Evolution après incendie
de la structure de quelques phytocénoses méditerranéennes du Bas-Languedoc (Sud de la France)
L. TRABAUD Département
d’Ecologie
générale,Centre d’Etude.B’ phytosociologique,y et
écologiques
L. Emberger, C.N.R.S.route de
Mende,
B.P. 5051, F 34033Montpellier
CedexRésumé
L’évolution de la structure de la
végétation
desgarrigues après
incendie a été étudiéesur 47
placettes réparties
dans leBas-Languedoc.
C’est la méthode directe (ou diachro-nique) qui
a été utiliséependant
la douzaine d’annéesqu’ont
été suivies lesplacettes
incendiées. Huit types de communautés
végétales représentatives
de larégion
ont étéétudiés,
allant des taillis de chêne vert auxpelouses
debrachypodes.
Après
lefeu,
l’accroissementquantitatif
de lavégétation
tend à retourner vers unestructure
comparable
à celle qui existait avant l’incendie. Assezrapidement,
lavégétation réapparaît
et recouvre la surface du sol. L’accroissement vertical a été aussi considéré :au fur et à mesure que les communautés
vieillissent, l’importance
des strates basses ([ 25cm) diminue,
tandis que celle des strates hautes augmente.1. Introduction
Du fait de sa
fréquence passée
etprésente,
le feu est un facteurinfluençant
ladynamique
des communautésvégétales
de larégion
méditerranéennefrançaise.
Diversauteurs
’(B RAUN -B LANQUET , 193E) ; K UNHOLTZ -LO RDAT , 193ô, ) 1958 ; K ORNAS , 1958 ; B
ARRY
, 1960)
ont considéré l’évolution de lavégétation
sous la forme d’une successionde stades dans les séries
régressives. Cependant,
cetteproposition
est faite àpartir
d’observations effectuées sans que le devenir de la
végétation après
le traumatisme créé par le feu ait été réellement suivi.Pour savoir
quel
est le devenir réel desphytocénoses après
lefeu,
il est essentielde suivre leur évolution au cours du
temps
dans la nature sur desplacettes qui
ont subides feux sauvages dont la date exacte du dernier feu est bien connue.
Quels
sont,alors,
les éléments des
problèmes
rencontrés lors d’une étude concernant les communautésvégétales
de la zone desgarrigues
duBas-Languedoc
brûlées par des feuxsauvages ?
Le passage de la flamme élimine toute la
végétation qui
se trouve à la surface et au-dessus de la surface du sol. Il est intéressant d’étudierquels
sont lesvégétaux qui
se réinstallentaprès
le feu etquelles
communautés ils vont constituer. L’évolutionpourrait
avoir lieu selonquatre
directions :1) une
ouvertureplus importante
de cequ’était
le couvertvégétal
avant lefeu,
associée à une diminution de laproportion
desvégétaux ligneux ;
2)
un retour à lavégétation antérieure, après
unlaps
detemps plus
ou moinslong
et des stadesintermédiaires ;
3)
un retour immédiat à lavégétation antérieure,
sans stade de transition ;4)
une évolutionprogressive
vers des communautés différentes de cellequi
a brûlémais
plus proches
de celles enéquilibre
avec les conditions du climat.Or,
l’étudediachroniquc
de l’évolution de lavégétation
et de la floreaprès
desfeux sauvages dans le
Languedoc
montre que le retour à un étatproche
de l’état initial(celui qui préexistait
aufeu)
estrapide (T RA B AUD , 1980 ;
TRABAUD &LEP A RT, 1980).
Par
ailleurs,
des résultats similaires ont été trouvés par des auteurs travaillant sur des communautésvégétales analogues (chaparral
californien :S A M PSON , 1944 ;
HORTON&
K RAEBEL , 1955 ;
SWEENEY,1956, 1967 ; H ANES , 1971 ; maquis
israélien :l!lAVEH, 1974, 1975 ; fynbos
sud-africain :K RUGER ,
1977 ; scrub australien : SPECHT etal., 1958
PuRD!E &S LATYER , 1976).
Au fur et à mesure que les
plantes
vont occuper le territoirebrûlé,
unagencement plus complexe
de l’architecture des communautés va seproduire
entraînant deschange-
ments : les
végétaux
vont occuperl’espace
à la fois horizontalement et verticalement.Comment évoluera ce
développement
Leschangements
seront-ilscomparables
entreles différentes communautés ? Autrement
dit,
leblocage
de l’évolutionfloristique
pro-voquera-t-il
unblocage
de l’évolution desphytocénoses,
ou vice versa Y a-t-il un retour vers une structurecomparable
à cellequi
existait avant le feu ?Pour tenter de
répondre
à cesquestions,
la reconstitution de zones brûlées a été étudiée à la fois sousl’angle floristique
et structural. Seuls, leschangements
de lastructure sont considérés dans ce travail.
2.
Méthode, dispositif
et nature des observationsPour suivre les
étapes
de la reconstitution de lavégétation
dans une zonebrûlée,
nous avons choisi la méthode directe
(P AVILLARD , 1935),
ou méthode« diachronique
».Il
s’agit
de suivre au cours du temps les modifications de lavégétation
sur desplacettes
permanentes installéesaprès
le passage du feu. Cetteméthode,
assezcontraignante, permet
de mettre en évidence des variations à la foisfloristiques
et stucttirales relative- ment faibles.L’étude a
porté principalement
sur lespremières
annéesqui
suivent l’incendie(une
dizained’années) ;
elles sontcapitales,
car c’estpendant
cettepériode
que la reconstitution de lavégétation
est laplus spectaculaire.
Les 47
placettes
d’observation retenues sont situées dans larégion
duBas-Languedoc,
installées dans des communautés
végétales
ayant brûlé etreprésentatives
des communautés lesplus fréquemment
rencontrées dans cetterégion.
Leur étudefloristique
apermis
deles rattacher à des associations bien déterminées
(T RAB nuD, 1980).
Ellesreprésentent :
- des taillis denses de chêne vert
(Quercus
ilexL.) ( 1 ), lorsque
le recouvrement du chêne vert adépassé
50 p. 100 trois ansaprès
le feu : 7stations ;
rattachés flo-ristiquement
auQuercetum ilicis ;
- des taillis clairs de chêne vert
(Quercus
ilexL.), lorsque
le recouvrement du chêne vert atoujours
été inférieur à 50 p. 100pendant
les années d’observation : 6stations ;
rattachés auQuercetum ilicis ;
- des
garrigues
denses de chêne kermès(Quercus coccifera L.), lorsque
le recou-vrement du chêne kermès a
dépassé
90 p. 100 trois ansaprès
le feu : 10stations ;
rattachées au
Cocciferetum ;
- des
garrigues
claires de chêne kermès(Quercu.s coccifera L.), lorsque
le recou-vrement du chêne kermès a
toujours
été inférieur à 90 p. 100 : 5stations ;
rattachéesau
Cocciferetum ;
- des
pinèdes
depin d’Alep (Pinus halepensis Mill.) :
7 stations ; rattachées auRosmarineto-Lithospermetum pinetosum ;
- des
garrigues
de romarin(Rosmarinu.s officinalis L.) :
6stations ;
rattachées auRosmarineto-Lithospermetum ;
- des
pelouses
debrachypode
rameux(Brachypodium
retusum(Pers.) Beauv.) :
3
stations ;
rattachées auBrachypodietum
ramosi ;- des
pelouses
debrachypode phoenicoïde (Brachypodium phoenicoides (L.)
R.et
S.) :
3stations ;
rattachées auBrachypodietum phoenicoidis.
Il a été
possible
de localiser et de choisir lesemplacements
desplacettes
étudiéesgrâce
aux informations recueillies lors del’exploitation
desrapports
d’incendies établisdepuis
1962. Ce travail apermis
de dresser une carte des zones incendiées dans ledépartement
de l’Hérault(TttnanoD, 1980).
La date d’incendie dechaque
zone étudiéeest donc
parfaitement
connue : ce sonttoujours
des feux d’été(période
dejuin
à aoûtinclus). Après
reconnaissance sur le terrain des zonesbrûlées,
le critère du choix desstations d’étude était déterminé par
l’homogénéité apparente
des différents types depeuplements.
Pour suivre l’évolution de la structure, la
technique
d’observation consiste en uneligne
permanente(L EVY
&M ADDEN , 1933 ; LONG, 1957, 1958 ;
DAGET &PO ISS O NET , 1971)
de 20 m delong.
Lespiquets repères
sont scellés dans le sol. Les lectures sont faites tous les 10 cm. Achaque
séried’observations,
laprésence
aupoint,
ainsi que le nombre de contacts par taxon et par strate, sont notés. Ces deux types de mesures permettent d’obtenir une estimation del’occupation
del’espace
par lavégétation.
Les observations ont été faites
régulièrement
tous les ans auprintemps pendant
les
cinq premières
annéesqui
ont suivi le feu. Par lasuite,
au fur et à mesure que lespeuplements
donnaientl’impression
de se stabiliserphysionomiquement,
les obser- vations n’étaientplus
effectuées que tous les deux ans.3. Résultats : accroissement
quantitatif
de lavégétation
Le passage du feu influence non seulement la
composition floristique
des commu-nautés,
mais il modifie aussil’agencement
desvégétaux
et leurphytomasse. L’agencement correspond
à larépartition spatiale,
aussi bien sur leplan
vertical que sur leplan horizontal,
des différentesplantes qui
constituent les communautés.(1) La nomenclature taxinomique est celle de Flora Europaea (TUTIN et al., 1964-1980).
3.1. Accroi.ssement horizontal
Assez
rapidement après
un incendie, lavégétation réapparaît
et recouvre lasurface du sol. En
effet, généralement, quinze jours
à un moisaprès
lefeu,
commencentà
apparaître
lespremiers rejets ; puis progressivement
lavégétation
devient deplus
enplus
dense.Si, lors des observations le
long
de laligne
de mesure, laprésence
d’un taxonau
point
de lecture est seulementprise
encompte,
le nombre depoints
souslesquels
un taxon est observé donne la
« fréquence spécifique
» FS!(Go!ROrt, 1968 ;
DAGET&
P OISSONET , 1971, 1974).
Si le nombre d’observations de laprésence
d’un taxon estramené au
pourcentage
du nombre total depoints
observés parligne,
on obtient la« fréquence
centésimale » FC du taxonqui
est une estimation au sens exact du mot, du recouvrement de ce taxon(GODRON, 1968).
Onpeut
alors considérer que lafréquence
centésimale du taxonreprésente
son recouvrement. Comme les taxons sesuperposent
lesuns aux autres, la
fréquence
centésimale totale peut êtresupérieure
à 100 p. 100.Les communautés étudiées
présentent
deux types d’accroissement horizontal selonqu’elles
sont dominées soit par desvégétaux ligneux,
soit par desvégétaux
herbacés.Comme la
végétation
se réiiistallerapidement après
le passage de laflamme,
sonrecouvrement total atteint très vite 80 p. 100 de la surface du sol
(un
anaprès
le feupour les taillis denses de chêne vert et les
garrigues
denses de chênekermès,
parexemple),
il semble
préférable
de suivre l’évolution du recouvrement en tenant compte desprinci- pales
formesbiologiques (R AUNKIAER , 1905 ; GODRON
et fil.,1968),
ou de groupes deformes,
desvégétaux qui
composent les communautés. Pour cefaire,
lesvégétaux
ontété réunis en fonction de leurs formes
potentielles,
c’est-à-dire les formesqu’ils
attein-draicnt normalement en absence de feu ou de tout autre traumatisme.
Ainsi,
ont été constitués quatregrands groupes i!> :
- les
végétaux ligneux qui
peuventdépasser
25-30 cm dehauteur,
soit desphanhophytes ligiietix ;
- ceux
qui correspondent
auxvégétaux ligneux
nedépassant jamais,
ou rarement,25-30 cm de
hauteur,
soit deschaméph y tes ligneux ;
- les
grall1inée,B’ qui
forment un groupe bien identifiableparmi
lesvégétaux herbacés ;
- et les
végétaux
herbacés lllltres que lesgraminées.
3.11. Communauté.s dominées par des
végétaux ligneux
Dans les communautés où les
végétaux dominants,
avant lefeu,
sont desligneux /!0;</!,
c’est-à-diresupérieurs
à 2 m(GODRON
etal., 1968) :
taillis de chêne vert,pinèdes,
le recouvrement desphanérophytes ligneux
s’accroîtrégulièrement
au fur et àmesure que les communautés avancent en
âge (fig. 1). Probablement,
au-delà de la durée des observations(12
ansaprès
lefeu),
un ralentissement devrait commencer à sefaire
sentir,
les communautésatteignant
un staded’équilibre proche
du stade adulte.(2) Un tableau annexe donne la liste des principaux taxons les plus fréquemment rencontrés et leur présence dans les communautés étudiées.
Le recouvrement des
chaméphytes ligneux
passe par un maximumgénéralement
situé vers la
quatrième
année (entre 40 et 60 moisaprès l’incendie), puis
décroîtlégèrement,
sauf pour les taillis clairs de chêne vert où le recouvrement deschaméphytes ligneux
tend à rester constant tout aulong
des années d’observations, mêmelorsque
lespeuplements atteignent
dix ans etplus.
n IlIiIIiC 4pn«< 4p
L’évolution du recouvrement des
graminées ’ (fig. 2) s’apparente
à celledéjà
décritepour les
chaméphytes ligneux.
Ce recouvrement passe par un maximumsitué,
iciaussi,
à différentes
époques après
lefeu,
maistoujours
au cours descinq premières
annéesqui
suivent l’incendie. Par lasuite,
le recouvrement total desgraminées
diminue de moins en moinsrapidement
au fur et à mesure que les communautés avancent enâge,
pour se stabiliser au niveau
qui
a été mesuré dans les stades lesplus
adultes étudiés.0.1!! !!l.-.!, .! 0/
Pour les
« végétaux
herbacés autres que lesgraminées
»,quelle
que soit la commu-nauté,
le recouvrement atteint sonpoint
maximal vers la deuxièmeannée, puis
diminue(fig. 2)
pour tendre à se stabiliser.Dans le cas des
formations
à dominance deligneux bas,
c’est-à-dire dont la hauteurne
dépasse
pas 2 m(garrigues
de chênekermès, garrigues
deromarin),
le recouvrement desphanérophytes ligneux, après
un accroissement assezrapide
au cours descinq premières
annéesaprès l’incendie, particulièrement
pour lesgarrigues
de chênekermès,
tend à rester constant au fur et à mesure que ces communautés avancent en
âge (au-delà
de 60 mois
après
lefeu, figure 3).
Selon les
communautés,
le recouvrement deschaméphytes ligneux
atteint unmaximum à des moments
différents, qui
peuvent être situés entre 2 et 9 ans,puis
il diminue
progressivement.
A l’inverse du
phénomène
observé dans les communautés deligneux hauts,
lerecouvrement de l’ensemble des
graminées, après
avoir atteint sonmaximum,
ne décroîtpas
(fig. 4).
Il tend à rester constant au fur et à mesure que les communautés « vieil-lissent »,
tout au moinspendant
la durée des observations(10
à 12ans).
Sauf pour les
garrigues
claires de chênekermès,
le recouvrement des « herbacéesautres que les
graminées
» passe par un maximum vers lacinquième
annéepuis
diminueprogressivement.
3.12. Communautés dominées par des
végétaux
herbacésDans les communautés dominées par des
végétaux
herbacés(ce
sont lespelouses
de
brachypode
rameux et celles debrachypode phoenicoïde),
l’évolution du recouvrement des diverses formesbiologiques
est totalement différente de celle décriteprécédemment
pour les communautés dominées par les
végétaux ligneux.
Les
phanérophytes ligneux
nejouent plus qu’un
rôlenégligeable
et leur recouvre-ment est très faible au cours des années d’observation
(fig. 5). Cependant,
celui-ciprésenterait
unelégère
tendance à un accroissement. Cequi peut
faire penser à unenvahissement
progressif
par desvégétaux ligneux, suggérant
l’initiation d’une succession conduisant vers d’autres communautés. Cela est tout à fait vraisemblable dans lecas d’une évolution
normale,
en absence de touttraumatisme,
de lavégétation
vers unstade
climacique
ouparaclimacique.
Le recouvrement total des
chaméphytes ligneux
n’est pasidentique
dans les deuxtypes
depelouses.
Dans lespelouses
debrachypode
rameux,passé
le temps d’installationaprès
lefeu,
leschaméphytes ligneux
conservent un recouvrement constant au coursdes années d’observation
(fig.
5a).
Enrevanche,
dans lespelouses
debrachypode phoenicoïde,
au cours de lapériode comprise
entre la deuxième et lacinquième
annéequi
suit lefeu,
leschaméphytes ligneux présentent
un accroissementimportant, qui
décroît brutalement
après
lacinquième
année(fig.
5b).
Cephénomène,
constaté pour les troisplacettes étudiées,
bien que les feux n’aient pas eu lieu la mêmeannée, pourrait
être
expliqué
par un accroissement du recouvrement desgraminées (fig.
6b)
et doncpar un
phénomène
decompétition
pour les éléments nutritifs ou pour la lumière :Brachypodium phoenicoides,
formant des touffesdenses,
serrées et relativement hautes(50 cm),
tendant àdépasser
en hauteur leschaméphytes ligneux,
aurait unpouvoir
étiolant.Dans toutes les communautés dominées par les
végétaux ligneux
étudiéesjusqu’à
àprésent,
lesplantes
annuelles(thérophytes)
nejouent qu’un
rôlenégligeable,
si ce n’estnul,
dans l’accroissementquantitatif
de laphytomasse.
Aucontraire,
dans lespelouses,
les
théophytes
sontprésents
en trèsgrand
nombre etparticipent
à la structure des communautés. Il est doncpréférable
dedistinguer
les «thérophytes
» des autresvégétaux
herbacés.
Le recouvrement des «
graminées
devient deplus
enplus important
au fur et à mesure que les communautés avancent enâge.
Les« végétaux
herbacés autres que lesgraminées * présentent
un recouvrement élevé au cours descinq premières
annéesqui
suivent un
feu ;
par lasuite,
ce recouvrement se stabilise(fig. 6).
En
revanche,
le recouvrement desthérophytes
p est trèsvariable ;
cela est dû à lanature des communautés elles-mêmes et à
l’époque
desrelevés,
maisaussi, probablement,
aux conditions
climatiques qui précèdent
les relevés(B HARUCHA , 1932 ; S OROCEANU , 1936).
3.2. Accroissement vertical
Le nombre de « contacts faits par une
plante
lelong
de lagénératrice
d’uneaiguille
de viséeplacée perpendiculairement
au sol donne uneapproximation
de laquantité
de matérielvégétal épigé (P.
& J.P OISSONET , 1969 ;
DAGET &P OISSONET , 1971, 1974).
IIpermet d’appréhender
larépartition
de l’accroissement vertical de lavégétation
en fonction de la stratification et de la hauteur.Les strates retenues sont les suivantes : Strate 1 : 0 - 25 cm.
Strate 2 : 25 - 50 cm.
Strate 3 : 50 - 100 cm.
Strate 4 : 100 - 200 cm.
Strate 5 : 200 - 400 cm.
Dans toutes les communautés
étudiées,
au fur et à mesurequ’elles vieillissent,
il y a tendance à
l’apparition
et àl’augmentation
du matérielvégétal
vers les niveaux élevés tandis que ce matériel tend à diminuer dans les niveaux bas.Dans les
formations
deligneux hauts,
le strate 1apparaît
dès lespremiers
moissuivant le feu
(fig. 7) ;
le nombre de contacts atteint sonpoint
maximal entre la deuxième et lacinquième
annéeaprès l’incendie, puis
décroîtprogressivement.
Le strate 2ne
présente
sonpoint
maximal du nombre de contacts que vers lacinquième année, puis
reste constante. Seuls les taillis denses de
Quercus
ilex montreraient une tendance à unelégère
diminution du nombre de contacts de cette strate,après
cette date. La strate3,
comme la strate
4,
continue sa croissance et ne semble pas avoir atteint lepoint
maximaldu nombre de contacts au cours de la
période
étudiée. La strate 3n’apparaît
réellementqu’à
la fin de lapremière
annéeaprès
lefeu,
tandis que la strate 4n’apparaît
que vers la troisième année. Pour les taillis denses ou clairs deQuercus ilex,
la strate 5n’apparaît qu’au
cours de la sixième annéeaprès
l’incendie. En un an elle sedéveloppe rapidement
dans les taillis denses de
Quercu.s ilex,
tandis que sondéveloppement
estplus
lentdans les taillis clairs. A la fin de la
période
desobservations,
les strates 4 et 5 n’ont pas atteint lepoint
maximal du nombre de contacts. Dans lespinèdes
depin d’Alep
lesstrates 4 et 5
n’apparaissent
pas au cours de lapériode
étudiée.En ce
qui
concerne lesformations
dominées par desligneux bns,
leschangements
de structure sont différents. La strate 1, ainsi que la strate
2 apparaissent
dès lespremiers
moisaprès l’incendie ;
mais tandis que la strate 1 atteint sonpoint
maximaldu nombre de contacts
pendant
lescinq premières
années(fig. 7), puis
décroît progres- sivement(y compris
pour lesgarrigues
deromarin,
chezlesquelles cependant
lephéno-
mène est moins
net),
le nombre de contacts de la strate 2 continue à croître et semble atteindre sonpoint
maximal vers la neuvième annéeaprès
le feu. La strate3,
enrevanche, n’apparaît
que vers le milieu de la troisième année. A la fin de lapériode
des
observations,
le nombre de contacts continuerait àaugmenter
encore.Les
formations
dominées par le.svégétaux
herbacésprésentent
undéveloppement
de la structure différent. Les trois strates, sauf pour les
pelouses
debrachypode
rameux,apparaissent
dès lapremière
annéeaprès
le feu(fig. 7) :
leshampes
florales et leslongues
feuilles deBrach y podium phoenicoides atteignent
leur taille normale dansJ’année,
tandis que
Brachypodium
retusum,espèce présentant
une ramificationsympodiale
àfeuilles courtes, mettra
plus
detemps
pour atteindre 50 cm de hauteur. Dans lespelouses
debrachypode
rameux, la strate1,
à la fin de lapériode
desobservations,
semble ne pas avoir atteint le
point
maximal decroissance,
tandis que chez lespelouses
de
brachypode phoenicoïde
ce stade commence dès laquatrième
année. Dans ce cas, le fait queBraclrypodiurn phoenicoides
soit unegraminée présentant
delongues tiges
florifères et de
longues feuilles,
entraîneTait unphénomène
de diminution de la lumière dans la strate 1 au fur et à mesurequ’il
sedéveloppe, provoquant
unedisparition,
ouune
diminution,
du nombred’espèces
ou de leurphytomasse
à ce niveau. La strate 2 des deuxtypes
depelouses
atteint sonpoint
maximal au début de la troisième annéeaprès
lefeu, puis
demeure constante. Le nombre de contacts de la strate 3 despelouses
de
brachypode phoenicoïde
ne sembleplus
progresser dès la fin de la troisièmeannée ;
par contre, pour les
pelouses
debrachypode
rameux, le nombre de contacts de cette strateaugmente toujours progressivement.
Cela tiendrait aux faitsdéjà
cités : la structure de ramificationintrinsèque
des deuxbrachypodes ; l’un, Brachypodium phoenicoides
émettant destiges
et des feuilles trèslongues
au niveau du sol(comportement
d’hémi-cryptophyte)
atteintrapidement
sonport normal ; l’autre, Brachypodium
retusum, émet destiges
et des feuilles au niveau dusol,
maisaussi,
au fur et à mesure de sacroissance,
sur des
tiges
anciennes(caractère
dechaméphyte),
il n’atteint donc pas sa taille maximaleimmédiatement ;
dans les taillis de chêne vert, parexemple,
à l’inverse deBrachypodium phoenicoides, Brachypodium
retusumpeut prendre
unaspect
lianiforme et atteindreplus
d’un mètre de haut.4. Discussion et conclusion
Ainsi,
assezrapidement après
unincendie,
lavégétation réapparaît
et recouvrela surface du
sol ; puis progressivement
elle deviendra deplus
enplus
dense. Les communautés étudiéesprésentent
des types d’accroissement horizontal(recouvrement)
différents selonqu’elles
sont dominées par desvégétaux ligneux
ou desvégétaux herbacés,
et cela est dû à la structure et à la
composition floristique
des communautés avant le feu.Dans les communautés où les
végétaux
dominants étaient desligneux hauts,
lerecouvrement des
phanérophytes ligneux
s’accroîtrégulièrement
au fur et à mesureque les communautés avancent en
âge.
Enrevanche,
le recouvrement deschaméphyies ligneux
passe par un maximumpuis
décroît. Lesvégétaux
herbacés suivent aussi cette évolution. Dans les formations dominées par desligneux bas,
le recouvrement desphanérophytes ligneux, après
un accroissementrapide,
tend à rester constant ; il en est de même pour lesvégétaux herbacés ;
tandis que le recouvrement deschaméphytes ligneux
atteint un maximumpuis
décroît. Dans les communautés dominées par lesvégétaux herbacés,
lesphanérophytes ligneux
nejouent qu’un
rôlenégligeable
et leurrecouvrement est faible. Par contre, le recouvrement des
graminées
devient deplus
en
plus important
au fur et à mesure que ces communautés « vieillissent D.En
fait,
pour lamajorité
des communautés dominées par desvégétaux ligneux,
au fur et à mesure que ceux-ci se
développent
et occupent un espace deplus
enplus important,
le recouvrement de l’ensemble desvégétaux
herbacés tend à diminuer. Il y a une sorte decompétition
pourl’espace
entre les différentes formesbiologiques,
lesvégétaux ligneux
tendant àl’emporter.
Cetteprédominance
desligneux
estaffirmée,
en outre, très tôtaprès
le feu.Cependant,
vers la fin de lapériode
des observations(12
ansenviron),
un étatd’équilibre
relatif tend à s’installer : laproportion
des diverses formes reste à peuprès
constante. Cet état est trèsvoisin,
sinondéjà identique,
de celui des communautés similairesqui
n’ont pas été brûlées et sont doncplus âgées.
Les
changements
de recouvrement des différentes formesbiologiques qui apparaissent
au cours du
temps
dénotent la concurrencequi
existe entre lesvégétaux
pour occuper la surface dusol,
avant que s’établisse unéquilibre
métastable semblable à celui des communautésplus mûres ;
cette « succession des formesbiologiques
ne fait queprojeter
horizontalement leschangements qui
vont survenir au cours dutemps
dans lastructure verticale.
Tout de suite
après
le feuapparaît
la strate 1qui
estprépondérante pendant
lescinq premières
années. Cephénomène
est dû à l’abondance devégétaux graminéens, herbacés,
etligneux
bas, dominantspendant
cespremières années,
ainsiqu’à
lareprise rapide
de lavégétation après
le feu. Cette croissanceserait, d’après
certains auteurs(A
HLGREN
, 1’960, 1974; B!swEt,L, 1974 ; HARPER, 1977),
favorisée parl’apport important
de substances nutritives contenues dans les cendres.Progressivement, l’impor-
tance de cette strate diminue. Cela est
particulièrement
net pour les communautés dominées par desvégétaux
herbacés. Les stratesapparaîtront
d’autantplus
tardivementqu’elles
sontplus
élevées.Au cours des douze ans
d’observations,
seuls les taillis de chêne vertatteignent
la
cinquième
strate(entre
2 et 4m) (fig.
7). Lespinèdes,
bienqu’elles appartiennent
aux formations « forestières » ne
dépassent
pas,généralement,
la strate 3(soit
1m).
Cette différence est due au type de
stratégie
de survieaprès
le feu utilisé parl’espèce principale
dechaque
communauté : le chêne vertprésente
demultiples rejets
de souchequelques
moisaprès
l’incendie et atteint trèsrapidement
des taillesimportantes (nous
avons
mesuré,
parexemple,
2 m en 70mois) ;
tandis que lepin d’Alep
nepouvant
se
régénérer
que pargraines n’apparaîtra
que l’année suivante etprésente
une croissanceplus
lentependant
lespremières
annéesaprès
le feu(il atteint,
parexemple,
80 cmen 70
mois).
Dans les communautés considérées comme « fermées », c’est-à-dire où la
végétation
est très dense
(ce
sont les taillis de chêne vert et lesgarrigues
de chênekermès),
lastrate
1,
dix ansaprès l’incendie, présente
un nombre de contactstoujours
inférieurà celui de la strate 2. En
fait,
la massevégétale
dans ces communautés est maximaleau niveau de la strate 2. Cela n’est pas le cas pour les autres communautés
qui possèdent
une
végétation plus
« ouverte ».Cette situation
provient
du fait quelorsque
les communautés sontjeunes
et peuhautes,
ce sont lesvégétaux
herbacés et lespremiers rejets ligneux proches
du solqui
constituent la
plus grande partie
du nombre des contacts. Par lasuite, lorsque
lescommunautés dominées par les
végétaux ligneux, qui rejettent
desouche, vieillissent,
lesrameaux inférieurs se
lignifient, perdent
leursfeuilles,
tandisqu’ils
émettent destiges plus jeunes
couvertes de nouvelles feuilles. Le maximum de feuilles esttoujours
situéà la
périphérie
desvégétaux,
à l’extrémité des rameaux, en vue d’une utilisation maximale de la lumière. Parconséquent,
les strates basses ne sontplus
constituées que par des troncsqui
offrent moins de contacts. Cequi
n’est pas le cas, ou à undegré moindre,
des communautés comme les
pinèdes,
lesgarrigues
de romarin ou lespelouses
debrachypodes,
où la lumière peutpénétrer plus
facilement à l’intérieur despeuplements
du fait de l’architecture même des
végétaux qui composent
cespeuplements.
Cephéno-
mène a été constaté aussi par DESUSSCne
(1978)
dans les landes deCytisus
pH;’ga;M du massif del’Aigoual après
incendie.Avec le
temps,
le nombre de contacts des strates élevées des communautés dominées par desvégétaux ligneux
continuera à croître. Les strates hautes des formations fores- tièresadultes,
tels les taillis de chêne vert ou lespinèdes, possèdent
le nombre de contacts leplus grand.
Cephénomène
estidentique
dans les vieillesgarrigues
de chênekermès
(25
ans etplus) (T RABAUD , 1980).
Dans les communautés dominées par desherbacés,
cela ne peut pas seproduire, puisque
dans nosrégions,
seules leshampes
florifères desvégétaux
herbacésatteignent
oudépassent
50 cm de hauteur. A moinsqu’il n’y
ait unchangement
de communautés allant vers une successionprogressive.
Ces nouvelles
communautés,
tendant alors vers des formationsligneuses,
seraient forcé- ment différentes des communautésd’origine.
La « remontée du couvert » des strates basses vers les strates hautes et
l’apparition
d’une
multiplicité
des strates sont très nettes(fig. 7),
ycompris
pour lespelouses
debrachypode
rameux, chezlesquelles, pourtant,
lephénomène
est leplus
difficilement décelable. Cetteremontée, déjà
visible en considérant le nombre absolu de contacts par strate, peut êtreprécisée
en utilisant le nombre relatif de contacts de la strate 1 par rapport à l’ensemble des strates de la communautéconsidérée ; ainsi,
parexemple :
unan
après
le feu dans les taillis denses de chêne vert, la strate 1possède 69,5
p. 100 du nombretotal
des contactsobservés,
dix ansaprès
unincendie,
cette strate nerepré-
sente
plus
que16,2
p. 100 du nombre total des contacts de la communauté. En ce qui concerne lespelouses
debrachypode
rameux, cephénomène
est moins accusé mais varie dans ce sens,ainsi,
un anaprès
lefeu,
le nombre de contacts de la strate 1représente 76,9
p.100 ;
huit ansaprès
lefeu,
il n’enreprésente
que65,9
p. 100.Ainsi
donc, après
unincendie,
il y a un retour(une cicatrisation,
GODRON & POIS-soNET,
1972) plus
ou moinsrapide
selon lescommunautés,
vers un état structuralplus complexe d’équilibre métastable,
semblable à celuiqui
existait avant l’incendie. Les communautés non « forestières» atteignent rapidement
cet étatd’équilibre :
environ2 ans pour les
pelouses,
et 5 à 6 ans pour lesgarrigues.
Enrevanche,
celaps
detemps,
sera
beaucoup plus long
pour les communautésqui
sont dominées initialement par desligneux
hauts : bienplus long
que lapériode
des observations.Les résultats obtenus lors de l’étude sur les
changements
de la flore(T RABAUD
&
L E rnRT, 1980)
mettent en évidence que l’évolution de lavégétation après
le feusuit un modèle
appelé
par EGLER(1954),
modèle de la «composition floristique
initiale »,c’est-à-dire que toutes les
espèces
sontprésentes
immédiatement sur lesplacettes après
le
feu,
même si par lasuite,
l’abondance relative des individuschange quelque
peu.Ce sont les
végétaux qui apparaissent
tout de suiteaprès
lefeu,
etqui
existaientdéjà
avant le
feu, qui
se maintiennent. Cela est dû auxtypes
derégénération qu’ils
utilisent : soitprincipalement
des organesvégétatifs
desurvie,
soit des semences résiduelles enfouies dans le sol. En ce sens, les résultats obtenus peuvent êtrerapprochés
de ceuxconstatés par les chercheurs américains sur le
chaparral
californien(végétation
similaireà celle de la
région
desgarrigues) lequel
se succède à lui-même(S AMPSON , 1944 ;
HORTON &
KRAEBEL, 1955 ; HnrrES, 1971).
L’accroissement
progressif
de laphytomasse
entraîne une modification de la pro-portion
du matérielvégétal
des strates basses vers les strates hautes. Demême, l’impor-
tance relative des formes
biologiques (ligneuses
etherbacées) change progressivement
au cours de l’évolution. En
cela,
nos observationsrejoignent
le modèlethéorique proposé
par LYON
(1969, 1971)
et ODUM(1971)
de simulation dechangement
dephytomasse apparaissant
au cours de la successionaprès
incendiepermettant d’expliquer
ledévelop-
pement des formes de
végétaux
au cours dutemps.
Reçu
pourpublication
le 30juin
1982.Remerciements
Je remercie