Revue de Pneumologie clinique (2017) 73, 151—161
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LETTRES À LA RÉDACTION
Atteinte thoracique d’un myélome multiple (MM) à chaînes légères : entité rare (à propos d’un cas)
Thoracic involvement of multiple myeloma (MM) with light chains: Rare entity (about a case)
Mots clés Myélome multiple ; Chaînes légères ; Entité rare
Keywords Multiple myeloma; Light chains; Rare entity Introduction
Le myélome est une hémopathie lymphoïde maligne de la lignée B, de cause inconnue, définie par l’association d’une prolifération de plasmocytes tumoraux et de la sécrétion d’une immunoglobuline monoclonale [1]. Le myélome mul- tiple (MM) à chaînes légères représente seulement 10 % à 15 % des MM [2]. Les atteintes thoraciques sont dominées par les lésions lytiques costales et sternales, une masse tis- sulaire pariétale, plus rarement une pleurésie exsudative.
Observation
Nous rapportons l’observation d’une patiente âgée de 56 ans, sans habitudes toxiques et sans antécédents patho- logiques particuliers. Le début de la symptomatologie remonte à 3 mois, par l’installation progressive d’une toux sèche, d’une dyspnée d’effort, de douleurs basitho- raciques droites à type de brûlure sans irradiation, dans un contexte de sueurs nocturnes, de sensations fébriles et de léger fléchissement de l’état général. L’examen clinique a trouvé une patiente en bon état général, stable sur le plan hémodynamique et respiratoire. Le labstix a trouvé une pro- téinurie à une croix. L’examen pleuropulmonaire a trouvé une circulation veineuse collatérale de l’hémithorax droit, une tuméfaction douloureuse sans signes inflammatoires en regard dans la région moyenne et postérieure en regard de la huitième et neuvième côte de l’hémithorax droit (Fig. 1). La radio de thorax a montré une opacité à projection hilo-sous- hilaire droite et une opacité à projection hilo-axillaire droite (Fig. 1). La TDM thoracique a objectivé un double proces- sus tissulaire postérieur, le premier envahissant la gouttière costovertébrale et le second envahissant la paroi thoracique avec lyse costale en regard (Fig. 2).
Le bilan biologique a révélé un syndrome inflammatoire important avec une vitesse de sédimentation (VS) à 126 mm à la 1
reheure et une anémie normochrome normocytaire, un taux de calcémie élevée, une fonction rénale normale.
Figure 1. Radio thorax (face) le 20/01/2015.
La bronchoscopie souple a trouvé une inflammation à la limite du 3
edegré diffuse, sans tumeur visible. Le myélo- gramme a objectivé la présence de 28 % de plasmocytes dystrophiques, l’électrophorèse des protéines une hyper- gammaglobulinémie à 35 g/L avec un pic monoclonal des chaînes légères et une protéinurie de Bence Jones a trouvé une gammapathie monoclonale des chaînes légères lambda (16 g/24 h). La ponction biopsie transpariétale scanoguidée de la masse postérieure a trouvé une prolifération tumo- rale à différenciation plasmocytaire évoquant un myélome, l’immunohistochimie a objectivé des chaînes légères lambda et montré l’expression diffuse du CD138 attestant de la nature plasmocytaire de la prolifération. Au total, l’aspect morphologique et immunohistochimique est en faveur d’un myélome à chaîne légère lambda, stade III selon la classi- fication de Durie et Salmon, dont la survie médiane est de 29 mois. La patiente a rec ¸u des cures de chimiothérapie avec bonne évolution clinique et radiologique au début du traitement, on a noté une diminution du volume de la tumé- faction thoracique droite ainsi que des douleurs ressenties par la patiente.
Discussion
Les myélomes multiples à chaîne légère pourraient repré-
senter jusqu’à 15 % des MM [2]. On parle de myélome à
chaînes légères lorsque le plasmocyte anormal ne fabrique
que des chaînes légères d’anticorps [3]. Dans une étude
de la Mayo Clinic portant sur 1027 patients, 2 % avaient
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Figure 2. TDM thoracique (fenêtre médiastinale : double processus).
moins de 40 ans et 38 % avaient 70 ans ou plus.
L’immunoélectrophorèse a montré une protéine monoclo- nale dans 93 % des cas. Une chaîne légère monoclonale a été trouvée dans l’urine dans 78 % des cas. Le myélome non sécrétoire a été retrouvé chez 3 % des patients alors que le myélome léger était présent dans 20 % des cas. Les radiogra- phies conventionnelles ont montré une anomalie dans 79 % des cas [4].
Les atteintes spécifiques intrathoraciques, relèvent soit d’infiltrations plasmocytaires parenchymateuses, médiasti- nales ou pleurales, soit à d’affections pulmonaires liées à un dépôt de substances anormales. Certaines études ont montré une proportion plus élevée d’atteintes thora- ciques dans les MM à chaîne légère, principalement à type d’épanchements pleuraux [5]. L’atteinte thoracique dans le cas rapporté de MM à chaînes légères est à type d’un double processus tissulaire postérieur envahissant la gouttière cos- tovertébrale et un processus tissulaire envahissant la paroi thoracique avec lyse costale en regard.
L’anémie, l’hypercalcémie et l’insuffisance rénale sont avec le taux d’immunoglobuline monoclonale les paramètres biologiques majeurs de la maladie [4]. Concernant la protéi- nurie de Bence Jones (PBJ), elle a rarement été rapportée dans la littérature, sauf dans l’étude de Blade et Kyle qui a trouvé une PBJ chez 5 patients sur 10 [6]. Elle était positive dans le cas étudié.
L’étude menée dans la clinique de Mayo a révélé une insuffisance rénale et une hypercalcémie chez 29 % des 72 patients. Contrairement à d’autres études plus récentes qui n’ont trouvé aucun cas d’insuffisance rénale, d’hypercalcémie ou de tout autre déséquilibre électroly- tique, ce qui rejoint le cas rapporté [7]. Le traitement des patients atteints de MM à chaînes légères n’est pas différent chez les sujets âgés. Chez les sujets âgés, la chi- miothérapie utilisée est alkéran—prednisone—thalidomide [8]. Dans le cas rapporté, la patiente a rec ¸u l’association alkéran—prednisone—thalidomide avec bonne réponse au traitement.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références
[1] Uzunhan Y, Cadranel J, Boissel N, Gardin C, Arnulf B, Bergeron A. Lung involvement in lymphoid and lympho-plasmocytic proli- ferations (except lymphomas). Rev Mal Respir 2010;27:599—610.
[2] Kyle RA, Larson DR, Therneau TM, Dispenzieri A, Melton 3rd JL, Benson JT, et al. Clinical course of light-chain smoulde- ring multiple myeloma (idiopathic Bence Jones proteinuria): a retrospective cohort study. Lancet Haematol 2014;1:28—36.
[3] Bridoux F, Leung N, Hutchison CA, Touchard G, Sethi S, Fer- mand JP, et al. Diagnosis of monoclonal gammapathie of renal significance. Kidney Int 2015;87:698—711.
[4] Kyle RA, Gertz MA, Witziq TE, Lust JA, Lacy MQ, Dispensieri A, et al. Review of 1027 patients with newly diagnosed multiple myeloma. Mayo Clin Proc 2003;78:21—33.
[5] Richter S, Makovisky J. Case report: amyloid tumors in a case of non-secretory multiple myeloma. Acta Histochem 2006;108:221—6.
[6] Blade J, Kyle RA. Multiple myeloma in young patients: cli- nical presentation and treatment approach. Leuk Lymphoma 1998;30:493—501.
[7] Blade J, Kyle RA, Greipp PR. Presenting features and prognosis in 72 patients with multiple myeloma who were younger than 40 years. Br J Haematol 1996;93:345—51.
[8] Rajkumar SV, Gertz MA, Kyle RA, Greipp PR, Mayo Clinic Mye- loma Amyloid and Dysproteinemia Group. Current therapy for multiple myeloma. Mayo Clinic Proc 2002;77:813—22.
B. Benkirane
∗, H. Jabri , W. ElKhattabi , H. Afif Hôpital 20-Août, CHU ibn Rochd, 6, rue Lahssen Elaarjoun, quartier des Hopitaux, 20360 Casablanca, Maroc
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