre du hasard, voilà.

Je n’ai donc aucune raison particulière de m’inquiéter pour mon propre avenir. Même si je suis bien entendu conscient qu’il est tout à fait possible qu’un jour “la chance tourne” comme on dit.

Ceci dit, je dois avouer que ce hasard, et donc cette chance qui m’a toujours été accordée jusque-là, a parfois quelque chose de dérangeant parce que je connais pas mal de personnes qui n’ont pas autant de chance que moi alors qu’a priori, elles ne sont pas moins méritantes. D’ailleurs, est-ce qu’objectivement il existe des êtres moins méritants que d’autres ? Evidemment que non et si les choses étaient bien faites, nous serions tous vraiment égaux, au moins à la naissance. Et pourtant on voit bien que tout le monde n’est pas vraiment logé à la même enseigne. C’est le moins que l’on puisse dire.

– Certes. Mais ne me dis pas que tu aurais envie d’être malchanceux quand même.

– Non, je n’irai peut-être pas jusque-là. Et quitte à choisir, je préférerais que ce soit tous les malchanceux qui deviennent chanceux plutôt que l’inverse. Et qui sait, un monde qui ne serait rempli que de chanceux, on y arrivera peut-être un jour.

Quoi qu’il en soit, je trouve l’injustice parfois tellement criarde qu’il m’est difficile de croire qu’elle puisse avoir été le souhait d’une quelconque entité intelligente et bienveillante qui aurait créé ce Monde.

– Tu veux dire d’un dieu, quoi ?

– En tout cas d’un “bon” dieu, contrairement à ce que je te disais tout à l’heure. Car même l’Homme est parfois plus intelligent sur ce point-là.

Si on prend le sport par exemple. Quand on met sur une même ligne des concurrents, sauf accord préalable bien entendu, ce sont en général des concurrents de force équivalente. On ne met pas dans la même compétition des gens qui n’ont pas du tout les mêmes chances de gagner.

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Alors, si par une quelconque lubie, on a envie de mettre ensemble des gens qui ont des aptitudes très différentes, c’est-à-dire multiples et variées, on ne leur fait pas croire que malgré la compétition à laquelle ils devront se livrer, ils auront tous les mêmes chances de réussir. Il y aura forcément des dégâts.

Et si on ressent une quelconque sympathie à leur égard, on leur fait comprendre que contrairement à ce qu’ils auraient pu croire, vu par exemple l’état du terrain sur lequel ils ont été lâchés, ils ne doivent pas se considérer comme en compétition, mais qu’au contraire, le mieux pour eux serait de collaborer et de s’entraider.

Et pour qu’ils comprennent encore mieux, on leur explique toutes les règles du jeu et on leur donne toutes les informations nécessaires qui pourront les aider à ne pas se fourvoyer.

Mais voilà, il n’y a visiblement personne qui ressente une quelconque sympathie, ni pour nous les Humains, ni pour l’ensemble du vivant de cette planète. Et on nous a lâchés sur la Terre sans aucune mise en garde.

Mais si tu veux bien, je préfère revenir sur ce point aussi un peu plus tard, car à mon avis, c’est un des points essentiels concernant l’avenir de l’Humanité.

– Je veux bien ma foi. En tout cas, je te sens motivé, là.

– L’injustice n’est pas un sujet à prendre à la légère, tu sais.

Mais bon, je finis d’expliquer mon optimisme vis-à-vis de ma personne et on y reviendra après.

Je considère donc que le hasard s’est toujours plutôt bien comporté avec moi et que j’ai toujours bénéficié d’une chance me semble-t-il pas mal au dessus de la moyenne. Même s’il est vrai que je n’ai encore jamais gagné de grosses sommes au loto. Mais je ne perds pas espoir... Et je vais bientôt t’expliquer pourquoi.

À ceci, je rajouterai que mon optimisme m’a souvent poussé à m’en remettre, de manière parfois assez inconsciente j’avoue, voire potentiellement dangereuse, à ma chance. Et je remercie, disons ma bonne étoile, que cette chance ne m’ait encore jamais fait trop faux bon.

Voilà en gros pourquoi je ne trouve aucune raison d’être pessimiste “au moins pour ce qui me concerne”. Après, si ça change, eh bien il faudra que je fasse avec et c’est tout.

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– La chance, si j’ai bien compris, c’est l’interprétation que l’on donne suite aux différents hasards qui nous tombent dessus tout au long de notre vie.

Donc dans le cas de deux situations complètement identiques, on peut dire qu’un optimiste et un pessimiste peuvent avoir deux interprétations différentes.

L’un se disant qu’il a eu de la chance et l’autre qu’il n’en a pas eu.

– Oui, peut-être, mais le cas de deux fois exactement la même situation est a priori complètement impossible donc, le problème ne se pose pas vraiment.

Alors, ne compliquons pas trop les choses inutilement.

Tout dépend donc du hasard. Et le pire dans tout ça, c’est que l’on n’a aucun pouvoir sur lui. Mais attention, je ne dis pas bien sûr que je crois que tout est déjà écrit d’avance. Et en ce qui me concerne, si on découvrait un jour que nous ne sommes que les marionnettes d’un destin tout pré-écrit, ce serait la pire des nouvelles.

Donc en gros, rien n’est écrit par avance, mais malgré tout, personne ne peut contrôler sa propre chance. On est tous chacun sur notre propre chemin et on est obligés de le suivre sans aucune possibilité, ni de s’arrêter, ne serait-ce que pour souffler ou réfléchir un peu, ni de faire marche arrière. Et comme on ne voit rien de ce qui est devant nous, on ne peut pas faire autrement que de se laisser guider par notre hasard.

En théorie, il y a toujours devant nous tout un tas de directions possibles bien sûr. Mais ce ne sont pas des choix qui s’offrent à nous puisque l’on n’a aucune conscience de l’existence même de ces directions possibles.

Imaginons que la vie soit une suite de portes que l’on ait à passer. Si par exemple, tu es passé par la porte rouge plutôt que par la porte bleue ou la porte verte, ce n’est pas parce que tu auras fait un choix. Non seulement tu ne savais pas, et tu ne pouvais pas savoir, ce qu’il y avait derrière chacune des portes, mais en plus, tu n’avais même pas conscience qu’il y avait plusieurs portes. Et même si tu avais conscience de l’existence de différentes portes, comme tu ne peux ni t’arrêter, ni même ralentir alors, comment veux-tu espérer avoir le temps de réfléchir pour choisir celle qui te semblerait la meilleure ? Et sur quelle base ? C’est impossible.

C’est le côté un peu tristounet de notre existence si on y réfléchit bien, mais c’est vrai que personne n’est capable de faire un choix pour sa propre vie en connaissance de cause.

– Un peu tristounet, en effet.

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– Et encore toi, tu as un certain nombre d’aptitudes qui font que tu as un certain degré de “liberté” et donc peut-être as-tu un éventail de directions possibles assez important. Je ne sais pas trop si c’est un avantage puisque de toute manière, tu ne pourras prendre qu’une seule direction, et en plus sans pouvoir la choisir, mais faisons comme si c’en était un et imaginons cette fois un enfant qui nait avec un handicap mental par exemple. Prenons un trisomique 21, puisque l’on connait un peu le sujet vu que l’on en a un dans notre famille. Les aptitudes de ces enfants sont souvent beaucoup plus restreintes que celles d’un enfant dit normal et par conséquent, leur éventail de directions à suivre doit être beaucoup plus limité.

Et encore, je ne te parle que de la trisomie 21 qui est loin d’être le pire des handicaps, car il y en a de beaucoup plus terribles, tant pour les enfants qui les portent que pour leur entourage.

Pour nous, c’est déjà vrai, mais pour ces enfants, ça l’est encore plus. Ils ne peuvent rien faire d’autre que de se laisser aller sur un chemin beaucoup plus étroit que le nôtre et leur vie risque de ne pas être des plus excitantes.

Mais bon là, j’ai un peu l’impression que l’on se dirige tout doucement vers une discussion de comptoir de bar, tu ne trouves pas ?

– Non, pas spécialement. Mais pour ce qui est de ton enfant handicapé, tout dépend de s’il se rend compte de son état ou non, j’imagine, c’est-à-dire s’il a conscience ou non d’être handicapé.

– Tout à fait, mais si le hasard veut qu’il soit suffisamment conscient pour pouvoir se rendre compte de son état, je me demande bien quel peut être son ressenti et j’aurais tendance à le plaindre plus qu’autre chose.

Avec la trisomie 21, il y a visiblement différents degrés de conscience et il y a des cas où un jeune trisomique se rend parfaitement compte de l’état dans lequel il se trouve.

Dans le film “Mention particulière” par exemple, qui a dû sortir l’année dernière, l’actrice principale est réellement trisomique. L’histoire du film est basée sur une histoire vraie et elle raconte le parcours d’une jeune trisomique, scolarisée dans un lycée normal, qui veut absolument passer son bac, qui se heurte à tous les préjugés possibles de la part du monde qui l’entoure, mais qui finit par passer et réussir le fameux bac.

Le film veut sans doute montrer qu’il ne faut pas juger d’après les apparences et tout ça, ce qui est louable, mais moi, j’ai surtout vu le problème que

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pose le fait d’être conscient de son propre état quand on n’entre pas dans la norme. Et visiblement, ce n’est pas simple.

C’est encore une fois le hasard qui décide, mais je me dis que dans certains cas, il serait sans doute préférable de ne pas être conscient de son propre état. Se rendre compte de ses différences, surtout lorsque celles-ci sont handicapantes, et se rendre compte, sinon de l’incapacité, au moins des énormes difficultés que l’on a à les surmonter, ça ne doit pas être joyeux tous les jours. Je viens de dire que l’on était tous différents, mais il y a des différences plus difficiles que d’autres à accepter ou à faire accepter.

Bref, tu l’auras compris, le hasard n’est pas toujours très tendre avec tout le monde.

– Eh bien dis donc, tu ne fais pas preuve d’un grand optimisme.

– Non là, ce n’est plus une question d’optimisme ou de pessimisme. En l’occurrence, il s’agirait plutôt de fatalisme, non ? Et comment ne pas être fataliste face à une réalité sur laquelle on n’a aucun pouvoir ?

Mais bon, j’aimerais bien en finir avec mon futur avant de passer à celui de l’Humanité. Et donc, je vais te parler un peu de la fin de ma vie puisque mon futur, c’est aussi ça.

C’est assez banal ce que je vais te dire, mais j’espère mourir sans trop faire de vagues et sans déranger trop de monde. Il faudra donc pour ça que tout soit prêt au moment de mon départ de manière à ce que tu n’aies à te préoccuper de rien.

– C’est gentil, mais c’est peut-être un peu tôt pour en parler, non ? – Ne crois pas ça !

Donc ma mort, ou du moins ma fin de vie terrestre si on imagine qu’il y a quelque chose après la mort – mais absolument rien ne le prouve – devrait bientôt arriver car, pour refaire une petite lapalissade, je pense que je n’ai encore jamais été aussi près de la fin.

Au moment où ça arrivera, je veux que tu n’aies rien à faire. Je souhaite aussi qu’à part mon incinération – après récupération par la médecine de toutes les parties de mon corps éventuellement réutilisables – il n’y ait rien et surtout pas de cérémonie quelle qu’elle soit.

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Ceci dit, si tu as envie de boire un pot à ma mémoire avec qui tu voudras, ne te gêne pas, tant que tu ne t’en sens pas obligé. Et ne te sens pas non plus obligé d’être présent à la crémation. De toute façon, je serai mort et donc, je ne vois pas l’intérêt de ta présence. En plus, je n’ai guère envie de t’imaginer en train de pleurer, voire faire semblant de pleurer, devant quelque chose qui ne ressemble plus à rien, à savoir ma dépouille.

D’autant qu’en ce qui me concerne, toutes ces questions de dernier adieu, etc... ce n’est pas vraiment mon truc. Si on ressent l’envie d’exprimer son attachement à quelqu’un, il est préférable de le faire pendant que ce quelqu’un est encore en vie, tu ne penses pas ?

Enfin, si tu organises un pot après ma mort, et donc en relation avec elle, fais en sorte qu’il soit joyeux, avec pas mal de victuailles et tout ce qu’il faut pour bien arroser. Bref, fais ça dans la joie et dans la bonne humeur s’il te plait sinon, ne fais rien. Mais attention à l’abus d’alcool quand même !

Et j’oubliais. Pour ce qui est des cendres pas besoin non plus de s’embarrasser avec.

Donc, profitons des instants que l’on peut passer ensemble sur cette Terre.

Et en ce qui me concerne, passer quelques moments avec toi, comme ces quelques jours qui arrivent hélas à leur fin, ce n’est que du plaisir. J’espère que tu ressens la même chose et que revenir de temps en temps nous voir n’est pas un poids pour toi. Si ça l’est ou si ça le devient, n’aie pas peur de nous le dire.

– Sois sans crainte, je vous ferai passer une note... et c’est à mon tour de te demander de faire pareil pour moi aussi, je parle de l’incinération et tout, si d’aventure, c’est moi qui pars avant toi, d’accord ?

– Cette perspective ne me réjouit pas plus que ça, mais je vois que tu as saisi l’idée et je ferai comme tu voudras. Par contre, tu me mets ça aussi par écrit, s’il te plait ?

Ceci dit, en tant que père, il me semble qu’il faudra quand même que je sois là pour la crémation, que je le veuille ou non.

– Là, c’est toi qui vois.

Par contre, et pour changer de sujet, tu disais tout à l’heure que le hasard était loin d’être équitable. Mais la mort aussi est suffisamment injuste, non ?

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Là, on vient de parler de la mienne de mort. C’est vrai qu’elle peut encore arriver avant la tienne. C’est effectivement possible, mais excuse-moi, ce ne serait pas très juste, non ?

Et quand je pense aux bébés morts-nés par opposition à toutes les personnes qui passent allègrement les 100 ans, je me dis qu’il n’y a pas vraiment de justice, ni trop de logique, de la part de la mort non plus.

Non pour moi, parce qu’elle peut arriver à n’importe quel âge et frapper à tout moment, la mort est aussi injuste que le hasard. Et d’ailleurs, les deux vont de pair parce que c’est le hasard qui va décider qu’un jeune va mourir dans un accident de voiture par exemple.

Le hasard avait décidé, le jeune n’a donc pas eu de chance et il est mort dans l’accident.

– Je vois. Mais d’abord, je ne considère pas la mort jeune comme un manque de chance puisque comme je te l’ai dit, la chance, c’est le ressenti que l’on a d’un événement causé par le hasard. Mais j’aurais plutôt dû dire par

“notre” hasard et donc préciser: “le ressenti de la personne concernée et non pas celui des autres”. Et quand on est mort, eh bien, on n’a plus de ressenti – Ah ! Monsieur La Palice, quand tu nous tiens !

Alors, bien sûr, il y a les survivants de l’accident dont tu parles qui peuvent considérer que le jeune n’a pas eu de chance par rapport à eux, mais là, il s’agit d’une autre définition du mot chance.

Et enfin, si un des survivants devient tétraplégique à cause de l’accident, est-ce qu’il pensera vraiment que c’est le jeune qui est parti qui n’a pas eu de chance ?

La mort, même jeune, peut très bien être un soulagement dans le cas d’une vie trop difficile à supporter. Et puisque je viens de parler de tétraplégique, dans le film “Intouchables” par exemple avec Omar Sy et François Cluzet, je ne peux pas m’empêcher de penser que François Cluzet, même s’il n’est plus tout jeune certes, embauche Omar Sy dans l’espoir de se faire trucider par ce dernier. Hélas ou heureusement pour lui, ce n’est pas à nous de le dire, ça ne se passe pas comme il l’aurait voulu.

Avoir de la chance ou de la malchance, c’est mener ou non une vie que l’on juge suffisamment heureuse pendant qu’on la vit. C’est le contenu qui importe et ça n’a pas de rapport avec la durée.

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C’est un peu délicat ce que je vais te dire, mais un enfant mort-né aura au moins eu la chance de ne pas avoir eu le temps d’avoir de la malchance si tu vois ce que je veux dire. Quand la mort arrive, c’est fini et c’est tout.

Et en parlant de ça, il me revient l’image de ce pigeon, lors d’un match de baseball aux Etats-Unis en 2001. Ledit pigeon passe entre le lanceur, Randy Johnson, et le batteur, dont je n’ai pas retenu le nom, juste au moment où Randy Johnson vient de lancer sa balle. Le pigeon se fait littéralement exploser par la balle. C’est impressionnant et si tu veux, tu peux facilement trouver la vidéo sur Youtube.

Dans cette histoire, on peut peut-être dire que le pigeon n’a pas eu de chance, et c’est en général ce que l’on dit parce que les probabilités pour qu’il passe exactement à ce moment-là étaient quasi nulles, mais en ce qui me concerne, puisque sa rencontre avec la balle lui a été fatale, ce n’est plus une question de chance ou de malchance, c’est juste une fin de vie. Le pigeon est mort et ça s’arrête là.

Ça aurait été de la malchance si la balle lui avait simplement cassé une aile et qu’il ait eu à finir ses jours sans plus jamais pouvoir voler, dans la peur permanente, car à la merci de nouveaux prédateurs, et regrettant, si toutefois un pigeon peut avoir des regrets, de ne pas avoir été tué par la balle.

Quant à la mort, je ne la considère pas comme juste ou injuste, ce n’est pas le problème. Je la vois plutôt comme la seule chose vraiment logique et la seule réponse vraiment adéquate aux conditions de vie sur Terre telles qu’elles ont été établies.

C’est le hasard, et donc la vie, qui sont injustes. Et s’il existe une intelligence consciente qui a souhaité et fabriqué cet Univers et la vie sur Terre, je ne lui accorde pas l’Oscar de la stratégie ou en tout cas pas celui de la “stratégie bienveillante”.

La mort est heureusement là pour rattraper un gros déficit non seulement stratégique, mais aussi logique. Car d’une part, et n’en déplaise à Frédéric Beigbeder qui a écrit le roman “Une vie sans fin”, dont le personnage principal essaie de trouver la clé de l’immortalité, on ne peut guère envisager d’être immortel quand on appartient à une espèce qui peut se reproduire bien qu’évoluant sur un espace limité. Et d’autre part, je n’ose pas imaginer un scénario où la mort frapperait tout le monde au même âge, ou même dans une petite fourchette d’âge. S’il était décidé que tout le monde doit mourir à 85 ans ou entre 70 et 85, il me semble que ce serait assez bizarre, non ?

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La mort n’est donc là que pour rattraper une conception foireuse de la vie telle qu’elle s’est développée sur Terre et il est logique qu’elle frappe au petit bonheur la chance.

Et puis, je prends un peu d’avance sur la question suivante, mais j’aime bien ce passage du bouquin de Frédéric Beigbeder. Ce sont les mots d’un professeur israélien, le docteur Yossi Buganim, que Frédéric Beigbeder était aller voir dans le cadre de sa quête de l’immortalité. Je lis : « Peut-être que dans deux ou trois siècles, nous serons capables de ralentir le processus du vieillissement.

Mais je pense que la Terre sera morte d’ici là. Dans une centaine d’années, vu la façon dont nous traitons l’environnement, le problème sera réglé : la planète disparaîtra et l’humanité avec elle. Inutile, donc, de vous préoccuper avec cette histoire d’immortalité. ».

Et Frédéric Beigbeder de rajouter «Ah, l’humour juif ! ».

Ceci dit, je n’ai pas eu l’impression en lisant son livre que Frédéric Beigbeder était à ce point-là obsédé par l’immortalité, mais c’est une autre question.

En tout cas moi, je revendique le droit de mourir et je laisse l’éternité aux atomes qui me constituent.

– D’accord. Mais si tu veux bien maintenant, j’aimerais que l’on fasse un petit point.

Donc, pour ton futur, tu n’es pas inquiet parce que tu as l’impression de bénéficier d’une chance suffisamment protectrice, qui bien que n’ayant pas spécialement de raisons d’être, vu l’injustice qu’elle induit, elle n’a pas non plus de raisons de s’arrêter.

Tu t’imagines partir tranquillement dans les dix à vingt ans avec une petite Alzheimer en fin de vie. Ceci dit, tu restes terre à terre et tu es conscient que tout peut arriver, comme par exemple mon départ avant le tien.

Enfin, tu veux adopter une attitude positive par rapport à la mort que tu refuses de considérer comme triste.

C’est ça ? – Oui, je crois.

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Je ne l’avais pas précisé, mais c’est vrai que je ne considère pas la mort en elle-même comme triste. C’est le souvenir de la personne disparue – ou du chien d’ailleurs par exemple – qui peut nous rendre tristes.

– Mais je voudrais juste te demander : tu n’as pas peur de la mort toi ? – A priori, je dirais que non, même s’il parait que ce n’est pas possible, et ce qui me ferait davantage peur, ce serait plus la douleur ou le malheur, et donc beaucoup de malchance. Car même si je compte, comme d’habitude, sur ma chance pour passer à côté de tout ça, qui peut dire ce qui va m’arriver ? Et la perspective de souffrir physiquement à cause d’une maladie ou autre, pendant un certain temps en attendant la mort, c’est ça qui me ferait le plus peur. Tout comme la perspective de vivre dans une pauvreté extrême. Mais bon, touchons du bois pour que ça n’arrive pas.

Bon là, je pense que l’on en a fini avec mon futur et que l’on peut donc passer à l’avenir de l’Humanité. Je ne sais pas si mon point de vue concernant ce que j’imagine de mon devenir t’a vraiment passionné, mais je suis au moins content que l’on ait pu faire un peu le point sur mes dernières volontés et d’ailleurs, il faudra que l’on en reparle bientôt pour mettre tout ça au clair.

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Chapitre II

Le soleil venait de se coucher et l’on n’entendait plus Pierre. Il est vrai que les faisans sont plus du matin. La nuit s’annonçait donc silencieuse et le ciel bleu avait laissé la place à une belle voûte étoilée.

Malgré la ville toute proche, le coin était plutôt bien pour contempler le ciel la nuit car aucune lumière artificielle ne venait perturber la vue. Et jusqu’à il y a une dizaine d’années, le père emmenait parfois son fils voir les étoiles, le soir par beau temps. Ils allaient jusqu’à la petite route en bas, à cette heure-là plus aucune voiture n’y passait, le père s’allongeait d’abord sur le bitume, puis c’était au tour du fils qui venait poser sa tête sur le ventre de son père. Ensuite, les deux restaient comme ça à scruter le ciel sans nécessairement beaucoup parler. Il y a sans doute plus fort que les paroles dans de tels moments.

Mais revenons à aujourd’hui. Le fils ne pose plus sa tête sur le ventre de son père, mais il est là et c’est déjà très bien comme ça. Par contre, ce soir, la parole a sérieusement pris le dessus.

– Donc fiston, je viens de te parler de mon avenir, mais pour celui de l’Humanité, à mon avis, il y a un petit peu plus de boulot.

Tu es prêt ? On attaque ? – OK, c’est parti !

– En fait non, ça ne devrait pas être trop long, car mon point de vue est tout à fait simple. C’est en fait celui du professeur Yossi Buganim dont je viens de te parler. Seulement lui, il parle d’une centaine d’années avant que ce Monde ne disparaisse alors que moi, je préférerais que ça ait lieu un peu plus tôt. En fait, ça me ferait assez plaisir d’être présent au moment de la fin du Monde, et tu sais pourquoi ?

– Non, dis-moi.

– C’est idiot, mais c’est juste pour avoir le plaisir de pouvoir dire : « ben moi, j’y étais ».

–...


– Ben quoi, il n’y a pas que les Juifs qui ont de l’humour.

–...

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– Laisse tomber, je t’expliquerai.

Pour en revenir à un peu plus de sérieux, je dois t’avouer que j’ai quand même bien peur que le professeur Yossi Buganim ne soit pas très loin de la vérité et que ce qu’il prédit finisse par se réaliser plus ou moins aux dates qu’il donne.

Tu vas me dire pour le coup que je ne suis pas très optimiste, mais ne t’en fais pas, comme le pessimisme n’est pas vraiment dans ma nature, je vais non pas te dire ce que je pense qu’il peut arriver car ça, tout le monde peut le faire finalement. Bien que personne n’ait d’arguments solides et fiables pour prédire l’avenir, mais bon. Non, je vais plutôt te dire ce que j’aimerais bien qu’il arrive, parce que je veux croire qu’il est encore possible que l’Humanité prenne un tournant inattendu, même s’il est vrai que les chances peuvent encore paraitre assez faibles.

– Ne me dis pas que tu as LA solution pour sauver le Monde quand même ? – Qui sait ? Ça t’en boucherait un coin, non ?

Le seul petit problème, c’est qu’il faudrait un énorme revirement dans les mentalités. Et un revirement qui se fasse le plus rapidement et le plus totalement possible. Pour simplifier, il faudrait que tous les Êtres Humains adhèrent rapidement à la même façon de penser et au même idéal.

Alors tu vois que ce ne n’est pas gagné.

– Tous les Hommes ? En effet, ce n’est pas gagné.

En tout cas, ce serait une première si tout le monde se mettait un jour d’accord !

Alors, c’est quoi cette façon de penser et cet idéal pour toi ?

– En fait, c’est très simple, du moins sur le papier. Il faudrait que l’Humanité, toute entière, prenne conscience de l’état actuel de la vie sur Terre, que l’on peut d’ores et déjà, je pense, qualifier de critique, ainsi que des raisons, évidentes je crois, qui nous ont menés à cet état. Enfin, il faudrait que l’Humanité, toute entière, se rende compte que malgré tout, on peut encore réagir et que si on ne fait rien, c’est-à-dire si on ne change pas de cap, on a toutes les chances d’aller s’écraser sur un mur qui n’est plus si loin que ça.

Il me semble donc que l’on peut encore arriver, mais avec beaucoup de volonté, à quelque chose de positif, c’est-à-dire arriver à ce que l’Humanité vive enfin dans la paix et dans le respect des autres êtres vivants qui partagent notre

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planète, que du coup, on peut appeler nos “coloca-Terre”. Cette appellation de

“coloca-Terre”, ce n’est pas moi qui l’ai inventée, c’est un mot que j’ai trouvé sur le Net. C’est notamment le nom d’une association pour la cause animale.

– J’aime bien ce mot-là, mais par contre, quand on y réfléchit bien, pour ce qui est des animaux pour le moment, et grâce à nos soins, on va plutôt dans le sens : “colocs à terre”, si j’ose dire.

– Pas mal. Tu vois que tu as aussi de l’humour quand tu veux.

Donc, la prise de conscience dont je parle concerne deux points essentiels qu’il faudrait absolument que toute l’Humanité reconnaisse le plus rapidement possible. Il faut que l’on reconnaisse :

1) que l’on est déjà bien trop nombreux sur Terre. Je parle bien entendu des Humains.

2) que l’Humanité n’a jamais cessé de se fourvoyer tout au long de son histoire.

Le premier point étant la conséquence logique – j’insiste sur logique – du second.

– Donc, tu es en train de dire que si l’on est trop nombreux à l’heure actuelle, ce qui est sans doute vrai, c’est parce que l’on a toujours fait fausse route. C’est ça ?

– Ah ! Si tout le monde pouvait piger aussi vite que toi, ce serait vraiment le bonheur.

– Je ne sais pas si on peut dire que j’ai vraiment tout pigé et je ne suis pas certain d’avoir bien saisi la notion de fausse route, mais ça ne fait rien, continue.

– Commençons par le point numéro 1. Le fait que l’on soit déjà trop nombreux sur Terre me semble une évidence. Et pourtant, je suis encore bien étonné de voir qu’il reste pas mal de gens qui ne le pensent pas et parmi eux, certains vont même jusqu’à dire que le mythe de la surpopulation fait partie de la fameuse théorie du complot. Il suffit pour s’en rendre compte d’aller consulter Youtube sur le sujet de la surpopulation.

Et puis, il y a quelques jours, dans l’émission Quotidien, de Yann Barthès, il y a Philippe Sollers, un écrivain de 81 ans, l’âge a peut-être son importance, qui a réagi à un reportage sur les problèmes qu’il y a actuellement sur l’ile de Mayotte. Le reportage n’avait pas de rapport avec le problème de la

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surpopulation, mais ce qui m’a frappé, c’est que Philippe Sollers a fini son commentaire en s’écriant : « Heureusement, il y a les bébés et il n’y aura jamais assez de bébés ! ». Personnellement, j’ai vraiment beaucoup de mal à comprendre cette position surtout quand on sait que l’on est déjà plus de sept milliards et demi d’Êtres Humains sur Terre contre moins de quatre milliards il y a seulement quarante ans. Et les estimations futures ne sont pas très réjouissantes.

En tout cas, à tous ces gens-là, qui nient le fait que l’on est déjà trop nombreux sur Terre, il faudrait essayer de leur faire comprendre que ce n’est pas simplement une question de place à proprement parler, car dans l’absolu, c’est vrai qu’il y a encore beaucoup d’espaces libres, mais que c’est une question de

“place habitable et vivable dans de bonnes conditions”, où l’on puisse vivre sans problèmes avec suffisamment de ressources. Parce que pour ce qui est des ressources justement, je crois que l’on se rapproche dangereusement des limites.

Et si les espaces vides qui existent ne sont, par définition, pas habités, c’est peut- être tout simplement parce qu’ils ne sont pas habitables, non ? Sans compter que nous agissons comme si nous étions la seule espèce vivante sur Terre. Nous n’arrêtons pas de grignoter, de détruire ou de saloper les espaces où vivent encore nos coloca-Terre. Conséquence ; la quasi totalité des grands animaux qui vivent encore aujourd’hui à l’état sauvage sont sans doute déjà tous en danger d’extinction. Et parmi les petits, beaucoup le sont aussi.


D’ailleurs, à propos d’extinction, j’ai été surpris d’apprendre dans “Homo Sapiens” de Yuval Noah Harari – que je conseille vraiment à tout le monde – que les premières grandes extinctions d’espèces animales par l’Homme auraient commencé il y a 45 000 ans avec la colonisation de l’Australie. Et avant ça, les Sapiens auraient même poussé les autres espèces humaines à l’extinction, il y a 70 000 ans.

Dans le style “je m’impose et j’écrase tout”, on ne fait pas mieux. Et on continue !

Il y a cependant une chose très simple qu’il faudrait avoir et garder en tête, c’est qu’il n’est nulle part écrit que l’Humain doit occuper TOUS les espaces disponibles sans tenir compte des autres espèces vivantes. Il n’est nulle part écrit non plus que la population humaine doit être la plus nombreuse possible.

Et la question qui en découle est simple : « y a-t-il une seule raison qui puisse justifier une expansion démographique telle qu’elle mette en danger non seulement la survie de notre espèce, mais aussi celle d’une grande partie de nos coloca-Terre ? ».

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En ce qui me concerne, je n’en vois aucune et il me semble urgent que non seulement nous stoppions l’expansion démographique, mais surtout que l’on diminue notre population jusqu’à un chiffre raisonnable.

– Tout ça, c’est bien sympa, mais tu as quoi comme solution pour faire baisser la population ?

– Tiens, c’est marrant, à chaque fois que j’ai présenté le problème sous cette forme – tu dois être la septième ou la huitième personne – la première réaction a toujours été cette question, quasiment telle quelle: «Et tu as quoi comme solution pour faire baisser la population ? ».

Vu l’air plutôt dubitatif et un brin provocateur de tous ceux qui ont réagi comme ça, dont toi, il semblerait que la fatalité ait déjà commencé à pas mal s’incruster dans les esprits.

– C’est quand même la question la plus importante, non ?

– Oui certes, mais la solution, s’il y en a une, nécessite qu’il y ait d’abord les conditions pour qu’elle s’applique. Et en ce moment, les conditions sont encore loin d’être au rendez-vous.

Si tu veux, c’est un peu comme la démocratie dans un pays, même comme la France.

On nous présente la démocratie comme la meilleure solution pour un pays, et sur le papier, elle l’est sans doute (il y a beaucoup de très bonnes idées sur le papier), mais on oublie de mettre en place les conditions nécessaires pour qu’elle soit applicable et efficace. Donc, la démocratie, certes c’est une belle théorie et cette théorie a au moins le mérite d’exister, mais je n’ai encore jamais vu aucun endroit, je veux parler à grande échelle, c’est-à-dire à l’échelle d’un pays ou même d’une région, où elle ait pu être mise en œuvre de manière incontestable.

En ce sens, la démocratie ressemble plus à une utopie.

Mais bon, on ne va pas faire de politique aujourd’hui et on va plutôt réfléchir aux conditions à mettre en place pour cette fameuse solution qui devrait sauver l’Humanité.

Et tiens, à propos de baisse de la population, Aymeric Caron dans son livre

“Utopia XXI” dit bien que la surpopulation est un problème et donc, je m’attendais à ce qu’il donne des solutions concrètes, c’est pour ça que je l’ai lu, mais hélas, il ne se contente en gros que de dire qu’il faut réguler les naissances sans donner plus de précisions. C’est- à-dire qu’il donne un éventuel objectif,

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mais sans aborder du tout la moindre manière de l’atteindre et personnellement, ça m’a complètement laissé sur ma faim.

– C’est bien beau, mais qu’est-ce que tu aurais dit à sa place ?

– Ben en gros, ce que je vais te dire à partir de maintenant si tu es prêt.

– Et comment, je suis prêt. Le suspens est à son comble !

– On est donc déjà trop nombreux sur Terre, c’est le point numéro 1 à reconnaitre et à méditer, et le mur sur lequel on a de fortes chances de se fracasser, si on ne dévie pas notre trajectoire, n’est plus très loin. Mais ne vois aucun pessimisme dans tout ça.

Alors, bien sûr, pour ralentir l’augmentation démographique, on peut toujours espérer l’apparition d’une nouvelle super épidémie. On peut aussi trouver plein d’excuses pour déclencher de nouvelles guerres. On peut croiser les doigts pour qu’arrivent de nouvelles catastrophes naturelles, etc... Bref, on peut espérer que tout un tas de calamités nous tombent dessus, en faisant le plus grand nombre de victimes possibles – mais en nous épargnant, nous – et ainsi repoussent sans cesse le mur fatal.

Je ne pense pas qu’il existe une utopie plus mortifère que celle de croire que l’on peut continuer comme ça, c’est-à-dire en espérant toujours que le hasard, voire Dieu, finisse par arranger les choses. Car les “solutions” dont je viens de te parler, pour limiter les conséquences d’une augmentation démographique trop importante, ont déjà été testées maintes et maintes fois tout au long des siècles et on voit le résultat.

Ceci dit, “heureusement” que l’Humanité a connu tous les malheurs qu’elle a déjà connus sinon la surpopulation aurait déjà frappé depuis belle lurette et l’espèce humaine serait déjà éteinte depuis bien longtemps.

– Tu dis “heureusement”, toi ?

– Qu’est-ce que tu veux dire d’autre connaissant les conditions de la vie sur Terre ?

Parce que tout ce qui est arrivé, et tout ce qui arrive encore, est tout à fait logique en fait. Mais patiente un peu, je vais m’expliquer sur cette logique dans peu de temps.

Mon “heureusement” est peut-être un tantinet ironique, voire osé, mais si l’état de surpopulation était arrivé ne serait- ce qu’il y a 500 ans, ou même 300

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ans par exemple, eh bien nous n’aurions pas encore été prêts pour réagir car il nous manquait encore à cette époque bien des connaissances et bien des moyens pour trouver des solutions. Des connaissances et des moyens qu’à mon avis on a maintenant.

Bref, il n’y a même que 300 ans, l’Humanité, en état de surpopulation, aurait sans doute suffoqué car d’une part, elle n’aurait pas compris ce qui lui arrivait et d’autre part, même si elle avait compris, elle n’aurait pas su, ni pu réagir. Merci donc aux catastrophes, aux guerres, aux maladies, aux épidémies, aux suicides, aux assassinats, aux accidents, aux avortements, aux fausses couches, etc... passés.

Et c’est là que mon côté optimiste ressort. Car, je le répète, je crois que nous avons à présent les connaissances et les moyens, disons techniques, nécessaires pour réagir et faire en sorte que l’Humanité évite le mur.

Bref, nous sommes enfin arrivés à un point où il nous suffirait de le décider pour pouvoir prendre un chemin qui assurerait à l’Humanité, mais aussi à l’ensemble de nos coloca-Terre qui existent encore, une vie heureuse et riche pendant encore de très longs siècles.

Même si la Terre, on le sait, est loin d’être un lieu paradisiaque, je pense que nous avons à présent tous les atouts en main pour devenir enfin des

“Humains” au sens, disons, idéal du terme.

– Oh là, tu n’es pas en train de virer gourou, dis-moi ?

En tout cas, si j’ai bien compris, tu es en train de dire qu’au niveau timing, finalement tout tombe plutôt bien car on ne s’en serait pas sortis si la surpopulation avait frappé ne serait-ce que quelques dizaines d’années plus tôt.

C’est ça ?

Est-ce que l’on peut dans ce cas-là vraiment parler d’une pure coïncidence ?

– Je vois où tu veux en venir. Est-ce qu’il ne faut pas y voir là l’évidence d’une sorte de plan intelligent, pour ne pas dire l’évidence de l’existence d’un ou de plusieurs dieux, c’est ça ?

– Oui, c’est ça. Si je suis bien ton raisonnement, je trouve que le timing est quand même assez troublant.

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– Oui, je l’avoue aussi. Mais en ce qui me concerne, je préfère le prendre comme une pure coïncidence et c’est tout. Et cette façon de voir les choses présente au moins l’avantage d’être beaucoup plus reposante car on ne s’égare pas à vouloir chercher à tout prix je ne sais quelle signification. Ceci dit, je ne suis pas contre le fait de chercher un sens à notre vie, mais plutôt contre le fait d’être convaincu de l’avoir trouvé et de vouloir imposer notre point de vue à tout le monde.

Les coïncidences, tu le sais, il y en a tout le temps et elles peuvent parfois nous sembler très troublantes comme tu dis. Mais il faut se dire que si nous en sommes aujourd’hui là où nous en sommes, c’est qu’il y a déjà eu une quantité infinie de coïncidences qui se sont succédé.

Chercher à interpréter l’une plutôt que l’autre sans aucune base, ça ne me parait pas vraiment justifié. D’autant que ça peut devenir un exercice risqué qui nous embarque dans des plans pas possibles du style sectes par exemple.

Regarde, l’existence même de l’Univers, et ce n’est pas du pessimisme de dire ça, est déjà une chose inexplicable, une coïncidence inouïe. On ne pourra jamais donner une quelconque explication satisfaisante, ni sur le “comment”, ni sur le “pourquoi” tout ça existe. Et alors ?

Chercher à interpréter ce qui n’est pas interprétable avec nos connaissances actuelles, ça peut passer le temps quand on le fait pour rigoler, mais vouloir y mettre trop de sérieux et se persuader que l’on a raison n’a vraiment aucun sens à mon avis. Et je pense qu’il n’existe pas et qu’il n’existera jamais sur Terre, un seul “spécialiste” suffisamment à la hauteur pour nous donner la moindre explication honnête et objective, mais surtout correcte, à tout ce qui nous arrive.

En fait, la seule chose dont je suis à peu près sûr, c’est que l’on n’aura jamais d’explications et qu’il est préférable de faire avec. C’est l’attitude, comme je te disais, la plus reposante et la moins risquée.

Il vaut mieux s’intéresser à ce qui est palpable et laisser de côté le magique, même si certains pensent pouvoir interpréter ce qu’ils considèrent comme des

“signes”. Encore une fois, rien n’est plus dangereux que les interprétations à la va-vite et sans fondement car on a vite fait de se laisser emporter sur des chemins plus ou moins ésotériques avec toutes les conséquences que cela peut impliquer.

D’autant qu’il me semble clair et évident que le but de ceux qui prétendent avoir L’explication, avec un “L” majuscule, c’est plus de se positionner le mieux possible dans la hiérarchie, voire de dominer tout le monde, qu’autre chose. Car

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n’oublie pas que c’est la compétition, et donc le désir de dominer les autres, qui a toujours dirigé nos modes de vie jusqu’à présent.

L’Humanité a déjà bien suffisamment usé d’interprétations hâtives et hasardeuses alors qu’elle ne savait même pas où elle allait et le minimum, c’est de faire attention de ne pas continuer à faire les mêmes bêtises.

Donc, règle d’or : il faut se méfier de ce que l’on pourrait considérer comme des coïncidences troublantes et éviter de chercher à tout prix des signes, des symboles ou des messages là où il n’y a rien. Le hasard, sans pour autant chercher à le personnifier, est parfois ironique et joueur, c’est tout.

Encore une fois, je ne dis pas qu’il ne faut pas s’intéresser au problème. Je dis simplement qu’il faut y aller avec prudence sans se dire que l’on va forcément arriver à trouver LA réponse. Et si réponse il y a, elle viendra peut- être bien toute seule un jour.

En tout cas, tu l’as sans doute compris, mais si ça peut te rassurer je te le dis les yeux dans les yeux : je ne suis pas en train de me transformer en gourou car le propre du gourou, c’est de fonder ses théories justement sur des interprétations tout à fait arbitraires et hâtives. Moi, je me contente de regarder ce qui est visible et je ne cherche, ni à m’embuer l’esprit, ni à embuer l’esprit des autres.

Donc, pas de nouvelle secte en vue, rassure-toi.

Mais on pourra reparler des coïncidences un peu plus tard si tu veux bien.

– Encore un truc que tu reportes à plus tard. Décidément !

Donc, ce que je retiens dans tout ça et que tu laisses entrevoir, à part que tu n’as pas l’intention de devenir gourou, c’est qu’il faut se méfier des personnes qui prétendent avoir LA vérité. Ça semble évident, mais j’imagine qu’il y a pas mal de monde qui se laisse piéger et donc, il est sans doute plus prudent de le repréciser.

– C’est parce que nous sommes constamment sous la pression de la compétition, mais aussi encore sous l’influence de nos peurs ancestrales, que l’on peut se laisser facilement embarquer sur des voies pas toujours recommandées, ni recommandables. Et les gourous ou leaders de toute sorte, savent bien jouer avec ces peurs qui nous viennent du fond des âges et ils en profitent doublement car ça les rassure eux-mêmes de savoir qu’ils ont une influence sur les autres.

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Pour tout dire, tous gourous ou leaders qu’ils sont, ils ne diffèrent en rien des autres Humains sauf qu’eux ont trouvé un “filon” qui leur permet de sortir de la masse et qui leur donne en quelque sorte un sens, même s’il est fallacieux, à leur existence.

Ceci dit, j’imagine que quand tu es initiateur ou leader d’un mouvement qui marche, il est préférable de ne plus te poser de questions sur la véracité de la théorie qui a servi à lancer le mouvement. Au contraire, il vaut mieux utiliser la méthode Coué pour te persuader que tu as raison et chercher tout ce qui peut te conforter dans ce sens. Car si tu te rendais compte que tout ça est finalement faux, il te faudrait une force inouïe pour oser l’annoncer et dire à tous ceux qui te suivent que tu les as trompés.

Il m’arrive parfois de penser que le Pape lui-même ne croit plus en Dieu, si toutefois il y a déjà cru, mais qu’il est obligé de continuer comme si de rien n’était sans ne rien oser dire. De toute façon, ce serait quand même dommage qu’il foute son gagne-pain en l’air. Ceci dit, je trouverais personnellement assez marrant et cocasse de voir un jour un Pape faire son “coming out”.

Non, il vaut parfois mieux ne pas se poser de questions une fois que l’on est allés trop loin dans une théorie, surtout si cette théorie est suivie et reprise par un nombre important de personnes. Il faut faire comme les trois singes, curieusement appelés les trois singes de la sagesse : ne rien dire, ne rien voir et ne rien entendre.

Et pourtant si, il faudrait que l’on arrive à se dire... il faudrait que toute l’Humanité arrive à se dire que l’on est sans doute déjà allés trop loin.

En tout cas, je t’ai dit que l’on avait enfin les connaissances et les moyens nécessaires pour réagir de manière positive. Ça signifie donc qu’avant, on ne les avait pas – encore une lapalissade – et c’est sur ce “on ne les avait pas” qu’il vaut mieux garder son esprit et se demander “pourquoi on ne les avait pas”.

– C’est vrai ça, pourquoi ?

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Chapitre III

Avec la tombée de la nuit, le vent s’était un peu levé. Il faut dire qu’avec la proximité des montagnes au delà des collines, la région est assez venteuse et le vent peut parfois se lever d’un seul coup. D’ailleurs, le père a toujours pensé qu’il était dommage de ne pas profiter de cette énergie et il se dit que les techniques en matière d’énergie éolienne devraient bientôt permettre à n’importe qui d’installer de petites éoliennes silencieuses à proximité de sa maison. Il va falloir qu’il se renseigne car ça ferait un bon complément aux panneaux solaires déjà installés sur le toit.

En tout cas, avec le vent qui a commencé à souffler, le fond de l’air est devenu un peu frais alors, il a fallu aller chercher une petite laine pour continuer la conversation.

– Hé oui fiston, pourquoi n’avait-on pas les connaissances et les moyens nécessaires pour réagir de manière positive jusqu’à maintenant ?

Et là, on en arrive au point numéro 2 de ce que l’Humanité toute entière devrait reconnaitre. Après la surpopulation, les causes de cette surpopulation.

Quand l’Être Humain est arrivé sur Terre, sauf preuve contraire, il n’avait reçu au préalable, ni n’a reçu par la suite, aucune information sur le milieu dans lequel il allait évoluer. Aucune.

Comme tu le sais, il existe au moins deux grandes théories actuellement, sinon pour expliquer, au moins pour tenter de décrire l’arrivée de l’Homme sur Terre. Il y a la théorie évolutionniste, en gros c’est la théorie de Darwin, et la théorie théiste, que reprennent de manière plus ou moins similaire les trois

“grandes” religions. Je ne sais pas s’il y a d’autres théories alors pour le moment, on va se contenter de ces deux-là.

• Selon les évolutionnistes, l’Homme est arrivé à sa forme humaine après un très très long processus d’évolution à partir d’une cellule originelle. Là, on comprend bien qu’il ne pouvait y avoir personne pour l’informer de l’état du milieu dans lequel il se trouvait. L’évolution, résultat visible de l’action du hasard, n’étant pas présentée comme une entité intelligente et consciente ayant sciemment créé le Monde, on ne peut pas l’accuser de négligence, de sadisme ou de quoi que ce soit d’autre.

Notre Univers et notre Terre sont arrivés on ne sait, ni comment, ni pourquoi. Et la vie est apparue sur Terre et continue d’y évoluer sans que l’on en

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sache davantage. Bref, c’est comme ça et on n’y peut rien. A priori, la vie n’a donc aucun sens et une fois finie, elle est vraiment finie.

C’est la théorie la plus reposante car la moins source de polémiques.

• Selon les théistes cette fois, les premiers Humains ont été Ève et Adam – oui, je le dis dans cet ordre, ça change un peu – imaginés et fabriqués par un dieu, c’est-à-dire par une entité intelligente et consciente, qui a souhaité tout ce qui existe. Son but final est difficile à cerner, mais bref.

Ève et Adam donc, sont deux jeunes gens, sans doute fort sympathiques par ailleurs, ayant déjà forme humaine. Ils commencent leur existence dans une sorte de Paradis, où ils n’ont apparement pas grand-chose à faire, et se retrouvent d’un seul coup sur Terre, où ils doivent tout faire à partir de rien. S’ils se retrouvent là, c’est suite à une punition qui les touchera eux et toute leur descendance, c’est-à- dire les centaines de générations suivantes, depuis leurs enfants jusqu’à nous au moins.

À propos de ces jeunes gens, on ne sait rien par exemple sur leur niveau d’intelligence au moment de leur “atterrissage”, ni sur leur niveau de connaissance du milieu ou des choses de la vie, etc... On ne sait pas, par exemple, s’ils ont eu droit à un éventuel “stage de survie” avant d’être largués sur notre planète. Bref, a priori, ils sont arrivés sur Terre, sans rien savoir d’elle, en débutants complets.

Peut-on alors parler de “négligence divine” ? Je te laisse juge. Mais quand même, ils ont eu beaucoup de chance. Hé oui, déjà la chance. Ils ont survécu et ont réussi à initier le peuplement du Monde par les Humains.

Enfin, pour Ève et pour Adam, ainsi que pour leurs descendants, la vie ne s’arrête pas à la mort terrestre, mais continue ensuite au Ciel, et pour l’éternité cette fois. Hélas, je pense que l’on n’a pas beaucoup d’informations fiables sur le sujet.

Cette théorie est beaucoup moins reposante que la première et est, pour le moins, source de pas mal de conflits, d’incompréhensions et d’intolérances, car chacun de ceux qui y adhèrent se construit sa petite image. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il y a une interprétation différente par individu, mais je pense que l’on n’en est pas loin. D’où les différents courants qui se sont créés et qui se créent encore.

– Oui, je vois vaguement. Mais en ce qui me concerne, aucune de ces deux théories ne me parait plus facile à concevoir que l’autre. Je parle uniquement de

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conception. Et comme tu dis, on n’a pas beaucoup d’informations fiables sur le sujet. Mais si j’ai bien compris, c’est justement ce manque d’informations, cette ignorance inée si on peut dire, c’est-à-dire qui remonte au début de l’Humanité ou même de la vie, qui fait que ça ne se passe pas formidablement bien sur Terre.

– D’autant qu’à l’origine, les conditions de vie sur Terre ne sont pas fameuses, fameuses et sans informations claires et précises concernant ces conditions, les Humains n’ont pu compter que sur leur imagination pour les guider.

Mais cette difficulté que tu as à concevoir l’une ou l’autre des deux théories, c’est à mon avis parce que chacune est obligée à un moment donné de poser une hypothèse complètement inexplicable et inconcevable, à savoir l’éternité. Et là, je vais plutôt mettre face à face les théistes, qui croient en une existence divine, et les athées, qui n’y croient pas.

Pour les théistes, c’est Dieu, entité intelligente, qui est éternel. Et pour les athées, c’est la matière, sans aucune intelligence, qui l’est. Selon la théorie que l’on considère, c’est soit Dieu, soit la matière qui existe depuis toujours, sans n’avoir jamais été créé(e). C’est complètement inconcevable, mais en attendant mieux, je crois que l’on est obligés de passer par là.

Bref, pas plus les théistes que les athées n’ont une avance décisive sur le plan de l’origine de l’Univers et de la vie. Après, c’est juste une question de conviction... et d’interprétations.

On constate quand même que pour le théisme, du moins celui des trois grandes religions, c’est l’Homme qui est le but de la création. Tout l’Univers n’a donc été créé que pour servir de lieu d’habitation à l’Homme. Nous sommes au centre de tout. Alors que pour l’athéisme, l’Homme ne représente rien de particulier par rapport à tout le reste. Nous sommes un “accident” en quelque sorte, au milieu d’un espace infini de matière.

Et pour en terminer avec ce thème, je dirai qu’avec le théisme, on ne parle que d’un seul et unique essai, je pense. Dieu a créé son Univers, soi-disant parfait, une fois et c’est tout. Alors qu’avec la théorie de la matière éternelle, on peut être tenté, et je le suis, d’imaginer une infinité de Big-Bangs qui se succèdent. Dans cette théorie, ce que l’on vit actuellement n’est qu’une occurence parmi une infinité d’autres qui ont déjà eu lieu ou qui vont avoir lieu. Que ce soit sur une même échelle de temps ou non, mais c’est un autre sujet.

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Ceci dit, Stephen Hawking, qui est mort la semaine dernière, ne croyait pas, sauf erreur, en l’existence de quoi que ce soit avant notre Big-Bang. Donc pour lui, il n’y aurait pour le moment eu qu’un seul Big-Bang et je ne sais pas s’il avait une théorie quelconque concernant le futur et la fin de l’Univers. Dans le cas d’un seul et unique Big-Bang, étant donné que l’espace est infini – car sinon, comment imaginer ce qu’il y aurait derrière ses limites ? – on peut peut-être aussi se dire que toutes les différentes occurrences possibles ont lieu plus ou moins simultanément dans un ensemble infini d’univers.

Mais bon, laissons les scientifiques débattre entre eux. En tout cas moi, j’aime bien l’idée d’une suite infinie de Big- Bangs même si finalement, elle sous-entendrait que l’on garde toujours la même matière et par conséquent, que si d’autres vies se réalisent suite à d’autres Big-Bangs, ces vies risquent bien d’être assez semblables à celle que nous vivons actuellement. Car si on prend les mêmes ingrédients, on a des chances d’avoir la même soupe.

– Je vois. Tout est parfaitement clair.

– Ne t’inquiète pas, ça ne l’est guère plus pour moi. Mais bon, au risque de me répéter, on peut très bien imaginer, surtout quand on n’est pas du tout spécialiste, qu’après un cycle, la matière revienne à l’état dans lequel elle se trouvait au moment du Big-Bang, puis qu’un nouveau Big-Bang ait lieu, donnant à la matière la possibilité de s’arranger de manière toute différente.

Moi, je t’ai dit, j’aime bien cette idée, mais sans plus de raisons. Mais ne t’inquiète pas, je ferme ici la parenthèse “physique amateur et tout le tintouin” et je te propose de revenir à ce que je disais tout à l’heure.

C’était quoi déjà ? L’évolutionnisme et le théisme, c’est ça ? – Je crois oui.

– En fait, ce qui est intéressant de constater et ça, quelle que soit la théorie, évolutionniste ou théiste dans laquelle on se place, c’est qu’au moment de l’avénement de l’Être Humain intelligent sur Terre, c’est-à-dire à partir du moment où il y a eu un premier Homme doué de la faculté de réfléchir sur son sort et de réagir en conséquence, le niveau de connaissance de l’Humanité quant aux limites – je dis bien “aux limites”, c’est important – de son milieu est nul.

J’espère que tu me suis là parce que je m’aperçois que cette dernière phrase était un peu longue.

(31)

Bref, quand il arrive sur Terre, l’Homme ne sait pas, et ne peut pas deviner par lui-même, qu’il vit sur un espace limité.

Il pense même peut-être que la Terre est une surface illimitée. Bien qu’il y ait de fortes chances – je ne sais pas pourquoi je dis ça – pour qu’il ne se soit jamais vraiment posé la question.

Toutefois, il y a quand même une différence de taille entre les deux théories

; Ève et Adam donnent vraiment l’impression d’arriver en touristes car ils n’ont jamais expérimenté une vie de labeur physique, alors que les Humains issus d’une très très longue évolution connaissent déjà bien le terrain et savent au moins par exemple ce qui est mangeable ou non, ainsi que tout un tas d’autres petits détails de cet acabit.

En tout cas, dans aucune configuration les premiers Hommes n’ont la moindre idée concernant les limites de la surface sur laquelle ils vont vivre et se reproduire. Et ça, c’est LE point important d’où découlera tout le reste.

– Donc pour toi, le plus déterminant, c’est que quelle que soit la manière dont on imagine l’arrivée de l’Homme sur Terre, celui-ci n’avait aucune idée sur le fait qu’il allait évoluer sur un espace fermé. Donc, on peut affirmer que l’on a été, sans en avoir été informés, enfermés sur Terre en quelque sorte. C’est ça ?

– Tout à fait. Sans le savoir et sans avoir les moyens ou la possibilité de le savoir pendant de très longs siècles. C’est important.

En fait, quand il est arrivé sur Terre, l’Être Humain aurait eu un sacré avantage s’il avait eu un minimum de connaissances concernant le globe qui l’accueillait et la vie sur ce globe. Ça aurait sans nul doute évité pas mal de problèmes. Et la toute première chose qu’il aurait vraiment eu avantage à savoir, c’est qu’il était sur une sphère et donc sur un espace limité. On ne le répètera jamais assez !

Si on considère la théorie de l’évolution, il est clair qu’aucune espèce vivante, y compris l’Homme, n’a pu être mise au courant que la Terre était une sphère. Mais si on considère la théorie théiste, il est complètement invraisemblable que le couple originel n’ait jamais été tenu informé de ce “détail”

primordial. Et en ce qui me concerne, la négligence divine est flagrante.

– Attention, tu vas te faire mal voir, toi ! – C’est bien possible, oui, mais tant pis.

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o Pour Georgette : avec toi j’ai accueilli les enfants dans le primaire le matin, une fois par semaine, pendant des années quel bonheur de croiser une telle joie de vivre une