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LE BATAILLON DU BELVÉDÈRE

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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L E BATAILLON

DU BELVÉDÈRE

n r (!)

I T C R E S C E N D O (2)

C'est le dernier quart d'heure. Tout le monde le devine, tout le monde le sent. Malgré ses contre-attaques, ses coups de boutoir, en apparence résolus, l'ennemi mollit. A mille indices on s'en rend compte. Ses pertes sont élevées. Sa résistance s'use, se fatigue. Ce n'est pas le moment d'abandonner, de relâcher l'étreinte ! I l faut en finir! Tant d'épreuves, tant de sang répandu, tant de stoïcisme dans la souffrance méritent leur récompense. L e Belvé- dère sera une victoire française.

L e Ie r février, au point du jour, pour la septième fois, l'assaut général est donné. L'éperon ouest de 862, la cote 771, la cote 700 sont simultanément attaqués et cette fois emportés. Deux heures plus tard, c'est le tour de 915, puis de 875. L'ensemble du Belvé- dère et du Casale-Abate est entre nos mains.

L'ennemi a été surpris par ce retour de flamme auquel i l ne croyait plus. L a cadence, imposée par Monsabert à la bataille, l'a débordé. D ' u n bout à l'autre de sa ligne a retenti le cri d'angoisse déjà maintes fois enteiîdu depuis deux mois que le Corps Expédi- tionnaire Français est apparu en Italie :

— Die Franzosen angreifen ! Les Français attaquent !

Des formations appartenant à dix unités différentes hâtivement

(1) V o i r La Revue du 1" et du 15 septembre.

(2) It crescendo est la devise de la 3e division d'infanterie a l g é r i e n n e du g é n é r a l de M on - sabert.

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L E B A T A I L L O N D U B E L V É D È R E 441 ramenées ont cherché à endiguer le flot qui montait. E n vain.

Rien n'a arrêté l'élan des tirailleurs. Jamais troupe n'a été davan- tage animée de ce souffle, de cette foi qui permet de tout renverser, de tout balayer devant soi : la volonté de vaincre.

Encadrés et aidés par des bataillons des 3e et 7e Tirailleurs Algériens, les débris du 4e R. T . T . ont réoccupé toutes leurs anciennes positions. L e commandant Bacqué a retrouvé sur 771 sa canne ferrée, plantée à côté des deux mortiers. Elle n'en a pas bougé. Les Allemands n'ont eu le temps d'enlever ni les mortiers, ni la canne. Pourtant tout leur a été bon pour tenter d'enrayer l'avance française, même les vieilles ruses d'autrefois, rajeunies et adaptées au matériel moderne. L e commandant Gandoët s'est entendu personnellement appeler à la radio, puis par son indicatif conventionnel :

— H é ? Belvédère ? Belvédère ? Monsieur le colonel te fait dire de plus faire attaque, de faire halte.

L a voix qui parlait si bien français avait un fort accent fleurant les bords de la Sprée.

— Maùl zù! a répliqué Gandoët en excellent allemand.

Et l'élan du I I Ie bataillon n'en a été que plus furieux. Mais c'est égal, i l conviendra d'être prudent à l'avenir, l'ennemi a connaissance des longueurs d'onde et des indicatifs du régiment.

I l est parvenu à les détecter. Peu importe, on changera demain.

Et puis, la bataille est finie!

L e 3e R. T . A . a découvert en arrivant sur 915, au milieu d'un charnier, de malheureux tirailleurs du bataillon Berne encore vivants, blessés et abandonnés sur le terrain. Us sont restés là quatre jours sans soins, sans boire et sans manger. Us ont souffert plus que des bêtes ont pu jamais souffrir. Plusieurs sont atteints de gangrène.

Car la victoire d'aujourd'hui s'accompagne de nouvelles misères, de nouveaux deuils.

U n bruit se répand qui consterne tout le 4e R. T . T . , où i l est unanimement admiré : le capitaine Tixier serait frappé d'une horrible blessure.

Ce bruit est malheureusement exact. Hier après-midi, à la reprise de la cote 771, le capitaine Tixier, commandant la 7e compa-

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gnie, a eu tout le haut du visage enlevé par un éclat d'obus, les deux yeux et le nez arrachés. I l est tombé sur les genoux, en conti- nuant de pousser ses hommes de la voix :

— Allez! Allez! Marchez! N e vous arrêtez pas!

» 1 2 3 A Kit.

tmm m m m mm mm Portion de le ligne Qùstav conservée par les Allemands après le 3 février 1944.

O a a o n a a Portion de /a tigne gùstav enlevée pjn CroauiS de l'auteur

I attaque française. ^

et^f^noamBa"' front de fe 3*J).I.A. /e 3 février Í t . . + + + Limite entre h 3?&/.A. et /a 2' D.l.ft.

Limite entre /a 3*2.JJI. et /es U.S.A.

L A B A T A I L L E D U B E L V É D È R E

Percée de la ligne allemande par la 3« D. 1. A. — Situation acquise le 3 février 1944.

A ceux qui voulaient quand même le secourir, i l a eu la force, la face ruisselante de sang, d'enjoindre encore d'un ton sans réplique :

— Je vous dis de me laisser! O n ne ramasse pas les blessés.

Continuez !

L a vague d'assaut a poursuivi vers le sommet. Plus tard, le

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capitaine Tixier a été relevé, pansé sommairement, transporté au poste de secours le plus proche, celui d'un bataillon du 3e R. T . T . où i l n'est pas connu. I l n'a pas perdu conscience. I l peut parler.

I l sait qu'il est défiguré, aveugle pour toujours. Mais d'autres que lui, aussi, sont blessés. L e poste est encombré de malheureux qu'on apporte, atteints parfois des plaies les plus affreuses. A tous on épingle à leur blouson une fiche d'évacuation. I l y en a du 3e Tirailleurs Algériens, du 7e, beaucoup du 4e Tirailleurs Tunisiens, de sa propre compagnie, sa chère 7e.

Les moyens de transport sont rares, les cheminements difficiles.

On évacuera d'abord les blessés les plus graves, dont l'état "réclame les soins les plus urgents. Les autres ensuite... quand on pourra.

Tixier a été mis un peu à l'écart, parmi les premiers à être des- cendus vers la vallée, vers les ambulances divisionnaires, vers le salut peut-être. I l est étendu sans bouger, sa fiche attachée sur la poitrine. I l n'est pas le seul à avoir la tête tout entourée de linges. I l attend. Sans doute l'a-t-on mis là à cause de sa terrible mutilation, mais peut-être aussi parce qu'il est offi- cier...

Voici les cacolets. Trois mulets seulement. Six places en tout.

Les infirmiers se dirigent vers le capitaine Tixier, pour le charger.

I l a disparu. I l n'y a plus de capitaine Tixier. On le cherche, on le hèle. Personne ne répond. Voyons, c'est impossible, i l était là! O n cherche encore, on hèle encore. Personne.

U n de ses tirailleurs croit le reconnaître à ses vêtements, à quelques pas plus loin, allongé parmi ceux qu'on évacuera plus tard. I l le désigne. L e voilà, c'est lui, c'est le capitaine Tixier.

Mais non, ce n'est pas l u i ! T u te trompes! T u vois bien que c'e* un deuxième classe. I l n'a pas de galons. L e capitaine Tixier, tout à l'heure, avait, on l'a bien vu, ses trois barrettes de métal sur les pattes d'épaule. Oui, tu te trompes!

Mais l'homme s'obstine :

— S i , c'est lui, je suis sûr, c'est la captane!

On interroge Tixier, car c'est bien lui :

— Qui êtes-vous ? Comment vous appelez-vous ?

— Mohammed ben A l i , répond-il.

C'est le nom de son ordonnance. II n'a pas de fiche à son blouson. On ne peut vérifier.

U n autre tirailleur de la 7e compagnie est venu renforcer les affirmations du premier. L u i aussi, i l reconnaît son capitaine.

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I l en est certain! Ce n'est pas Mohammed ben A l i qu'il s'appelle, mais Tixier, captane Tixier!

Alors on insiste, on presse de questions le blessé inconnu :

— Vous êtes le capitaine Tixier. On vous reconnaît. On est sûr que c'est vous. Pourquoi le cachez-vous ? Dites-le!

Tixier est contraint d'avouer :

— E h bien! oui, c'est moi! Je suis le capitaine Tixier.

— Mais vos insignes de grade, que sont-ils devenus ? Tixier porte la main à sa poche et en retire, avec sa fiche d'éva- cuation, les trois barrettes de métal doré, sur fond de drap bleu ciel.

— Tenez, les voici.

L'aide-major s'exclame. I l ne comprend pas.

— Mais pourquoi avez-vous fait ça, mon capitaine ? L a réponse est dite d'un ton simple, sans affectation :

— Il y a ici des tirailleurs plus atteints que moi, je ne voulais pas être évacué avant eux.

Transporté à l'Hôpital Complémentaire de Naples, le capitaine Tixier mettra douze jours à mourir, après d'intolérables souffrances supportées sans un mot d'impatience, sans une plainte. Lorsqu'il rendra le dernier soupir, le médecin-chef, raidi par l'émotion, dira :

— C'était un seigneur, un chevalier.

U n chevalier, en effet. Saint-Cyrien jusqu'au bout des ongles, Saint-Cyrien du type casoar et gants blancs, marqué jusqu'au fond de l'âme par l'esprit de la grande école, i l le restera jusqu'à son dernier souffle, faisant l'admiration des infirmières françaises et américaines en larmes. I l donnera jusqu'à la dernière seconde l'idée la plus haute de ce qu'est le véritable officier français. I l

représentera noblement son pays. I Agé de trente-six ans, chevalier de la Légion d'Honneur à

vingt-trois, i l n'a jamais servi que dans les tirailleurs dont i l adore l'incomparable fidélité. I l a été trois fois blessé, la première fois en France, en 1940, en couvrant la retraite, ce qui lui a valu une citation magnifique ; la seconde fois l'année dernière en Tunisie, au sanglant combat du Mansour ; la troisième l'autre jour, le 25 janvier, devant la cote 718, refusant de quitter la ligne. On ne se faisait pas évacuer pour un éclat dans l'épaule, on continuait, le bras en écharpe. L a quatrième fois...

I l a toujours été au feu, disant en riant à ceux qu'il devinait impressionnés : '

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— E h quoi ? L a mort n'est qu'un inconvénient, jamais un obstacle. U n inconvénient, ça n'arrête personne!

Il est marié. Sa femme vit là-bas, à Tunis, leur garnison, avec leurs trois enfants, deux filles et un fils. I l a dicté, pour elle, à son infirmière une lettre, lorsqu'il a senti sur son front passer le vent froid de la mort. L'infirmière a eu beaucoup de peine à aller jusqu'au bout, à garder le crayon à la main, à ne pas éclater en sanglots.

Tixier a recommandé à sa femme surtout son fils. Elle devra l'élever chrétiennement, l'orienter vers les idées grandes, belles et généreuses. Elle devra le garder contre la contagion du siècle, la soif de jouissances, l'appétit de l'argent, lui inspirer le mépris de la fortune, lui faire aimer la pauvreté qui, seule, l'affranchira de tous ces besoins qui diminuent l'âme des autres, lui assurera sa liberté d'esprit et lui permettra de connaître la seule passion qui mérite qu'on vive pour elle : se mettre au service d'un idéal, celui de la liberté, par exemple, de l'honneur, de l'indépendance de sa patrie. Elle* devra l'éloigner de toutes carrières, qu'elles soient administratives, commerciales, industrielles, ou libérales.

I l n'y a qu'une seule carrière au monde : l'Armée. Ce sera celle de son fils. Sa mère en fera un Saint-Cyrien comme lui.

Tous les efforts, tous les sacrifices devront être accomplis pour parvenir à ce but. C'est là sa dernière volonté. Que son fils s'en souvienne toujours! Qu'il travaille!

E n vérité, c'est bien un seigneur, un chevalier, que par cette matinée de février on a conduit au cimetière de Naples et qui

montera là-bas la garde, avec sa croix aux bras ouverts, en témoi- % gnage de la grandeur française.

***

Les 2 et 3 février marquent la fin de la bataille du Belvédère.

L'ennemi se résigne. I l a compris que le C. E . F . ne s'inclinerait pas. I l a retrouvé devant lui ce vieil adversaire de toujours qu'il sait invincible lorsqu'il est bien commandé, ou que le malheur ne l'accable pas.

Les soldats qu'il a vus surgir des fonds du Rapido, i l les a reconnus. Ce sont ceux de jadis, ceux dont la France s'est enor- gueillie à travers tous les siècles. Quand i l les a entendus s'élancer en chantant à l'assaut de ses positions, i l a tout de suite compris

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qu'ils seraient les plus forts, qu'ils étaient redevenus les soldats d'un idéal que rien ne pourrait abattre, que les armes d'Hitler ne prévaudraient pas contre eux. Si le casque dont ils étaient coiffés avait changé, s'il n'était plus celui des piquiers de Clovis à Tolbiac, des Croisés de Godefroy de Bouillon à Jérusalem, des hommes d'armes de Jeanne d'Arc à Orléans, et de Bayard à Ravenne, des arquebusiers de Biaise de Montluc à Sienne, des mousque- taires du maréchal de Turenne en Alsace, s'il n'était plus celui des dragons de Louis X V I et de la Première République, des cuirassiers de Napoléon, s'il n'était même plus exactement celui des poilus de Verdun, la tête du moins n'avait pas changé. N i le cœur. L a tête était toujours la même, le cœur était le même. Quand on disait à ce soldat que sa cause était juste, alors rien ne pouvait l'arrêter, i l se jetait à l'assaut des palissades les plus robustes, des forteresses les plus massives, des montagnes les plus hautes. L e Belvédère était à sa mesure.

D'ailleurs, i l connaissait le pays. I l s'était déjà battu, là, à quelques kilomètres plus bas. Ces eaux qu'il venait de traverser l'autre nuit, tenant ses mitrailleuses au-dessus de sa tête, c'étaient celles du Rapido, celles du Garigliano. Elles n'avaient pas cessé de couler depuis quatre cent quarante-six ans, coulé du même flot rapide, bourbeux l'hiver et limpide l'été, coulé depuis le jour où le Chevalier sans peur et sans reproche en avait interdit le pas- sage à deux cents cavaliers espagnols, seul, l'épée à la main — victorieusement — au pont de la V i a Appia.

Ce qu'il venait de chercher, ce soldat, au cours de ces dix jours de combats acharnés, ce n'était pas la conquête en elle-même de ces sommets décharnés, la possession de ces mamelons désolés, arides et fouettés de neige n'offrant nul intérêt, c'était tout autre chose, c'était une démonstration qu'il voulait faire.

Cette démonstration, i l l'avait faite : i l était toujours le soldat français d'autrefois ! 1940 n'était qu'un accident comme i l s'en produit dans toutes les armées du monde. I l venait de remettre sac au dos et de reprendre la route au point où i l l'avait laissée — la route qui était sienne, celle de la victoire.

I l venait, à lui seul, alors que personne ne pensait que cela fût possible, d'accomplir la percée. Si les Alliés avaient eu foi en lui, s'ils avaient écouté son chef, on serait à cette heure loin sur le chemin de Rome. Pour en fournir un jour la preuve, un jalon glorieux restait là-haut derrière lui.

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L E B A T A I L L O N D U B E L V E D E R E 447 Lorsque quatre mois plus tard, i l aura une nouvelle fois (celle-ci définitive) enfoncé le front ennemi au cours de l'immortelle bataille du Garigliano, qu'il aura provoqué la chute de Cassino par un débordement à travers la montagne, exécutant enfin la claire manœuvre conçue et réclamée par Juin, les fantassins du général Andrews, avançant vers Atina par Terelle et Belmonte la canne à la main, découvriront ce jalon à la contre-pente du Casale Abate, loin au delà de la cote 875 : le corps desséché d'un officier fran- çais, couché sur un rocher élevé, face en avant, la fourragère rouge à l'épaule — celui du lieutenant Thouvenin, commandant la 6e compagnie du 4e Tirailleurs Tunisiens.

L e 26 janvier la voie était libre. C'était lui qui l'avait ouverte.

*

Aujourd'hui c'est la relève. L e colonel Guillebaud est venu l'annoncer hier, lui-même, sur le terrain.

L e 4e Tirailleurs Tunisiens, exsangue, quitte le Belvédère. Sa mission est remplie. I l laisse derrière lui une situation nette, tous les objectifs assignés ont été conquis, la plupart au prix de corps à corps sanglants. Ils sont à présent solidement tenus. L ' e n - nemi y a fait décimer ses plus belles unités. Sa fameuse 5e Gebirgs Division, dont les hommes portent un edelweiss à la coiffure, est à bout de souffle. Des régiments réputés, comme le 115e Panzer Grenadiere Régiment, le 65e régiment de chasseurs de montagne, les 131e, 132e, 134e 191e régiments d'infanterie, le 8 0e pionniers, le 2 0e bataillon du Génie de l'air, y ont laissé les meilleurs de leurs cadres, les meilleurs de leurs officiers et sous-officiers, les meilleurs de leurs soldats, les plus fanatisés, ceux qui naguère encore étaient convaincus de la victoire allemande. L e terrain est couvert de leurs morts (1).

Les survivants réfléchissent. Ils ont trouvé leurs maîtres. Us n'attaquent plus. Seule, réagit encore leur artillerie. Elle continue de couvrir de projectiles de tous calibres les positions perdues, les pentes du Belvédère, les rives du Rio Secco. Manifestation habi- tuelle de l'intrus qui vient d'être délogé et lance des cailloux de l'autre côté du mur. Cela soulage mais ne dure pas toujours.

(1) L a d i v e r s i t é des é l é m e n t s j e t é s par l'ennemi dans la bataille t é m o i g n e du d é s a r - roi dans lequel l'a p l o n g é l'attaque f r a n ç a i s e du B e l v é d è r e .

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Les frères d'armes du 4e R . T . T . , les 3e et 7e Tirailleurs Algé- riens, vont maintenant monter la garde à sa place sur le Belvédère et le Casale Abate. Us l'ont puissamment aidé aux moments dif- ficiles. L u i , i l va redescendre, franchir le Rapido, gagner les bivacs du ravin de l'Inferno, reprendre contact avec les réalités de ce monde, avec la vie. Mais combien vont revenir ? L e combat qu'ils ont soutenu a été si meurtrier, si cruel... Rarement bataille aura revêtu, d'un côté comme de l'autre, pareil caractère d'acharnement.

Lorsqu'il se penchera sur les comptes rendus des' unités et sur les horaires minutés des opérations, afin d'en établir le dia- gramme précis, le capitaine Galharague, de l'état-major de la 3e D . I.

A . , constatera que la cote 700 a été prise par les tirailleurs qua- tre fois, la cote 771 trois fois, que la cote 915 a été prise deux fois et contre-attaquée par l'ennemi quatre fois sans succès, la cote 862 deux fois et contre-attaquée par l'ennemi douze fois sans davan- tage de succès.

A ceux qui pourraient s'interroger pour savoir si, du côté fran- çais, l'enjeu du débat justifiait autant de sacrifices, les faits répon- dront :

— sur le plan Spirituel, un immense prestige était acquis par ses soldats pour la France qui en avait si douloureasement besoin ;

— sur le plan tactique, le général Mark Clark avait demandé au Corps Expéditionnaire Français d'aider par ses attaques la 5 e Armée dont il faisait partie. Or, sur les 44 bataillons opposés par l'ennemi à l'ensemble de cette armée, 17 venaient de l'être sur le seul front français.

E n dehors des félicitations et des remerciements officiels qui vont être nombreux, ce seront peut-être les simples soldats améri- cains eux-mêmes qui vont donner à nos tirailleurs la plus précieuse des récompenses, celle qui fera briller un éclair dans leurs yeux et les payera de tant de courage et de tant de souffrances.

Comme une compagnie du 4e R . T . T . redescendra par les lacets de Terelle et s'apprêtera à franchir le Rapido, en face du village de Cairo, elle rencontrera quelques G . I . de la 4 2e D . I . U . S . arrêtés sur le bord de la route. Debout sur le talus, mains aux poches, mâchant leur inusable chewing-gum, les fantassins amé- ricains regarderont passer les fantassins français avec une sym- pathie d'autant plus vive qu'ils sauront d'où reviennent ces hommes, ces spectres, aux visages creusés de misère, aux uniformes déchirés.

Us seront à même, pour en avoir fait la personnelle expérience,

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L E , B A T A I L L O N D U B E L V É D È R E 449 d'apprécier à sa juste valeur l'effort accompli là-haut, dans la mon- tagne, par les vainqueurs du Belvédère.

L ' u n d'eux, avec l'accent gouailleur de Chicago, leur lancera cette phrase admirative :

— Hello, boys ! That zvas a tough spot and you did a damn good job ! Salut, garçons ! Vous avez de sacrées bonnes dents ; à la

bonne heure, vous n'avez pas peur de manger du rocher !

Rien ne pouvait être plus sensible à nos soldats que cet hommage rendu sous cette forme directe par les plus simples de leurs frères d'armes.

*

U n homme redescend du Belvédère seul.

I l va d'un pas lourd, tête nue, indifférent aux obus qui arrivent en ronflant et font voler autour de lui des roches. I l ne court pas>

il ne se baisse pas. A Dieu vat !

Son casque criblé d'éclats est suspendu par la jugulaire à son bras ensanglanté. L e vent d'hiver joue avec les mèches de ses cheveux comme avec une poignée de feuilles mortes. Des ravines profondes creusent son visage marbré de taches noires. Son blou- son, aux boutons arrachés, laisse voir la tache rouge d'un Agnus Dei épingle à la doublure, à hauteur du cœur.

D i x jours de combats et dix nuits d'insomnie l'ont vieilli de dix ans. Et davantage encore les deux minutes de tout à l'heure.

Ceux qui l'accueilleront en bas — s'il parvient jusque là — ne le reconnaîtront qu'à l'éclair volontaire de ses yeux gris de Vendéen.

Les souffles de l'enfer n'en auront pas éteint la flamme.

C'est le commandant Gandoët.

I l redescend des sommets où i l avait juré qu'il monterait avec son bataillon, les sommets de la gloire, les sommets du sacrifice.

L e serment a été tenu, la devise de la 3e D . I. A . a été traduite en actes.

Gandoët a voulu revenir le dernier, quand i l serait sûr que tous ses hommes auraient passé, qu'aucun blessé n'aurait été oublié, que rien ne serait abandonné au hasard. I l a remis à son successeur, au commandant du 2e bataillon du 3e Tirailleurs Algé- riens, cette cote 862 qui venait de coûter tant d'efforts, tant de sang à ses tirailleurs, mais leur avait donné, à tous, tant de fierté.

L'ennemi exaspéré, lors de sa dernière contre-attaque, avait

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employé contre eux des grenades antichars qui faisaient éclater d'énormes quartiers de roches, brûlant les visages d'un souffle chaud. Mais l'âme des tirailleurs était plus dure et plus solide que cette roche. O n avait tenu, tenu jusqu'au bout. Les cadavres feldgrau jonchaient par -dizaines la contre-pente nord de 862.

— Voilà votre domaine, avait dit Gandoët à son camarade du 3e R. T . A . Vous devenez le seigneur de ces lieux. Vous voyez, la terre n'est pas mauvaise, on peut vivre ici. L e point de vue est magnifique. Mais prenez garde au Cifalco !

Ils s'étaient serré la main et Gandoët était parti. I l avait gardé auprès de lui une partie de son groupe de commandement : le lieutenant Jordy, l'adjudant chef Dick et le tirailleur Gracem ben Mohammed, son ordonnance.

L e reste du groupe de commandement, avec les médecins- lieutenants Ravelonanosy et Pietri, l'adjudant Lagrange — devenu radio — et le caporal Barrero, redescendrait par un cheminement plus à droite. I l était prudent de se disperser sous le feu. De la cote 470 et du Cifalco, toujours tenus par eux, les Allemands n'hésitaient pas à gratifier d'une rafale de mitrailleuse, voire d'une salve d'artillerie, le moindre mouvement suspect. U n homme isolé leur était une cible suffisante, a fortiori quatre ou cinq.

Gandoët, Jordy, Dick, Gacem ben Mohammed, cela faisait quatre.

A présent, Gandoët est seul...

Son pied remue autant de ferraille que de pierres. Les Alle- mands ont tant tiré par là ! Pas un pouce de terrain qui n'ait été battu. Partout sur les rochers, de grandes balafres noires, parfois des traces de sang. Comment a-t-on pu se maintenir sur ces pentes ?

L e soir tombe. Gandoët s'est arrêté. Encore une fois, que lui importe les trajectoires mortelles qui par moments le frôlent ! Sa pensée n'est pas là. Elle est là-haut, avec tous ceux qu'il laisse derrière lui. L e cœur horriblement serré, i l revoit des visages amis, des visages chers... N o n , i l n'est pas seul ici. Que d'ombres qui l'accompagnent dans sa descente ! Des ombres de son bataillon, ou des bataillons voisins, tués, blessés, disparus. Us sont tous là avec l u i , toute une foule : le capitaine Châtillon, le capitaine Isaac, le capitaine Goiffon, le capitaine Jean, le capitaine Ayga- doux-Baluze, le capitaine Carré, le capitaine Tixier, le lieute- nant Thouvenin, le lieutenant E l Hadi, le lieutenant Bouakkaz,

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L E B A T A I L L O N D U B E L V É D È R E 451 le lieutenant Garner, le lieutenant Mohammed, le comman- dant Berne, le capitaine Léoni, le lieutenant E l Okbi, le sergent- chef Daubricourt, le sergent-chef Chaigneau, le tirailleur Barelli, le caporal Martini, le petit caporal Martini, l'aspirant Koeltz, l'aspirant L e Cardonnel, le capitaine Denée, le Père Bérenguer..., Lequesne et Malivert... et les autres, tous les autres si nombreux, dont les noms formeront l'interminable liste lorsque demain, sous une tente dans le ravin de l'Inferno, on en fera l'appel.' Des voix répondront alors à leur place :

— T u é .

— Blessé.

— Prisonnier.

— Disparu.

E t ceux d'il y a quelques instants... les derniers. Personne ne sait encore. L u i seul a vu. L u i seul est au courant...

Gandoët revit intensément la scène.

L a brume du soir commence à se former. C'est l'instant. Ils ont déjà beaucoup marché, tous les quatre. Jusque là, on a été à peu près à l'abri des vues, mais maintenant i l va falloir, qu'on le veuille ou non, affronter les regards redoutables du Cifalco sinistre, de la cote 470 toujours en éveil. Une pause encore au creux de ce rocher, avant de décider du cheminement le meilleur.

L e lieutenant Jordy s'est assis aux côtés du commandant Gan- doët, l'adjudant Dick et Gacem ben Mohammed sont en face.

Jordy, c'est le dernier commandant de compagnie du régiment encore debout. L a mort l'a oublié, celui-là. Pas une égratignure ! Maintenant c'est fini, on est sûr de revenir, on est tout près du bas de la montagne.

Jordy rit de toutes ses dents. I l est jeune. L a vie est belle.

Gandoët l'aime bien, i l l'avait gardé auprès de lui parce qu'il connaissait sa valeur. I l fallait tout prévoir. A u cas où i l eût disparu, Jordy eût été capable, très capable, de commander le bataillon. Ter- miné pour aujourd'hui, ce sera pour une autre fois !

Jordy est marié, sa femme est ravissante, Gandoët la connaît bien. I l a été reçu souvent chez eux, là-bas, à Tunis. C'était l'époque des bridges, des cocktails. Ils ont une petite fille délicieuse. M m e Jordy attend en ce moment un second bébé. Que Gandoët est donc content de lui ramener son mari ! Surtout après les épreuves qu'ils viennent de traverser.

Mais l'heure avance. I l est 16 h. 15. C'est Jordy qui presse les

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autres. I l faut se remettre en route, sinon la nuit va les prendre avant qu'ils aient atteint l'Inferno.

Tous les quatre se lèvent et font rapidement quelques pas, mais dans l'instant arrive une volée d'obus. Personne n'est touché. Les a-t-on vus? Peut-être? Nouveau conseil de guerre à l'abri d'un nouveau rocher. L e lieutenant Jordy et l'adjudant Dick sont d'avis contraires. I l y a deux arêtes, laquelle prendre?

Celle de droite ou celle de gauche? L e commandant Gandoët tranche la discussion :

— Cela n'a pas d'importance. Passons par celle de gauche, comme le veut Jordy.

L'idée s'avère judicieuse. L a zone dangereuse est franchie sans encombres. O n approche. L e fond de la vallée n'est plus très loin. Encore trois cents mètres peut-être ? Mais trois cents mètres à découvert, battus par intermittences par l'artillerie allemande.

I l faut atteindre là-bas cette petite maison, après on sera tranquilles.

Encore une fois, tous quatre se remettent en route. A u bout d'un instant, Jordy, impressionné (le Cifalco est là, tout proche et menaçant) propose de se dépêcher, de courir :

— O n est.vu de partout ici, mon commandant, courons ! Le commandant Gandoët refuse.

A quoi bon ? I l est las et très indifférent à ces derniers obus : i l y en a tant eu ! I l « pense enfin à tous ceux qu'il ne ramène pas et a le cœur affreusement serré» (i). Pourquoi courir ? C'est peut-être se précipiter à la rencontre de la mort ? Continuer au pas, c'est peut-être s'offrir plus sûrement à ses coups ? Qui peut le dire ? Inch'Allah !

Mais déjà le destin choisit ses hommes et les marque au front d'un signe.

Jordy, l'adjudant chef Dick, le tirailleur Gacem ben Moham- med sont partis en courant. Gandoët les suit sans se hâter. Quatre obus arrivent, un pour chacun...

U n obus qui vous vient dessus à trajectoire tendue ne s'entend jamais. Gandoët n'a rien entendu. Soudain, un éblouissement ful- gurant, une flamme devant les yeux, un grand coup sur le bras, un autre derrière la tête. Gandoët est tombé. Mais ce n'est rien, i l se relève aussitôt et s'élance en direction de la maison qu'il faut atteindre, que les trois autres ont déjà dû atteindre. I l va les rejoindre, rire avec eux de l'aventure...

(1) Ici les propres mots du commandant Gandoët.

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L E B A T A I L L O N D U B E L V É D È R E 453 Hélas ! deux corps sont là, gisant sur le sol, face contre terre, agités du frémissement terrible de la vie qui s'en va. Jordy et Dick !

Gandoët s'est précipité. I l veut les relever, voir leur visage leur parler, les sauver peut-être ! Tout est inutile. Ils rendent l'un et l'autre leur dernier soupir dans les bras de leur commandant.

L a Camarde s'était trompée dans ses calculs, i l restait au 4e R . T . T . encore un commandant de compagnie debout ! Elle vient de rectifier ses comptes.

Gandoët s'est péniblement redressé. I l souffre, i l a le bras en sang. Son blouson est en loques, les boutons arrachés par le souffle de l'obus qui a éclaté si près de lui que les éclats l'ont à peine touché. I l cherche à retrouver son équilibre, la tête vibrante comme une cloche. Mais une voix le hèle, une voix qu'il reconnaît :

— M a commandant!... M a commandant...

C'est Gacem ben Mohammed ! L u i aussi, i l a é t l frappé par un obus. Frappé ? Coupé en deux plutôt. I l n'a plus de jambes.

L a force de l'explosion l'a projeté contre un talus. Gandoët le découvre et demeure les prunelles agrandies. L e spectacle affreux se grave pour toujours dans sa mémoire. « I l a les deux cuisses arrachées. L a chair rose et boursouflée est brûlée comme au thermo- cautère. Je crois qu'il ne saigne pas. I l a les yeux ouverts. I l me regarde. »

Alors, ce simple tirailleur tunisien, ce soldat indigène au seuil de la mort va, sans le savoir, se hausser au niveau des héros les plus purs. L'antiquité n'offre pas de plus grand exemple de noblesse de sentiments que celui que va donner Gacem ben Mohammed.

Voyant son chef blessé, le bras en sang, i l trouve encore la force d'ouvrir sa veste et d'y chercher dans la poche intérieure son paquet de pansement, le pauvre paquet de pansement individuel que tout combattant porte sur soi, et, dans un geste fraternel, de le tendre à son officier, le commandant Gandoët :

— Tiens, prends, ma commandant ! Tu es blessé. Toi, il faut pas que tu meures ! Moi, ça fait rien...

Cette phrase bouleversante doit être conservée. C'est la réplique à une autre phrase dite à l'autre bout du champ de bataille et que Gacem ben Mohammed ignore, celle du capitaine Tixier tombant les deux yeux enlevés par un éclat d'obus et cachant aux infirmiers ses trois galons :

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454 L A R E V U E

— Je ne voulais pas être soigné avant mes tirailleurs, i l y en a de plus touchés que moi.

Les deux phrases se cherchent, se trouvent et se complètent.

C'est la réponse du soldat indigène à l'officier français, dans l'affirmation du dévouement, de l'affection réciproques qui les fient l'un à l'autre. C'est la réponse aussi aux détracteurs, aux igno- rants qui portent des jugements trop hâtifs sur l'œuvre de la France dans son empire, sur son incontestable grandeur, sur la manière dont elle a su aimer et se faire aimer. A u milieu de tous les souvenirs épiques et terribles qu'ils ont moissonnés sur leS crêtes du Belvé- dère, les soldats de Monsabert rapportent aussi dans leurs mains cette fleur ensanglantée. Elle appartient au patrimoine de gloire de l'Armée d'Afrique.

L e commandant Gandoët marche toujours du même pas pesant.

Son casque se*balance toujours à son bras. Ses tempes sonnent toujours du même carillon de mille cloches. Les obus ronflent toujours, les éclats sifflent toujours...

Gandoët s'est arrêté pour jeter un dernier coup d'œil sur ce décor qu'il ne veut pas oublier, où i l laisse tant de lui-même : devant lui, déjà assombris par les brumes du soir, le cirque de San Elia, l'Olivella, le Rapido, le Rio Secco, la route d'Acqua- fondata, avec ses lacets redoutables, et tous les sommets qui enserrent l'arène où l'armée française a connu la fierté de se mesurer de nouveau avec l'oppresseur qui, à cette heure, tient toujours sa patrie dans les fers, le San Michèle, le Pantano, la Mainarde, le Monna Casale, la Costa San Pietro, le San Croce — rien que des noms de victoires — et plus près, la cote 502, la cote 470, le Cifalco, plus loin l'Inferno...

U n voile rouge.

U n voile noir...

*

I l vient de rouvrir les yeux.

Des visages se penchent sur lui, anxieux, et lui sourient — ceux du médecin-capitaine Rozier et de ses assistants. Celui de l'adju- dant Lagrange aussi. Ils l'ont veillé toute la nuit.

Ce ne sera rien, i l s'en tirera.

Mais Lagrange, hier, a eu très peur. De loin, i l l'a vu tituber,

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L E B A T A I L L O N D U B E L V É D È R E 455 puis tomber. I l s'est précipité, i l l'a relevé, descendu dans ses bras. I l est là, au poste de secours du régiment. C'est l'aurore.

L e canon ébranle les vitres.

Oui, i l vient de rouvrir les yeux. Encore quelques heures et i l sera sur pied.

Alors, un aide-major lui pose les questions habituelles pour voir s'il a bien retrouvé ses esprits :

— Qui êtes-vous ? D'où venez-vous ?

L e commandant Gandoët répond d'une voix lointaine, comme s'il était encore là-haut, à son micro, en plein combat, au milieu de ses braves :

— Ici, Belvédère... le bataillon du Belvédère.

R E N É C H A M B E .

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