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LES GRANDS AMÉNAGEMENTS HYDRAULIQUES TRANSALPINS : LA RUPTURE DU BARRAGE DU GLENO Etude descriptive, critique et analytique.

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(1)

Les Grands Aménagements Hydrauliques Transalpins

( 6, u c Article)

LA RUPTURE DU BARRAGE DU GLENO

Etude descriptive, critique et analytique.

( S U I T E E T F I N )

P a r J. B O U D E T , Ingénieur A. & M., Membre de la Société des Ingénieurs civils de France et de l' « Associazione Eleltrotecnica Iialiana » (Sez. di Torino).

Au cours des d e u x précédents articles, p a r u s ici-même (1), nous avons exposé l'économie générale de la conception de l'infortuné barrage du Gleno, de m ê m e que les p r i n c i p a u x détails de son exécution ; nous avons ensuite analysé les circonstances qui, dans la m a t i n é e du 1e r décembre dernier, ont e n t o u r é ou accompagné sa r u p t u r e , de m ê m e que les c o n s t a t a t i o n s qui o n t pu être faites sur les vestiges de l'ouvrage d é t r u i t , à l'effet d'aider, DEUXIÈME PARTIE - É T U D E CRITIQUE I. Examen critique des conditions d'établissement, au point de

vue géologique.

A v a n t de rechercher, p a r m i les causes possibles de la r u p t u r e ,

— statiques et d y n a m i q u e s —, les facteurs qui ont bien pu déter- miner la catastrophe, ou, pour le moins, y contribuer, il con- vient, comme toujours en pareille circonstance, de vérifier si, du point de vue géologique, l'ouvrage n ' a u r a i t pas été i m p r u - d e m m e n t i m p l a n t é en u n endroit i r r a t i o n n e l l e m e n t choisi. E t , au Gleno, cette recherche — classique en elle-même — prend u n caractère, au moins a p p a r e n t , d ' i m p o r t a n c e spéciale du fait de la formation du lac artificiel que r e t e n a i t le barrage en un endroit qui, depuis plusieurs siècles, servait d'exutoire au gla- cier du Gleno et dont il est présumable que le sous-sol p o u v a i t être inconsistant.

Celte circonstance n ' a , du reste, point échappé à l'autorité judiciaire enquêteuse, qui en a fait l'objet d'une question spé- ciale adressée a u x experts, lesquels se sont, p o u r y répondre, assuré le concours de r é m i n e n t Professeur de Géologie Augusto Stella. E t c'est dans la relation de ce dernier, et dans son annexe, que nous t r o u v o n s les éléments de la critique à ce sujet.

Quelle relation peut-il — ou a-t-il p u — y avoir e n t r e la r u p - t u r e du b a r r a g e et le c o m p o r t e m e n t du t e r r a i n d'établissement, eu égard à la retenue de l'eau emmagasinée et à la tenue des roches de fondations?

L a carte schématique ci-contre (Fig. 19), sur laquelle on p e u t suivre les déductions du Professeur Stella, m o n t r e que le bassin t o u t entier du Gleno est taillé dans une formation très ancienne de conglomérats et arénacés avec disques de p o r p h y r i t e , au centre de laquelle se t r o u v a i t précisément situé le lac artificiel créé p a r le barrage, dans des conditions qui, t r è s certainement, sont favorables à pareille création, t a n t par la n a t u r e des roches que p a r leur disposition (2).

E n effet, la vallée du Gleno, bordée et fermée en a m o n t p a r des roches bien liées, très dures et imperméables, présente, a u x

(1) Voir la Houille Blanche, №s 87-88 et 93-94 de mars-avril et septembre-octobre 192-1.

(2) Cette impression se dégage, t o u t aussi n e t t e m e n t , du rapport d'octobre 1920, du Professeur Taramelli, qui précéda la construc- tion de l'ouvrage.

p e u t - ê t r e , à r é t a b l i s s e m e n t des causes et des responsabilités de cette r u p t u r e .

Nous nous proposons d'examiner, dans cette dernière p a r t i e de n o t r e é t u d e — e t d'un point de vue à la fois critique et objec- tif — , les facteurs susceptibles d'avoir joué un rôle quelconque, sinon d é t e r m i n a n t , d a n s la c a t a s t r o p h e qui endeuilla, voici près d ' u n a n , l'industrieuse p e t i t e vallée de Dezzo.

DES CAUSES POSSIBLES D E LA R U P T U R E

u maisons » de m ê m e nom, une b r u s q u e r u p t u r e de p e n t e due a u x actions glaciaire e t fluviale, p a r lesquelles le t o r r e n t s'est ouvert la voie à t r a v e r s une i m p o r t a n t e « b a r r e » rocheuse, alors qu'en a m o n t de cette b a r r e son lit s'élargit et son cours se déve- loppe sinueusement d a n s u n faux-plat de la vallée à la fois t o u r - b e u x et m a r é c a g e u x . - E t ce faux-plat est dominé, latérale- m e n t , p a r les r e d a n s des b a n c s conglomératiques ceinturés à leur pied p a r des lamelles d é t r i t i q u e s de gros galets, alors qu'il est délimité, en aval, p a r la « b a r r e » rocheuse précitée, disposée en t r a v e r s de la vallée, comme u n formidable b a r r a g e n a t u r e l (1).

Dès lors se pose l'inévitable question —• classique en pareil cas — de savoir si le fond et les berges de la vallée é t a i e n t suffi- s a m m e n t étanches p o u r résister a u x pressions et sous-pressions découlant du relèvement d u plan d'eau d a n s le réservoir à un niveau très supérieur à celui de l'ancien lac n a t u r e l — ainsi qu'il est exposé au précédent renvoi (1) — , et si les roches de fondation de l'ouvrage é t a i e n t , de leur côté, assez homogènes et étanches p o u r s u p p o r t e r c e t t e construction sans danger pour fa s t r u c t u r e .

(1) Cette disposition caractéristique est très classique dans les vallées alpestres dont la morphologie est le résultat d'un travail préliminaire d'écrètement, de la p a r t des glaciers, suivi, du fait des eaux courantes, d'une incision et d'un délavement général t e n d a n t à modifier l'équilibre du fond des vallées tp a r l'établis- sement de leur profil actuel.

Au Gleno, Faction glaciaire avait préparé l'ancien fond de vallée, constitué par la « barre » rocheuse arrondie p r é s e n t a n t sa double pente : très accentuée vers l'aval, et adoucie en amont, où elle vient se raccorder avec les roches c o n s t i t u a n t le massif sous-jacent dans l'élargissement alluvionnaire de la vallée, sous ses dépôts argilo-tourbeux. Ces dépôts correspondent à cette phase de métamorphisme au cours de laquelle l'ancien glacier, une fois retiré, les eaux courantes commencèrent à s'accumuler dans ce fond de vallée, y formant une sorte de « conque » d ' a b o r d lacustre, puis marécageuse, qui se colmata progressivement p a r les apports d'alluvions, alors que le t o r r e n t commençait à se frayer un chemin à travers la « barre » rocheuse, où il entailla un premier « sillon », en rive droite (dépression accusée entre les contreforts No s 15 et 19 pour, finalement, s'encaisser sur la rive gauche et s'établir à titre définitif à t r a v e r s la gorge actuelle.

Ainsi se réalisait donc, dans cette partie de la vallée, la consti- t u t i o n naturelle normalement favorable à la création d'un réservoir artificiel au moyen d'un barrage p e r m e t t a n t , ,en quelque sorte, de reconstituer l'antique lac disparu, avec, toutefois, un plan de retenue d'eau notablement plus élevé et étendu, ainsi qu'il a été réalisé.

Article published by SHF and available athttp://www.shf-lhb.orgorhttp://dx.doi.org/10.1051/lhb/1924034

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LA H O U I L L E BLANCHE 175 Il semble bien que l'on p e u t , sans hésiter, répondre affirma-

t i v e m e n t à cette double question, car, d ' u n e p a r t , le réservoir artificiel ainsi créé n'est a u t r e chose, en réalité, q u ' u n énorme récipient rocheux p a r t i e l l e m e n t revêtu, au fond et sur les flancs, par les alluvions d o n t il v i e n t d'être parlé, et alors, ces m a t é - riaux une fois imbibés, l'eau est effectivement retenue p a r les roches du sous-sol, avec lesquelles elle est en contact, et qui sont p r a t i q u e m e n t i m p e r m é a b l e s .

affleurement de p o r p h y r i l e , qui se substitue a u x bancs arénacés- conglomératiques, c o n s t i t u a n t ainsi l'assiette principale du b a r - rage ; mais, p o u r t a n t , cette roche éruptive n'est ni moins h o m o - gène ni moins imperméable que les susdits bancs arénacés-con- glomératiques, quoique p r é s e n t a n t , çà e t la, des t r a c e s évidentes de -stratification sub verticale et transversale à la vallée, rapi- d e m e n t fermées, il est vrai, vers l ' a m o n t , remplies e t cimentées d a r des veines quartzo-sidérétiques.

Schistes crtstaf/ms •

HHfH ^fea/res et o/o/om/es I Sc/?/'stes<3rqf//eux&ra/o/5és

*"*B s Emplacement clu Barracje,

Go/Kt/omên&s tterênacés

ßrpht/rts etctf'orfèes

M VI//OJJS etmora/nes.

Fig. 19. — Carte géologique de la région berganiasque, entre les fleuves Adda, Serio et Ojlio, au centre de laquelle était établi le barrage du Gleno.

P a r ailleurs, enfin, Ces roches s'étendent, en aval, j u s q u ' à former l ' e x t r ê m e droite de la b a r r e rocheuse sur laquelle est implanté l'ouvrage, dans la partie comprise e n t r e le déversoir et le contrefort № 8. D e ce dernier p o i n t j u s q u ' à , l a culée de rive gauche, on constate bien dans la n a t u r e lithologique de la barre, u n c h a n g e m e n t , d o n t a t t e s t e l'incurvation d ' u n g r a n d

D u reste, la t e n u e de la b a r r e rocheuse, est confirmée p a r les observations faites r e l a t i v e m e n t a u x fuites d'eau, après mise en charge complète du réservoir, lesquelles ont permis de cons- t a t e r que ces fuites é t a i e n t dues a u x infiltrations, à t r a v e r s les bétons e t maçonneries, et se manifestaient s u r t o u t le long .des p l a n s d ' a p p u i (liaisons) du b a r r a g e sur la b a r r e

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rocheuse, alors qu'il ne s'en manifestait point de sérieuses p a r ailleurs.

Ajoutons enfin, p o u r être complet., que le Professeur A. Stella

•— du reste, sur une a u t r e requête, n o n moins précise, de l'au- torité j u d i c i a i r e — , s'est également préoccupé de savoir si des secousses sismiques n ' a u r a i e n t p a s concouru à la provocation de la c a t a s t r o p h e . A cet effet, il a recherché, p a r m i les d o c u m e n t s mis à sa disposition p a r les laboratoires de g é o d y n a m i q u e de la région' et j u s q u ' a u delà du v e r s a n t alpin intéressé les traces des moindres m o u v e m e n t s sismiques susceptibles d'avoir été enregistrés p a r les appareils de ces s t a t i o n s (1).

Ses recherches, c o m p l è t e m e n t négatives en ce qui concerne la m a t i n é e du 1e r décembre, o n t bien établi que l'Observatoire de Piacenza — le plus voisin de la région intéressée — a v a i t enregistré d u r a n t le mois de n o v e m b r e , en dehors des m o u v e - m e n t s à peine perceptibles qui y sont presque quotidiens, une accentuation de sismicité a u x d a t e s des 5, 9, 20 e t 27 du dit mois, ainsi q u ' à celle du 30, veille de la c a t a s t r o p h e — d a t e s auxquelles, du- reste, furent observées des secousses correspon- dantes a u x Observatoires du R i g h i (Tessin) de R o v e r e t o ( H a u t - Adige) et de Domodossola. Mais les m o u v e m e n t s d o n t il s'agit, quoique n e t t e m e n t plus accentués que ceux constatés d'ordi- naire clans ces régions, sont encore d ' u n ordre d ' i m p o r t a n c e insuffisant p o u r pouvoir être dommageables a u x constructions portées p a r l'écorce t e r r e s t r e : la meilleure p r e u v e en est, p a r exemple, d a n s le c o m p o r t e m e n t des a u t r e s b a r r a g e s existant dans les régions voisines de celle qui nous intéresse (2).

De ce qui précède se dégage donc la conclusion, formelle . a u t a n t que le p e r m e t t e n t nos connaissances de ces sciences spéciales, q u ' a u c u n e cause d'ordre géologique ou sismologique n ' a pu, directement ou indirectement, occasionner la r u p t u r e de l'ouvrage. Mais toutefois, et en dehors de t o u t e considération d'ordre géologique, le seul e x a m e n du plan altimétrique des lieux a v a n t son i m p l a n t a t i o n (Fig. 17) n o u s p a r a î t a t t e s t e r sura- b o n d a m m e n t que cette i m p l a n t a t i o n de l'ouvrage eût gagné à être effectuée d a v a n t a g e en a m o n t , — de 20 à 25 mètres par exemple, — pour écarter le barrage de la gorge et l ' a p p u y e r sur le 2e mamelon de rive droite, ce qui eût, en outre, permis d'éco- nomiser quelque peu de longueur.

I I . Examen critique du projet d'ouvrage mis à exécution.

Les caractéristiques du projet exécuté a y a n t été exposées en détail dans la lr e p a r t i e de cette é t u d e , nous ne nous étendrons pas à les rappeler, mais r e n v e r r o n s nos lecteurs à cette première partie.

Il ne p a r a î t p a s superflu, toutefois, de dire, ici, quelques m o t s de 1' « historique » de ce-projet:

L a concession g o u v e r n e m e n t a l e de l ' a m é n a g e m e n t (compre- n a n t barrage, dérivation et chute) a été accordée sur présen- t a t i o n d'un projet de construction sorti des b u r e a u x de l'Ingé- nieur allemand Gmürr, établi à B e r g a m o a v a n t la guerre. D a n s ce projet initial, l'ouvrage était constitué p a r un soubassement b a r r a n t la gorge, appelé à résister comme arc, et s u p p o r t a n t le b a r r a g e p r o p r e m e n t djt, prévu du type classique, à gravité, au-dessus des rives du précipice et en maçonnerie de c h a u x h y d r a u l i q u e (*).

(1) E t e n d u s j u s q u ' à Zurich, d'une p a r t ; j u s q u ' à Domodossola, .d'autre p a r t .

(2) Au n o m b r e de 5 dans les seules vallées Bergamasques — contiguës à celle du Gleno —• et d'une bonne quinzaine dans les vallées voisines, des provinces de Como, Sondrio, Brescia et Novara, limitrophes de celle de Bergamo, éprouvée par la catastrophe.

(*) Voir, à ce sujet, le mémoire commun — en d a t e du 30 octo- bre dernier — des Ingénieurs Baroni, Granzolfo, K a m b o etMarzoli

Les t r a v a u x é t a i e n t en cours, sur la base de ce projet, e t une partie des maçonneries du s o u b a s s e m e n t déjà exécutée, lorsque furent successivement envisagés : d ' a b o r d le r e m p l a c e m e n t de la s t r u c t u r e inférieure à arc unique, par une a u t r e , du m ê m e type, mais c o m p o r t a n t 3 arches à génératrices verticales s ' a p p u y a n i , e n t r e rives, sur 2 contreforts ; ensuite, sur la proposition, et d ' a p r è s le projet, de notre é m i n e n t collègue, l'ingénieur San- t a n g e l o , la s u b s t i t u t i o n au b a r r a g e supérieur, à gravité, d'une s t r u c t u r e à arches multiples, avec retour, p o u r le soubasse- m e n t , à la conception initiale, ci-dessus exposée, d'un massif en arc du t y p e à g r a v i t é .

Ces dispositions •— on l'a vu d a n s la lr e p a r t i e - - Jurent, finalement, celles réalisées, avec, toutefois, — comme élégisse- m e n t de sa masse — la traversée du soubassement à g r a v i t é p a r la galerie de décharge e t le rescindement des maçonneries déjà exécutées, en rive droite, p o u r former selon le nouveau projet, le socle des contreforts, arasé à l'altitude 1.521 m .

Le t y p e d'ouvrage m i x t e ainsi exécuté n ' e s t p a s une inno- v a t i o n : il a déjà fait ses preuves et sa s u b s t i t u t i o n au type clas- sique à gravité, p r i m i t i v e m e n t prévu, ne p e u t avoir eu comme conséquence que le s u r d i m e n s i o n n e m e n t du massif de soubas- s e m e n t s u p p o r t a n t la s t r u c t u r e à arches multiples — surdimen- sionnement p r o v e n a n t exclusivement du fait que, p o u r une m ê m e h a u t e u r , cette dernière s t r u c t u r e est plus large, en base, que celle « à g r a v i t é », ce q u i ne s a u r a i t é v i d e m m e n t nuire à ja résistance.

E n somme, e t n o n o b s t a n t l'examen critique, qui v a suivre, de ses conditions de stabilité, l'ouvrage, exécuté conformément à la description que nolis en a v o n s donnée, ne présente rien d ' a n o r m a l clans sa conception ni d a n s son d i m e n s i o n n e m e n t en général. La seule critique, légère, qui lui puisse être adressée - - critique qui vient i m m é d i a t e m e n t à l'esprit, à simple examen des figures de la première p a r t i e , e t sur laquelle n o u s aurons, du reste, l'occasion de revenir plus loin — est l'insuffisance des redans p r a t i q u é s d a n s le rocher (spécialement d a n s le sens de la vallée) p o u r la fondation des contreforts, e t leur inclinaison défectueuse vers l'aval, p l u t ô t favorable au glissement (1). 11 ne semble toutefois p a s que l'on doive chercher d a n s cette dispo- sition, criticable p l u t ô t en elle-même que p o u r son influence sur la t e n u e de l'ouvrage, u n e des raisons d é t e r m i n a n t e s ou a g g r a v a n t e s du sinistre, car, si elle p u t bien n ' y être p a s étran- gère, elle fut, en réalité, i n e x i s t a n t e , ainsi q u ' o n v a le voir, à côté des multiples a u t r e s , cent fois plus graves, que nous allons rencontrer.

I I I . Examen critique de la qualité des matériaux.

D a n s l'ensemble, les r é s u l t a t s de l'examen des ruines de l'ou- vrage, exposés d a n s la 2e p a r t i e de c e t t e é t u d e , a t t e s t e n t que les m a t é r i a u x mis en couvre é t a i e n t de qualité plutôt variable avec les parties constitutives du b a r r a g e : bonne, au moins en apparence, d a n s les voûtes ; fort inégale d a n s les con- treforts ; m a u v a i s e en bien des p o i n t s du s o u b a s s e m e n t . En présence de ces c o n s t a t a t i o n s t r o u b l a n t e s , les e x p e r t s ont donc cherché à é t a b l i r rigoureusement quelles furent la q u a l i t é et les propriétés de résistance de ces m a t é r i a u x .

Les témoignages recueillis à ce sujet sont d'ordre bien divers, e t parfois divergents. Ils a t t e s t e n t , néanmoins, des pratiques défectueuses — légères et coupables — t a n t d a n s la préparation que d a n s la mise en œ u v r e de ces m a t é r i a u x , tout spécialement à la p a r t i e supérieure des contreforts, où le r e m p l a c e m e n t des (1) Ceci, malgré l'importance d?s fouilles de fondations, dont le cube t o t a l atteignit 15.700 mètres cubes — 7.400 en rocher et 8.300 en déblais de t o u t e n a t u r e (alluvions).

(4)

LA H O U I L L E BLANCHE 177 gros blocs par de la pierraille ordinaire constituait un apauvris-

semont de l ' a m a l g a m e r é s u l t a n t — déjà maigre p a r essence — en même temps q u ' u n e fâcheuse héférogénéisalion de la struc- t u r e .

Us sont, p a r ailleurs, d'une concordance assez significative en ce qui concerne la c h a u x employée pour la préparation de ces m a t é r i a u x : mortiers et bétons. Cette chaux était, en effet, sans m a r q u e d'origine : elle é t a i t fabriquée près de Vilminore, d a n s un four de circonstance ; cela a u r a i t é v i d e m m e n t pu n'être pas un e m p ê c h e m e n t à l'obtention d'un bon p r o d u i t (1), mais, si, d'une analyse faite p a r le Professeur Taramelli, il résulte qu'il s'agissait d'une sorte de chaux grasse à faible indice d ' h y d r a u - licité, alors que la p l u p a r t des témoins la déclarent des plus mauvaises (2), certains estiment, p a r contre, — e t c'est à cet avis que se r a n g e n t les e x p e r t s — que sa caractéristique domi- n a n t e n ' é t a i t p a s t a n t la m a u v a i s e qualité q u ' u n e m a n i p u l a t i o n fâcheuse a u t a n t q u ' i n e x p é r i m e n t é e , constatée aussi bien dans son extinction que d a n s son emploi, spécialement pour celle utilisée en m o r c e a u x .

E n dehors des témoignages recueillis p a r leurs soins, en t o u t e i n d é p e n d a n c e j u r i d i q u e et t e c h n i q u e , et stylés p a r le côté trou- b l a n t de certains d ' e n t r e eux, les e x p e r t s c r u r e n t devoir procéder à un certain n o m b r e d'épreuves réglementaires de résistance, sur divers échantillons prélevés p a r m i les ruines.

A cet effet, u n e forte entaille fut p r a t i q u é e , au ciseau, dans la partie supérieure des p a r e m e n t s de douelle des contreforts

s 12 et 25, puis des échantillons y furent prélevés, ainsi que sur le p a r e m e n t a m o n t du soubassement, d a n s la saillie du socle construit au-dessus pour s u p p o r t e r directement'les contreforts (3) et enfin d a n s la v o û t e écroulée près du contrefort n° 15.

Ces p r é l è v e m e n t s révélèrent i m m é d i a t e m e n t le bien-fondé des témoignages recueillis : grosses pierres non liées, blocs de ciment et de c h a u x durcis, sans sable. A la surface, les bétons é t a i e n t encore quelque peu compacts, mais, à l'intérieur, ils étaient i m m é d i a t e m e n t plus maigres, au p o i n t q u ' u n e première série de p é t a r d s , tirés d a n s le corps du contrefort n° 3, demeura sans effet appréciable. — soit m a u v a i s e qualité de l'explosif, soit p l u t ô t , à notre avis, la t r è s faible réaction fournie p a r le m a t é r i a u

— alors q u ' u n e seconde série, de sondages, p r a t i q u é e avec des p é t a r d s sensiblement plus puissants, produisit un t r o u assez profond qui, a y a n t r é d u i t les couches de p a r e m e n t , e t fissuré l'intérieur de la masse, p e r m i t de découvrir, au milieu de cette dernière, u n véritable « t a s de pierres désagrégées ! »

Ces échantillons furent éprouvés a u P o l y t e c h n i c u m de Milan et les épreuves d o n n è r e n t les r é s u l t a t s consignés au tableau ci- c o n t r e :

(1) Ceci, d ' a u t a n t plus que la fabrication était conduite par un spécialiste, envoyé par la Maison Eccettuato Giovanni-Sisto, de Casale-Monferrato, également spécialiste en la matière, à laquelle fut confiée la construction du four.

(2) L ' u n des témoins, nommé Cattaneo, interrogé par les experts, déclare textuellement :

« De m a propre initiative, je prélevai, un jour, dans un charge-

« m e n t de chaux expédié par Vigano à la Maison Ghezza, de

« Dezzo-Azonc, un échantillon du produit vendu ; je le fis dissoudre

« et ep formai un petit prisme. ; 15 jours après, q u a n d elle fut

« sèche, je la mouillai de nouveau et vis qu'elle se dissolvait com- et plètement... j ' e n conclus qu'elle était fort mauvaise, »

(3) Sur la masse résistante môme du soubassement, construite en gros béton eyelopeen lié à la chaux sus-indiquée, il fut pratique- ment impossible de prélever aucun échantillon ; mais dans cette partie de l'ouvrage ce prélèvement devenait inutile : sa seule vue étant parfaitement édifiante.

Provenance des i chantillons

Dimensions des éprouvettes

d'essais

(erntimètres)

Parement amont du souliiisspment . . .

O'artie inlï'rïeurft)

Parement amont (lu soulia-semtiiit . . . .

(Parila supérieure)

Douelle du contrefort

no 25

3 5 X 3 5 ; ' ) Poids spécifique

constiti (Wings)

V o û t e t i ° -15,

« 5

13 X 1 3 13 Í0

45 35 X 35

2,150

•2,150

2,300

2,150

Charge totale ayant

déterminé

!a ruptuie (ki'ogs)

5 5 o c o

1 J , S 0 0

80.000

9 4 . 5 0 0

P r e s s i o n spécifique

de rupture

kilogs par cmä)

105

50

70

Comme on le voit, les r é s u l t a t s des épreuves effectuées sur les échantillons prélevés a t t e s t e n t des ? résistances p l u t ô t faibles, découlant inéluctablement de la maigre t e n e u r en liant, des m a t é - r i a u x éprouvés, au m ê m e t i t r e , du reste, que de leur p r é p a r a t i o n , défectueuse t o u t comme leur mise en œ u v r e .

IV. Examen critique des conditions d'exécution des travaux.

Les conditions d a n s lesquelles a été conduite l'exécution des t r a v a u x , et susceptibles d'avoir joué un rôle — direct ou indirect

— d a n s la provocation ou l'évolution de la c a t a s t r o p h e , sont bien diverses. On les peut, c e p e n d a n t , grouper en 4 catégories principales, que nous examinerons successivement parce que c'est là, pensons-nous, que se t r o u v e n t les raisons d é t e r m i n a n t e s de l'écroulement.

1) M O D I F I C A T I O N S A P P O R T É E S AU P R O J E T P E N D A N T L ' E X É C U T I O N D E S TRAVAUX.

A v a n t d ' a b o r d e r la question de l'exécution des t r a v a u x p r o p r e m e n t dite, nous pensons qu'il n ' e s t pas i n o p p o r t u n

— ne fut-ce que p o u r souligner les vicissitudes p a r lesquelles sont passés l'ouvrage et son projet, a v a n t l'événement — de dire quel- ques m o t s des modifications a p p o r t é e s à ce projet en cours de t r a v a u x .

U n e première r é i m p l a n t a t i o n de l'ouvrage sur ses vestiges (1), effectuée p a r les soins des experts, p e r m i t de constater que les directrices circulaires du soubassement n ' é t a i e n t p a s concentri- ques à celles de la p a r t i e centrale du b a r r a g e à arches multiples, e t c e t t e c o n s t a t a t i o n fut, du reste, confirmée p a r l ' a u t e u r du projet, directeur des t r a v a u x . Or, la divergence e x i s t a n t e n t r e ces 2 séries de directrices — du reste variable à c h a q u e contre- fort, et non point uniforme, ainsi q u ' o n l ' a u r a i t pu concevoir à la rigueur — é t a i t des plus appréciables puisqu'elle réduisait, p a r endroits, à quelques centimètres seulement (2) la r e t r a i t e du socle des contreforts sur le soubassement, p r i m i t i v e m e n t p r é v u e à 2 m . 20.! (Fig. 5 e t 8-A), s u p p r i m a n t , de ce fait, le p a s - sage, sur le soubassement, du chemin de servitude reliant les 2 rives du t o r r e n t . E t n'a-t-on p a s t r o u v é , p a r m i les papiers (*) Les dimension de base figurent en numérateur, la h a u t e u r en dénominateur.

(1) Sur lesquelles ont été rigoureusement reproduites, malgré leur réduction considérable, les moindres indications que compor- t a i e n t les dessins du projet d'exécution.

(2) E x a c t e m e n t 10 centimètres au droit des contreforts № 20 et 22, d'après les dépositions Vita et Nosolti, recueillies par les experts judiciaires.

Cette excessive réduction de la retraite est également très visible sur la photo ci-contre ( № 27).

(5)

saisis chez les constructeurs, le croquis d'exécution d'un m u r , accolé au soubassement d a n s cette p a r t i e (Fig. 2 0 ) , e t destiné, semblc-t-il, à remplir u n triple b u t : dissimuler les défauts d'im- p l a n t a t i o n de la partie m é d i a n e de l'ouvrage, signalés ci-dessus ; rétablir le passage du chemin susvisé — s u p p r i m é de. p a r ces défauts d ' i m p l a n t a t i o n ; et enfin (on p o u r r a i t presque dire « sur- t o u t ») à dissimuler aussi les infiltrations, particulièrement impor- t a n t e s , ainsi q u ' o n le v e r r a plus loin, d a n s cette p a r t i e de l'ou- vrage ?

P a r ailleurs, l'épaisseur du soubassement était p r é v u e crois- sante de la base au sommet, s u i v a n t des fruits de 1 0 % (pare- m e n t a m o n t ) et 2 0 % ( p a r e m e n t aval). Or il est manifeste — les vesLiges de l'ouvrage en t é m o i g n e n t — q u ' a u moins ce dernier fruit a été réduit au point de voisiner, p a r endroits, avec la ver- ticale...

Fig. 20.— Croquis d'établissement du m u r , accolé au soubassement en cours de t r a v a u x .

C'est assez dire que les constructeurs en p r e n a i e n t à leur aise dans la mise à exécution d'un projet a p p r o u v é et d û m e n t étudié, et aussi que la surveillance des t r a v a u x était à peu près inexis- t a n t e , ainsi qu'il est s u r a b o n d a m m e n t établi p a r la suite.

2 ) C O N D U I T E E T S U R V E I L L A N C E D E S T R A V A U X

Cette surveillance s'est révélée, en effet, à p r o p r e m e n t parler, et au double sens du m o t , à peu près nulle, a u t a n t , du reste, qu'inactive t a n t en ce qui concerne l'observation — cependant t o u t e théorique — des règles professionnelles les plus élémen- taires, q u ' e n ce qui a v a i t t r a i t à l'agrégation des m a t é r i a u x , les dosages des mortiers et bétons, leur mise en œ u v r e , etc., car il est manifeste q u ' e n t r e p r e n e u r s et tâcherons o n t eu pour unique souci de faire œ u v r e de mercantis et non de techniciens.

D u reste, la technique de la p l u p a r t de ces gens-là est bien faite p o u r laisser rêveur, q u a n d on pense q u ' e n h a u t lieu, au mépris de t o u s usages et de t o u t e p r u d e n c e — au risque de courir à un désastre, comme ce fut t r i s t e m e n t le cas •— l'Entreprise générale de t r a v a u x aussi délicats e t i m p o r t a n t s é t a i t assumée non p a r un entrepreneur de profession, mais p a r les concession- naires eux-mêmes qui en sous-traitaient les parties principales à des t â c h e r o n s aussi qualifiés q u ' e u x , cantiniers p o u r la plu- p a r t (1), et d o n t l'esprit de lucre n ' a v a i t d'égal que leur i n c o mr

(1) Notre camarade Keller n'a-t-il pas rencontré là-bas, dans la peau d'un tâcheron du barrage, un individu qui, en 1910, lors de la construction de l'usine de Mazzuno, lui servait exclusivement de « sergent recruteur ».

p è t e n c e technique, que l'on doit, du reste, m e t t r e sur pied d'éga- lité avec celle des surveillants, si l'on ne v e u t pas incriminer la complicité de ceux-ci dans le mercantilisme de ceux-là — les deux, à notre avis, a y a n t p a r f a i t e m e n t pu m a r c h e r de pair sous les yeux d'une direction p o u r le moins indifférente, sinon com- plaisante !

C'est ainsi que sables et graviers é t a i e n t e x t r a i t s des dépôts alluvionnaires voisins e t employés directement, le plus souvent sans aucun lavage ; que le ciment p r é v u pour la p r é p a r a t i o n des m o r t i e r s était remplacé p a r de la c h a u x de m a u v a i s e qualité ; q u ' a u mépris de toute t e c h n i q u e les r e d a n s des fondations furent c o m p l è t e m e n t négligés et l'ouvrage « posé » sur le rocher lisse (ainsi q u ' e n a t t e s t e n t les photographies) bien p l u t ô t q u ' e n - castré d a n s le terrain ainsi qu'il est d'usage, rationnel ; qu'enfin

— comme on' va le voir — la désinvolture qui présidait à la p r é p a r a t i o n des mortiers et b é t o n s é t a i t — s'il est possible — dépassée p a r celle qui présidait à leur mise en œ u v r e .

A supposer — ce qui n'est p o i n t p r o u v é — que ces négligences e t ces malfaçons n ' a i e n t p a s constitué la cause d é t e r m i n a n t e de la c a t a s t r o p h e , il est indubitable, qu'elles en o n t aggravé l'im- p o r t a n c e .

3) C O M P O S I T I O N , P R É P A R A T I O N E T M I S E E N SDUVRE D E S M O R T I E R S E T B É T O N S . — E X É C U T I O N D E S M A Ç O N N E R I E S .

Bétons du soubassement. •—Dans le devis figurant au dossier du dernier projet de l'ouvrage présenté au Ministère des T r a v a u x P u - blics, la maçonnerie e t le béton du s o u b a s s e m e n t sont prévues h o u r d é s au m o r t i e r de c i m e n t . Mais il résulte de. témoignages c o n c o r d a n t s q u e ' l a c h a u x fut employée, comme liant, en lieu e t place du c i m e n t p r é v u , p o u r la plus g r a n d e p a r t i e , sinon p o u r la t o t a l i t é du cube du soubassement...

A lui seul, le t â c h e r o n Colombo D o n a t o avoue avoir mis en œ u v r e environ 1 6 . 0 0 0 m è t r e s cubes de béton, d o n t 6 . 0 0 0 seule- m e n t é t a i e n t liés au m o r t i e r de ciment et 1 0 . 0 0 0 au m o r t i e r de c h a u x ; encore la c h a u x h y d r a u l i q u e ne faisait-elle q u ' a c t e de présence sur le chantier, et seule, — ou à peu près, — é t a i t em- ployée en p e r m a n e n c e la m a u v a i s e c h a u x ordinaire d o n t il est question au chapitre précédent, fabriquée sur place et amenée à pied d ' œ u v r e p a r téléfer ( 1 ) . P a r t i c u l i è r e m e n t significative, à ce sujet, est encore la déposition du m a ç o n Giovanni Taglia- ferri, qui affirme avoir constaté, au cours de la démolition du soubassement primitif ( 2 ) des signes non équivoques de la m a u - vaise qualité des maçonneries : c h a u x s a n s prise, couches à sec, et qui ajoute, p o u r se faire m i e u x c o m p r e n d r e , q u ' a u cours de ce d é r a s e m e n t du premier s o u b a s s e m e n t « ¡7 avait l'impression très nette, de travailler sur de la terre et non sur de la maçonnerie » (sic)...

Béions de la superstructure — E é c u t é e d i r e c t e m e n t p a r les soins des e n t r e p r e n e u r s V i t a et N o s o t t i (3), la structure du b a r r a g e à arches multiples devait, d'après le devis du projet, c o m p o r t e r les dosages s u i v a n t s , e n v u e de l'obtention de mortiers

« b â t a r d s ».

(1) Le tâcheron général Pacani, soumissionnaire pour la totalité des t r a v a u x du soubassement, confirme non seulement l'emploi de cette mauvaise chaux en remplacement du ciment, mais révèle en outre l'emploi qui fut fait, de gros cailloux dans le béton des voûtes, p r é t e n d a n t , après 2 protestations écrites demeurées sans effet, avoir refusé de continuer le travail ainsi.

(2) Construite sur la base du projet initial, ainsi qu'on l'a vu chap. I I ci-dessus.

( 3 ) A cette époque, l'Entreprise Vita venait d'achever le bar- rage de la Scoltenna — d o n t nous aurons l'occasion de parler dans une prochaine étude — . Elle paraissait donc qualifiée pour assumer l'exécution de ces t r a v a u x spéciaux.

(6)

LA H O U I L L E BLANCHE 179 V o û t e s : 100 kilogs de c h a u x h y d r a u l i q u e , mélangée à 150 ki-

logs de ciment.

Contreforts : 100 kilogs de c h a u x h y d r a u l i q u e , mélangée à 100 kilogs de ciment.

Or il résulte de l ' e n q u ê t e q u ' e n dehors de certains socles, dans lesquels fut bien observée cette répartition, le ciment fut exclu- s i v e m e n t a d o p t é d a n s le b a r r a g e à arches multiples ; mais, par ailleurs, les déclarations divergent encore en ce qui concerne les différents dosages employés : alors que l ' a u t e u r du projet — et directeur général des t r a v a u x — p r é t e n d avoir m a i n t e n u les dosages, respectivement, à 250 et 200 kilogs,. les entrepreneurs a v o u e n t n ' a v o i r employé que 150 et 200 kilogs, sous p r é t e x t e que la s u b s t i t u t i o n de la c h a u x au ciment était susceptible de p e r m e t t r e u n e réduction des proportions de l i a n t à m e t t r e en œ u v r e .

Les témoignages reçus à ce sujet n ' o n t p u établir lequel des d e u x dosages ci-dessus fut appliqué, mais ils s'accordent à dire q u e la p r é p a r a t i o n du béton p a r les soins de l ' E n t r e p r i s e Vita é t a i t des plus sommaires, et le témoin Luigi Ramelli, tâcheron de la Maison Viganô (qui fournissait graviers et sable à l'entreprise) assure que. les mélanges é t a i e n t faits « entièrement à l'œil » (sic).,.

Béton cyclopéen. — Ainsi que nous l'avons dit dans la première p a r t i e de cette é t u d e , le cahier dés charges de l ' E n t r e - prise c o m p o r t a i t , p o u r la construction des contreforts, et entre les t i r a n t s de ces derniers ( lr e p a r t i e , fig. 5), l'emploi de béton cyclo- péen c o m p r e n a n t u n m a x i m u n de 50 % de blocs de grosseur supérieure ou égale à l / 5 0e de m è t r e cube, constitué régulièrement comme suit : T o u s les 2 w a g o n n e t s de béton, u n wagonnet de pierre sèche, et, e n t r e ces 3 w a g o n n e t s , disposition des blocs, avec distribution préférentielle du b é t o n sur les p a r e m e n t s et des pierres au centre (1).

Or, des témoignages recueillis, il résulte que c e t t e maçonnerie cyclopéenne fut exécutée avec une légèreté inconcevable, et une inconscience que seul, dépassait en désinvolture a u x y e u x mêmes des ouvriers, un m a n q u e de surveillance é c œ u r a n t . N o n seule- m e n t — c o m m e nous l'avons dit, les graviers et le sable employés é t a i e n t t e r r e u x (2), mais il fut f r é q u e m m e n t ajouté a u x mélanges des w a g o n n e t s entiers de terre, voire de t e r r e a u !...

« Bien des fois, dit Berlinghieri Giovanni, il m e fut commandé,

<c p o u r faire plus vite, de charger les v a g o n n e t s avec le sable et

« le c i m e n t p a r dessus, puis de mouiller le t o u t , ainsi disposé,

« avec des s e a u x d'eau... Il a r r i v a i t s o u v e n t que le ciment faisait

« prise seul, à la p a r t i e supérieure, laissant le sable intact, au-

« dessous »...(sic).— On croit rêver en lisant pareilles dépositions.

Enfin, V i t a e t N o s o t t i , concessionnaires, déposent encore — c o m m e incidents de l'exécution — q u ' e n 1922, et à p a r t i r de l'al- t i t u d e 1.523 m., sable e t graviers, qui, jusque-là, étaient extraits régulièrement des carrières du lac triés et employés en propor- tions n o r m a l e s , furent employés t o u t v e n a n t d a n s les contreforts,

— sans plus a u c u n concassage p o u r les g r o s ' g r a v i e r s — et le sable, r é d u i t au m i n i m u m comme q u a n t i t é , réservé pour les seules v o û t e s : les carrières a y a n t été submergées et l'extraction l o n g t e m p s gênée, à la fin de 1921. Cette circonstance a y a n t

(1) A un certain m o m e n t , la pierre sèche fut remplacée par du caillou de concassage employé clans la même proportion et mélangé intimement au béton.

(2) « Lavés t o u t d'abord dans deux bassins, dit Berlinghieri

« Domenico, ils ne t a r d è r e n t guère, p a r ordre de l'Entrepreneur,

« Vigano, à ne l'être plus que dans un seul d'où ils sortaient avec

« beaucoup de terre et de sable et surtout, avec une très forte pro-

« portion d'argile n'offrant aucune prise. P a r moments même, t o u t

« lavage fut supprimé à l'extraction, pour fournir plus vite à la

« mise en œuvre. »

m a l e n c o n t r e u s e m e n t coïncidé avec la substitution de la pier- raille, a u x blocs, qui fut faite e n t r e les altitude? 1.523 et 1.537 m . suffit, semble-t-il, à expliquer la t e x t u r e irrationnellement poreuse — spongieuse m ê m e — du béton relevée, en diiférents points des contreforts (Voir 2e partie, c h a p . I I § B ) .

Préparation des mélanges. — Ajoutons encore q u ' i n d é - p e n d a m m e n t de leur dosage « à l'œil », le mélange de ces m a t é - r i a u x é t a i t .effectué e n t i è r e m e n t à la main, a u c u n e bétonnière ne p a r u t jamais sur ces chantiers, ce qui n ' é t a i t p a s fait p o u r relever la qualité des p r o d u i t s mis en œ u v r e . Aussi, la r é s u l t a n t e de cet ensemble de circonstances défavorables est-elle encore s u r a b o n d a m m e n t imprimée sur les vestiges de l'ouvrage, qui t é m o i g n e n t de b é t o n s sans consistance d'où émergent en m a i n t s endroits, de grandes longueurs d'aciers sans la m o i n d r e t r a c e d'adhérence de mortier e t aussi lisses q u ' a u sortir de la forge ; b é t o n s m a l p r é p a r é s et mis en œ u v r e plus m a l encore, d a n s les- quels on r e n c o n t r e , à côté de vides n o m b r e u x , de véritables blocs de m o r t i e r sans a u c u n e pierre, à côté de t a s de pierres sans la m o i n d r e parcelle de mortier, et j u s q u ' à des p l a t e a u x et p o t e a u x de bois entiers, laissés dans le béton au cours des transformations d'échafaudages et coffrages !

4) E X É C U T I O N D E S F O U I L L E S

Les témoins, constitués t a n t par l ' o u v e r t u r e de la brèche que p a r les vestiges de l'ouvrage demeurés debout, —

s e m b l a n t a t t e s t e r d'une méconnaissance — ou d'une inobser- v a t i o n — p a r t r o p scandaleuse des principes les plus élé- m e n t a i r e s de la technique constructive, spécialement dans l'émergence des roches lisses sur lesquelles reposait le sou- b a s s e m e n t , les e x p e r t s ont, u n i n s t a n t , p e u r élucider ce point capital de l'assiette de l'ouvrage, pensé à faire démolir ce qui subsistait de manière à m e t t r e à nu le t e r r a i n de fondation.

Mais, les intempéries, p e r m a n e n t e s en cette saison d'hiver, e t aussi (surtout, devrait-on dire), la dépense à engager p o u r m e n e r à bien cette opération, fort i m p o r t a n t e , conduisirent à lui en s u b s t i t u e r une a u t r e , beaucoup plus rapide et économique, quoique à peine moins précise.

E n l'occurence, cette opération consista à déterrer le pied des massifs r e p o s a n t directement sur le t e r r a i n et à relever ensuite, aussi rigoureusement que possible, les affleurements de la m a ç o n - nerie demeurée en place, p o u r en pouvoir confronter les profils avec ceux du projet présenté au Génie civil.

D a n s l'ensemble, cette confrontation m o n t r e que les dessins de ce projet représentaient assez e x a c t e m e n t la situation de fait, créée p a r l'édification du b a r r a g e ; mais, p a r contre, l ' e n q u ê t e n ' a p u recueillir a u c u n e donnée bien précise t o u c h a n t le caractère géométrique ou irrégulier, de l'assiette donnée a u x fondations.

Les déclarations sont imprécises ou divergentes, sauf toutefois en ce qui concerne le procédé de liaison de l'ouvrage à la roche constitué p a r u n quadrillage de p e t i t s p u i t s inégalement d i s t a n t s (de 1 à 2 mètres) e t dimensionnés (diamètre : 0 m . 30 à 0 m . 50, profondeur : 0 m . 50 à 1 mètre), destinés, semble-t-il, a u t a n t à faciliter et activer la prise du ciment q u ' à créer des sortes d'épis, ou chandelles, susceptibles de renforcer la liaison, en p a r a n t au glissement, et s u r t o u t à éviter d e p r a t i q u e r les habituelles t r a n - chées d ' e n c a s t r e m e n t d a n s la roche (1).

(1) Pratiques à l'aide de p é t a r d s et répartis, dit Angelo Ali- prandi, « à la demande des aspérités et cavités de la roche » c'est- à-dire entièrement « à l'œil »..., et l'on sait ce que signifie cette expression sur des chantiers aussi dépourvus de surveillance que ceux dont il s'agit.

C'est clans ces puits qu'étaient scellées les broches de liaison encore visibles sur les photos ( № 21).

(7)

Q u a n t au nettoyage et au décapage de la roche a y a n t ces forages il a été des plus r u d i m e n t a i r e s et. « esquivé » en m a i n t s endroits. Le mineur Piccini A n t o n i o dit t e x t u e l l e m e n t : « Chargé

« de p r a t i q u e r des sondages dans la partie inférieure du soubas-

« sèment, j ' a i pu constater q u ' e n certains p o i n t s l'ouvrage repo-

« sait sur un lit d'argile et de sable... J e m e souviens n e t t e m e n t

<; d'avoir sorti de dessous la maçonnerie des pelletées de sable

« et de terre végétale ». E t B e n d o t t i Lazzaro précise encore :

« J ' é t a i s présent p a r m i l'équipe c o m m a n d é e p o u r préparer l'as- k sictte de l'ouvrage dans le fond de la gorge. L a roche fut n e t -

« toyée et lavée. P o u r t a n t , en certains endroits, cela fut impos-

* sible, car nous r e n c o n t r â m e s des poches assez profondes, (> certaines remplies de terre végétale, les a u t r e s de boue. Des

« sacs de ciment p u r y furent jetés, mais a u c u n e t r a n c h é e ne

« fut ouverte au fond du thalweg ; c'est un peu plus h a u t , scule-

« ment, que fut pratiquée, à la mine, un peu de décapage, de h profondeur généralement croissante avec l'altitude, mais j a m a i s

bien profondément malgré t o u t . »

Ainsi, des dépositions des témoins, comme des relevés effectués et des constatations faites p a r les experts, il résulte que le sou- 'bassement de l'ouvrage reposait bien sur la roche saine en place,

mais que la préparation de cette dernière a v a i t été c o m p l è t e m e n t insuffisante, t a n t en ce qui concerne son n e t t o y a g e que son déra- sement en redans géométriques, qui n ' a pu être établi.

Or, sur des fondations pareillement traitées, les ingénieurs Talenti et Balsamo affirment avoir vu exécuter les maçonneries suivant des plans inclinés vers l'aval... On p e u t donc affirmer dès m a i n t e n a n t q u ' i n d é p e n d a m m e n t des a u t r e s vices de construction ou de conception, qu'il p o u v a i t présenter p a r ailleurs, l'ouvrage c o m p o r t a n t un soubassement établi d a n s ces conditions m a n - quait, p o u r le moins, de l'assiette irréprochable»qu'cxigent régu- lièrement les b a r r a g e s à arches multiples (1) pour être écono- miques e t sûrs.

V. Examen critique des conditions de stabilité.

E t a n t désormais établies les conditions d a n s lesquelles et selon lesquelles l'ouvrage a été conçu, édifié, et s'est r o m p u , il nous reste à étudier, m a i n t e n a n t , celles dans lesquelles il se devait trouver, au m o m e n t de sa r u p t u r e , d'après les précédentes con- ceptions et édification, eu égard à la résistance et à la stabilité qui en devaient ou a u r a i e n t dû n o r m a l e m e n t découler.

P o u r cela il faut nous reporter a u x calculs du projet, déjà exposés dans la lr e p a r t i e de cette étude, et bien souligner la distinction qui s'impose e n t r e ses 3 principales p a r t i e s consécu- tives : soubassement, contreforts et voûtes (2).

Voûtes. — L e calcul des voûtes, exposé p r é c é d e m m e n t ( lr e partie, c h a p . I I I , § A) ne présente rien que de satisfaisant, m ê m e après substitution du poids spécifique a u réel. Nous ne nous y arrêterons donc pas, é t a n t , du reste, suffisamment établi cpie les conditions de ces dernières ne p r é s e n t e n t q u ' u n intérêt secon- daire, puisqu'il est avéré que les contreforts o n t cédé les premiers.

Contreforts — A premier e x a m e n , l'épure de stabilité (fig. 14, lr e partie), ne présente aucune particularité bien m a r - q u a n t e : les compressions verticales é t a n t r e l a t i v e m e n t réduites et la courbe des pressions d e m e u r a n t c o n s t a m m e n t dans le tiers central, avec une b o n n e m a r g e p o u r les sous-pressions (3).

(Í) Voir, à ce sujet, notre étude publiée dans ces colonnes (La Houille Blanche, № 63-6 1).

(2) E n a d o p t a n t , toutefois, pour densités, celles ci-dessus éta- blies au cours des épreuves, c'est-à-dire, en chiffres ronds : 2.200 ki- logs pour les contreforts et 2.300 kilogs pour les voûtes et le sou- bassement.

(3) D'ordinaire négligeables, de par le t y p e même d'ouvrage.

N é a n m o i n s , pour indispensable que soit cette épure, nous ne saurions affirmer — bien au contraire. — qu'elle doit être tenue p o u r suffisante ; et, en t o u t é t a t de cause, on p e u t affirmer qu'en pareil cas il est, p o u r le moins, désirable ( o p p o r t u n m ê m e ) de déter- miner, en plusieurs points, é v i d e m m e n t choisis p a r m i les plus i m p o r t a n t s , la valeur et le sens des efforts principaux y solli- c i t a n t l'ouvrage. C'est ce que nous avons essayé de l'aire, en nous a i d a n t du cercle de Mohr (1).

Pig. 20 bis.— Cercle de Möhr

Sur le p a r e m e n t a m o n t , cette d é t e r m i n a t i o n est facile puis- qu'on connaît les éléments nécessaires p o u r t r a c e r ce cercle, c'est-à-dire : les directions des efforts, la pression h y d r o s t a t i q u e (rapportée à l ' é p a i s s e u r ' d u contrefort), et la compression v e r t i - cale donnée p a r l'épure. L a construction p e r m e t de constater que l'effort principal (<j) est une t r a c t i o n , qui se p e r p é t u e , du reste, sur près des 2/3 du p a r e m e n t .

(1) Cette construction, dont l'usage t e n d à se répandre, p e r m e t de représenter facilement les variations des efforts, normal et tangentiel, (O) et (O'), a u t o u r d'un point quelconque d'un solide considéré comme élastique, selon l'orientation de l'élément super- ficiel considéré, é t a n t toujours entendu qu'il s'agit d'un équilibre plan.

(o-j) et (<72) représentant les efforts principaux — de valeurs m a x i m u m et minimum — afférents au point considéré, si l'on appelle 6 l'angle du plan de l'élément superficiel (da) considéré avec celui de la direction correspondant à (o^), on a :

j a ^ Z L ± £ ? -|- f L Z p cos 2 0

(1) ' r ~_

I

r i sin 2 0

\ 2

Si, sur 2 axes Aa — Aa' (fig. 20 bis), on situe, pour chaque valeur de 0, le point P , de coordonnées (a) et (a'), les formules ci-dessus indiquent q u ' a u x variations de 0 correspond un cercle, lieu du p o i n t P , dont le centre, o , est sur Ao-, a y a n t pour abscisse.

îj—— pour rayon g l "2 , et coupant l'axe Au a u x points B et D d'abscisses respectives (o^) et (<72)..

L'angle D O P é t a n t égal à 2 0, si l'on prend pour axe des (a') le demi-axe D«, de sens positif, comme A<r' l'angle PD«, compté positivement dans le q u a d r a n t supérieur de droite, représente l'angle 0. Dès lors, la oonstruction — dite « cercle de Môhr — p e r m e t de déterminer facilement, en p a r t a n t des efforts princi- p a u x (o-i) et (<r2), les valeurs algébriques des efforts AC — a, CP = s', pour une orientation de plan, faisant, avec la direction principale m a x i m u m l'angle (0). L'effort qui en résulte est repré- senté p a r A P =- a - j - u'.

Observations. — Si, par hasard, il arrivait q u ' u n des 2 efforts principaux soit nul (soit <r2) le point A serait ramené en D, et alors les triangles D P B et D P C donneraient :

(8)

LA HOUILLE BLANCHE 181 E n ce qui concerne le p a r e m e n t aval, bien que cette construc-

tion auxiliaire soit moins facile, on p e u t néanmoins, connaissant encore les directions principales, déterminer le cercle des actions moléculaires, mais, p o u r n ' i m p o r t e quel p o i n t de l'intérieur du contrefort, on doit, t o u t d ' a b o r d , d é t e r m i n e r la valeur des efforts (a) et (Y) (1).

• Enfin, lorsqu'un un point quelconque, 3 des efforts sont connus, les directions et valeurs des efforts p r i n c i p a u x p e u v e n t être facilement déterminées, et ce aussi bien a n a l y f i q u e m e n t que

—I

- r- * t

Fig. 21 — Stabilité d'un contrefort vérifiée au cercle de Môlir

L É G E N D E :

<r = Efforts de compression ou d'ex- Ç = Angle de frottement, tension. avec lg y = 0 . 7 5 . c = Compressions. r — Cisaillement partiel, non compcii-

<•' = Extensions. s é par le frottement, .s* = Cisaillement complémentaire, partiel.

D P = BD sin P B D = s, sin 0

G = DC = D P sin DPC = D P sin 0 = ay sin2 0.

Enfin, il peut encore arriver qu'on ne connaisse pas les efforts (o-J — (<r2). Il suffit alors, pour établir la construction, de con- naître les 3 efforts

(<r

x

) — O

y

) •— (ff'xy)

relatifs à

Tf

Les 2 directions

" 2 '

— o-'xy) et

car on doit orthogonales correspondant a u x angles (0) et V = 0

points déterminatifs de ces 2 directions = P (<rx P ' (o-y -— o-'xy) sont opposés sur un même diamètre avoir : P ' D » — «DP = — ;

et il s'ensuit que l'angle P D P ' est droit.

A y a n t donc situé les points (M) et (M') — d'ordonnées connues—

en les joignant p a r la droite MM', l'intersection (O) de cette droite avec Ab déterminera "le centre du cercle de Möhr, a y a n t pour rayon O P = O P ' .

(1) a = efEort normal ;

a' = effort tangentiel a u t o u r d'un point d'un solide élastique, suivant l'orientation de l'élément superficiel (d a) considéré à l'entour.

E t a n t donné que la somme des efforts (V) le long d'une section doit être égale à l'effort t r a n c h a n t , et que (V) est connu a u x 2 extrémités, la règle de Simpson permet de déterminer les valeurs intermédiaires.

P o u r les efforts (<r) les conditions d'équilibre d'un parallélipipède de dimensions respectives horizontales et verticales (dx) et (dy) p e r m e t t e n t d'écrire : ~ - = — , égalité d'où l'on tire, alors, toutes les valeurs désirées de (a) en commençant p a r le p a r e m e n t .

g r a p h i q u e m e n t , au moyen du cercle de Môhr. C'est ce qui a été fait sur la figure ci-contre (fig. 21), en se b a s a n t sur l ' h y p o t h è s e de Navier (1).

Ce g r a p h i q u e établit que, alors que sur le p a r e m e n t aval l'effort m a x i m u m de compression agit au pied du contrefort, parallèle- m e n t au dit p a r e m e n t , avec u n e valeur inférieure à 10 kgs/em2, je long du p a r e m e n t a m o n t , cet effort agit n o r m a l e m e n t au p a r e - m e n t avec, pour valeur, celle de la pression h y d r o s t a t i q u e reportée sur le contrefort considéré p a r les deux demi-voûtes qu'il s u p p o r t e .

L'effort principal, de sens normal au précédent, est nul sur le p a r e m e n t aval, mais, le long de son opposé, il se t r a d u i t p a r une t r a c t i o n d'environ 2 k g s / c m2. Cette c o n s t a t a t i o n p e u t p a r a î t r e bizarre, — é t a n t établi s u r t o u t que la courbe des pressions ne sort pas du tiers central, — mais elle n'est pas faite, cependant, p o u r surprendre outre mesure, a t t e n d u que, si l'on envisageait des sections obliques — au lieu et pla¿e des sections horizontales habituelle^ —- on s'apercevrait i n c o n t i n e n t , que cette r é s u l t a n t e passe en dehors de ce tiers c e n t r a l (2). Il s'ensuit, du côté de la surcharge des efforts de traction, dûs au m o m e n t fléchissant qui en découle, mais qui p e u v e n t , p o u r t a n t , être équilibrés p a r ceux de compression dûs au poids propre de l'ouvrage : il suffit p o u r cela d'en redresser le p a r e m e n t a m o n t .

Ces efforts principaux, de t r a c t i o n et de compression, ont é t é représentés g r a p h i q u e m e n t sur l'épure ci-dessous (fig. 22) pour les

Fig. 22. — Graphique des efforts principaux sollicitant les contreforts.

L É G E N D E :

= Kdurls de compression on d'ex- ç = Angle de frottement, tension. avec Ig s =- 0 . 7 5 .

c — Compressions. f — Cisaillement partie), non compen- e - E x t e n s i o n s . se par le frottement.

« — Cisaillement complémentaire, partiel.

2 sections de base de l'ouvrage. D e la consultation de cette é p u r e - on p e u t déduire que le contrefort ne s'est p a s r o m p u p a r écrase- m e n t , e t q u e , p o u r a n o r m a u x qu'ils fussent, les efforts de t r a c - (1) Pas absolument rigoureuse, ainsi qu'on le sait, pour des profils semblables, mais d o n n a n t néanmoins des résultats très suffisamment approchés pour être acceptables.

( 2 ) Cette anomalie est s u r t o u t rendue, tangible si l'on considère que le contrefort est soumis à une pression répartie t o u t le long du parement, et. appuyé principalement au pied, en son extrémité aval.

(9)

tion étaient d'une valeur si faible qu'ils ne p o u v a i e n t matériel- l e m e n t pas p r o v o q u e r la r u p t u r e , à e u x seuls, au m o i n s directe- m e n t . Voyons m a i n t e n a n t quels ont bien pu être les effets des efforts de cisaillement.

L ' é p u r e ci-dessous (fig. 23), sur laquelle est représenté le cisail- l e m e n t horizontal, qui ne dépasse pas 5 kgs/cm2, indique q u ' u n e compression agit en môme t e m p s sur chaque section. Or, il est facile de se r e n d r e compte que cette compression d é t e r m i n e r a i t un f r o t t e m e n t susceptible de conférer à l'ouvrage u n e certaine résistance si l'on suppose seulement une simple fissure d a n s le plan q u ' o n envisage.

.!<—: 30JO Fig. 2 3 . — E t u d e du glissement des contreforts.

L É G E N D E : f-A'i — Surfaces probables de glissement.

-= G'.issemî i t , suivant les directions g-g„ non compensé par le frottement.

Il devient, p a r suite, o p p o r t u n de rechercher dans quelles conditions le f r o t t e m e n t p o u r r a i t être é v e n t u e l l e m e n t équilibré p a r l'effort de cisaillement, e t si l'on a d o p t e un angle de frotte- m e n t de tg = 0,75 (comme c'est le cas sur la figure 21) on p e u t

à loisir, constater que le cisaillement n o n équilibré p a r le frotte- m e n t est m a x i m u m d a n s u n plan différent de celui où le cisail- l e m e n t est m a x i m u m et incliné de 45° sur les directions princi- pales : ces. p l a n s é t a n t indiqués sur le g r a p h i q u e p a r leurs traces (<?) - (fh) (1).

Le cisaillement non équilibré p a r le f r o t t e m e n t — donc « en excès » —, qui p e u t a t t e i n d r e 2 -f 3 kgs/cm2, croît a v e c la péné- t r a t i o n dans l'intérieur du cercle de Mohr de l'origine def efforts, ainsi que l'indiquent les g r a p h i q u e s ci-contre (fig. 24-25). Cela revient à dire que le cisaillement, qui croît avec la t r a c t i o n , p e u t être évité (fig. 25)' si cette fatigue demeure de la compression ; d'où ressort l'intérêt capital qu'il y a à éviter t o u t effort de t r a c - tion dans le contrefort p l u t ô t q u ' à le faire s u p p o r t e r par une a r m a t u r e spéciale, ainsi que la t e n t a t i o n y incite t r o p souvent (2).

(1) Avec un autre coefficient de frottement les plans de glisse- m e n t probable pourront différer quelque peu des précédents, mais leur direction demeurera très sensiblement la même.

(2) R é s u l t a t qu'on obtient facilement en redressant le parement amont de l'ouvrage.

D a n s le cas qui nous occupe, cet « excès » de 2 3 k g s / c m2 a c e r t a i n e m e n t dépassé, la limite de résistance d'un béton d o n t la m a u v a i s e qualité est s u r a b o n d a m m e n t établie e t l'examen des photographies (spécialement de la p h o t o № 26, qui représente le contrefort № 14, resté d e b o u t p a r miracle), atteste bien que la rupture s'est produite suivant l'un des 2 plans de glissement indi- qués sur l'épure (fig. 23) pour différents p o i n t s du contrefort p a r leurs traces (g) - - (r/,) faisant e n t r e eux un angle d'environ 50° (1).

Soubassement. — E t a n t rappelé l'excentricité des courbes d ' i m p l a n t a t i o n e n t r e le c o u r o n n e m e n t et la base des contreforts (socles), de m ê m e que l ' e x a c t i t u d e p r o b a b l e (déterminée p a r les relevés topographiques des vestiges de l'ouvrage) de l a configu- r a t i o n du rocher indiquée p a r les profils en t r a v e r s du p r o j e t d'exécution, la vérification du c o m p o r t e m e n t s t a t i q u e du sou- b a s s e m e n t , sous l'influence des contreforts qu'il s u p p o r t a i t , a été effectuée s é p a r é m e n t p o u r chacune des sections verticales du massif situées au plus profond de la vallée, là où le d a n g e r p o u v a i t être m a x i m u m , c'est-à-dire au droit des c o n t r e f o r t s ' Nœ 18, 19 et 20.

Contrefort AT° 20. — L a vérification a été faite de 2 façons différentes : d'abord en s u p p o s a n t le massif rocheux E F G I I 1 ) (fig. 26 A) comme, faisant p a r t i e i n t é g r a n t e du massif de soubas- s e m e n t , d o n t elle complète le profil n o r m a l ABCD.

L a r é s u l t a n t e (1) -des pressions transmises au s o u b a s s e m e n t p a r le contrefort composée d ' u n e p a r t avec les pressions h y d r o - s t a t i q u e s agissant en (2) et (3), d ' a u t r e p a r t avec le poids du massif (4) d a n s la section considérée, d o n n e la r é s u l t a n t e finale (5) qui, répartie t r i a n g u l a i r e m e n t (à l'exclusion, toutefois, des efforts de traction) sur la base CO, du profil n o r m a l ABCD, d o n n e une répartition de pressions représentée ci-dessus (fig. 26 A) e t d o n t résulte que la pression m a x i m u m sur l'arête aval du socle est de 13,4 kgs/cm2, si l'on néglige l'affaissement découlant de la galerie de v i d a n g e .

Fig. 24-25 — Analyse des efforts de cisaillement par le cercle de Möhr.

M a i n t e n a n t , pour avoir une idée du degré de rationalité de l'hypothèse ci-dessus, séparons du profil n o r m a l t h é o r i q u e la p a r t i e A I H D et voyons au p r i x de quels efforts d a n s la section I H elle collabore avec la reste du massif.

Composant son poids propre (11) avec les pressions (2) (3) et (12) (*) on obtient la r é s u l t a n t e (13) aussi inclinée q u ' e x c e n t r i q u e p a r r a p p o r t à la section I I I et susceptible de tendre très facile- m e n t à p r o v o q u e r un « décollement » e n t r e les 2 parties, avec, en I, u n Iézardemenf probable, effets qui concorderaient avec

(1) Ces 2 directions dont la dernière (g^) est sensiblement ver- ticale, sont n e t t e m e n t reconnaissables sur la photo 26.

(*) Cette dernière n ' é t a n t a u t r e qufc la résultante de la partie xg du diaphragme des réactions de base.

(10)

LA H O U I L L E BLANCHE 183 ceux dûs a u x el'l'orts de traction constatés sur le p a r e m e n t a m o n t

du contrefort. Il est donc, p a r conséquent, plus p r o b a b l e que corresponde à la réalité une vérification c o m p o r t a n t rescinde- m e n t de la p a r t i e A I H D f o r m a n t « coin » ; e t cette seconde véri- fication est également indiquée sur l'épure (fig. 26 A).

L a r é s u l t a n t e (1), p r o v e n a n t du contrefort, composée avec le poids propre (6) de la p a r t i e de soubassement I B H C qui subsiste après r e s c i n d e m e n t du « coin », d o n n e la nouvelle r é s u l t a n t e (7), peu différente de celle envisagée p a r considération de la pyra- mide de r u p t u r e et qui, r é p a r t i e sur la base HC, produit, en C, la pression unitaire m a x i m u m de 15,6 kgs/cm2, v r a i m e n t peu faite p o u r m e t t r e à l'épreuve des maçonneries du genre de celles analysées ci-detsus... Mais d ' a u t r e s circonstances encore, expo- sées ci-après, sont intervenues p o u r aggraver le régime s t a t i q u e

CONTREFORT № 20

KOTA.— l.e plan est identique pour les 3 contreforts représentés, avec c e t t e sente uMlïérence une, pour le contrefort 18, la liylue o. a est reportée en bb.

Fig. 26 (A-B-C).— Vérification de la stabilité du sot situés au droit de la plus g!

e t sous l'influence des charges supportées, des t a s s e m e n t s suc- cessifs qui ont rencontré sur l'émergeance rocheuse E F G un obstacle des plus rigide — on p o u r r a i t m ê m e dire « absolu » — à leur transmission, il est indubitable q u ' u n des d e u x faits sui- v a n t s doit être survenu :

Ou la maçonnerie a été suffisammant solide p o u r d e m e u r e r homogène malgré la concentration des réactions sur cet obstacle rocheux, et alors cette concentration a déplacé vers l'aval l'action normale des forces, accroissant fatalement, de ce chef, les pres- sions spécifiques dans le p a r e m e n t ;

Ou (plus p r o b a b l e m e n t sans doute) la maçonnerie, t r è s faible- m e n t liée, ainsi q u ' o n l'a vu, a cédé et la section A I H D s'est séparée de la section normale (1).

CONTREFORT № 1 9

CONTREFORT N" 18

ibassement sous les trois contreforts no s 18, 19 et 20,

•ande h a u t e u r de l'ouvrage.

défavorable d a n s lequel se t r o u v a i t l'ouvrage, en son soubas- s e m e n t .

P a r m i ces circonstances, on p e u t placer au 1e r r a n g l'existence de la galerie de v i d a n g e dans la partie analysée, existence qui a déterminé d a n s cette zone un élégissement [de la maçonnerie a c c e n t u a n t l'inclinaison de la r é s u l t a n t e et a u g m e n t a n t ainsi la pression spécifique sur la base, au droit des piédroits de la galerie ; avec, p o u r a g g r a v a t i o n , la mise à nu, sous la v o û t e , du rocher lisse, c o n s t i t u a n t p a r endroits, à la galerie, des piédroits naturels mal liés a u x parties maçonnées et n u l l e m e n t p r é m u n i s contre les é b o u l e m e n t s éventuels p o u v a n t provenir t a n t de l'excessive déclivité transversale de la roche que d ' u n e concentration exces- sive de pressions sur ses « glissants ».

D ' a u t r e p a r t , la masse du soubassement d e v a n t avoir subi, au moins a u t a n t q u ' a u c u n e a u t r e maçonnerie du même t y p e ,

Enfin, conséquence inévitable des circonstances sus-exposêes;

sous l'influence des fortes pressions h y d r o s t a t i q u e s s u p p o r t é e s p a r ce massif l'eau s'est f a t a l e m e n t infiltrée d a n s le soubasse- m e n t (2) e t a t r o u v é u n chemin particulièrement favorable le long du « glissant » rocheux F G H . Dès lors, si l'on imagine, agissant le long de cette surface de liaison, e t avec une i n t e n s i t é égale à la pression h y d r o s t a t i q u e agissant en X , une sous-pres- sion représentée p a r les forces (8) et (9), cette sous-pression, corn-

ai) La tendance a u x fissurations, dont il a déjà été parlé, a y a n t évidemment constitué u n i m p o r t a n t facteur a d j u v a n t dans la réalisation de ce « décollement ».

(2) Témoin les pertes i m p o r t a n t e s recueillies en aval de l'ou- vrage, et sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir au c h a - pitre V I .

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