fACULTÉ liJï MÉDECINE ET I)E PHARMACIE DE BORDEAUX
A.3ST NEE 1901-1902 No 34
ETUDE PHYSICO-CHIMIQUE
DU
BEURRE DE FEMME
et
sonidentification
avecle Beurre de vache
TIIKSli POUR LU DOCTORAT M lIEDIÎCLYIi
présentée et soutenue publiquement le 17 Décembre 1901
François SAUVAITRE
Pharmacien,
Licencié ès-sciences physiques,
Ancien préparateurdu cours de chimie a la Faculté de Médecine.
Ancien préparateur du cours de chimie industrielle a la Faculté des Sciences, Lauréat de laFacultéde Médecineet de Pharmacie et de la Société de Pharmacie
de Bordeaux
(Prixde laSociétédePharmacie, 1890;Prix Barbet,1893;Prix duConseilgénéral, 1893).
Né à Coulras(Gironde), le 12octobre 1868.
Examinateurs de laThèse
MAI. DENIGÈS, professeur... l'résidunl.
BLAREZ, professeur...
SABRAZÈS, agrégé }Jutjes.
ANDÉRODIAS, agrégé
Le Candidat répondra aux questions qui lui serontfaitessur les diverses parties de l'Enseignement médical.
A--
BOUDEAUX
IMPRIMERIE Y. CA 13OR ET
17 rue poquelin-molière — 17 (anciennertismontméjan).
1901
FACULTÉ DE MEDECLVE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES Doyen honoraire.
PROFESSEURS
MM. MICÉ ]
DUPUY [ Professeurs honoraires.
MOUSSOUS )
MM.
PI. • f I PICOT.
Clinique interne j PITRFS
n,. . (DEMONS.
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j
LANEL0NGU15.Pathologieetthérapeu¬
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Anatorniepathologique COYNE.
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maladies des enfants.
Chimiebiologique DENIGES.
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section de chirurgie et accouchements MM.CHAYANNAZ.
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section des sciences anatomiques ( MM. GEN'J ES.
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SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
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Pathologie externe Pathologieinterne Accouchements
Physiologie Embryologie Ophtalmologie
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RÉGIS. ,
DENUCE.
RONDOT.
FIEUX.
PACHON.
PR1NCETEAU.
LAGRANGE.
C ARLES.
LE DANTEC.
LeSecrétairede laL'acuité : LEMAIRE.
Pardélibérationdu 5 août 1819, laFacultéaarrêté queles opinions émisesdansles Thèses qui
sont présentées doivent êtreconsidéréescomme propres à leursauteurs, et qu'elle n'entend leur
donnerniapprobation ni improbation.
A mon très cher Maître et Président de Thèse,
Monsieur le Docteur G.
DENIGÈS
ProfesseurdeChimie biologique àlaFaculté demédecinedeBordeaux,
Officier del'Instruction■publique.
Faibletémoignage d'unesincèreetinaltérable
reconnaissance.
ÉTUDE PHYSICO-CHIMIQUE
DU
BEURRE DE FEMME
ET SON IDENTIFICATION AVEC LE BEURRE DE VACHE
INTRODUCTION
Les travaux publiés sur le lait de femme sont
fort nombreux
et la matière grasse de ce lait a été isolée et
dosée depuis déjà
longtemps. Par analogie avec celle retirée des
laits de vache,
chèvre, etc., on l'a dénommée beurre, mais il ne semble pas
quejusqu'à présent on se soit préoccupé de
savoir jusqu'à quel
point cette assimilation était fondée.
L'analyse immédiate justifie-t-elle, en un mot,
le rapproche¬
ment qui a été fait par similitude d'origine et
d'apparence?
Si le désir de connaître la constitution intime des matières
grasses a éveillé la curiosité de chimistes éminents et
suscité
d'immenses travaux, il ne parait pas que le
beurre de femme
ait excité le même enthousiasme parmi les
biologistes. Cela
s'explique un peu.Les analyses de matières grasses, quise
pratiquent journelle¬
ment, répondent presque
toujours
àdes besoins industriels
oucommerciaux. Or, le beurre de femme n'a jamais été et ne parait pasprès de devenir matière commerciale, surtoutsi nous
enjugeons d'après les difficultés que nous avons rencontrées
pour en réaliser une notable quantité.
11 n'en était pas moins utile, au point de vue de la connais¬
sance plus approfondie des produits biologiques humains, de
faire une étude aussi complète que possible du beurre de
femme.
C'est ce travail que nous avons entrepris sur les conseils de
notre maître, M. le professeur Denigès.
En faisant la bibliographie du sujet, nous n'avons pas tardé
à nous apercevoir que rien, à notre connaissance, n'avait été
tenté dans cette voie, et cela nous a fortement encouragé dans
notre entreprise.
Nous avons, tout à l'heure, émis le terme de constitution, et si ce mot revient sous notre plume, c'est que nous tenons à
mettre les choses au point. Nous n'avions point la prétention de séparer et de doser d'une façon absolue les divers éléments
constituant le beurre. L'état actuel de l'analyse des corps gras
ne permet pas unpareil travail. Les glycérides quientrent dans
la composition d'un produit déterminé, le beurre par exemple,
sont des corps très voisins les uns des autres par leur constitu¬
tion et leurs propriétés physico-chimiques; leur séparation méthodique n'existe pour ainsi dire pas, ou, en tout cas, est loin
d'être complète.
On doit donc se contenter, à l'heure actuelle et faute de mieux, de déterminations physiques et chimiques variées pour établir l'identité ou apprécier les qualités d'un corps gras. Cer¬
tains des moyens ainsi mis en œuvre ont un caractère quelque
peu empirique, mais leur ensemble n'en conserve pas moins
une très réelle valeur comparative.
C'est d'ailleurs pour cette raison que toutes nos analyses ont porté parallèlement sur des échantillons moyens de beurres de
femme et de vache. Si les procédés analytiques employés
n'olfrent pas toute la rigueur scientifique désirable, ils permet¬
tront au moins la comparaison qui était le but de notre travail.
— 11 -
Nous ne prétendons pointapporter ici de nouvelles méthodes d'analyse; celles que nous avons suivies sont pour ainsi dire classiques. Nous les décrirons cependant à chaque occasion,
parce que, en matière de corps gras comme enbeaucoup d'au¬
tres, ne peuvent être comparées que des analyses faites dans
des conditions absolument identiques et bien déterminées.
L'idée de ce travail nous a été suggérée par notre cher et
savant maître, M. le D1' Denigès, qui ne nous a pointménagé
ses conseils pour en assurer l'exécution.
Nous tenons à le remercier ici publiquement, non point seu¬
lement pour cette dernière preuve d'intérêt, mais encore pour toutes celles qu'il n'a cessé denous prodiguer depuis le jour où
nous eûmes le bonheur d'être admis dans son laboratoire, voilà déjà plus de dix ans.
Qu'il veuille bien accepter ce faible témoignage de notre très
vive gratitude.
Cette démonstration lui paraîtra certainement superflue, car il n'ignore point quels sont nos sentiments personnels de très
haute estime pour son talent etsa bonté.
Si nous avons été assez heureux pour mener à bien le travail
que nous a confié notre maître, si ce travail peut avoir quelque
valeur et donner satisfaction à qui l'a inspiré, nous nous esti¬
merons largement récompensé des quelques vicissitudes qu'il a pu nous causer.
Nous adresserons également tous nos remerciments à M. le professeur Blarez, qui nous a donné, durant ces dix dernières
années, autantdepreuves de bienveillancequede conseils éclai¬
rés.
Enfin nous n'aurons garde d'oublier dans notre tribut de reconnaissance, M. le docteur Tourrou, toujours aussi complai¬
sant que documenté.
CHAPITRE PREMIER
GÉNÉRALITÉS SUR LES CORPS GRAS ET LES REURRES EN PARTICULIER
Qu'est-ce qu'un beurre ? peut-on se demander d'abord. Si
l'on s'en tient à l'étymologie grecque ((3ouç : vache, et xupdç : fro¬
mage), il semble que ce mot ait été réservé d'abord à la matière
grasse du lait de vache.
Par une analogie plus ou moins prochaine etpar une ressem¬
blance souvent grossière, on l'a appliqué ensuite aux produits
les plus divers par leur origine, leur aspect et leurs propriétés;
produits tirés du règne animal, du règne végétal (beurres de
cacao et de muscades) et même du règne minéral (beurre d'an¬
timoine). Aujourd'hui une partie de ces dénominations ont fait
leur temps et l'on doit restreindre l'emploi du mot beurre àune
catégorie de corps définis parleur origine, puisqu'ilsnepeuvent
encorel'être par leur composition, exception faite toutefois pour les chlorures minéraux, que l'on connaît parfaitement.
Il faut donc chercher une définition et, pour nous, un beurre
sera la matière grasse existant, à l'état d'émulsion, dans le lait
des mammifères, lorsque la lactation est définitivement établie.
Les beurres ainsi définis ont-ils tous une composition identi¬
que, retrouve-t-ondans chacun d'euxles mêmes principes cons¬
tituants, et, en particulier, le beurre de femme est-il semblable
au beurre de vache? C'est cette dernièrequestionquenous nous
sommes posée et à laquellenous allons nous efforcer de répon¬
dre par le présent travail.
Corps gras ou glycérides. — Les beurres, comme tous les
corps gras proprementdits, sontdes produits complexes dans la composition desquels entrent toujours, enproportions variables
il est vrai, un certain nombre de principes immédiats détermi¬
nés.
Ils sont concrets àla température ordinaire, facilement liqué¬
fiables par la chaleur etformés par la réunion de divers glycé-
ridesauxquelsonpeutajouterunepetite
proportion
desubstance
insaponifiable, représentée, dans le beurre de vache, parde la
cholestérine et de la phytostérine.
Ils sontsaponifîables,c'est-à-dire
susceptibles de
sedédoubler
sous l'influence des alcalisou de la vapeur d'eau sous pression,
en acides gras et glycérine et cela en absorbant une
molécule
d'eau ou d'hydrate métallique. Les acides gras
combinés
au métal donnent des savons. Enfin les savons décomposés par un acide minéral donnent les acidesgraslibres. Cette saponificationest, en somme, le phénomène inverse de
l'éthérification qui
s'accompagne du départ d'une molécule
d'eau
pourchaque
fonction acide entrant en réaction.
Ces deux phénomènes sont représentés par
les équations sui¬
vantes :
A' — II-j- HO — R'= A' — R' -f- IIOH=
éthérifîcation.
acide alcool éther eau
A'— R' -j- M' — OH =A1 —M' -f- R' — OH =
saponification.
éther hydrate savon alcool métallique
Les glycérides proprement dits ou
éthers
grasrésultent donc
de la combinaison de la glycérine, alcool
triatomique,
avectrois
molécules d'acides gras, car ceux-ci sont tous
monobasiques.
Acides gras. — Les acides que l'on rencontre
dans les
corpsgras sont en nombre relativement
restreint, mais de constitution
variable. Les uns dérivent des hydrocarbures en
CnH2n+2 et sont
saturés; ils ont pourformule
générale CnH2n02.
D'autres dérivent des séries non saturées
éthylénique
ou acétylénique et répondentrespectivement
auxformules géné¬
rales CnH2n—202 et CnH2n—402. Comme leshydrocarbures cor¬
respondants, ils sont
susceptibles,
parleurs liaisons multiples,
de réactions d'addition. C'est ainsi qu'ils peuvent
fixer 2, 4...
— 14 -
atomes d'iode pour compléter leur saturation. L'acide oléïque est, parmi ces derniers, le type le plus fréquemment rencon¬
tré.
Acides solubles et insolubles. — Suivant leur richesse en
carbone, les acides gras sont solubles ou insolubles dans l'eau,
la solubilité décroissant en général à mesure que la condensa¬
tion augmente.
Acides volatils et non volatils. — Les acides solubles se
laissent entraîner par la vapeur d'eau produite à la pression ordinaire, tandis que les acidesinsolubles ne distillent pas dans
les mêmes conditions. Cependant, entre ces deux catégories, il
existe quelques acidesjouissant de propriétés inverses; les uns,
quoique solubles dans l'eau, ne sont pas entraînés pendant la distillation; d'autres, au contraire, se laissent entraîner par la
vapeur, mais sont insolubles dans l'eau. Tous ces acides sont,
nous l'avons déjà dit, rigoureusement monobasiques.
Dans le beurre, on trouve les acides suivants combinés à la
glycérine :
Acide margarrquê. . . C17 H3* O2
» stéarique .... C18 II36 O2
» oléique Ct8 II31 O2
» butyrique.... C4 II8 O2
» caproïque. ... C6 H12 O2
» caprylique ... C8 H16 O2
» caprique .... C'° II20 O2
| saturés et
nonvolatils.
non saturé, non volatil.
| saturés, solubles, volatils.
|
saturés, insolubles, volatils.Il résulte de l'exposé précédentqu'unbeurre saponifié par un alcali donnera un savon, lequel dissous dans l'eau et traité par
un acide minéral en excès, donnera :
1° Une couche aqueuse inférieureconte¬
nant:
Laglycérine,
Les acides grassolubles, Lessels,
L'acide minéralenexcès.
2°Une couche supérieure solide conte¬
nant:
11
liXGSvolatils.\/saturés.
nonsaturésLes matièresinsaponifiables.
La matière colorante.
— 15
Les moyens mis en œuvre pour l'analyse
des
corps gras peu¬vent être divisés entrois groupes :
1° Détermination desdiverses constantesphysiques tellesque : Densité, indice deréfraction, points de fusionetde
solidification,
solubilité dans des dissolvants appropriés, etc.;
2° L'analyse immédiate qualitative et
quantitative;
3° Les réaction colorées, la plupart empiriques et souvent
infidèles.
Cette dernière catégorie ne nous intéresse pas, car ces
réac¬
tions ne sont guère utilisées que pour
la recherche des falsifi¬
cations de certains produits par
d'autres.
Voici d'ailleurs l'ensemble des opérations qui nous ont paru
nécessaires à la connaissance de notre sujet :
Constantes physiques : Détermination de la densité.
» des points de
fusion et de solidification des
acides gras.
» de la température critique
de dissolution.
» du coefficient de solubilité dans
l'alcool
absolu.
Déterminations chimiques :
Détermination de l'indice de saponification ou
nombre de
de Kottstorfer.
Dosage des acides
solubles (procédé Planchon).
» » insolubles (indice de
Hehner).
» » volatils en bloc (indice de
Reichert
Meissl Volny).
Evaluation des liaisons multiples (indice
d'iode
ouindice
de Hubl).
Dosage des acides
volatils
pardistillation fractionnée (pro¬
cédé Duclaux).
» et étude de l'Insaponifiable.
PRÉPARATION DES ÉCHANTILLONS
Avant de procéder à l'étude détaillée des opérations ci-des¬
sus indiquées, nous devons dire comment ont été préparés les
échantillons soumis à l'analyse.
Le but de notre travail exigeait que les analyses portassent
sur des beurres exempts de toute altération. Pour extraire la matière grasse, nous devions donc éviter l'emploi des moyens habituellement utilisés pour son dosage dans les laits. Dans la plupart de ces procédés, en effet, onfait intervenirpour la sépa¬
ration, des agentschimiques telsque la soude, l'ammoniaque qui peuvent n'être pas sans action sur les glycérides. Nous avons d'ailleurs pu nous assurer que cette crainte n'était pas chiméri¬
que. Ayant eu occasion d'extraire du beurre de femme au moyen du liquide éthéro-alcoolique ammoniacal d'Adam, nous l'avons saponifié et soumis à la distillation. Les acides volatils ordinaires avaient presque disparu, maisen revanche était inter¬
venu unnouvel acide, l'acideformique, dont la présence consti¬
tue toujours la preuve manifeste d'une altération.
Tenantà éviter cette cause d'incertitude, nous pensions pou¬
voir utiliser le procédé de dosage de M. Duclaux. Ce procédé
est le suivant : le lait est répandu sur une éponge fine placée
dans un tube de verre formant ampoule et dans lequel on peut
faire circuler de l'air par aspiration. Ce tube est lui-même plongé dans un bain d'eau pure ou additionnée de chlorure de calcium. Le bain estporté à l'ébullition et l'on fait circuler dans
le tube un lent courant d'air sec au moyen d'un aspirateur. La
dessiccation est trèsrapide et, grâce àl'extrême division dans les
fines mailles de l'éponge, le résidu se prête admirablement à l'épuisement par un solvant approprié, éther ou sulfure de car¬
bone, qui enlève, exclusivement et toute, la matière grasse.
Cette manière de faire, employée au dosage du beurre et en
opérant surquelques centimètres cubes de lait, donne des résul¬
tats irréprochables. Malheureusement, son emploi en grand,
sur des quantités de lait un peu considérables, présente des
difficultés qui nous l'ont fait abandonner. La dessiccation est extrêmementlongue et l'épuisement très difficile.
— 17 —
L'industrie laitière emploie actuellement des séparateursbasés
surla forcecentrifuge, permettant d'obtenirenquelques minutes
toute la crème d'unlait. C'estundecesappareils que nous avons pu utiliser, grâce à l'obligeance de M. Jaumois, directeur de la
laiterie des propriétaires réunis. Cet établissement possède, en effet,unséparateur àplateaux actionnépar une puissante turbine
à vapeur du système Laval.
Nous avons rassemblé une certaine quantité de lait provenant
de femmes nombreuses et choisies assez loin de l'état colostral
qui suit la parturition, de façon à obtenir un beurre vrai et
moyen. Ce lait a été soumis à l'action de la turbine et la crème obtenue, barattée suivant le procédé ordinaire, nous a donné le
beurre.
De même nous avons prélevé un échantillon moyen de lait, provenant de très nombreuses vaches de la région et
l'avons
traité de façon identique en vue de l'obtention du beurre.
Ici nous ferons, en passant, une petite remarque.
L'agglomé¬
ration de la masse bulyreuse a exigé un temps de barattage plus long pour la crème de lait de femme que pour
celle du lait
de vache. L'opération était cependant faite à la même
tempéra¬
ture et dans des conditions aussi semblables que possible.
On peut, nous semble til, tirer de ce
fait
un argumentfavo¬
rable à une théorie qui a été trèsvivementattaquée par
certains
biologistes, mais aussi très brillamment
défendue
pard'autres.
Deux théories principales ont été émises pour
expliquer la
division de la matière grasse dans le lait. D'après
la première,
les globules gras seraient entourés d'une
membrane
propre empêchant leur réunion et le barattageaurait
pourrésultat,
enbrisant cette enveloppe, de permettre leur
agglomération.
Des défenseurs ardents, nous pourrions presque
dire des
po¬lémistes, ont soutenu cette idée, sans apporter à
l'appui des
preuves bien convaincantes, car la membrane
d'enveloppe, quoi
qu'on en ait dit, n'a pas été nettement
isolée.
La seconde théorie ne voit dans le lait qu'une
émulsion
natu¬relle et M. Duclaux, par des arguments
probants, semble lui
avoir rallié à peu près l'unanimité des
opinions.
Sauvaitre 2
— 18 —
S'il existait une membrane d'enveloppe, ne devrait-elle pas
se rompre dans un temps toujours à peu près
le
même ?Au
contraire, les phénomènes de tension
superficielle qui président
à la plus ou moins grande
stabilité des émulsions
sontbien
différents dans les laits de femme et de vache. La caséïne, notamment, y existe à des doses bien inégales et peut-être
aussisous un état qui n'est pas le même. Cette dernière théorie
semble donc mieux nous expliquer les variations dans la lon¬
gueur du barattage. Pour faible que
soit
cet argument,il
nousasemblé digned'être signalé et, sans y insister davantage, nous
revenons à notre sujet principal.
Le beurre obtenu après barattage, pas plus que ceux du
commerce, ne peut être soumis directement à l'analyse.
Il
con¬tient encore une notable proportion d'impuretés : eau, caséïne, lactose, sels divers et doit être purifié.
Deux procédés sont employés pour cette
purification
:1° M. Duclaux opère comme pour le dosage dans les laits; le dispositif est le même. Le beurre
fondu
estrépandu
sur l'éponge, desséché et épuisé parl'éther
oule sulfure de carbone.
Le solvant évaporé laisse le beurre sensiblement pur, surtout
si
on a employé le sulfure de carbone, qui est toujours
anhydre
;2° Le second procédé consiste à placer le beurre dans un
verre à pied que l'on porte dans une étuve chauffée entre 50 et
60 degrés. La masse fond et se sépare en trois couches : une couche supérieure claire, formée de matièregrasse; une couche
moyenne forméedecaséïne, enfin une couche inférieureaqueuse
contenant le lactose etles sels.
On décante soigneusement, sans faire couler d'eau, sur un
filtre également placé dans l'étuve. La matière grasse filtrée
ainsi obtenue est à peuprèspure. Elle contientcependantencore 0,1 à 0,2 p. 100 d'eau; mais, outre que cette impureté est négligeable, le procédé Duclaux, plus compliqué,ne donne pas
beaucoup plus de certitude.
Le beurre purifié est placé dans des flacons jaunes bien remplis et bouchés pour le soustraire à l'action de l'air et de la
lumière. En possession de nos échantillons très sensiblement durs, nous pouvons procéder à l'analyse physico-chimique.
CHAPITRE II
ÉTUDE PHYSIQUE
Détermination de la densité. — Cette détermination se fait par trois méthodes : par les densimètres, par des balances aérothermiques spéciales, par la méthode du flacon plus ou moins modifiée. L'échantillon doit être pur, secet privé de bul¬
les gazeuses.
1° Par les densimètres. — Avec quelques précautions, les
densimètres donnent de bonnesindicationss'ils sont exactement gradués. A défaut de densimètres spéciaux, on peut
utiliser les
alcoomètres poinçonnés en transformant
leurs indications
;il
suffit, pour cela, de consulter la table
de correspondance des
degrés alcoométriques et des densités
dressée
parle bureau
international des poids et mesures. Mais
il faut disposer d'une
quantité assez grande de matière,
condition qui n'est
pastou¬
jours réalisée. De plus, pour les substances
concrètes à la tem¬
pérature ordinaire, il fautfaire
intervenir la chaleur, les main¬
tenir à une température constante au moyen
d'un liquide
bouillant approprié, complication très
sérieuse
pourles
corpsgras, mauvais conducteurs de la chaleur.
2° Balances aérothermiques. — Leur
description
setrouve
dans les traités spéciauxetnous ne la ferons pas, car
leur emploi
n'est pas à la portée de tout le
monde. Bien
peu,à part les
laboratoires spécialisés, possèdent ces
instruments.
3° Méthode du flacon. — Cette
méthode,
enprenant toutes
les précautions indiquées par les
physiciens est exacte, mais
elle est longue et exige beaucoup de
soins, surtout lorsqu'il
s'agit, comme pour le beurre, de corps
concrets
pourlesquels
l'emploi de la chaleur est
indispensable.
— 20 —
Dans le but d'en rendre l'exécution plus facile, on y a apporté
diverses modifications et nous-même avons cru pouvoir en commettre une. Nous allons la décrire, pensant être utile à ceux
qui, comme nous, sontdépourvus de balance aérothermique.
Dansuntube de verre nous étirons deuxaxes assez longs etfins
sans être capillaires, 4 millimètres de diamètre environ. Entre
ces deux axes, nous soufflons une petite boule jaugeant à peu
près 20 cc. ; les axes sont ensuite recourbés à angle droit de
manière à simuler grossièrement un tube en U et coupés de longueur inégale. La plus longue branche porte un petit trait
dejauge placé exactement à la hauteur de la terminaison de la
seconde.
Pourjauger ce petit appareil, il suffit d'y introduire par aspi¬
ration de l'eau dislillée récemmentbouillieet rapidementrefroi¬
die à 15°, de façon que le liquide effleure exactement, d'un côté
l'extrémité de la branche courte, de l'autre le trait dejauge.
Grâce à la longue branche, le tube peut ensuite être incliné
pour faciliter, sans perte, l'essuyage et la pesée.
Ontrouve ainsi un poids total P. L'appareil vidé, bien séché
et pesé, donne un poids n.
Avant d'introduire le beurre, celui-ci est maintenu en fusion pendant environune heure, de façon à chasser l'air. S'il persiste quelques bullesà la surface, onles fait éclateren laissant tomber
dans le flacon un peu de vapeur d'éther. En inclinant convena¬
blement le tube, on peut facilement, par aspiration, le remplir complètement de beurre sans laisser la moindre bulle gazeuse;
il est ensuite placé verticalement dans un bain d'eau dont on pourra régulariser l'ébullitionparquelques fragments de ponce.
Le récipient est recouvert d'une plaque métallique percée de
deux trous dans lesquels sont engagées les branches du tube de
verre, de telle sorte que le trait de jauge soit juste apparent au- dessus de la plaque métallique. Enfin un troisième trou pourra donner passage à un thermomètre indiquant la température
obtenue.
L'eau est portée à l'ébullition et, lorsque l'expansion de la
matière grasse est achevée, on s'arrange pour que le liquide
affleure desdeux côtés, comme il a étédit précédemment. Pour cela, onajoute ou l'on enlève, suivant lesbesoinset sans
souiller
les parois, un peu de substance au moyen
d'un tube capillaire
chauffé.
Après refroidissement, l'appareil est nettoyé
extérieurement
avec un peu d'éther, bien séché et pesé.
Si
lepoids
est^?, on apourla densité
Ce dispositif très simple, facile à exécuter
soi-même,
nous a permis des déterminationsrapides
et exactes.Nous avons trouvé :
Beurre de vache : D à
^
15° = 0,866'Moyennes données par
les
auteurs :0,866 (1).
Beurre de femme : D à—10° =0,870
DÉTERMINATION DE LA TEMPÉRATURE CRITIQUEDE DISSOLUTION OU INDICE
DE CRISMER
On désigne sous ce nom la température
à laquelle il
se pro¬duit un trouble lorsqu'on laisse
refroidir
unesolution d'une
matière grasse dans un dissolvant
approprié. Pour
unliquide
déterminé, cette constante est largement
indépendante des
quantités de solvant et de
substance dissoute.
L'opération se fait
rapidement, elle est précise et
onpeut en
tirer des renseignements assez importants pour
l'identification
des matières grasses.
On emploie en général
l'alcool absolu
ouà
untitre bien
déterminé, mais la température critique
s'élève très rapidement
à mesure que baisse le titre
de l'alcool employé; cela s'explique
(1) Halphen, inRevue généralede chimie.
\
— 22 —
d'ailleurs facilement, puisque la solubilité décroit très vite quand on s'éloigne de l'alcool absolu..
Si la température critique estinférieure à 70°, on peut opérer
à l'air libre, caril importe peuqu'une petite quantité de solvant
se volatilise, en raison de l'indépendance ci-dessus indiquée.
La température critique est-elle, au contraire, supérieure à 70°, il vaut mieux opérer en tube fermé, à cause du voisinage
du point d'ébullition de l'alcool.
Nous avons choisi ce dernier procédé et le décrirons seul,
bien que laconstante du beurre dans l'alcool absolu soit un peu inférieure à 70°.
Dans un tube de verre très mince, de 6 à 8 millimètres de diamètre, on introduit, au moyen d'un tube capillaire et sans souiller les parois, deux à quatre gouttes de beurre fondu; on
verse par dessus deux fois autant d'alcool absolu et on scelle le
tube au chalumeau. Le tube est fixé par un bracelet de caout¬
chouc contre un bon thermomètre, de telle sorte que les subs¬
tancessoient au niveau du réservoir à mercure, puis on chauffe
dans un bain d'eau. Le ménisque de séparation s'aplatit pro¬
gressivementet,aumoment où il est horizontal,on détermine le mélange des deux liquidespar un brusque mouvementvertical;
le mélange doit alors être parfait et le liquide absolument clair.
On laisse refroidir le bain très lentement en agitant conti¬
nuellement avec le thermomètre. Aussitôt qu'un trouble se pro¬
duit, onnote l'indication thermométrique qui est la température critique de dissolution.
La présence d'acides gras libres, plus solubles que lesglycé- rides, change les résultats; mais nos beurres étant bien purs et
non altérés, nous n'avions pas à redouter cette cause perturba¬
trice.
Voici nos résultats en employant l'alcool absolu comme
dissolvant :
Température critique dans l'alcool absolu :
Beurre de vache .... 56°
Beurre de femme . . . 59°
— 23—
Certainauteurs donnent 98° pour la
température critique du
beurre de vache dissous dans
l'alcool
à91°
;il est facile de voir
que l'écart
est grand
pour uneassez faible différence alcoo¬
lique.
Dans l'alcool absolu, la constante doit
toujours être comprise
entre 50 et 62°.
Déterminationdu coefficient de
solubilité dans l'alcool absolu.
— La solubilité des corps gras
dans l'alcool absolu est très
variable. A côté de produits
entièrement solubles, comme les
huiles de ricin et de Croton tiglium, on
trouve tous les inter¬
médiairesjusqu'à une
insolubilité à
peuprès absolue. La con¬
naissance de ce degré de
solubilité est donc
uneconstante qu'il
y a intérêt à
connaître
pourchaque corps gras.
Pour les beurres, en particulier, cette
détermination a plus
quelavaleur
d'une constante,
carelle permet d'apprécier, d'une
manière approchée, leur teneur en
acides volatils.
M. Chevreul, puis M.
Duclaux, ont
eneffet démontré que,
pour les beurres,
la solubilité n'était pas globale, mais s'exer¬
çait plus
particulièrement
surcertains éléments : sur les acides
libres d'abord, puis les
glycérides à acides volatils, la butyrine
surtout et en dernier rang les
glycérides à acides fixes.
Il s'ensuit que l'onpourra,
dans
unbeurre non altéré, estimer
grossièrement
la proportion d'acides volatils d'après le coeffi¬
cient de solubilité dans l'alcool.
Mais pour que cette
donnée ait quelque valeur, il faut tou¬
jours opérer sur
des produits exempts d'acides libres et suivant
un mode toujours le même.
Cette dernière condition a été sou¬
vent oubliée, nous semble-t-il.
M. Duclaux met en digestion la
matière
grasseet l'alcool à
une température
supérieure
àcelle qu'il vise et laisse ensuite
refroidir à la température
voulue, de façon à assurer la satura¬
tion del'alcool.
Le beurre doit être en grand excès,
de façon
quela dis¬
solution de certains éléments ne change que
très
peula compo¬
sition de ce qui reste indissous.
Les proportions respectives de
beurre et d'alcool ne sont pasindiquées.
_ 24 —
Il trouve ainsi pour le beurre de vache une solubilité égale à 6,54 p. 100 d'alcool absolu.
D'un autre côté, M. P.-S. Girard a appelé l'attention sur l'in~
térêtde cette détermination et donne un procédé un peu diffé¬
rent; c'est à ce dernier que nous avons eu recours.
Dans une petite fiole d'Erlenmeyer tarée, nous plaçons
un gramme de beurre et 10 cc. d'alcool absolu. La fiole bien bouchée est placée sur une plaque légèrement chauffée pour
assurer la fusion du beurreet le liquide agité à plusieurs repri¬
ses, sans souiller le bouchon, est ensuite abandonné au repos pendant douze heures pour faciliter la séparation. La solution surnageante est alors décantée très soigneusement. Le flacon,
bien séché et pesé, accuse une diminution de poids représentant
la substance dissoute dans 10 cc. d'alcool absolu.
A titre de contrôle, on peut évaporer la solution et voir si le
résidu correspond à la quantité disparue d'autre part.
Nous avons ainsi trouvé comme coefficient de solubilité dans 1.000cc. d'alcool absolu.
Beurre devache. . . . 43,3 pour 1000 cc.
Beurre de femme ... 34,7 —
En ce quiconcerne le beurre de vache, nous sommes loin du chiffre indiqué parM. Duclaux; mais cette différence peut s'ex¬
pliquer, le mode opératoire et sans doute aussi la substance traitée n'étant pas les mêmes.
Nous pouvons néanmoins comparer nos deux échantillons et voir quela solubilitéest bien moindre pour lebeurre de femme
que pour celui de vache.
D'aprèsce que nous avons déjà dit ausujet delà solubilité des différents glycérides, on peut déjà présumer que la proportion
d'acides volatils sera notablement moindre dans le beurre de femme et nous verrons, par l'analyse ultérieure, que cette pré¬
somption se trouvejustifiée.
Détermination des points de fusion et de solidification des
acides gras. — La déterminationdes points de fusion et de soli-
dification des corps gras eux-mêmes,
concrets à la tempéra¬
ture ordinaire, présentetrès peu
d'intérêt,
enraison même des
difficultés d'observation et du manque de
netteté du phéno¬
mène.
Les différents glycérides
fondent
et sesolidifient à des tem¬
pératuresdifférentes,
souvent éloignées les unes des autres; ils
sont très sujets aux phénomènes
de surfusion, d'où le manque
de netteté et deprécision.
L'observation est au contrairebeaucoup plus
nette lorsqu'on
s'adresse aux acidesobtenus par
saponification et désaponifica¬
tion des corpsgras.
En général, on opère sur
des acides
grasobtenus par le pro¬
cédé Dalican. N'ayant pas utilisé ce
mode d'obtention,
nousne
le décrirons pas, car il nous a paru
qu'on obtenait ainsi des
acides insuffisamment purifiés, retenant
dans leur
masseune
quantitévariable d'acides liquides.
Nous avons préféré faire porter nos
déterminations sur les
acides insolubles dans l'eau résultant du dosage par
le procédé
de Ilehner que l'on trouvera
décrit plus loin. On opère ainsi sur
des acides assez biendéfinis, puisqu'ils
proviennent d'un dosage
précis et les constantes
cherchées doivent offrir une certitude
plusgrande.
Point defusion des
acides insolubles.
—Dans les acides fon¬
dus et parfaitement clairs, on
plonge la pointe un peu chauffée
d'un tube capillaire finement
étiré et très mince de parois. Par
une aspiration doucement
soutenue et
ensoulevant de temps à
autre la pointe au-dessus
du liquide,
onfait pénétrer dans le
tube de petits cylindres
alternativement formés d'acides gras et
d'air. Le tube est maintenu horizontalement et
la pointe
enest
scellée au chalumeau. Pour se mettreà
l'abri des phénomènes
de surfusion, il est bon de remettre au
lendemain l'essai pro¬
prement dit etvoicicomment on y
procède.
Un ou deux tubes ainsi préparés sont
fixés
pardeux bracelets
de caoutchouc au niveau du réservoir à mercure
d'un thermo¬
mètre exact et sensible indiquant le
demi-degré. Le tout est
plongé dans un