LES ACIDES GRAS TRANS DU BEURRE
II. — CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE LEUR ORIGINE
Simonne KUZDZAL-SAVOIE,
Janine
RAYMOND, W. KUZDZALJanine
PETITStation centrale de Recherches laitières et de
Technologie
des Produits animaux,Centre natiosial de Recherches
zootechniques,
i8 -Jouy-en-Josas
SOMMAIRE
Les acides gras « trans » du beurre
préexistent
dans leslipides
du lait. Leurorigine
est essen-tiellement
endogène :
ils prennent naissance au cours d’unphénomène d’hydrogénation qui
existeen
particulier,
au niveau du rumen etqui
porte sur les acidespolyinsaturés
de la ration.Les résultats obtenus ont
permis
d’établir l’existence d’une relation directe entre le taux d’acidelinolénique
de la ration et le taux des acides gras trans deslipides
du lait.Mais le site
précis
de formation de ces acides trans, et la nature descomposés
intermédiaires entre l’acidelinolénique
et l’acide irans-octadécène- i-oïque(acide vaccénique),
parexemple,
restentencore assez mal définis.
I. - INTRODUCTION
L’étude des acides gras du beurre est un
sujet
de recherchestoujours
actuel.En
i 9 62,
M!GmMnx et al. détectaient6q
acides gras dans leslipides
du lait de vache.Les travaux récents de IVERSONet al.
(r 9 6 5 ) portent
ce nombre à84.
Dans une
précédente publication (KUzDzAL-SAvoiE
etR AYMOND , 19 65)
nousavons
rappelé
les connaissances actuelles concernant les acides gras trans du beurre.Nous avons en outre
proposé
une méthode d’isolement et dedosage pondéral
desacides gras trans du beurre basée sur les récents
progrès
del’analyse chromatogra- phique.
Cette méthode a étéappliquée
à l’étude dequelques
échantillons de beurrefabriqués
à différentespériodes
de l’année.Les acides gras trans du beurre
préexistent
dans leslipides
du lait. Leurorigine
est essentiellement
endogène
car les aliments naturels habituellement distribuésaux vaches laitières ne contiennent
qu’une quantité négligeable
d’acides trans(Bxou-
BVER et
JO: NI Œ R -S CH E F FE;,BE R , 194 6 ;
§ HARTMAN etai.,
1954et195 6).
Onpeut
retenirde diverses études
(B ROUWER
etJowK!R-Scx!F!!w·FR, ig 4 6 ; Kuznzar,-Swom, 19
6 4
)
que le taux des isomères trans dans le lait est d’autantplus
élevé que la ration alimentaire des vaches laitièrescomporte
uneplus grande quantité
d’herbejeune (printemps, automne).
Leslipides
de l’herbejeune
contiennent uneproportion
éle-vée d’acides
polyinsaturés : linoléique
et surtoutlinolénique.
Ces acidespolyinsa-
turés
n’apparaissent
que trèspartiellement
dans le lait par suite de l’existence auniveau du rumen d’un
phénomène d’hydrogénation,
- dont lesmicro-organismes
sont
responsables
-,qui
les transforment en acidesplus
saturés : monoènes et acidestéarique.
Lesproportions
de ces acides s’élèvent dans leslipides
du laitlorsque
del’herbe
jeune
est introduite dans la ration(cf. Isuznzat,-S.avor!, 19 6 4 ).
Parmi lesmonoènes du lait on
compte
alors uneproportion
notable d’acides trans.Il a été établi que les acides gras trans des
lipides
du laitprennent
naissanceau cours de
l’hydrogénation
dans le rumen(hydrogénation biologique).
Desexpé-
riences in vivo et surtout in
vitro,
ont été effectuées en vue depréciser
la nature desacides gras formés
(produits
intermédiaires etproduits finaux)
au cours del’hydro- génation biologique portant
sur les acidesoléique, linoléique
etlinolénique (SnoRLAND
et
al.,
1957 ; WARD etal., ig6 4 ).
Les isomères formés au cours del’hydrogénation
catalytique portant
sur ces mêmes acides ont faitégalement l’objet
de nombreusesinvestigations.
Les recherches de DUTTON( 19 6 3 )
et de SREENIVASAN et al.( 19 6 3 )
sur
l’hydrogénation
de l’acidelinolénique
nous intéressent enpremier
lieu. Eneffet l’acide
linolénique
est l’acidemajeur
deslipides
de l’herbe et desfourrages :
-,sa
proportion
dans leslipides
de la ration varie donc fortement au cours de l’année alors que le taux d’acidelinoléique
varie relativement peu(l’acide linoléique
estl’acide gras
majeur
des aliments concentrés à base de céréales souvent distribuésl’hiver)
et que le taux d’acideoléique
restetoujours
faible(cf. KuzDZAE-SAvoiE, rg6 4 ).
Selon l’étude récente de WARDet al.
(rg6 4 ), l’hydrogénation biologique
s’exer-çant
sur l’acidelinolénique
conduit auxproduits
terminaux suivants : acidestéarique
et acides monoènes
comportant
18 atomes decarbone,
deconfiguration
transprinci- palement.
Selon WARD etal.,
la double liaison des monoènes trans seraitplacée préférentiellement
sur les atomes de carbone z3et 14 et secondairement sur les atomes voisins.Cependant
si unehydrogénation
de 3 ou 4 heuresportant
sur l’acide linolé-nique (hydrogénation
obtenuegrâce
à l’action desmicro-organismes
dans l’enceinted’un rumen
artificiel)
conduit auxproduits
terminaux dont nous venons deparler,
une
hydrogénation
limitée à 20minutes apermis
de mettre en évidence desproduits
intermédiaires étudiés par WARDet al.
(zg6¢).
Cesproduits
intermédiaires sont com-posés
essentiellement de deux acides diènes à r8 atomes decarbone,
l’un nonconjugué
à doubles liaisons
éloignées
et l’autreconjugué ;
tous deux deconfiguration
cis-cis.Cependant
ces résultats ne nouspermettent d’expliquer
quepartiellement l’origine
des acides trans du beurre
puisque
l’acidevaccénique qui
en constitue lamajeure partie possède
une double liaison sur le carbone ii, et que l’acide dièneconjugué signalé
dans le beurrepossède
uneconfiguration
cis-trans ou trans-trans(S MITH
etJACK,
1954 ; HERE etal., 19 62).
Sans doute d’autres
phénomènes
que lasimple hydrogénation portant
sur l’acidelinolénique
doivent être mis en cause. Parmi ceux-ci nous citerons laparticipation
directe des acides monoènes à 18 atomes de carbone des
lipides protoplasmiques
desmicro-organismes
du rumen oudu
tractusdigestif plus éloigné.
Les travaux de KATzet KEENEY
( 19 6 3 )
ont montré enparticulier
que, dans la moitié des cas, la double liaison de ces monoènes estplacée
sur le carbone il et, si l’on considère les seuls traits monoène3 deslipides
de cesmicro-organismes,
dans 90p. 100des cas, la double liaison est sur le carbone m.On sait aussi que
l’hydrogénation
sepoursuit
dans lesparties
inférieures du tractusdigestif (W ARD
etal., rg6q).
Elleporte
alorspréférentiellement
sur l’acidelinoléique
et on assiste à une nouvelle formation d’acides monoènes traits dont laposition
de la double liaison n’a pas été déterminée.Cependant
sil’apport
d’acidelinolénique
alimentaire est lephénomène qui
détermine un accroissement d’acides traits
(trans-octadécène-ii-oïque)
dans leslipides
du
lait, l’hydrogénation portant
sur l’acidelinolénique,
au niveau du rumen, doit être lephénomène
central en cause.L’hypothèse
d’une isomérisation de la double liaison des monoènes traits sous l’action desmicro-organismes peut
êtreémise,
paranalogie
avec unphénomène
de même naturedéjà
démontré(O’LE ARY , 1959 ).
L’hypothèse
d’unerésorption
des seuls isomères trans-rr est, par contre, difficilement concevable.L’origine
exacte des acides gras traits du beurre est donc encore assez mal éta-blie,
etplusieurs
voiesexpérimentales peuvent
être suivies en vue depréciser
cetteorigine.
En
premier
lieu il convient de vérifier sil’apport supplémentaire
d’acide lino-lénique
dans la ration des vaches laitières entraîne un accroissement du taux des acides trans deslipides
dulait,
et si l’absence d’acidelinolénique
dans la ration entraîneleur
disparition complète,
- ou seulement une diminution -, des acides traits du lait(monoènes
à 18 atomes decarbone).
Il est deplus
nécessaire de vérifier que les acides trans dont la formationpeut
êtreprovoquée
parl’apport
d’acidelinolénique
dans la ration
possèdent préférentiellement
la double liaison traits enposition
m.Une fois ces
points établis,
le site de formation des acides tvans monoènes dulait,
et la nature descomposés
intermédiaires entre l’acidelinolénique
et l’acide trans-rr-otadécènoïque
enparticulier,
devraientpouvoir
êtreprécisés
par desanalyses comparables
à cellesprésentées
par WARD et al.(r 9 6 4 ),
maiscomportant toujours
l’isolement des acides cis et des acides traits, ainsi que la détermination de
l’empla-
cement des doubles liaisons.
La
présente
étude serapporte
aupremier point
de ce programme, à savoir l’établissement d’une relation directe entre l’acidelinolénique
de la ration et les acidesgras tvans des
lipides
du lait.II. - PARTIE
EXPERIMENTALE
A - Le troupeau
expérimental
- Lerégime
alimentaire - Lesjrrélèvements de
laitTrois vaches de race Française Frisonne Pie Noire (53 H, 195 H et 9oi3 H) appartenant au troupeau du Centre national de Recherches
zootechniques
sont retenues pourl’expérimentation.
Elles
reçoivent
une alimentation à base de foin, de betteraves,d’ensilage
et de concentré. Unsupplé-
ment alimentaire, sous forme de tourteau gras de lin leur est
distribué,
à raison de i à 3kg
par vache et parjour
selon unprotocole expérimental
décrit à lapartie
inférieure desfigures
Iet 2. La période expérimentale est de deux semaines. Desprélèvements
sont effectués régulièrement pendantla
période
expérimentale et pendant lespériodes
pré- etpost-expérimentales,
sur le lait des vachessoumises à
l’expérimentation.
Un lait demélange, pondéré
en fonction desquantités
de laitproduites
par
chaque
vache, etreprésentatif
d’unejournée
est ensuite constitué. Dixprélèvements
sont effec-tués du 17 février au 13 mars 1965.
B. Analyse du tourteau de lin.
Analyse
deslipides
du laita)
Le tourteau de lin.On détermine l’extrait sec, le taux d’huile et la
composition
des acides gras de cette huile parl’analyse chromatographique
des estersméthyliques préparés
partransestérification (cf. KUZDZAL-
SAVO I
E et KUZDZAL,
I9 fi 2 ).
b)
Leslipides
du lait. ’Le lait est écrémé. La crème est transformée en beurre dans un mixer tournant à IZ o0o tours par minute. Le beurre est ensuite chauffé au bain-marie à 500C et
centrifugé.
Sur l’huile obtenue ondétermine le taux d’acides diènes
conjugués
selon la méthode décrite par BRICE et SWAIN( 1945 )
et
précédemment
utilisée(cf.
KUZDZAL-SAVOIFet KUZDZAL, 1961). Onprépare
àpartir
de l’huile debeurre, les esters
méthyliques
par transestérification(KuzDZnL-SnvoxE
et KUZDZAL, 1962) et on sou-met les esters à
l’analyse
parchromatographie
enphase
gazeuse. Par ailleurs, les estersméthyliques
des acides gras trans sont isolés, dosés et identifiés selon le mode
opératoire
décrit antérieurement(KuZDZAI,-SAvoiE
et RnY!toND,r 9 6 5 ).
Les esters d’acides saturés et insaturés cis obtenus en groupes distincts au cours de cetteanalyse
sontégalement
étudiés parchromatographie
enphase
gazeuse.L’analyse
directe des estersméthyliques
totaux du beurre, parchromatographie
sur couche mince desilicagel imprégné
de nitrated’argent
est effectuée selon PALLOTA et al.( 19 6 5 ).
III. -
RÉSULTATS
A ― Résultats de
l’analyse
du tourteau de linI,es résultats se
rapportant
àl’analyse
du tourteau de lin et de l’huile extraite de ce tourteau sontportés
dans le tableau i.I,’huile
contient uneproportion
élevéed’acide
linolénique
voisine de 60 p. 100des acides totaux.Connaissant la
proportion
d’acidelinolénique
dans l’huile delin,
le taux d’huile dans le tourteau et laquantité
de tourteau distribuée àchaque vache, chaque jour,
il est
possible
de connaître laquantité
d’acidelinolénique ajoutée
à la ration de base.Ainsi les vaches
reçurent
environ 125, 255 ou3 8 0
g d’acidelinolénique
pour 1, 2 ou 3kg
de tourteau gras de lin.B ― Résultats de l’anabise des
lipides
du laita)
Production de matière gvasse.Le taux
butyreux
dulait,
lesquantités
de laitproduites
par les vaches enexpé-
rimentation et les
quantités
de matière grasse sécrétée sontindiquées
sur lafigure
i.On constate que la
période expérimentale correspond
à une élévation faible mais notable de laquantité
de matière grasse sécrétée. Cette élévationtemporaire s’aligne
sur la distribution de tourteau de lin.
b)
Les acides gras trans.Les résultats concernant
l’analyse
parchromatographie
sur colonne desilicagel imprégné
de nitrated’argent,
et conduisant au fractionnement des estersméthyliques
des acides totaux en esters d’ cc acides
saturés o,
d’ « acides insaturés trans»» (monoènes trans)
et « insaturés cis n, sontportés
dans le tableau 2. Sur lafigure
2 onprésente
lavariation du taux des acides trans dans les échantillons de beurre
préparés
àpartir
du lait
prélevé,
et sur lafigure
3, uneanalyse
parchromatographie
en couche mincesur
silicagel imprégné
de nitrated’argent
des estersméthyliques
totaux de l’échan-tillon de beurre n° 6. On
observe,
très biendétaché,
le « feston » d’acides trans à lapartie supérieure
de lafigure.
On observe une netteaugmentation
du taux des acidestrans au cours de
l’expérimentation :
il est de 2 à 3 p. 100 horsexpérimentation,
etatteint
8, 5
p. 100pendant
lapériode
de distribution maximale de tourteau de lin soit une valeurtriple
de la valeur dedépart.
Le taux d’acides trans le
plus
élevé atteint au cours de lapériode expérimentale (8,5
p.100 )
est voisin du taux( 7 ,5
p.100 ) qui
a été trouvépar la
même méthoded’analyse;
dans un beurre industrielfabriqué
en mai19 6 4 ,
c’est-à-dirependant
unepériode
de vie aupâturage
et de consommation d’herbejeune
par les vaches laitières(K UZDZAT ,- SAV O I
Ë
etR A YMOND, 1965).
L’observation du tableau 2 montre en outre que la
proportion
d’acides insaturés cis s’est élevée sensiblement au cours del’expérimentation.
Ainsi la diminutiond’acides saturés est
compensée
par uneaugmentation
d’acides insaturés-trans etinsaturés-cis. Cette
augmentation
est du même ordre pour les insaturés-tvans et les insaturés-cis.Les groupes d’acides
(saturés,
insaturés-trans etinsaturés-cis)
obtenus au coursdu fractionnement sur colonne de
silicagel imprégné
de nitrated’argent
ont tous étéétudiés par
chromatographie
enphase
gazeuse. L’observation de l’ensemble deschromatogrammes
révèle desimages
très semblables pour les groupescorrespondants.
On retrouve
l’aspect déjà
décrit dans l’étudeprécédente (K UZDZAL -S AVOIE
et RAY-M O ND
,
19 65) :
les monoènes à r5, z6 et 17 atomes de carbonetoujours présents
dansles acides trans, dans
lesquels
se retrouventgénéralement
une fraction mineure d’aci- des saturés à 12 et 14 atomes de carbone(fig. 4 ).
On observerégulièrement
sur lapartie
descendante dupic
z8:i unépaulement déjà signalé
dans l’étudeprécédente.
Le groupe des acides insaturés-cis est caractérisé par la
présence
enproportions
relativement élevées des acides monoènes à y, 16 et 17 atomes de carbone et par l’absence
d’épaulement
sur lapartie
descendante dupic
18:1.On a
calculé,
àpartir
des différentschromatogrammes,
lesproportions
d’acidesmineurs
(monoènes traits ?)
évaluées d’abord en fonction des acides traits totauxpuis
en fonction des acides totaux du beurre.
On a de la même
façon,
calculé lesproportions
d’acides monoènes cis mineursen fonction des acides cis monoènes totaux
puis
en fonction des acides totaux du beurre.Enfin on a évalué les
proportions
des différents acides saturésmajeurs
en fonc-tion des acides totaux du beurre. Tous ces résultats sont
portés
dans le tableau 3(résultats
serapportant
àl’analyse chromatographique
sur colonne desilicagel
im-prégné
de nitrated’argent).
On considère dans ces
calculs,
mais ceci est assezapproximatif,
que laperte
constatéeaprès
passage des estersméthyliques
totaux sur colonne d’acidesilicique imprégné
de nitrated’argent correspond
à laperte
des estersméthyliques
des acidesà bas
poids
moléculairejusqu’à C 12 (par
suite desmultiples opérations d’évaporation
de
solvant)
et à laperte
des esters d’acidespolyinsaturés (non élués).
Ainsi les résultats obtenus au cours de
l’analyse
des groupes d’esters recueillisaprès
passage sur colonne doiventcorrespondre approximativement
aux résultatsobtenus par
l’analyse
directe parchromatographie
enphase
gazeuse des estersméthy- liques
totaux du beurre.c)
Les acides gras totaux.Au cours de la
période qui
s’étend du 15 février au 20mars19 65,
lesproportions
relatives des acides gras du lait de
mélange
obtenu àpartir
du laitproduit
par les trois vaches enexpérimentation
ont varié. Cesproportions
relatives sontindiquées
pour les dix échantillons de beurre
préparés
au cours del’expérimentation
dans letableau 3.
Dans ce tableau se trouvent
également
les résultats obtenus lors del’analyse
des groupes d’esters résultant du fractionnement sur colonne desilicagel imprégné
de nitrate
d’argent.
Le
recoupement
des deux méthodes n’est pasparfait ; cependant
il est suffisam-ment bon pour démontrer que le fractionnement sur colonne de
silicagel imprégné
de nitrate
d’argent
n’altère pas lesproportions
initales des acides gras etpermet donc,
par
exemple,
une évaluation relativement exacte desproportions
relatives des acides cis et trans( ?)
monoènes mineurs.Dans la
période pré-expérimentale,
la matière grasse du laitprésente
une com-position caractéristique
d’une matière grasse de lait d’hiver : taux élevés des acides à 14et 16 atomes de carbone et taux faibles des acidesstéarique
etoléique. la’apport
d’acide
linolénique
dans la ration entraîne uneaugmentation
de laproportion
d’acidemonoène à 18 atomes de carbone et de la
proportion
d’acidestéarique.
Les acidessaturés
majeurs
diminuent simultanément. Au cours de lapériode post-expérimen-
tale on observe un retour
progressif
vers lesproportions
relatives observées audépart.
Simultanément à
l’augmentation
des acidesstéarique
et monoène à 18 atomesde
carbone,
on observe uneaugmentation
notable des acides diènes et triènes à 18 atomes de carbone.
Tout ceci confirme les résultats
déjà
obtenus à diversesreprises
antérieurement(cf. KIJZDZAI,-!SAVOIE, zg6 4 ). Quelques
observations nouvelles peuvent être relevéesen ce
qui
concerne les acides gras mineurs.d)
Les acides gras « mineurs ».1
0 Les acides diènes
conjugués.
Le taux des diènes
conjugués
du beurre varie nettement au cours del’expéri- mentation,
par suite de la distribution du tourteau de lin(fig. 5 ).
Déterminé parspectrophotométrie
dansl’ultraviolet,
ce taux varie de 0,4à 1,5 g p. IOOg de matière grasse. La variation du taux des diènesconjugués
est trèsrégulière
ets’aligne
par- faitement sur la variation de laquantité
de tourteau de lin distribuée.L’augmenta-
tion du taux de diènes
conjugués
seproduit
dans les 24 heuresqui
suivent lapremière
distribution de tourteau gras, mais la diminution de ce taux
après
lasuppression
du tourteau de lin dans la ration est
beaucoup plus
lente : il faut attendrecinq jours
environ
après
la dernière distribution de tourteau pour que le taux de diènes con-jugués corresponde
au taux dedépart.
L’analyse
parchromatographie
enphase
gazeuse des estersméthyliques
totauxdu
beurre,
n’a paspermis
d’individualiser le ou lespics correspondant
aux acidesdiènes
conjugués.
Laproportion
de ces acidesn’apparaît
donc pas dans le tableau 3. 20 Particularité du
Pic
« diène », 18:2.Sur les
chromatogrammes
obtenus au cours del’analyse
directe des estersméthyliques
totaux on observe que lepic correspondant
aux diènes à 18 atomes decarbone
présente
une certaineparticularité
au cours de cetteexpérience,
non seule-ment dans
l’importance
relative dupic
des diènes mais dans la forme de cepic.
Ceciest montré sur la
figure
6. Alors que lepic
des diènes est nettementséparé
dupic
monoène pour les échantillons i et 10, cette
séparation
est moins nette sur les chro-matogrammes correspondant
aux échantillons 5 et 6 et l’onpeut
affirmer que ceci est dû àl’apparition
d’unpic supplémentaire adjacent
et antérieur aupic
« vrai »du diène «
linoléique
». Dans l’évaluationquantitative
des acides gras(tabl. 3 )
nousavons volontairement dissocié les deux
parties
dupic
des « diènes », et nous avonsappelé
«1 8:2, linoléique
lepic qui
effectivementcorrespond
à cet acide et « 18:2 ? »le
pic
antérieur visible surtout sur leschromatogrammes correspondant
aux échan-tillons de beurre
fabriqués
au milieu de lapériode d’expérimentation.
On constate ainsi que la variation du taux d’acide
linoléique
est relativement faible au cours del’expérimentation puisque
les valeurs extrêmes observées sont1 ,
0et
2 ,8 (en
p. 100 des esterstotaux)
alors que la variationatteignant
lepic
anté-rieur
présente
uneplus grande amplitude :
celle-cicorrespond
à une variation de taux allant des » traces» jusqu’à
2,o p. 100(cf.
tabl.3 ).
Mais ceci
n’implique
pas que lepic
antérieur aupic
de l’acidelinoléique
vraicorresponde
aux acides diènesconjugués
ou à l’un des acides de ce groupe. Nousverrons
pourquoi
au cours de la discussion.3
0 Les acides monoènes mineurs du
groupe
trans.Nous avons
indiqué
que des acides monoènes à 15, 16 et 17 atomes de carbone sontrégulièrement présents
dans les acides trans. L’isolement de ces acides et l’éta- blissement de laconfiguration
trans doitprécéder
l’affirmationqu’il s’agit
vraimentd’acides trans. Or ceci n’a pas été effectué dans
l’expérience présente.
Néanmoinsquelques
estimations ont été faites sur ces acides monoènes mineurs du groupe trans.Le taux de monoènes à 16 atomes de carbone est en moyenne de 0,2 p. 100 des acides totaux du
beurre,
avec des valeurs extrêmes de o,oc!-o,27, cequi correspond
à 6-20 p. 100 de l’acide
hexadécénoïque
total.L’acide monoène à 15atomes de carbone
présent
dans les acides trans,représente
0 ,
02 à
0 , 0 6
p. 100 des acides totaux du beurre. S’ils’agissait
vraiment du monoène trans, celui-cireprésenterait
uneproportion
relativement élevée de l’acide monoène à 15 atomes de carbone total(cf.
tabl.3 ).
La
portion
d’acide monoène à 17 atomes de carbone trouvée dans les acides trans est, par contre,toujours
très faiblereprésentant
àpeine
10 p. 100 de l’acideheptadécènoïque
total.4
o
Les autres acides mineurs.On a
représenté
sur lesfigures
7 à 10les variations desproportions
d’un certainnombre d’acides mineurs
groupés
selon leur nature : acides monoènes(fig. 7 )
acidesà nombre
impair
d’atomes de carbone(fig. 8)
acides ramifiés(fig. g),
acidespolyènes (fig. 1 0).
On constate que d’une
façon générale
lesproportions respectives
de tous lesacides à
l’exception
des acides à z8 atomes decarbone,
diminuent au cours del’expé-
rimentation et s’élèvent
ensuite,
etatteignent
au bout d’unepériode post-expéri-
mentale de deux semaines environ les
proportions
observées audépart.
Parmi les acides
polyènes
à 18 atomes decarbone,
l’acidelinoléique
s’élèverelativement peu et d’une
façon
trèstemporaire.
L’acidelinolénique augmente
aucours de
l’expérimentation,
et cette variations’aligne
sur celle de l’acideoléique.
V. - DISCUSSION
A ―
Origine
des acides trans monoènesLes acides traits monoènes à 18 atomes de carbone constituent 90 p. ioo des acides tvans totaux, isolés et dosés selon le
procédé analytique
décrit. La variation du taux des acides trans du beurre, visible dans le tableau 2 est donc due essentielle- ment à la variation du taux des monoènes trans à r8 atomes de carbone. Laprésence
de ceux-ci dans les
lipides
dulait,
est en relation directe avec laquantité
d’acidelinolénique présent
dans la ration des vaches laitières.L’acide linolénique
est doncle !c
précurseur
» des acides traits monoènes à 18 atomes de carbone du beurre. Ce rôle deprécurseur pourrait
aussi êtrejoué
par l’acidelinoléique,
cet acide subis- sant aussil’hydrogénation
avec formation d’acides traits monoènes à 18 atomes de carbone dans le tractusdigestif (SHOR!,axD
etal.,
1957 ; WARD etal., rg6 4 ).
Dans le cas de
l’expérience présente
l’acidelinolénique
constitue 60 p. 100 des acides totaux de l’huile de lin alors que l’acidelinoléique
n’en constitue que 17p. 100 Laquantité
d’acidelinoléique
introduite dans la ration n’en est pas moins notable.Cependant
si l’addition à la ration d’unequantité importante
d’acidelinoléique
entraîne une
augmentation
des monoènes à 18 atomes de carbone dans leslipides
du lait
(H ILDI T CH
et WILLIAMS,ig64 ;
MATTSSONetal., 19 6 1 ; K U7DZAL -S AVOI E, io6
4
),
- sansqu’il
soitpossible
de dire s’il v a ou non accroissement des monoènes .-iln’y
a pas d’accroissement simultané des acides diènesconjugués
alorsqu’un
iel accroissement est
toujours
observéquand
il y a unapport
d’acidelinolénique
dansla ration
(MaTTSSOV,
ig4c! ;K UZ I) Z A L -S A VO I E, ig6!).
Dans le cas d’unapport
d’acidelinoléique
dans la ration on observegénéralement
uneaugmentation
faible mais sensible de l’acidelinoléique
dans le lait(M AT T SSON
etal., 19 6 1 ; K UZDZAL -S AVO IE, I9
6 4
).
Dansl’expérience poursuivie,
on a effectivement observé unelégère
augmen- tation du taux d’acidelinoléique (fig. io),
due sans doute àl’apport représenté
par les 17 p. 100 d’acidelinoléique présent
dans l’huile de lin. Mais la variation trèsimportante
du taux d’acides diènesconjugués
est une preuve que le facteur respon- sable des variationsatteignant
laproportion
d’acides monoènes trans est bienl’ap- port
d’acidelinolénique
dans la ration.B ― Variations de la teneur du beurre en acides trans
Au cours de la
période expérimentale,
les vaches laitières ont reçu unequantité
allant de i25 à
3 8o
g d’acidelinolénique
par vache et parjour.
Cettequantité
d’acidelinolénique
est du même ordre que laquantité
d’acidelinolénique qui
se trouve dansla ration des vaches laitières
lorsque
celles-ciséjournent
aupâturage pendant
lapériode
deprintemps (cf. K UZDZAL -S AVO IE, ig6 4 ).
L’alimentation !de basen’apporte,
dans
l’expérience présente,
que 50ou 60 g d’acidelinolénique
dans la rationjourna-
lière
(cf. K UZDZAL -S AV O I E, 10 6 4 ).
Les
proportions
d’acides diènesconjugués,
d’acides trans, d’acideoléique
etd’acide
stéarique
trouvées dans les échantilllons de beurrefabriqués
àpartir
du laitproduit
par les vaches enexpérimentation
sont aussi du même ordre que les propor- tions des mêmescomposés
observées dans le beurre commercialfabriqué
auprintemps
ou à l’automne dans les
régions
où les vaches laitièresséjournent
alors aupâturage (cf. K UZDZAL -S AVO IE, zg64 ;
KUZDZAL-SAVOIE et RAYMOND,1965).
On
peut
donc affirmer que, dans les conditions actuelles de vie et d’alimentationauxquelles
les vaches sontsoumises,
les acides traits du beurre nepeuvent
pasrepré-
senter une
proportion supérieure
à 7 ou 8 p. 100 des acides gras totaux.Ce taux
pourrait-il
s’élever si les conditions d’alimentation devenaient diffé- rentes?Si,
parexemple,
la distribution d’aliments concentrés decomposition
variéedans
lesquels
seraientincorporées
desgraisses hydrogénées, remplaçant
alors pour unelarge
part l’alimentationtraditionnelle,
devenait unepratique
habituelle ? S’il est démontré que les acides trans(qui
constituent une fractionmajeure
des acides gras desgraisses hydrogénées) peuvent
« passer » dans lelait,
- comme cela a étéprouvé
pour d’autres acides gras(G LAS C O C K
etal.,
1955; KUZDZAL-SAVoiE etPAQUOT, 19
6 2
)
-, le taux des acides tvans du laitpourrait
alorsdépasser
le taux maximumque nous venons
d’indiquer.
Cepoint
seraprécisé
dans uneprochaine expérimentation.
C ― Nature des acides trans
L’étude des acides trans que nous venons de
présenter
ne donne aucune infor-mation sur la nature exacte des acides trans à
l’exception
du nombre d’atomes de carbone.Les
proportions
relatives des différents isomères deposition
seront déterminées ultérieurement afin depréciser
si les acides monoènes trans à 18 atomes de carbone isolés et dosés dans l’étudeprésente possèdent
la double liaisonpréférentiellement
sur le carbone m. En
effet,
dans leur étude surl’hydrogénation
dans le rumen(hydro- génation portant
sur l’acidelinolénique),
WARD et al.( 19 6 4 )
ont montré que lesemplacements préférentiels
de la double liaison des monoènes formés étaient les atomes de carbone 13 et 14 ; lesemplacements
sur les atomes1 6,
m et 10 nerepré-
sentant
respectivement
que6,
i2 et 6 p. 100 des cas.Cependant
les auteurs cités n’ontpas déterminé les
emplacements préférentiels
de la double liaison des seuls monoènes traits. Il serait souhaitable de rechercher si les monoènes trans formés au niveau durumen
possèdent préférentiellement
la double liaison sur le carbone m. Ceci per- mettrait de situer exactementl’origine
des acides transprédominants
du lait.D -
Origine
et nature des acides trans autres que les monoènes à 18 atomes de carboneNous avons
régulièrement
observé au cours de cette étude laprésence
à’un acidemonoène à 16 atomes de carbone dans le groupe des acides trans. L’acide trans-hexa-
décénoïque
a étéprécédemment signalé
dans le beurre(S MITH
etal.,
1954 ; BACK-D E
RF et BROWN,
zg58 ;
HERB etal., ig6z).
Selon les auteurs ilreprésente
environ20 p. IOO de l’acide
hexadécènoïque
total. Dansl’expérience
décrite nous avonstrouvé que l’acide
hexadécènoïque accompagnant
les acides transreprésente
uneproportion
de 6 à 20 p. 100 de l’acidehexadécènoïque
total. Cette similitude dans lesproportions appuie l’hypothèse
selonlaquelle
l’acidehexadécènoïque
trouvé dans les acides trans serait l’acide transhexadécènoïque.
En ce
qui
concerne l’acide monoène à 17 atomes de carboneprésent
dans lesacides trans,
l’interprétation
estplus
difficile. Eneffet,
HANSEN et al.(ig6o)
ont établi que l’acide
heptadécènoïque
du beurrepossédait
la seuleconfiguration
cis. La faible fraction
( 10
p.100 )
d’acideheptadécènoïque
que nous avons trouvée dans les acides traits ne constituerait-elle pas uneimpureté ?
Nous avons écrit au début de cette étude que les aliments
généralement
distri-bués aux vaches laitières ne renfermaient pas d’acides trans. Cette absence n’est
cependant
pas absolue. Ainsi WEENINK et SxoRr,errD( 19 6 4 )
ont isolé récemmentun acide tvans à 16 atomes de carbone dans les
lipides
des feuilles de trèfle. Cet acide constitue r,4p. 100des acides totaux ; il existeégalement
dans leslipides
du ray-grass(Lolium pevenne)
et d’autresvégétaux.
Si l’existence de certains acides trans mineurs se trouvait confirmée dans les
lipides
du lait. leurorigine
alimentairepourrait
donc être aussienvisagée.
! - Les acides diènes
conjugués
Le taux de diènes
conjugués (évalué
parspectrophotométrie ultraviolette)
s’est élevé au cours de
l’expérience
décrite de 0,4à r,5 p. 100 des acides totaux.Une telle modification de
pourcentage
devraitcorrespondre
à une modification visible sur leschromatogrammes.
Si l’on se réfère aux travaux de MaciDVtax et al.
(rg62),
de I,rcxT!Wt,D et al.(rg6 3
),
de WARDet al.( 19 6 4 )
et de HOSTETTERet al.( 19 6 5 )
onpeut
affirmer que, sur colonnepolaire (succinate
dediéthylène glycol,
parexemple)
l’acideconjugué
cis-trans
apparaît pratiquement
en mêmetemps
que l’acidelinolénique
et l’acideconju- gué
tvans-tvans un peuplus loin,
l’acideconjugué
cis-cisoccupant
uneposition
intermédiaire.
Actuellement il est admis que l’acide diène
conjugué
du beurre estprincipale-
ment cis-tvans et secondairement tvans-trans
(S MI TH
etJACK, Ig54)!
Cependant parmi
lescomposés
intermédiaires formés au cours del’hydrogéna-
tion dans le rumen à
partir
d’acidelinolénique,
WARDet al.( 19 6 4 ) signalent
un acidediène
conjugué
cis-cis. Lapossibilité
d’uneabsorption
à travers laparoi
du rumenayant
étéévoquée (M C C AR T HY , rg62),
il sepourrait
que des traces d’acidesconju- gués
cis-cis existent dans le beurre.Quoi qu’il
en soit une élévation du taux de diènesconjugués
doitcorrespondre
sur les
chromatogrammes
à un accroissement dupic
«linolénique
» ou d’unpic plus
lointain.
En fait on observe bien un accroissement du
pic
attribué à l’acidelinolénique (cf.
tabl.3 ).
Mais la distribution d’huile de lin entraîne normalement une augmen- tation de l’acidelinolénique
lui-même(K U zDzAL-SAVOIE, rg6 4 ).
Cet accroissement est, dansl’expérience présente, cependant plus
fort que l’accroissementauquel
onaurait pu s’attendre