HAL Id: jpa-00233425
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Propriétés calorifiques et thermiques des hydrogènes
lourd et léger aux basses températures
A. Eucken
To cite this version:
LE
JOURNAL
DE
PHYSIQUE
ET
LE RADIUM
PROPRIÉTÉS CALORIFIQUES
ETTHERMIQUES
DESHYDROGÈNES
LOURD ETLÉGER
AUX BASSES
TEMPÉRATURES
Par A. EUCKEN.
Directeur de l’Institut
physico-chimique
deGöttingen (1).
Sommaire. 2014 Après avoir brièvement indiqué les installations du laboratoire du froid à Goettingen,
on décrit quelques appareils nouveaux utilisés pour la mesure des chaleurs spécifiques et d’autres propriétés
thermodynamiques de l’hydrogène gazeux, liquide et solide. On résume ensuite les résultats obtenus pour la chaleur de rotation de H2, HD et D2. On expose finalement les propriétés caloriques et thermiques
de H2 et D2 liquides et solides déterminées jusqu’à maintenant; on peut démontrer que les différences consi-dérables des propriétés des deux isotopes s’expliquent par l’existence des vibrations au point zéro des
molécules, qui sont relativement intenses et largement anharmoniques.
SÉRIE VII.
TOME VII.
l~° 7. JUILLET1936.
C’est pour moi un honneur tout
particulier
depou-voir
parler
un peu des travaux de mon Institut dansla
capitale
d’un paysauquel
sont dus les fondements essentiels de mascience,
la chimiephysique,
etqui,
aujourd’hui
encore, en cedomaine,
est de ceuxqui
tracent la voie.
Je me suis
proposé
pour but de faire étudier dansmon Institut divers domaines de la chimie
physique.
Mais
puisque j’ai aujourd’hui
l’honneur de vousrésu-mer
quelques-uns
de nostravaux,
je
dois, évidemment,
me limiter à un thèmefixe,
etje
voudrais alors-d’accord avec M. votre Président - exposer les ré-sultats de
quelques
travaux à bassetempérature
serapportant particulièrement
auxpropriétés
calori-fiques
etthermiques
deshydrogènes
lourd etléger.
Il estpeut-être
intéressant de vousparler
d’abord,
très
brièvement,
des moyens parlesquels
nousréali-sons les basses
températures auxquelles
sont effectuéesles mesures en
question.
Je voudraissignaler,
à cepropos, que ces moyens,
comparés
à ceux d’autres instituts du froidet,
enparticulier,
du célèbre Institut du froid deLeyde,
sont relativementprimitifs.
Je dois bien avouer que, enconséquence,
notreinstallation,
àbeaucoup
depoints
de vue, nepeut
pas concurrencercelles d’autres
grands Instituts,
maisj’espère
toutefoispouvoirvous
montrerqu’elle
suffit pour résoudreexpé-rimentalement nombre de
problèmes
dans unesphère
suffisamment vaste.
La
production
du froids’obtient,
comme c’est tou-(1) Conférence faite le 20 avril 1936 devant la Société française~le Physique.
jours
l’habitude,
enpréparant
des gazliquéfiés,
d’abordde l"air
liquide,
ensuite et surtout del’hydrogène
liquide,
enfin aussi de l’héliumliquide.
Pourtant notreappareil pour
laliquéfaction
de l’hélium est rela-tivementpetit
et n’aété,
jusqu’à
maintenant,
utilisé querarement,
je
n’enparlerai
donc pasdavantage
ici d’autantplus qu’il
est sansimportance
pour lestra-vaux dont
je
voudrais rendrecompte
plus
loin,
defaçon
plus
détaillée.Nos
appareils
deliquéfaction agissent d’après
leprincipe
de Linde del’expansion isenthalpique (effet
Joule-Thomson).
Laproduction
de l’airliquide d’après
ce
procédé
est sirépandue
queje
n’ai pas besoin d’insisterdavantage
sur notre installation. Jevou-drais seulement mentionner que, chez nous, l’air est
préalablement
refroidi à environ - 25°C au moyend’une
petite
machinefrigorifique
àl’ammoniac,
cequi
élève le débit horaire d’environ 5 1 à 7 1. Comme
com-presseur, nous
employons
un modèle construit par lamaison
Hofer.
àNlühlhein,
àcinq
étages,
nécessitantune
puissance
de 15 kW et danslequel
lescylindres
sont fixés
(l’un
derrièrel’autre)
sur un axe; cecom-presseur
qui
estdéjà depuis
un certain nombred’an-nées en
service, s’est,
jusqu’à
maintenant,
avéré excel-lent à touségards.
L’expérience
montre que laliquéfaction
del’hydro-gène
rencontre des difficultés un peuplus
considé-rables que celle de l’air: cela tient surtout à ce que laplupart
dutemps,
l’hydrogène,
contenu dans des bou-teillesd’acier,
renferme depetites
quantités
d’oxy-gène
oud’air,
qui
amènent facilement une282
tion du
système.
Récemment,Kapitza
aindiqué
unetrès
(dégante
constructiond’appareil
àliquéfier
l’hy-drogène, grâce
àlaquelle
cette difficulté est surmontéedès l’abord.
Cependant,
même avec undispositif
nedifférant pas essentioB1elnentÜe
l’ordinaire,
nous avonsobtenu de bons résultats : i" 0
en
examinant,
parla ,
mesure de la conductibilité
calorifique,
lapureté
del’hydrogène
contenu danschaque
bouteille,
avant del’envoyer
àl’appareil
deliquéfaction ;
21 en ne laissantpas
l’hydrogène liquide s*évaporer
simplement
dansl’atmosphère,
au cours de nos iiiesures, mais en le ramenant d’abord dans ungazomètre
et,
delà,
en lecomprimant
de nouveau, sous hautepression,
dans des bouteillesd’acier,
au moyen du compresseur.Le compresseur fi
hydrogène, également
livré par lamaison
Hofer,
est un peuplus petit;
il a feulementquatre étages.
Dansl’appareil
àliquéfier
construit par leprofesseur
Clusius, l’hydrogène comprimé
à 160at-oosphères
est d’abord refroidi à environ 63° Kelvinau moyen d’air
liquide rigoureusement aspiré.
Le débit del’appareil
àliquéfier
est,
en fonctionnement continu(après
la mise entrain),
de 4 à 5 litresd’hy-drogène
liquide
parheure ;
la consommation d’airliquide
est d’environun litre
par litred’hydrogène
liquide.
Fig. 1. - A,
Compresspur d’air. - B, Compresseur à NII,3.
-C, Liqnéfacteur ii’;i’1-, ÓBTatYH’aLion à 111;;. - D, BoutBiHes à
H2.
2013 K, Gazomètre à H1. - F.
Compresseur à H, - Cx,
Liquéfacteur
à H:2’ - Il, P01np~ à vi le, pour aspire l’air liquide dans G.
La
première
figura
montre leplan
de notre installa-tion à airliquide
et àhydrogène liquide
(fig 1);
lesfr,iis de cette [toit ont été de l’ordre de 1 >Ù 000 ffanl’S ponr l’installation
cOlnplète.
je voudrais encore
signaler
brièvement que, cesderniers
temps,
nous avons travailléplus
d’une f.oisavec d’autres gaz
liquéfiés (azote, oxygène,
111éthane,étliylène),
dont lepoint
d’’1>iillition e~t yoisin tle celui de l’airliquide
ou lui estsupérieur.
Nous avons alors utilisé pour laliquéfaction
unappareil qui
est refroidipar
liquide;
contrairement a d’autresappareils,
le
plus
souvent t construits trèssimplement
et travail-lant avec mauvaisrendement,
le nôtre est pourvu d’unéchangeur
detempérature
(une
spirale d’Hamp
son)
gràce
auquel
le froid de l’airliquide
est utilisé presqueintrgralelnent.
Lafigure 2
indique
schémati-quement
la construction de cetappareil.
Je voudrais maintenant vous faire connaître
quel-ques
appareils
de mesurequi
ont été utilisés depré-férence pour nos
expériences
avec leshydrogènes
lourdet
léger,
maisqui
étaientdéjà
employés
enpartie
dela
luême façon
également
pour les mcsures sur d-atitrescorps.
Nous avons
particulièrement porté
notre attentionsur la détermination des chaleurs
spécifiques.
Lcprin-cipe
de la mesure est extrêmementsimple ’
on isole lecorps en
expérience
le mieuxpossible
aupoint
de vueI" i g. 2. Fi~. ~ b ‘’ ’
thermique,
en faisant t le vide autour de lui et on 1menvoie,
par le courantélectrique,
desquantités
d’éner-gie
biencléfinies;
en mêmetemps,
on suit latempéra-ture, dont la mesure la
plus
siire et laplus
exacte,d’après
notreexpérience,
s’effectue au moyen d’un thermomètre à résistance. Un certaintemps,
on a cruposséder
avec leplomb,
dont la courbetempérature-résistance est exactement
fixée,
une matière bienuti-lisable entre 10 et ~7~’ Kelvin pour de semblables
mesures due
température ;
mais il estmécaniquement
par
trop délicat,
de sorte que les fils de résistance enplomb
serompent
souventquand
on refroidit etéchauffe à
plusieurs reprises
le corps enexpérience
surlequelils
sontenroulés. C’estpourquoi
nousemployons
actuellement,
entre 10 et environ f5°Kelvin,
un genrede fil de
constantan,
dont la résistanceprésente,
danscet
intervalle,
une variation trèsrégulière
et au-dessusde 8J° le
platine ou
l’or.sont évidemment
importantes,
selonqu’ils
sont utili-sés pour la mesure de la chaleurspécifique
del’hydro
gène
gazeux, solide ouliquide.
En 1Hl~j’ai
déjà
pu montrer{1)
qu’on peut
très bien effectuer une mesurede la chaleur
spécifique
del’hydrogène
gazeuxcom-primé
par la méthode duchauffage
électrique
dans le vide. Enprincipe,
ledispositif
employé
à cetteépoque
~n’a pas eu besoin d’être
modifié,
même pour nos,mesures
plus
récentes(2);
une nouvelle améliorationseulement a été
apportée
par la mise en usage d’unmanchon
métallique
adiabatique
chauffable, lequel
entoure lerécipient
de mesureproprement dit,
enacier et d’une contenance d’environ 30 cm3. La
figure
3vous
présente
uneesquisse
del’appareil.
Je voudraismentionner encore que, dans ce cas, le fil de
chauffage
et le fil du thermomètre étaient tous deux enroulés à l’extérieur du
récipient
d’acier et y étaient fixés aumoyen d’un vernis
approprié.
Fig. 4. Fig. 5.
Pour la mesure de la chaleur
spécifique
C ,
comme dela chaleur de fusion des gaz condensés
(3), on
a utilisél’appareil esquissé
sur lafigure
4. Lerécipient
calo-rimétrique proprement
dit7~,
danslequel
le gaz enexpérience peut
être introduit par uncapillaire e
en acier ou~ en
argent
d’Allemagne (Teusilber)
corn-porte
à l’extérieur l’enroulementthermométrique
~’h,
tandis que l’enroulement
calorifique
H estplacé
àl’intérieur.
Extérieurement,
lerécipient
calorimétrique
est entouré de nouveau d’un manchon de cuivre
adia-batique
chauffable Cu,. Cequi
caractérise cetappareil,
(1) Berl. Akad. Rer., 1912, p. 141.
(2) Z Physik,. Chem., B, 1935, 29 162.
(3) Z. Physik. Che~n., 30, 237.
c’est le
récipient ~3 qui, grâce
à la soupapeV,
peut
d’abord être
reinpli
d’hydrogène
liquide.
Cethydro-gène
est solidifié paraspiration vigoureuse
etfor-tement
refroidi;
ainsi il estpossible
d’atteindre sansdifficulté une
température
d’environ 10° Kelvinqui
estcommuniquée
ensuite au corps enexpérience
par l’in-termédiare de l’héliumqui
se trouve d’abord dans lerécipient intérieur 5 2.
Pour mesurer la chaleur
spécifique
del’hydrogène
solide etliquide
à volumeconstant, it
a fallu encoreapporter
àl’appareil
quelques
modifications etcomplé-ments
(’).
Il a été surtout nécessaire de donner desparois
relativementépaisses
aurécipient
calorimé-trique proprement
dit !(a(figure
5).
Mais il n’a pas été très facile d’arriver à
remplir
complètement
d’hydrogène
solide lerécipient
calori-métrique
par lecapillaire
f~~,
sans que demeurât unespace vide. Un tel
remplissage
réussit finalementquand
nous l’avonsopéré
sous hautepression
et defaçon
totalement isotlzerme. L’isothermie fut réalisée par un manchon établi extérieurement danslequel
setrouvait de
l’hydrogène liquide
bouillant souspression
constante.
>r
Fig. Q.
Pour réaliser les mesures, outre
l’appareil
calo-rimétrique
lui-même,
diversappareils
auxiliairesétaient,
bienentendu, également
nécessaires. Je doisme borner à vous montrer ici ces
appareils
auxiliairesseulement pour un cas
typique,
la mesure de la cha-leurspécifique
del’or thohydrogène
lourd gazeux effec-tuée par 1~I~I. Bartholomé et Clusius(figure 5) (~).
Vous voyezici,
à l’extrêmedroite,
d’abord lerécipient
K pour laprovision
d’hydrogène
lourd,
récipient qui
sert en même
temps
à la mesure de laquantité (en
verf u de la loi des
gaz).
Ilcommunique
avec unréci-pient
rempli
de charbon debois, qui
est refroicli parl’hy clrogèneliquiâe;dans
son intérieurl’hydrogène
lourdnormal
(constitué
par unmélange
d’Ortho- etPara-D2)
estpratiquement complètement
transformé en la(1) Z. Electrochern, 191ô, 42, en cours de publication.
284
variété Ortho. Le
récipient
Equi
suit,
danslequel
onrecueille pour l’instant
l’Ortho-D2
pruduit,
sert,
après
avoir
éloigné
l’H.,
solide,
àporter
le gaz à une hautepression,
au-dessus delaquelle
se fait t ensuite lamesure dans le calorimètre
proprement dit,
dont il adéjà
étéquestion.
Fig. 7.
Enfin,
je
voudrais encore vousprésenter
uneesquisse
de
l’appareil
aveclequel
a pu être effectuée la mesurede la courbe de fusion de
l’hydrogène
lourd(figure 7) (’).
Les deuxrécipients
d’acier A et Bqui
se trouventà droite servent encore à
produire
lapression,
de la manièredécrite,
Fdésigne
un manomètre deprécision,
Cu lerécipient
de mesureproprement
dit,
en cuivre.Le fait
caractéristique
de ce cas est que lerécipient
intérieur
rempli
deD2
est entouré d’un manchoncon-tenant de
l’hydrogène liquide
ordinaire,
comme nousl’avons
déjà
vu dansl’appareil
pour mesurerCv
del’hydrogène
solide. Ce manchon sert d’unepart,
à lamesure de la
température
par détermination de lapression
de vapeur au moyen du manomètre M. D’autrepart,
paraspiration
au moyen de la pompe deTôpler
Tl’hydrogène
peut
êtrevaporisé
selon ledispositif
employé
et ainsi lerécipient
Cupeut
être refroidi. La fixation d’unpoint
de la courbe de fusion se fait alorssimplement
enportant
tD2
liquide
dès l’abord à une certainepression
et en retirant ensuitepro-gressivement
de la chaleur aurécipient
de mesure,par
aspiration
desquantités
fixéesd’hydrogène
liquide.
D’abord lapression
de vapeur del’hydrogène
extérieuret la
température
durécipient
s’abaissent,
au momentoù le deutérium
liquide
commence à sesUlidifier,
ellesdemeurent constantes
jusqu’à
ce que toutD2
soit soli-difié. Il est facile de voir que, de cettemanière,
unesérie de
points
de la courbe de fusionpeut
facilement êtrefixée,
avec une exactitude relativementgrande.
J’arrive maintenant aux résultats obtenus par nous, en
particulier
par ~1M. Clusius et Bartholomé. Nousverrons que ces résultats sont tout à fait différents
pour les
hydrogènes légers
et lourds. Ce faitparaît,
deprime
abord,
un peusurprenant,
car deuxisotopes
d’un élément ont coutume, enprincipe,
de ne différer l’un de l’autre que par lespropriétés
de leur noyau et non par celles de leurenveloppe
extérieure d’électronsqui,
comme on devraits’y
attendre,
sont déterminantes(1) Z.
physi~-.
Chern., B, 1935, 30, 237.en
première ligne
pour lespropriétés
thermiques
etcalorifiques,
parexemple
pour l’attraction moléculaire.Certes,
les noyauxisotopes
se différencient d’ordinaire par unepropriété,
à savoir leur masse, qui peutexer-cer une certaine influence sur les
propriétés thermiques.
et
calorifiques.
Ainsi lafréquence
des molécules dansun réseau cristallin
dépend
directement de la masse ;la
fréquence
varie,
toutes choseségales d’ailleurs,
enraison inverse de la racine carrée de la masse.
Or,
comme la courbe
température
chaleurspécifique
descorps solides est
conditionnée,
selon les théories d’Eins-tein et deDebye,
par cettefréquence, agissant
commeparamètre
caractéristique,
on s’attendrait à ce que leshydrogènes
lourd etléger
à l’état solideprésentent
des chaleursspécifiques
tout à fait différentes. Il en va de même pour la chaleur dite « derotation »,
c’est-à-dire~la
portion
de chaleurspécifique
à l’état gazeuxqui
estdéterminée par le mouvement de rotation des molé-cules. Pour
celle-ci,
aux bassestempératures,
lemoment d’inertie des molécules en
question
représente
le
paramètre caractéristique ;
on s’attendrait doncd’abord à ce que toute la courbe
température-chaleur
de rotation de deux molécules
isotopes,
parexemple
de
H2
etD2,
comme aussi des molécules HDsoit,
enprincipe,
lamême;
et tout le tracé des courbes devraitcependant
sedéplacer
d’autantplus
loin vers les bassestempératures
que le moment d’inertie estplus
important.
Si nous supposons, parexemple,
qu’une
certaine courbe vaudrait pour
l’hydrogène léger,
dans la courbe deHD,
latempérature correspondant
à unecertaine valeur de la chaleur de rotation serait réduites dans le
rapport
V2 ==
~.,41,
alors que dans la courbe valable pourD2,
l’échelle destempératures
devrait être tout dulong
réduite de moitié.Fig. 8.
La
figure 8
vous montre les valeurs réellementmesu-rées. La courbe pour
H~
a été déterminée par moidéjà
en 1 U12(1) ;
elle aété,
depuis
lors,
confirmée par denombreux autres observateurs. Les courbes
indiquées
pour HD etD2
ont étédéterminées,
il y a seulementquelques
années,
par MM. Clusius et Bartholomé(2).
On voit que lesprévisions précédemment exprimées
(1) Berl. Akad. Ber., 1912, p. 141.
ne sont aucunement
remplies ;
il est surtoutsurprenant
que la courbe pour HD descendeplus
bas que celle pourDa;
ilapparaît,
enoutre,
que les courbes n’ontnullement la même forme. Il en ressort donc que, outre la masse, il existe une autre
propriété
du noyauqui
doit exercer une influence extrêmement forte surla chaleur de rotation. La
propriété
enquestion, qui
joue
ici le rôledécisif,
est ce que l’onappelle
le cspin
de noyau ».
Je dois malheureusement renoncer à vous exposer
ici
plus
en détail ce faitqui
étonne si vivement aupremier abord,
à savoir que lespin
de noyau des atomes c’est-à-dire l’état de rotation du noyau in-fluence si fortement la chaleur de rotation d’unemolé-cule,
dans certaines circonstances. On nepeut pas
com-prendre
cette influence deprime
abord,
du moins dupoint
de vue de la théorieclassique, lorsqu’il n’y
aau-cune force exercée par le noyau en rotation sur les
parties
de la molécule dontdépend
la rotation de la molécule entière. Jepuis
bien supposer que laconcep-tion
présente
de ce fait soitdéjà
connue d’unepartie
d’entre vous, mais
je
crains de ne pas réussir à la faire~omprendree
enquelques
minutes à ceuxqui
ne sesont pas encore
occupés
de laquestion.
Je voudraisseulement
souligner qu’il s’agit,
enl’occurrence,
d’unrésultat extrêmement
caractéristique
de la nouvellephysique
desquanta,
résultat dû aux travaux dequel-ques théoriciens de la
physique (Heisenberg,
Hund,
Dennison)
etqui
consiste en ce que, en vertu duprin-cipe
dePauli,
seules certainesvaleurs,
soitpaires,
soitimpaires,
desquanta
de rotation sontpossibles
pourdes constellations déterminées du
spin
de noyau de deux atomes semblables. Enconséquence,
pourcha-cune des substances
H2
etD2
il existe deux variétés quel’on
désigne
sous le nom de variétés ortho et para,selon que les
spins
de noyau des deux atomes sont orientésparallèlement
ouantiparallèlement ;
l’H2
et leD2
ordinaires consistent en unmélange
de leurs deux variétés. Pourtant la concentrationd’équilibre
auxhautes
températures
n’est pas la même dans les deuxcas, mais elle
dépend
à son tour : iOde lagrandeur
du/ i B
spin
de noyau iselon
laformule . 2
; °
de lasta-B
--1
tistique
valable pour les noyaux(statistique
de Fermiou de
Bose).
Il
n’y
a aucune influence duspin
de noyau pour les molécules constituées d’atomesinégaux ;
c’estpour-quoi
la courbe trouvée pour HDpeut,
dans unecer-taine mesure, être considérée comme la normale. TABLEAU I.
Le tableau 1 ci-contre
présente
une vue d’ensemble des donnéescaractéristiques
pour les trois moléculesH2,
HD etD2,
àpartir desquelles,
par les formules bien connues de lamécanique
statistique.,
les chaleurs due rotation aussi bien desmélanges (H,
etU2
normaux)
que des orthomodifications et
paramodifications
iso-léespeuvent
être facilement calculées. A propos de cetableau,
il faut bien remarquer toutefois que, pour lalixation de la courbe de
température
des chaleurs de rotation deD2,
la grosseur duspin
de noyau del’atome D n’avait pas été déterminée avec certitude et -que l’on n’avait pas tranché définitivement la
question
de savoir
si,
dans ce cas, il fautemployer
effectivement lastatistique
de Bose. C’estpourquoi
inversement lamesure de la chaleur de rotation de
DZ
a contribué trèsefficacement à l’établissement des données en
question.
Afin de rendre sensible ce
qui précède, je
vousmontre sur la
figure
9 la courbetempérature-chaleur
de rotation des modifications del’hydrogène lourd,
à côté de celle del’hydrogène
normal lourd(mélange).
Y sontégalement
représentés,
enoutre,
les résultats desmesures de MM. Clusius et Bartholomé
(1)
pour la chaleur de rotation d’unrnélange
d’Ortho-D2
enrichijusqu’à
environ 94 pour 100. Comme il adéjà
été ditplus
haut,
la variété Ortho deD2
(de
même que lava-riété Para de
H3
s’obtiennentpratiquement
pures,286
sans difficulté
particulière,
en faisantabsorber,
à bassetempérature,
les gaz normaux par le charbon debois ;
car, à basse
température, l’équilibre
des modificationsse
déplace toujours
vers la modification à nombreFig. 9.
pairs,
àlaquelle appartient
doncégalement
le nombrezéro ;
le charbon de bois nejoue,
dans le casprésent,
que le rôle d’un
catalyseur.
Pourl’hydrogène
léger,
la courbe de laparamodification
stable à bassetempéra-ture a été
déterminée,
il y a un certain nombred’an-nées
déjà
par Clusius et Hiller(1),
lafigure
Ilcor-respondante
contient,
en mêmetemps,
des mesuresd’Eucken et Hiller
(2)
serapportant
auxmélanges
d’hydrogène
danslesquels
la modification stable àbasse
température
n’était que relativement peuen-Fig. 10.
richie. Ces mesures étaient
cependant
d’une certaineimportance,
à cetteépoque ;
c’est par leur moyen eneffet,
conjointement
avec un travail de Bonhor,Uer etHarteck
(3) employant
un autreprocédé,
que la preuve(1) Z. Playstk. Chem., B, 1929, 4, 158.
(1) Z physik. Chem, B, 192~, 4, 142.
e) Z. Phr~si~. Chem., B, 1929, 4, 113.
fut fournie que
l’hydrogène
normal estconstitué,
ertfait,
par unmélange
de deux modifications.En
résumé,
ausujet
des recherches sur la chaleur derotation des
hydrogènes
lourd etléger,
recherches.qu’il
faut considérer maintenant commeterminées,
onpeut
dire que les faits constatés en cedomaine,
qui
pa-raissent
peut-être surprenants
aupremier
abord,
peu-vent êtreexpliqués
entièrement par l’influence d’unepart
des massesdifférentes,
d’autrepart
duspin
de. noyau. Je voudrais maintenant vous entretenirbriève-ment de
quelques
recherches effectuées surl’hydrogène
lourd condensé
(solide
etliquide)
par MM. Clusius et Bartholomé(’),
partiellement
en collaboration avecmoi
(2) ;
elles sontcomplétées
par d’anciennes mesures.sur
l’hydrogène
léger, lesquelles proviennent
enpartie
de MM. Keesom
(3),
F.Simon (4),
enpartie
aussi de.moi-même
(~).
Je dois déclarer d’abord que les résul-tats enquestion
n’ont pas encore pujusqu’à
aujour-d’hui être totalement
expliqués
théoriquement,
mais que, en tout cas, il est dès maintenantpossible
de lea.interpréter
au moinsqualitativement quoiqu’ils
cau-sent,
aupremier abord,
quelques surprises.
Nous.avons fait ci-dessus une remarque, selon
laquelle
lesfréquences
propres des molécules dans le réseau cris-tallin doivent être pour leshydrogène légers
et lourdFig. il.
dans le
rapport 1,41
malgré
cela,
il estfrappant
que;1,41
les chaleurs
spécifiques
deshydrogènes léger
et lourd à l’état solide ne diffèrent que peu l’une del’autre-(fig. li).
Commej’ai déjà souligné
nous sommespar-venus à déterminer directement non seulement la
chaleur
spécifique
Cp
(à
pression
constante),
maisen-core celle à volume
constant,
Cv.
En outre
je
voudrais vous montrer sur lafigure
12: la courbe de fusion deshydrogènes
lourd etléger;
sansentrer dans les détails
je
voudrais mettre en évidence" (1) Z. Physik. Chem., B, 1935, 30, 231.e) Z. Elektrocitem., 1936, 42, en cours de publication. (3) Conim. Leiden, 131 d,1 ~ ~ b, 221 a.
(4) Z Physik., 1923, 15, 30 î.
le fait
remarquable,
que les deux courbesont,
àtempé-rature
égale,
exactement la même inclinaison.1
--
1 1 1 1
Fig. i2.
Les
plus importantes
donnéesthermiques
et calorifi-ques deshydrogènes
condensés lourd etléger
obtenuesjusqu’à
maintenant sontrassembléesdans le tableauII ;
je
n’insisterai pasdavantage
ici sur lesméthodes,
parlesquelles
fut obtenueexpérimentalement
chacune desquantités.
TABLEAU II.
Je voudrais seulement t
signaler
que les volumes àl’état solide n’ont pas été mesurés
directement,
maisindirectement au moyen de
l’équation
de Clausius etClappyron :
Partout
apparaissent
des différences tout à faitconsi-dérables entre les
propriétés
deshydrogènes léger
etlourd ;
il estparticulièrement
frappant
que les volumes moléculaires à destempératures correspondantes (point
triple)
diffèrent l’un de l’au tre d’environ 13 pour 100alors que les autres éléments et combinaisons
isotopes
possèdent
pratiquement,
engénéral,
les mêmes volumes moléculaires. Seulement lestempératures
caractéris-tiques,
proportionnelles
à lafréquence
propre sontpresque
égales,
alors que,précisément
en ce cas, oneût dû s’attendre à une différence notable.
Ces faits
paraissent
deprime
abordcontradictoires;
on en obtient une
explication
en raisonnant comme suit: Selon laconception
actuelle de laphysique
desquanta,
les molécules ouatomes
à l’état solideprésentent
en-core, même auxplus
bassestempératures,
desvibra-tions, appelées
vibrations dupoint
zéro,.
cesvibra-tions,
précisément
dans le cas del’hydrogène,
sontencore relativement intenses
et,
parsui!e,
largement
anharnloniques.
On met les faitsprésents
le mieux enévidence en
considérant,
quoiqu’elle
ne soit pas encore connue dans ledétail,
la courbe dupotentiel
entre les moléculesd’hydrogène
dans le réseausolide,
courbequi,
selon les idéesacceptées
jusqu’à
maintenant,
devrait ètre la même pour les deuxisotopes (fig. 13).
La différenceFig. 13.
des chaleurs de
vaporisation
au zéro absoluqui
estd’environ 90
calories,
nepeut
donc manifestement êtreexpliquée
que par une différence desénergies
aupoint
zéro. On
peut
évaluer la valeur absolue del’énergie
Eo
au
point
zéro de diversesfaçons ;
si l’on suppose que lesoscillations,
enparticulier
pourD,,
sont dumoins
ap,proximativement
harmoniques, elqu’en conséquence
la formule deDebye
vaut encore pourelles,
on tire de la9
température
caractéristique :
Fo = =1 t
R 8 _ ?1calo-8
ries. On voit donc que la vallée de
potentiel
estremplie
déjà
à peuprès
à moitié par les oscillations aupoint
zéro. Les
amplitudes
de l’o·cillation deH2
sont encoreplus
accentuées que dans le cas deD, ; cependant,
enraison de la courbure de la courbe
potenlielle
pour lesplus grandes
distancesmoléculaires,
lafréquence y est
fortementralentie,
si bienqu’en
définitive la vallée ne288
volumes moléculaires - par
simple
usage de l’idée fon-damentale de la théorie deDebye (1)
sur la dilatationthermique
des corps solides - : commel’indique
lafigure,
dans le cas deH2,
le centre des oscillations dupoint
zéro sesitue,
à deplus
grandes
distances molécu-laires que pourD2.
Cela veut dire que le volumemolé-culaire,
dans lepremier
cas, doit êtreplus
grand.
Comme l’exacteapplication quantitative
duraison-nement
qui
vient d’êtreesquissé présente
certaines difficultés pour l’étatsolide,
en raison des réactionsmutuelles simultanées d’un nombre
plus grand
demolécules,
nous allons faire la recherchecorrespon-dante d’abord pour l’état gazeux faiblement
comprimé,
dans
lequel,
comme on lesait,
un certain nombre demolécules ont coutume de s’associer en molécules dou-bles de van der Waals reliées de
façon lâche,
de sortequ’on
a là l’occasion de suivre vraiment la vallée depotentiel
entre deux molécules distinctes. On obtient les nombiesexpérimentaux
utiles par des mesuresexactes des déviations par
rapport
à l’état gazeux idéalet,
toutparticulièrement,
du « deuxième coefficient duViriel
qui
est défini parl’équation :
Des
expériences qui
s’y rapportent
ont été faitesrécem-ment dans mon institut par M. K.
Schaefer;
confor-mément àl’attente,
il est apparu que les coefficients Bdes
hydrogènes léger
et lourd diffèrent notablement l’un del’autre,
maisl’exploitation
théorique qui,
làencore, est relativement malaisée n’a pas encore été terminée.
Pour
conclure,
rassemblons encore une fois lespoints
principaux qui
meparaissent
remarquables
pour lesrésultats obtenus sur Jes
hydrogènes
léger
et lourd.Presque
sansexception,
très considérables différencesdes
propriétés
calorifiques
etthermiques;
on réussitpourtant
à lesrapporter
aux différences de deuxpro-priétés
du noyau, la masse et lespin
de noyau; enplus,
pour
l’explication
enparticulier
despropriétés
del’hydrogène
condensé,
l’oscillation des molécules aupoint zéro,
comme aussi leur anharmonicitéjouent
un(1) Vortrage über die kinelische Theorie der MaLeri,-, Leipzig et Berlin, 1914, p 19.
rôle
important;
par contre - et conformément auxrecherches d’autres
auteurs,
parexemple
sur lespro-priétés spectroscopiques
desisotopes,
il n’a pas été nécessaire de supposer une différence notable entre les forces moléculaires desisotopes.
Aplus
d’unpoint
devue,
l’hydrogène représente,
bienentendu,
un casextrême ;
ainsi lerapport
demasse ~
des deuxiso-topes
est,
enl’occurrence,
considérablementplus grand
que pour tous les autres éléments.
L’énergie
aupoint
zéro,
elleaussi,
a,précisément
pourl’hydrogène,
une
importance particulière :
l’hélium seul lui estsupérieur
à cepoint
de vue.Malgré
tout,
uneexplica-tion des choses telles
qu’elles
sepassent
pourl’hydro-gène
estimportante
également
pour d’autres corps ;gràce
àelle,
onapprend
à maîtriser engénéral
lespropriétés
thermiques
etcalorifiques,
avec uneplus
grande
certitude que ce n’était le casjusqu’à
mainte-nant.
Me voici au terme de mon
exposé.
J’aipleinement
conscience que les résultats que
j’ai
eu l’honneur devous
présenter
ne constituentqu’un
apport
bienmodeste au
progrès
d’ensemblecle notre sciencependant
ces dernières années. On ne doit pas,
toutefois,
sedécourager
pourautant,
car, endéfinitive,
unepart
considérable du
progrès
provient
de cequ’on
rassemble les découvertes de nombreuxchercheurs,
comrne lesmorceaux d’une
mosaïque. Peut-être,
pour unepartie
d’entre vous, le
sujet
lui-même a-t-il eu moins d’intérêt que lafaçon
dont on travailleaujourd’hui
dans unInstitut allemand de chimie
physique.
Commeje
l’aidéjà souligné,
notre installation n’a absolument rien desomptueux;
aucontraire,
nous sommespartout
incités à la
plus grande
économie,
cequi
amalheureu-sement pour
conséquence
de nous contraindre à netraiter que des
problèmes
dont la résolutionexpéri-mentale demande des moyens assez réduits.
Mais
inversement, les abondantes ressources extérieures ne
constituent nullement la seule condition d’un travail
fécond;
cequi
estnécessaire,
avant toute chose pourle
succès,
c’est une ferme volonté de recherchesérieuse,
une stricte délimitation du but dans le choix des