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N euromyélopathies dans la population de Noirs marrons de Saint-Laurent du Maroni en Guyane française.

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Texte intégral

(1)

Introduction

L

a Guyane française est un vaste département pluri-eth- n i q u e au sein duquel s’individualise une population de Noirs m a rrons qui est fortement implantée sur les berges du fleuve M a roni de Saint-Laurent. Depuis de nombreuses années, des pathologies neurologiques qui sont inexistantes parmi les Créoles, les Amérindiens et les Blancs de ce département ont été obser- vées chez les Noirs marrons. La description des manifestations cliniques se rapproche pour certains malades du concept de n e u ro - m y é l o n e u ropathie tropicale décrit par M. DU M A S( 3 - 4 ) et des neuropathies jamaïcaines de R.D. MO N T G O M E RY( 1 0 ) . Le but de ce travail est de préciser les tableaux et de les situer par r a p p o rt aux données de la littérature.

Patients et méthode

Patients - Il s’agit d’une étude rétrospective à partir de dix dos- siers de malades qui ont été suivis au centre hospitalier André B o u ron de Saint - Laurent du Maroni et au centre hospitalier

de Cayenne. Tous les malades avaient été admis pour un bilan n e u rologique et ils étaient des Noirs marrons. Ils appart e- naient aux ethnies Boni (trois), Paramaca (trois), Ndjuka (deux ), Saramaca (un) et un patient métis (Ndjuka et Boni). Ils pro- venaient d’un secteur géographique précis du bas Maro n i , aux environs immédiats de la ville de Saint-Laurent. Deux sujets habitaient Saint-Laurent, quatre étaient originaires du Surinam et vivaient dans des camps de réfugiés de la région de S a i n t - L a u rent, quatre arrivaient de villages des bords du Maroni (berges françaises). Certains furent hospitalisés à la demande de leur famille, d’autres avaient déjà consulté un médecin exerçant dans les camps de réfugiés ou les dispensaire s le long du fleuve.

Les Noirs marrons sont issus des diverses fuites d’esclaves des plantations hollandaises du Surinam du XVIII °siècle.

Chaque ethnie possède sa propre langue, qui est construite à p a rtir d’apports d’anglais déformé et de mots africains que les médecins parlaient sommairement. Aussi, la chronologie des troubles, les signes cliniques subjectifs et l’appréciation de t roubles psychiatriques ont été imprécis. L’ é q u i l i b re de la

N euromyélopathies dans la population de Noirs marrons de Saint-Laurent du Maroni en Guyane française.

Summary:M y e l o n e u ropathy among “ Noir- m a r ro n ” individuals of Saint-Laurent du Maroni in French Guyana.

The neurological observations have been reported at André Bouron Hospital of Saint-Laurent du Maroni and at General Hospital of Cayenne during a period of 5 years. All patients belonged to the

“ Noir Marron “ ethnic group and lived in the area of Saint-Laurent. There were six women and four men, aged 15-35 years. Neurological symptoms were isolated or associated to other organ failure.

Neurological manifestations included retrobulbar optic neuropathy, spastic paraparesis, sensitive ataxia and cerebellar ataxia, psychiatric symptoms were observed. Other organs affected were car - diovascular, digestive, cutaneous or endocrinologic (thyroid ). Diet consist mainly in cassava. Thiamin deficiency has been observed several times. Improvement of neurological deficits following thiamin administration points towards Thiamin as an etiological factor. Ethnological specificity of Saint- Laurent area may explain that such neurological manifestation have not been observed in the rest of the department.

Résumé :

Dix observations neurologiques ont été répertoriées à l’hôpital André Bouron de Saint- Laurent du Maroni et au centre hospitalier de Cayenne durant cinq ans. Tous les malades étaient des Noirs marrons et vivaient dans la région de Saint-Laurent. Ils avaient un âge compris entre 15 et 35 ans et ils étaient composés de six femmes pour quatre hommes.

Les signes neurologiques observés étaient isolés ou associés à l’atteinte d’autres organes. Les manifestations neurologiques étaient les suivantes: névrite optique rétro- bulbaire, paraparésie spastique, ataxie sensitive, ataxie cérébelleuse. Des troubles psy - chiatriques ont été décrits. Les autres organes atteints concernaient l’appareil cardio- vasculaire, digestif, cutané et la glande thyroïde. Le manioc représente l’aliment de base dans cette région. Le déficit en thiamine (vitamine B1)a été observé à de nombreuses reprises. L’amélioration des déficits neurologiques par l’administration de vitamine B1 est plutôt en faveur d’une étiologie vitaminique. La spécificité ethnographique de la

CLINIQUE

Sainte-Foie S. (1), Bourhis V. (2), Joly F. (3) & Petit-Bon J. (4) (5)

(1) Service de médecine A - C.H.I.Basse-Terre/Saint-Claude - Rue D. Beauperthuy - 97100 Basse- Terre - Guadeloupe (2) Service de médecine A - C.H.U. de Pointe-à-Pitre- Guadeloupe

(3) Service de médecine - C.H.André Bouron - 97 320 Saint - Laurent du Maroni - Guyane francaise (4) Service d’ophtalmologie -C.H.G. de Cayenne - 97 300 Cayenne - Guyane francaise

(5) Manuscrit n° 1802.“ Clinique ”Accepté le 4 mars 1997.

Key-words: Tropical myeloneuropathy, Nutritional myeloneuropathy, Ethnic pathology, Thiamin, Cassava

Mots-clés : Neuromyélopathie tropicale, Neuromyélopathie nutritionnelle, Pathologie ethnique, Thiamine, Manioc, Noirs marrons, Guyane française

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santé chez les Noirs marrons est maintenu par le respect des lois inhérentes au système social et au respect d’interdits ali- m e n t a i res. Ceux-ci sont tenus s e c rets par crainte de nuisances de la part d’autrui et n’ont donc pas été révélés lors des inter- rogatoires médicaux. Dès lors qu’un individu transgresse les lois du groupe, lui-même ou un autre individu de sa famille peut devenir malade. L’ é q u i l i b re sera re t rouvé par des prière s collectives, des bains et infusions de plantes part i c u l i è res sous la direction d’un guérisseur ou “bush data”.

Méthode - Les dossiers de malades qui présentaient une patho- logie neurologique apparemment d’origine carentielle (nutri- tionnelle et / ou vitaminique) ont été retenus pour cette étude qui a duré une année pour neuf malades et cinq années pour un malade. Seuls les dossiers les plus complets ont été sélec- tionnés. La fréquence exacte de ce type de pathologie par rap- p o rt à l’activité globale des services de médecine n’a pas pu être précisée. Mais elle a été suffisamment observée pour attirer notre attention sur la nécessité de regrouper les dossiers qui avaient été les mieux suivis. Ces tableaux cliniques n’ont été o b s e rvés que parmi les Noirs marrons. L’étude de la situa- tion sociale, la re c h e rche d’une intoxication éthylique et de la parité ont été systématiques. Outre les examens biologiques, la coprologie parasitaire, la sérologie des tréponématoses, du H T LV-1 et du VIH-1 ont été le plus souvent réalisés. La thia- minémie a été dosée de manière systématique. Les patients atteints de névrite optique rétro-bulbaire ont bénéficié d’un dosage de l’acide folique sérique intra-érythrocytaire et d’un test de Schirm e r. Selon le tableau clinique initial, d’autres exa- mens para-cliniques ont été réalisés. Les malades ont bénéfi- cié d’un traitement polyvitaminique(thiamine, pyridoxine, cyanocoballamine) en injectable durant plusieurs jours, suivi d’un relais per os. Une patiente a reçu une thiaminothérapie isolée injectable suivie d’une polyvitaminothérapie.

Résultats

S

ix femmes âgées de 15 à 28 ans (moyenne 21,8 ans) et quatre hommes âgés de 15 à 30 ans (moyenne 22,5 ans) ont été étu- diés. Deux grossesses récentes et un isolement pour raison sociale ont été relevés. Aucun alcoolisme chronique n’a été noté p a rmi les dix malades retenus pour cette étude. La répart i- tion syndromique était la suivante (tableau I ): quatre formes

ataxiques pures, une forme mixte à type de polyneuropathie ataxique , une forme mixte cérébelleuse avec amyotro p h i e distale des membres, une neuropathie sensitive des membres inférieurs avec paraparésie spastique, deux névrites optiques rétro-bulbaires isolées et une névrite optique rétro-bulbaire associée à une neuropathie des membres inférieurs.

Le début des signes cliniques a été progressif pour l’en- semble des cas, à l’exception des cas n° 2 et n° 7. Les patho- logies associées par ordre de fréquence décroissante ont été les atteintes cutanées, psychiatriques, cardiaques, thyroï- diennes et fébriles (tableau I ). Deux anémies inflamma- toires (cas n° 6 et n° 7) ainsi qu’une anémie microcytaire non inflammatoire et non ferriprive (cas n° 2) ont été notées. Les examens biochimiques usuels n’ont pas montré d’anomalie. Par contre, l’étude de la thiaminémie et de l’aci- de folique a montré des perturbations significatives (tableau II ). La thiaminémie était abaissée dans tous les cas sauf le n° 8. Une diminution significative du taux érythrocytaire a été observée dans les trois cas de névrite optique, alors que le taux plasmatique était toujours normal. Les examens sérologiques (tableau II) ont révélé une positivité pour le HTLV-1chez un malade atteint de névrite optique rétro- bulbaire isolée (cas n° 9). La recherche d’un syndrome sec à partir du test de Schirmer était négatif. En fonction des signes cliniques associés, d’autres examens ont été réalisés (tableau II). Le dosage des hormones thyroïdiennes chez les cas n° 5 et n° 6 était normal. La surveillance clinique a mon- tré une régression significative de l’ensemble des troubles moteurs et sensitifs avec le traitement vitaminique, à l’ex- ception de l’ataxie cérébelleuse. Le sujet n°2 a été traité avec une thiaminothérapie injectable isolée. Une amélioration immédiate et spectaculaire a été observée avant le relais par une polyvitaminothérapie. Une névrite optique rétro-bul- baire a été améliorée sur trois cas traités avec l’association thiamine - méthylprednisone. Le devenir des malades et de leur pathologie à long terme n’a pas pu être précisé. De même, l’étude comparative du dosage de la vitamine san- guine (B1 - B12 - acide folique) par rapport à un groupe témoin n’a pas été réalisé.

Présentation des cas

cas sexe domicile antécédents troubles troubles autres signes

et âge neurologiques psychiatriques cliniques

1 M 30 camp paraparésie spastique, hypoesthésie cutanés : desquamation face

de réfugiés proprioceptive des jambes dorsale mains et pieds

2 F 17 fleuve débilité, lèpre ataxie sensitive d'apparition cutanés : desquamation face dorsale mains traitée et suivie rapide, aréflexie généralisée débilité et pieds, hypochromie périlabiale en plaques,

fissuration espaces inter-digitaux

3 M 21 ville alcoolisme aigu tuphos, hypertonie axiale, ataxie sensitive, agitation, cutanés : hypochromie périlabiale en plaques déficit moteur des membres inférieurs, délire, digestifs : gastro-entérite

ROT = nul des 4 membres dépression

4 F 25 fleuve fausse couche syndrome cordonal postérieur, cardiaques : insuffisance cardiaque

récente aphonie droite modérée résolutive spontanément

5 F 27 fleuve débilité, maladie syndrome cordonal postérieur débilité thyroïde : goître, hyperthyroïdie traîtée

de Basedow 15 mois avant

6 M 15 ville troubles du prostration, ralentissement idéique agitation, cutanés : kératodermite mains pieds comportement et moteur, ataxie cérébelleuse, délire cardiaque : endocardite, HTA

amyotrohiedistale, tremblements thyroïde : goitre

7 F 28 fleuve paludisme, ataxie sensitive sévère, rapide au cours infectieux : accès palustre à typhoïde d'un a c c o u c h e m e n t compliqué, accès palustre Plasmodium falcîparum

traité avec chloroquine et méfloquine 8 F 19 camp de réfugiés névrite optique rétro-bulbaire isolée

9 F 15 camp de réfugiés névrite optique rétro-bulbaire, cutanés : gale, puces-chiques, perlèche candi- aréflexie ostéo-tendineuse dosique, dermite séborrhéique ailes du nez

10 M 14 fleuve névrite optique rétro-bulbaire

Tableau I.

(3)

Sainte-Foie S., Bourhis V.,

Joly F. & Petit-Bon J. de Saint-Laurent du Maroni en Guyane française.

Discussion

L

es pathologies neurologiques connues et fréquemment rencontrées sous les tropiques ont d’abord été rattachées aux neuro-myélopathies tropicales (3, 4). La découverte du HTLV - 1 a permis à A. GESSAINet J.C. VERNANTd’associer ce virus à un grand nombre de paraparésies spastiques qui étaient autrefois rattachées aux neuro-myélopathies tro p i- cales (6, 16). En Guyane française, la prévalence du HTLV-1 est élevée parmi les Noirs marrons qui vivent le long du fleu- ve Maroni (7). Paradoxalement, les myélites décrites et en r a p p o rt avec ce virus n’ont jamais été observées chez les Noirs marrons (11). La sérologie HTLV-1 réalisée parmi les sujets de l’étude a été positive pour le cas n°9. Mais l’évolution favo- rable des troubles de la vue avec une thiaminothérapie n’est pas en faveur d’une étiologie virale.Trois cas de neuropathies optiques provoquées par un arbovirus (Chikungunya, We s s e l s b ron et West - Nile) ont été décrits par Ph. VERIN et col.(15). La dengue sévit à l’état endémique et épidémique en Guyane ; malheureusement, nous n’avons pas réalisé de séro- logies de ce type dans notre étude.

L’enquète étiologique a concerné la re c h e rche des causes ubi- q u i t a i res, dégénératives, toxiques et parasitaires, ainsi que l’étude des traitements traditionnels et des causes care n t i e l l e s . Une maladie hérédo-dégénérative a été évoquée dans le cas n°

6, même si la thiaminémie réalisée quatre ans après le début des troubles était basse. L’évolution vers une grabatisation de cet adolescent qui avait été placé en institution, laisse suppo- ser l’existence d’une cause dégénérative associée. De même, l’hypothèse d’une étiologie dégénérative ne peut pas être exclue dans les cas 8 et 10. L’orpaillage fréquent dans la région de Saint-Laurent du Maroni, nécessite l’utilisation de mer- c u re pour l’extraction de l’or. Mais l’évolution dans l’ensemble favorable des troubles neurologiques de patients n’ayant pas de rapport direct avec l’extraction d’or n’est pas en faveur d’une intoxication par le mercure. Aucune étiologie d’origi- ne médicamenteuse n’a été re t rouvée. Parmi les parasitoses digestives diagnostiquées, seule l’ascaridiose peut entraîner des troubles neurologiques(5), mais le tableau clinique du cas n° 5 est fort différent du tableau neurologique décrit. Le cas n° 7 a présenté un accès palustre non compliqué sur le plan neu- rologique. Une ataxie sensitive est apparue durant la conva- lescence. Dans cette observation, l’hypothèse d’une étiologie c a rentielle et toxique par le manioc, (la thiaminémie était e ffondrée à 3 nmol/l 15 - 45 nmol/) décompensée à l’occasion de l’accès palustre nous parait la plus probable. La trypano- somose américaine a été évoquée dans le cas n° 6. Le tableau d ’ i n s u ffisance cardiaque avec cardiomégalie, ataxie cérébel- leuse, ralentissement idéique et moteur est compatible avec ce diagnostic. Mais la sérologie n’était pas significative et l’hy- pertension observée était inhabituelle. Les autres parasitoses

responsables de manifestations neurologiques sont inexis- tantes dans ce département et n’ont pas été recherchées . Nous savons que la médecine traditionnelle des Noirs mar- rons fait une large place aux plantes. Quelques unes possèdent un potentiel neurotoxique (8). Les traitements traditionnels sont peu connus dans notre étude, à l’exception de la consom- mation de kaolin au cours de la grossesse pour les cas n° 4 et n° 7. Ces deux femmes ont développé un tableau neuro l o- gique au décours d’une grossesse. La consommation excessi- ve de kaolin constitue un pansement gastrique qui pourrait diminuer l’absorption de la thiamine et provoquer un syn- drome carentiel chez un sujet prédisposé.

Les sujets habitant le long du fleuve sont défavorisés du fait de l’éloignement des structures médicales et des conditions a l i m e n t a i res précaires. L’alimentation traditionnelle est constituée par le couac, qui est une farine de manioc torré- fiée, agrémenté de viande ou de poisson. Le manioc est éga- lement consommé sous forme de galettes appelées cassaves.

Le couac est à la base de l’alimentation des Boni alors que la cassave est préférée des Saramaka du Surinam. Les Noirs m a rrons consomment régulièrement des fruits et des agrumes. Le manioc, élément toxique connu à cause de la présence de l’acide cyanidrique, semble jouer un rôle pré- pondérant dans l’origine des neuropathies en région tropi- cale (2, 14). Le manioc contient, selon la variété et la saison, des glucosides cyanogénétiques. Les différentes phases de sa préparation visent à réduire sa toxicité. Ces glucosides sont transformés en cyanides sous l’action d’une linamara- se ou d’une hydrolyse. Le mécanisme toxique exact est mal connu, mais les cyanides à forte dose inhiberaient le cyto- chrome oxydase mitochondrial de la respiration cellulaire (1). Les acides aminés soufrés (cystéine et méthionine) ainsi que les vitamines du groupe B jouent un rôle dans la détoxi- fication de l’acide cyanidrique. Le cyanure est détoxifié principalement au niveau des mitochondries hépatiques sous forme de thyocianate ou rhodanate en présence d’un composé donneur de soufre et d’une enzyme, la rhodanase (1). Les thiocyanates, comme d’autres ions polyatomiques tels que les perchlorates (CLO4-), les nitrates (NO3-), ont la propriété d’inhiber la captation de l’iode par la glande thyroïde. L’effet goitrigène du manioc se manifeste dans les zones de carence iodée sur toute la population quelque soit le sexe ou l’âge. La prévalence est plus élevée chez la femme à l’âge de la puberté et lors des grossesses (1). L’apparition du goître est étroitement liée aux apports alimentaires en iode et en CN- ou SCN-.La présence d’un goître euthyroï- dien associé aux troubles neurologiques dans deux cas (n° 3 et n° 6) fait évoquer l’hypothèse d’une origine en rapport avec une consommation excessive de manioc. Des atteintes neurologiques et thyroïdiennes ont été rapportées à l’in- toxication chronique au manioc. Mais nous n’avons pas

Tableau II.

Examens sérologiques, bactériologiques et biochimiques.

examen / cas 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

VIH-1 Elisa - - - - - - -

HTLV-1 Elisa W.B. - - - - - - - - + -

TPHA VDRL - - - - - - - - - -

parasitologie des selles - ascaris trichocéphales - ascaris - -

ankylostomes

ponction lombaire N N protéines N

= 0,80 g/l

thiamine (B 1) nmol/l 15-45 8 < 3 6 5 4 7 3 20 9 8

acide folique érythrocytaire nmol/l 340-1600 165 158 120

acide folique plasmatique nmol/l 3,41-40,00 12 9 15

cyanocobalamine (B 12) pmol/l 409 600 650

- : négatif ; + : positif ; N : normale

(4)

trouvé de publications faisant état d’associations d’atteintes cardiaques ou psychiatriques telles qu’elles ont été obser- vées dans cette étude. L’absence de dosage des thyocyanates sanguins et urinaires ne nous a pas permis d’affirmer le rôle toxique du manioc. La mise à disposition de test de dépis- tage de masse basé sur l’utilisation d’un papier réactif per- met de repérer les sujets qui ingèrent du manioc riche en glucosides cyanogénétiques (1). Les carences en vitamine du groupe B peuvent gêner la détoxification du cyanure contenu dans la farine du manioc et provoquer des névrites optiques, comme celles observées à Cuba sous forme épi- démique (4 - 9 ). Dans notre série, seule une neuropathie optique sur trois a été améliorée de manière spectaculaire par une thiaminothérapie associée à du méthylprednisone (cas n°9).

Les carences multiples sont probables dans cette popula- tion, victime d’agressions digestives parasitaires et infec- tieuses. La carence protidique n’a pas été mise en évidence.

Les séquelles neurologiques de cette carence sont peu pré- cises dans la littérature. Il est possible que l’apport proti- dique des Noirs marrons adultes soit insuffisant. L’échange de nourriture, notamment pour les viandes, est codifié.

L’exclusion de certains du sein de leur groupe social pour- rait expliquer l’origine de la carence protidique. Il est cer- tain que les apports alimentaires du sujet n° 5 étaient insuf- fisants. Sa mise à l’écart du groupe ethnique a pu être favo- risée par la présence de troubles du comportement, par l’absence d’intégration dans un réseau familial ainsi que par l’absence de travail fixe. De même, le sujet n° 6 vivait seul à Saint-Laurent, sans entourage familial et abandonné de tous. Le sujet n° 2 dont la maladie libérerait les autres membres de la famille d’une malédiction, a pu être mis au banc de son groupe familial et de ce fait alimenté de maniè- re précaire. Il faut rappeler le rôle important de la méthio- nine dans la détoxification des cyanides dont elle serait le facteur limitant. L’importance des apports en acides aminés soufrés chez le Noir marron est inconnue. La carence d’ap- port lipidique a été soulignée pour être la cause directe du syndrome d’ataxie tropicale. Celle-ci associe une grande ataxie statique et dynamique, une hypotonie, une aréflexie ostéo-tendineuse et des paresthésies. La névrite optique rétro-bulbaire peut y être associée (13). La carence lipi- dique ainsi observée chez ces malades ne serait que le reflet d’une carence globale. Cette carence lipidique empêcherait le renouvellement normal des axones et des gaines de myé- line. De même, la carence en vitamines liposolubles telles que la vitamine E pourrait être la cause de certaines neuro- myélopathies à forme ataxique pure (12). Aucune carence directe en lipides n’a été observée chez nos 10 malades étu- diés. Nous avons retenu un faisceau d’arguments en faveur d’une carence en thiamine pour la majorité des cas rappor- tés dans cette étude: l’expression clinique neurologique et psychiatrique, la labilité du tableau neuro - cardiologique du cas n° 6 et du tableau neurologique du cas n° 4 (ces atteintes cardiaques étant en faveur de la forme “humide”

de l’avitaminose B1), les thiaminémies basses, l’alimenta- tion principalement glucidique, la pauvreté en vitamine B1 du manioc, aliment de base de ces populations, l’expression clinique favorisée par une grossesse ou un élément inter- current, l’âge jeune des sujets, l’amélioration spectaculaire des troubles de la marche chez cinq patients et d’un trouble de la vue après de fortes doses de thiamine. L’absence d’hy- pothiaminémie dans le cas n° 8 pourrait s’expliquer par le séjour prolongé dans le camp de réfugiés où l’alimentation était équilibrée. Le fait que seuls les Noirs marrons aient développé ces tableaux neurologiques laisse supposer l’existence de facteurs favorisants: génétiques, alimentaires, environnementaux...

Conclusion

D

e ce travail, on retiendra que les tableaux observés à Saint-Laurent du Maroni ont pour caractéristiques les points suivants: l’atteinte de sujets jeunes, l’absence d’éthylisme, la consommation de manioc cuit, l’habitat en zone d’endémie p a r a s i t a i re et infectieuse, une forme neurologique à domi- nante ataxique et ophtalmologique, l’association à d’autre s atteintes: cardiaque, digestive, thyroïdienne, cutanée, psy- chiatrique et enfin l’appartenance à un groupe ethnique par- ticulier, les Noirs marrons, dont les habitudes alimentaires et les traitements traditionnels sont originaux. Ces tableaux neu- rologiques n’ont jamais été observés parmi les autres ethnies vivant en Guyane.

En l’état actuel de nos connaissances, il est impossible d’in- criminer une seule étiologie avec certitude. Cependant, l’exis- tence d’un déficit thiaminique et la régression des signes dans sept cas sous thiaminothérapie, sont en faveur d’une cause c a rentielle. Mais la consommation de manioc potentiellement toxique, l’existence de carences associées sont autant de fac- teurs étiologiques plausibles.

En Guyane française, à côté des myélites en rapport avec le H T LV-1, on trouve dans la région de Saint-Laurent du Maro n i des neuro-myélopathies inexpliquées. Celles-ci justifient la poursuite des re c h e rches cliniques, biologiques, agro n o m i q u e s et anthropologiques.

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