R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
G. R OUZET
Conception et critique d’un essai visant à prouver le niveau de fiabilité que possède un dispositif
Revue de statistique appliquée, tome 17, n
o4 (1969), p. 67-75
<
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CONCEPTION ET CRITIQUE D’UN ESSAI
VISANT A PROUVER LE NIVEAU DE FIABILITÉ QUE POSSÈDE UN DISPOSITIF
G. ROUZET
Chef
du
Contrôlegénéral qualité de
laCompagnie des Compteurs
Il
parait
apriori légitime
de penser que si le niveau de fiabilité d’undispositif
dans des conditions données est connu - soit parcequ’une prédic-
tion sur des bases valables a pu en être
faite,
soit parce que cedispositif
est issu d’une
production
dont la fiabilité a été étudiée - il soitpossible, ayant
annoncé ceniveau,
de concevoir un essaipermettant,
s’il estbesoin,
d’enapporter
la preuve.Si cette idée vient à
l’esprit
dequiconque possède
lapratique
de lastatistique,
elle sera aussitôt suivie d’un reflexe dedoute, puisque
cette preuve relève de l’estimation par un intervalle deconfiance,
de sorte que , le niveau de confiance devant êtreélevé,
la borne inférieure de cet inter- valle traduira engénéral
un niveau moins bon que le niveau réel dont onveut faire la preuve.
Il nous a paru intéressant
d’apporter quelques précisions
sur cepoint
en traitant le
problème
d’une manièrequantitative
dans un casparticulier.
Nous avons choisi celui où le
dispositif
estréparé après chaque
dé-faillance,
où la distribution des intervalles detemps
entre défaillances con-sécutives est
exponentielle,
le niveau de faibilité étantprécisé
par la va-leur de la
MTBF,
soit 9 .(On
remarquera que la solution seraitidentique
pour la durée de vie moyenne m d’un
dispositif
nonréparé
dont la loi deprobabilité
de la durée de vie estexponentielle).
1 - CONCEPTION DE L’ESSAI
Il
s’agit
de prouver que la MTBF dudispositif
atteint la valeur annon-cée
Op.
Si nous étudions la durée de vie cumulée lors de l’essai et que nous utilisons un essai
tronqué
à la durée de vie cumuléeV,
la borne minimale de l’intervalle de confianceunilatéral,
au niveau de confiance(1 - a) ,
pour l’estimation de e estdonnée,
en fonction du nombre k de défaillances obser- véespendant l’essai,
parl’expression :
68 où
X2_,,,, dé s igne
la vale ur deX,2
telle que :La fiabilité étant
prouvée lorsque
la conclusion de l’essai est : -.on
peut
donc définir la valeur de V par la relation :d’où
Pour
simplifier
lanotation,
nous considèrerons lerapport
de la du- rée de vie cumulée à la valeur de6p ;
et comme Vdépend
dek,
nous no-terons la limite :
La valeur de
ilkest
donc aisée à obtenir pour k donné. Mais la valeur de k nepeut
être connue avant le terme de l’essai. Plusprécisément, r) k
est modifié
chaque
foisqu’une
défaillance seproduit
au cours del’essai,
leterme de celui-ci s’en trouvant
repoussé.
On en arrive donc à la
conception
d’un essai tel que,l’enregistrement
de son déroulement étant fait sur un
graphique (T), k)
selon lafigure 1,
la preuve est réaliséelorsque
l’un despoints (il , k)
est atteint.Fig. 1
Revue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XVII - N°4
On pourra remarquer que cette
figure présente quelque analogie
avecle
support graphique
d’unplan d’échantillonnage progressif,
à ceciprès
que , si lacorrespondance
entre limite d’obtention de la preuve et limited’accep-
tation est
claire,
il n’est pas icid’équivalent
à la limite de refus. Pour évi- ter touteambigulté,
il suffit de bienpréciser
les basesrespectives
de ces deuxtypes
d’essais :- dans un
plan d’échantillonnage,
on soumet lesdispositifs
à larègle
d’unjeu
au termeduquel
la décision estprise d’accepter
ou de refu-ser le lot de
dispositifs
en cause ; laprobabilité d’accepter
est fonction de la valeur e réelle - etquelconque -
dans le lot. ,- dans l’essai défini
ici,
lesdispositifs possèdent
effectivementune MTBF
égale
àOp
et l’essai a pour but de le prouver ; il est donclégi-
time que cet essai soit
poursuivi jusqu’à
ce que la preuve soitfaite,
sansqu’une quelconque
limite de "refus" ait à intervenir.Cette remarque attire tout de même l’attention sur deux conditions
auxquelles
doit satisfaire l’essai tel que nous l’avons défini :- sous
l’angle
duprincipe,
la définition n’est réellementlégitime
que si la
probabilité
de réaliser abusivement la preuve que8 - 8 lorsque
9 7~ 8 p
est suffisammentpetite ;
- sous
l’angle pratique,
l’essai neprésente
d’intérêt que si la valeur moyenne de la durée de vie cumuléenécessaire, mesurée
parE (~1) ,
n’est pastrop
élevée.Nous sommes donc
conduits,
pour faire lacritique
de l’essai de fia- bilitéprouvée
ainsi conçu, à étudier laprobabilité
p de faire la preuve du niveau de fiabilité annoncé8p lorsque
la MTBFréelle
a une valeur 0quel-
conque, que nous étudierons par le
rapport :
L’étude
quantitative
dont on trouvera le résuméci-après,
s’intéresse ainsi aux valeurs depp
et deE (r1)
en fonction de r, pour(1 - a )
donné.p
Sans
qu’aucun
calcul soit nécessaire il est bienévident,
en considérant lafigure 1,
quepp
est nécessairement une fonction croissante de r. Nous avons ditqu’il
fallait s’assurer quepp
étaitpetit
pour r 1. Mais pourr > 1, le
risque
d’unepseudo-preuve
est nécessairementgrand,
et tend versla certitude
lorsque
r croît.Ceci est évidemment dû au choix de l’intervalle de conf iance unilaté-
ral, qui,
enfait,
nous conduit à écrire :0 >, 0.
Si nous avons choisi cetype d’intervalle,
c’est que nous avons tenucompte
del’aspect pratique,
danslequel
le fait d’avoir une fiabilité meilleure que celleprouvée
est favorableà
l’utilisateur,
et estsusceptible
en tout état de cause deconséquences
moinsgraves que le fait d’avoir une fiabilité moins bonne que celle
prouvée.
Par ailleurs cela nous
permet
d’étudier du même fait un autre pro-blème,
dont l’énoncé est : "Définir un essai destiné à prouver que la MTBF d’undispositif
est au moinségale
à8p".
On pourra alors sedemander,
enparticulier, quelle
doit être la valeur de r pour quep
p soitproche
de l’unité.70
Il est vrai que cette seconde formulation nous écarte de la notion de preuve pour nous
rapprocher
duprincipe
d’un essai derecette ;
mais c’estpeut
être là a contrario une source d’intérêtsupplémentaire
à une étudequantitative qui permette
de savoir s’ils’agit
d’une méthode valable pour un essai de recette.Selon cette
formulation,
pour r 1,p
reste lerisque
d’une preuvequi
ne serait pas réellement
justifiée,
tandisque
pour r >1, (1 - p )
devient lerisque
de nepouvoir apporter
la preuve réellementjustifiée.
P2 - RESUME DE L’ E TUDE
QUANTITATIVE
2.1 - Etude depp
en fonction de r et de(1 - a)
Appelons
Pk laprobabilité
que la preuve soit faiteen 1) = ~.
On a :
Le calcul des
Pk peut
être fait de trois manières différentes :1/
On étudie tous les casd’apparition
des défaillances conduisant à l’arrêt de l’essai enn.
Ainsi :- pour T1 == ï) la seule
possibilité
est :0
0 défaillance dans l’intervalle
(0 ; 1b)
- pour T1 =
T1¡ la
seulepossibilité
est :- pour ’~ =
r)2
deuxpossibilités :
a .1.
etc.
On sait que la
probabilité
que le nombre de défaillances dans un inter- valle(ï)
;r1 )
donné soitÔ,
estfournie,
dans le cadre deshypothèses
quenous avons
formulées,
par la loi dePoisson,
dont il n’est pas difficile de vérifier quel’expression peut
se mettre sous la forme :Revue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XVII - N°4
D’où les valeurs de : -.
etc.
d’où finalement
pp .
2/
Les cheminements sur legraphique (9, k)
conduisant à l’arrêt de l’essai en~1~,
peuvent aussi être obtenus en retirant de tous leschemine-
ments reliant
l’origine
aupoint (n, k),
ceuxqui
ne sont paspossibles
parcequ’ils
auraient conduitplus
tôt à arrêter l’essai.P~ peut
donc aussi êtreobtenu par la relation de récurrence :
3/
Une variante de la relationprécédente,
obtenue enremarquant
que le nombre de défaillances dans l’intervalle(r~~_ 1 ; r~k)
doit nécessairement êtrenul, s’écrit :
~~ ~Nous avons utilisé la troisième
méthode, plus propice
pour la réalisa- tion des calculs.Nous avons ainsi obtenu les valeurs de p
figurant
dans le tableau dela
figure
2. pFig. 2
Par
exemple,
pour 1 - a = 90%,
on a :72
d’où, pour r = 1 ;
la somme de ces
probabilités partielles
donnant p =0,370.
p
.
Les valeurs du tableau ont
permis
de tracer les courbes desfigures
3 et 4.
Fig. 3
Fig. 4
La
première
de cesfigures
montre que pour un niveau de confianceélevé, pp présente
une valeur insuffisante pour que l’essai soitdigne
d’inté-rét.
Ainsi,
avec un niveau de confiance de 90%,
laprobabilité
de prouver que la MTBF est celleannoncée,
alors queprécisément
r = 1(énoncé
strictdu
problème),
n’est que de 37%.
Revue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XVII - N°4
Pour
que p
prenne une valeur voisine de 1, il faut que le niveau de confiance soit inférieur à 50%,
mais alors la"preuve" perd
toutesignifi-
cation
pratique.
La
figure
4permet d’apprécier,
pour la formulation duproblème
choi-sie : énoncé strict ou énoncé
élargi,
d’unepart
lerisque
d’unepseudo-
preuve, d’autre
part
lerisque
d’insuccès del’essai, pourtant poursuivi
de manière illimitée.On constate pour 1 - a = 90
%,
ainsi que pour 1 - a = 60%
étudiécomme élément de
comparaison,
que la courbe n’est pas assez sélective pour que la définition de l’essaipuisse
donner satisfaction dans sonprincipe
même.Enfin,
laréponse
à laquestion
que nous nous étionsposée
dans lecadre de l’énoncé
élargé,
estqu’un dispositif
doit avoir une MTBF doublede celle que l’on veut
"prouver"
pour que laprobabilité
du succès de l’essai soit voisine de lacertitude, lorsqu’on
utilise le niveau de confiance(1 - a) =
90
%.
Cetteréponse
n’est pas, elle nonplus,
très satisfaisante.2. 2 - Etude E
(
Bien que les constatations
précédentes
fassentperdre beaucoup
de sonintérêt à cette seconde
partie
desrésultats,
nous les donnons à titre d’infor- mation.La valeur moyenne du
temps
d’essai est mesurée par la valeur moyenneder),
soitE(ï)). Puisque,
pour les valeurs intéressantes de r, c’est-à-dire celles situées auvoisinage
de r =1,
laprobabilité
d’avoir àpoursuivre
l’essai indéfiniment sansparvenir
à établir la"preuve"
a une valeurfinie ,
il s’ensuit queE(T))
est infini.Pour
compléter
cetteconclusion,
onpourrait
se demanderquelle
estla valeur de
E (T)
pour les essais conduisant à l’obtention de la preuve, donc àune valeur finie de T).
Nous avons
préféré
poser leproblème
d’une manière un peudifférente ,
en nous basant sur la remarque que les valeurs de
Pk deviennent,
pour a et rdonnés,
trèspetites
au-delà d’une certaine valeur dek,
soit L. Desorte que,
si,
lors d’un essai en cours, on arrive à k = L sans avoir pu établir la preuvecherchée,
laprobabilité
depouvoir
l’établir ensuite est faible. Cequi
revient encore à constater que si l’on convient d’arrêter l’es- sailorsque
k = L et de conclure que la preuve nepeut
êtreréalisée,
lesprobabilités
de succès étudiées auparagraphe précédent
ne seront que très peu modifiées.Nous avons ainsi introduit dans cette
partie
de l’étude la notion sup-plémentaire
de troncature del’essai,
à k =L ;
nous avonsrecherché,
poura
donné, quelle
valeur de Lpouvait
être retenue pour quepp
ne se trouveque faiblement
modifié,
et étudié la valeurcorrespondante
de E(’~).
On constate sur les
figures
5 et 6 que la valeur de Lpeut
être de l’ordre de 20 pour 1 - a = 90%
et de l’ordre de 10 pour 1 - a = 60%.
La valeur de
E (T) peut
alors être calculée en fonction de r, cequi
fournit les secondsgraphiques
desfigures
5 et 6.74
0
bÔ
G4
~
bD
E
Revue de Statistique Appliquée, 1969 - vol. XVII - N°4
On constate que, pour le niveau de confiance satisfaisant de 90
%,
etavec L = 20, la valeur de E
(il)
est de l’ordre de 16 pour r =1,
c’est-à-dire que la durée de vie cumulée nécessaire est en moyenne 16 fois la valeur de laMTBF,
cequi
se traduit par un essai coûteux.3 - CONCLUSION
Quelque légitime
que soit l’idée de définir un essaipermettant d’ap- porter
la preuve que le niveau de fiabilité d’undispositif
atteint le niveauannoncé,
etqu’il possède réellement,
nousconstatons,
dans le casétudié, qu’un
tel essai serait coûteux ets’accompagnerait
derisques,
de preuve erronée oud’insuccès,
peusatisfaisants,
pour finalement conduire à uneprobabilité
faibled’apporter
cette preuvelorsqu’elle
est réellementjustifiée ,
avec un niveau de confiance suffisant : ainsi la
probabilité
est de 37%
de prouver avec un niveau de confiance de 90%
que laMTBF, constante,
d’undispositif
atteint la valeur8p qui
estprécisément
cellequ’il possède
réelle-ment.
Cette idée ne
peut
donc être mise en oeuvre d’une manière satisfai- sante.Si l’on abandonne la notion de
"preuve"
et que l’on désire seulement dé- finir un essai de fiabilité tel que laprobabilité d’accepter
undispositif
dontle niveau de fiabilité est satisfaisant soit
grande
et laprobabilité d’accepter
un
dispositif
dont le niveau de fiabilité est insuffisant soitpetite,
onpeut
alors mettre en oeuvre la méthode desplans d’échantillonnage.
On trouvedans divers documents les