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Les Bibles de Rétif

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« Les Bibles de Rétif », Actes du colloque « Rétif de la Bretonne et le modèle biblique » dans la revue Etudes rétiviennes, n° 46, décembre 2014, p. 17-34

Les Bibles de Rétif

Rétif de la Bretonne connaît la Bible assez extensivement : la fréquence et la variété des intertextes bibliques dans ses œuvres prouvent une fréquentation solide de l’ensemble du corpus biblique. Les écrits à dimension autobiographique

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, quelle que soit la relative fiabilité de ces textes en partie fictionnels, témoignent de la multiplicité des contacts de Rétif avec les textes bibliques et, plus largement, avec la littérature religieuse. Des titres d’ouvrages sont cités, des éditions sont mentionnées : que les faits relatés soient réels ou inventés, la référence extrêmement fréquente aux Bibles et ouvrages religieux de son temps atteste d’une exposition réelle et vaste de Rétif à diverses traductions et éditions bibliques. Le but de notre travail sera de nous concentrer sur cet aspect du rapport de Rétif à la Bible. Nous ne chercherons pas à interpréter le choix des intertextes bibliques chez Rétif, dont les travaux réunis dans ce volume donneront un panorama conséquent. Notre but sera, en amont, d’identifier non pas les épisodes bibliques mentionnés par Rétif, mais les livres, au sens le plus matériel du terme, qu’il évoque, dans l’optique de reconstituer des bribes de la bibliothèque biblique

2

de Rétif.

Nous nous fonderons essentiellement sur Monsieur Nicolas, avec quelques excursus vers La paysanne pervertie

3

et La Vie de mon père

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. Il s’agira ainsi d’abord d’une part de déterminer dans quelle mesure les mentions explicites d’ouvrages bibliques renvoient à des éditions que l’on peut identifier, et d’autre part de caractériser l’orientation confessionnelle et idéologique de cette bibliothèque. Les citations textuelles de la Bible en français soulèveront une autre question : Rétif cite-t-il la Bible à partir d’une traduction déterminée, peut-être publiée dans une des éditions qu’il évoque ? Nous verrons que ce n’est pas le cas : la fréquentation d’éditions bien précises de la Bible n’entraîne pas nécessairement que l’écrivain se fonde sur elles pour citer le texte biblique en français. Rétif semble ainsi lui-même traduire depuis le latin de la Vulgate, ou reformuler en français depuis ses souvenirs.

Quels livres ? Les éditions évoquées par Rétif.

La première époque de Monsieur Nicolas abonde en mentions explicites, non seulement à la Bible comme texte, mais aux Bibles comme livres – comme objets matériels, possédés et manipulés dans une édition spécifique. Rétif, dans cette fiction autobiographique, ne néglige pas de distiller des informations qui, du moins en apparence, permettent d’identifier, sinon les éditions précises dont il a pu disposer, du moins l’origine confessionnelle de ses Bibles, et certaines caractéristiques des éditions. Quelle que soit la vérité de la référence – autrement dit, que les épisodes narrés dans Monsieur Nicolas se soient réellement produits ou non – la mention d’ouvrages précis provoque un effet de réel, dont une des conséquences annexes est

1 Rétif de la Bretonne, Monsieur Nicolas ou le cœur humain dévoilé, première partie, Slatkine Reprints, Genève, 1978.

2 Il y aurait par ailleurs une enquête à mener sur la bibliothèque religieuse de Rétif. Les mentions d’ouvrages d’édification religieuse sont en effet très nombreuses dans les fictions autobiographiques, et révèlent la connaissance qu’avait Rétif de la production éditoriale religieuse, extrêmement foisonnante au XVIIIe siècle, et sans doute davantage lue que la Bible elle-même. Nous n’avons pu nous lancer dans cette recherche, qui supposerait des explorations bibliographiques considérables, d’autant que les ouvrages de piété sont moins bien répertoriées par les catalogues bibliographiques que les éditions de la Bible.

3Rétif de la Bretonne, La Paysanne pervertie ou les dangers de la ville, 1784, réédition Paris, Garnier- Flammarion, 1972.

4Rétif de la Bretonne, La Vie de mon père, première partie, Slatkine Reprints, Genève, 1988.

Claire Placial

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de dessiner les contours idéologiques de la bibliothèque biblique rétivienne. Elle est essentiellement d’orientation janséniste et port-royaliste, mais sans exclusive, comme le montre un tout premier contre exemple, celui des éditions disponibles dans le foyer paternel à Sacy. Par quelle édition de la Bible le jeune Nicolas a-t-il pour la première fois, lors des séances pendant lesquelles son père lisait et commentait la Bible, entendu les textes sacrés ? Cela n’est jamais explicité dans Monsieur Nicolas, où l’on lit cependant ceci :

Ma mère m’avait donné une Vie de Jésus-Christ in 4° à belles marges, sur lesquelles étaient les versets latins du texte. Deux bâtons plantés dans le mur me servaient de lutrin pour chanter les versets sur le ton des épitres (…) Je trouvai ensuite moyen de mettre la main sur la Bible de mon père, dont je savais par cœur tout l’historique, que je lus couramment. Ainsi, je savais lire le français à l’époque où nous en sommes

5

. Revenons, avant de nous interroger sur la possibilité de l’identification de la Bible paternelle, sur cette Vie de Jésus-Christ mentionnée ici. Signalons au passage que l’anecdote est au diapason de la lecture des textes religieux : ce n’est pas le texte biblique lui-même que l’on donne à lire à l’enfant, mais l’histoire sainte, en l’occurrence une Vie de Jésus-Christ. Il ne s’agit là pas, certes, d’une traduction de la Bible, mais est intéressante ici la description matérielle que Rétif fait de l’ouvrage, dont sont en effet précisés le format et la mise en page, particulièrement représentatifs de l’édition catholique tridentine. Il est possible que l’ouvrage évoqué par Rétif corresponde à la Vie de Jésus-Christ, par l’abbé de Saint-Réal

6

, dont la Bibliothèque nationale de France conserve un exemplaire analogue à la description rétivienne.

Il s’agit en effet d’un in 4° aux marges extérieures très larges ; le texte à proprement parler – la « vie de Jésus-Christ » narre la vie du Christ telle que César de Saint-Réal la synthétise d’après le Nouveau Testament ; dans les marges figurent, dans une police plus réduite, les passages des Évangiles sur lesquels le rédacteur s’appuie. Ces citations bibliques sont en latin, dans la version de la Vulgate qui, dans la sphère catholique, est depuis la quatrième session du concile de Trente la seule version authentique, c’est-à-dire dépourvue d’hérésie. C’est déterminant pour la pratique de la traduction de la Bible : à l’époque de Rétif, les traductions catholiques se fondent sur le latin, là où les protestants traduisent depuis l’hébreu et le grec.

L’accès au texte biblique dans une traduction en langue vernaculaire est réglé par la règle IV de l’Index. Le fidèle doit faire preuve de « capacité » et de « permission », dispensée par son directeur de conscience, lequel doit s’assurer que la Bible utilisée a reçu l’imprimatur, et permet une lecture compatible avec le dogme et la tradition. Ces conditions expliquent l’importance des paratextes dans les éditions françaises de la Bible : le texte latin, seul

« authentique », est très fréquemment imprimé en regard de la traduction française

7

, laquelle est accompagnée d’explications, parfois très volumineuses, visant à éviter une lecture hétérodoxe. L’exemplaire de la Vie de Jésus Christ conservé à la BnF correspond donc à la description faite par Rétif dans Monsieur Nicolas, mais dans la mesure même où ce type d’édition est emblématique de la production religieuse catholique de l’époque, il serait

5 Monsieur Nicolas ou le cœur humain dévoilé, ouvrage cité, p. 57.

6 César de Saint Réal, La Vie de Jésus-Christ, Paris, R. Guignard, 1678.

7 On lit à ce propos dans l’introduction du catalogue Bibles imprimées du XVIIe au XVIIIe siècle conservées à Paris (Martine Delaveau et Denise Hillard (éd.), Paris, éditions de la Bibliothèque nationale de France, 2003) : « Il nous a paru en effet évident qu’à quelques exceptions près, le texte latin avait été ajouté à la langue vernaculaire afin que le lecteur puisse s’y reporter en cas de doute sur la traduction, sur son exactitude ou son orthodoxie, aussi peut-être pour mieux situer un passage, dans un latin plus ou moins su par cœur qui lui restait en mémoire.

Les éditions bilingues, français-latin, le montrent bien par l’évolution de leur présentation : de deux colonnes de même taille au début, on passe insensiblement à une colonne plus petite pour le latin, qui va se rétrécissant jusqu’à mettre la Vulgate “à la marge”. Les titres se transforment également, au point de ne plus indiquer la présence du latin, alors qu’il existe bien en texte intégral. »

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hasardeux d’affirmer avoir identifié l’ouvrage cité par Rétif avec certitude. Pour autant toutes les Bibles en français imprimées aux

XVIIe

et au

XVIIIe

siècles ne sont pas conformes à ce modèle éditorial. Les productions émanant de Port-Royal en particulier varient considérablement. Les premières productions port-royalistes mettaient l’accent sur l’immédiateté du contact du lecteur avec le texte sacré, dépourvu de gloses ou d’explications.

Ainsi, le Nouveau Testament dit « de Mons »

8

, préparé essentiellement par Isaac Lemaistre de Sacy, est publié en 1667 sans que le texte latin soit imprimé, et sans explications. Cependant les textes de l’Ancien Testament, publiés en une vingtaine d’éditions séparées entre 1672 et 1693

9

, comprennent le texte de la Vulgate imprimé en italique dans les marges intérieures ; des « explications tirées des saints Pères » figurent en bas de page. Les Bibles intégrales qui paraissent chez Desprez dans la première moitié du

XVIIIe

siècle reprennent l’ensemble des traductions port-royalistes avec des amendements mineurs, mais surtout refondent les explications. L’édition in 8° de 1696

10

; celle in 4° de 1701 ; celle de 1715 in folio, comprennent le texte latin ; l’in folio de 1730 n’est imprimé qu’en français. Autrement dit, le même texte biblique français peut être paraître dans des ouvrages matériellement extrêmement différents, tant par le format (et conséquemment le nombre de volumes : l’édition de 1696 conservée à la BnF est reliée en 16 volumes, l’in folio de 1715 de la bibliothèque de Metz en trois volumes) que par la présence des paratextes, qui influent sur le statut donné à la traduction (autosuffisante ou non).

Mais revenons-en, après cet excursus, à l’identification de l’édition de la Bible paternelle, Monsieur Nicolas n’est guère riche d’informations. En lisant l’extrait précédent en creux, on peut supposer que l’ensemble de la Bible était relié en un seul volume. À l’époque où écrit Rétif, cela ne va pas de soi. Les Bibles de Port-Royal sont reliées, au mieux, en deux volumes.

En revanche les Bibles catholiques plus anciennes – sans doute parce que dépourvues du texte latin et des explications qui consomment de l’espace – sont fréquemment reliées en un seul volume. Or précisément, c’est à ces Bibles anciennes que font références d’autres textes de Rétif. Dans La Vie de mon père, Rétif évoque ainsi une « Bible complète, un peu gauloise », qu’Anne Sauvy, dans Le siècle des lumières et la Bible

11

analyse comme pouvant être un exemplaire de la traduction de Lefèvre d’Etaples

12

. Cependant Rétif, dans une note de bas de page de La Paysanne pervertie

13

, évoque en ces termes la Bible de son père :

Je n’ai rien dit encore du langage de mon père, qui paraîtra d’un autre siècle aux ignorants de ce qui est dans les campagnes isolées : c’est qu’on y parlait le langage d’il y a deux cents ans, il n’y a pas vingt années, à cause des Bibles antiques qu’on y lit.

Celle de mon père est de 1551, mais éditée par des catholiques.

8

Référence Mons

9

compléter – mettre libraire.

10

référence et pareil en dessous

11 « Le terme de gaulois désigne souvent, dans la langue du 18e siècle, l’ancien français. La Bible gauloise, à laquelle il est fait référence, serait sans doute la version de Lefèvre d’Etaples, dont le style et le vocabulaire étaient déjà très archaïques. Ne nous étonnons pas en songeant qu’on utilise encore de nos jours en Grande- Bretagne la très belle traduction anglaise de la Bible effectuée au 17e siècle, sous Jaques 1er. On a alors affaire à une sorte de langue sacrée, compréhensible à tous mais un peu différente de la langue parlée banale, et, comme le dit Restif, naïve et touchante. », dans Le Siècle des Lumières et la Bible sous la direction de Yvon Belaval et de Dominique Bourel, Paris, Beauchesne, 1986, p. 41.

12 La Saincte Bible. en Francoys translatee selon la pure et entiere traduction de sainct Hierome, conferee et entierement revisitee, selon les plus anciens et plus correctz exemplaires (…) Imprime en Anvers par Martin Lempereur An 1530.

13 Rétif de la Bretonne, La Paysanne pervertie ou les dangers de la ville, 1784, réédition Paris, Garnier- Flammarion, 1972, p. 215.

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L’identification de l’exemplaire, sinon possédé effectivement par Edme Rétif, du moins évoqué par Rétif (à supposer qu’il ait une édition réelle en tête) peut sembler facile à identifier. Mais la consultation des catalogues et répertoires ne mentionne nulle Bible catholique éditée en 1551. Le catalogue Opale de la BnF et le catalogue des Bibles conservées à Paris

14

, ne mentionnent pas pas d’édition complète catholique de la Bible en traduction française à paraître en 1551. Existent des éditions lyonnaises, chez Jean de Tournes et Philibert Rollet, de la version protestantes de Genève ; Bettye Chambers

15

mentionne quant à elle une édition protestante à Genève chez Jean Crespin. Paraît en 1550 à Louvain une Bible qui pourrait correspondre : cette traduction depuis la Vulgate, due à Nicolas de Leuze

16

, s’appuie certes en partie sur le travail de Lefèvre d’Etaples, mais il s’agit d’une nouvelle traduction, et non d’une simple réimpression. Ainsi la mention dans la Paysanne pervertie n’est pas suffisante pour retrouver la Bible du père de Rétif, ou, dans une perspective plus distanciée, pour prouver que Rétif fait référence à des éditions précises avec un éventuel but documentaire. Il faut alors supposer, soit que les répertoires bibliographiques sont incomplets (ce dont nous nous permettons de douter), soit que la date donnée par Rétif est inexacte. De nouveaux postulats sont alors possibles. Rétif peut se référer à un exemplaire dont la page de titre ne serait pas d’origine, et porterait la date de 1551 alors que l’exemplaire aurait été imprimé plus tôt. Rétif pourrait également s’être trompé de dizaine. Il existe en effet une réimpression de la Bible de Lefèvre d’Etaples, à Anvers, chez Antoine de la Haye, en 1541

17

. Pour ce qui est de la Bible paternelle, dans l’état actuel de nos recherches, nous en sommes réduits aux déductions et aux spéculations. Dans la mesure où il est bien peu vraisemblable que, parce qu’ils liraient la Bible dans une traduction ancienne, les paysans de Sacy parlent un français archaïques (mutatis mutandis : les comédiens de la Royal Shakespeare company ne parlent pas l’anglais de l’époque de Shakespeare pour jouer ses pièces), on peut douter de l’ancienneté effective de la Bible par laquelle Rétif a rencontré pour la première fois les textes sacrés. Mais la tendance de Rétif à l’affabulation ne doit pas jeter le discrédit sur cette évocation de la « Bible gauloise ». Il n’est pas improbable qu’une famille, qui possédait et se transmettait au cours des générations un exemplaire déjà deux fois séculaire de la Bible, n’ait pas acquis de nouvelle traduction dans une langue plus récente. Aussi peut-on sans doute, avec les précautions nécessaires, considérer que les ouvrages de Rétif apportent un témoignage des mécanismes de diffusion des Bibles dans les campagnes françaises. Étant donnée la dépense considérable que représente l’acquisition d’une Bible, une famille de cultivateurs aisés possédant une traduction ancienne n’allait pas remplacer sa Bible, fût-elle

« un peu gauloise », par une édition plus récente. Ainsi, alors même que Rétif baigne dans un milieu très influencé par le jansénisme, la Bible paternelle n’est sans doute pas la Bible de Port-Royal, pourtant imprimée en de nombreux exemplaires et fort bien diffusée

18

.

Les années 1746-1747 à Bicêtre, sur lesquelles s’ouvre la « Seconde époque » de Monsieur Nicolas, sont le moment pour le jeune Nicolas de nouvelles rencontres avec les textes bibliques, à travers des éditions cette fois plus directement Port-royalistes. Là encore, certaines éditions sont évoquées relativement précisément. Ainsi sur la lecture à haute voix en quelles circonstances, lit-on :

14 Bibles imprimées du XVIIe au XVIIIe siècle conservées à Paris, ouvrage cité.

15 Bibliography of French Bibles. Fifteenth- and Sixteenth- Century French-Language Editions of the Scriptures, Genève, Librairie Droz, 1983, et Bibliography of French Bibles. Seventeenth Century French-Language Editions of the Scriptures, Genève, Librairie Droz, 1994.

16La Saincte Bible Nouvellement translatée de Latin en François, selon l’edition Latine (…). A Louvain, par Bartholomy de Grave, Anthoine Marie Bergagne, & Jehan de Waen, 1550

17

Référence

18 Réf Chédozeau

(5)

Je fus bien surpris, la première fois que je lus en public, dans les Figures de la Bible, de Royaumont, d’entendre, presque à chaque mot que je prononçais, la clef du sous-maître frapper la table

19

. (Monsieur Nicolas, p. 94)

Une fois encore, ce qui peut sembler une mention explicite à un ouvrage précis s’avère plus compliquer à identifier parmi la production éditoriale de l’époque. Sous le titre Figures de la Bible paraissent plusieurs ouvrages abondamment illustrés, dès 1614

20

. Il s’agit là d’Histoires saintes, comprenant le récit de l’histoire du peuple juif puis de la vie du Christ, sur un mode narratif et chronologique, et abondamment illustré par des gravures dans la partie supérieure de la page – d’où le titre de « figures » de la Bible. Mais l’ouvrage fréquemment désigné sous le titre de « Bible de Royaumont » en diffère : le texte est nouveau. Le titre original de cet ouvrage, auquel Rétif fait vraisemblablement référence, est l’Histoire du Vieux et du Nouveau Testament

21

; la parenté en est attribuée sur la page de titre à M. de Royaumont, mais le texte est plus vraisemblablement rédigé par Nicolas Fontaine, le secrétaire d’Isaac Lemaistre de Sacy, le pilier de la traduction des Messieurs de Port-Royal. La première édition paraît en 1671 chez Pierre Le Petit, mais rien ne permet de dire que c’est elle que Rétif a entre les mains, puisque l’ouvrage est régulièrement réimprimé, ce qui témoigne du reste de son succès

22

. Certaines réimpressions portent du reste le titre Figures de la Bible : on peut supposer que c’est l’une d’elles qui se trouve à Bicêtre

23

.

La bibliothèque de Bicêtre est manifestement d’orientation janséniste, au moins en partie.

Outre la présence des « Figures de la Bible, de Royaumont », en témoigne la scène dans laquelle le nouveau recteur de Bicêtre s’enrage d’y trouver des ouvrages susceptibles d’hétérodoxie :

De livres en livres, Bonnefoi tomba enfin au Nouveau Testament, de Quesnel, dont les explications mystiques, creuses quelquefois, mais toujours approfondies avec la pénétration janséniste, ne m’ont jamais plu, quoique messire Antoine Foudriat le lût en Carême, dans l’église, à la prière du soir

24

. (Monsieur Nicolas, p. 104)

le recteur… voulut emporter les Nouveaux Testaments que nous avions sur nos planches, au dessus de nos places. Notre maître alors éleva la voix. – O mon Dieu ! s’écria-t-il, on ôte votre parole à vos enfants. (…) Je tiens de mon père, que j’en croirai mieux que vous, que voilà le Testament de Jésus-Christ, notre Père, que je dois lire tous les jours pour connaître les biens qu’il m’a laissés

25

. (Monsieur Nicolas, p. 104)

La description du Nouveau Testament est très précise, et rend l’identification du texte relativement aisée. Il s’agit d’une traduction du Nouveau testament, accompagnée, je cite la

19 Monsieur Nicolas, ouvrage cité, p. 94.

20

citer

21 Histoire du Vieux et du Nouveau Testament, avec des explications édifiantes, tirées des Saints Peres pour regler les moeurs dans toute sorte de conditions, Dediée à Monseigneur le Dauphin. Par le sieur De Royaumont prieur de Sombreval. A Paris, chez Pierre Le Petit. M.DC.LXXXI. compléter

22

Il sera réimprimé jusqu’au 20

e

s, compléter

23 Par exemple, avec un texte légèrement modifié, mais des gravures identiques : Figures des histoires de la Sainte Bible, avec des discours qui contiennent exactement ce qui est écrit de plus remarquable dans l'Ancien et le Nouveau Testament... Nouvelle édition, revue et corrigée selon la Vulgate, A Paris : chez Alexis de La Roche... et Jean Lesclapart, 1724

24 Monsieur Nicolas, ouvrage cité, p. 94.

25 Ibid.

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page de titre, de « réflexions morales sur chaque verset », rédigées par Pasquier Quesnel

26

; quant à la traduction, il s’agit d’une révision elzévirienne de la version de Port-Royal. Il est du reste singulier que Bicêtre possède le Nouveau testament de Quesnel, et qu’Antoine Foudriat le lise à la prière du soir, plutôt que le Nouveau Testament dit « de Mons », c’est-à-dire la traduction de Lemaistre de Sacy, originellement publiée en 1667 sans commentaires et explications. Ce choix pourrait procéder de la nécessité, selon les règles tridentines, d’accompagner la lecture biblique d’un appareil de commentaire. Mais en ce cas, pourquoi choisir le commentaire de Quesnel ? Il existe en effet d’autres traductions catholiques accompagnées de péritextes, et bien diffusées – celle de Denis Amelote

27

par exemple, que l’on distribuait aux noveaux convertis. Le choix du Nouveau Testament de Quesnel confirme donc l’ancrage janséniste de Bicêtre. Du reste la place même accordée à la lecture de la Bible confirme cet ancrage. En témoigne la protestation du maître lorsque le Nouveau testament de Quesnel est jeté à terre : « – O mon Dieu ! s’écria-t-il, on ôte votre parole à vos enfants. » (104), puis celle du jeune Rétif : « Je tiens de mon père, (…) que voilà le Testament de Jésus- Christ, notre Père, que je dois lire tous les jours pour connaître les biens qu’il m’a laissés » : l’accès direct à la parole divine en traduction française – quoi qu’accompagnée de commentaires et explications – est au cœur de l’entreprise janséniste. Sans doute les enfants ne lisent-ils pas la Bible de façon indépendante et autonome, mais du moins ont-ils, soit sur leur table, soit sur les étagères de la bibliothèque des enfants de chœur, des traductions française du Nouveau Testament qu’ils peuvent lire.

Revenons un instant aux Figures de la Bible de Royaumont. L’édition que connaît Rétif est sans doute illustrée. Or il mentionne dans Monsieur Nicolas la forte impression qu’a fait sur ses sens, dont on sait combien ils sont facilement stimulés, une « belle noire » représentée dans une « ancienne estampe de la toilette d’Esther »

28

. Aurait-il rencontré cette estampe dans un exemplaire de Bible illustrée, Bible de Royaumont ou Bible de Calmet

29

, non mentionnée dans Monsieur Nicolas, mais en circulation à son époque ? Ces éditions ne représentent pas la toilette d’Esther : en tête des pages consacrées à Esther dans la Bible de Royaumont, la planche porte le sous-titre « Esther prie le Roy Assuerus pour les Juifs ». Il existe en revanche un tableau intitulé « la toilette d’Esther » (1738), de Jean-François de Troy

30

. Mais aucune femme noire sur ce tableau. Dans l’édition de 1715 de la Bible de Port-Royal, sur la gravure qui accompagne ce livre biblique, une des suivantes d’Esther est noire, mais il s’agit encore une fois d’Esther devant Assuérus. Par ailleurs, les représentations du livre de xxx dans la Bible de Royaumont comportent des représentations de Bethsabée au bain, nue. Les imprimeurs port-royalistes ne couvrent de nulle feuille de vigne la nudité biblique. Mais Rétif, qui a nécessairement rencontré ces représentations de la nudité, n’élabore pas pour autant dans ses ouvrages de rêverie érotique fondée sur la contemplation d’une édition de la Bible.

Quels textes ? Le rapport de Rétif aux traductions bibliques.

26 Le Nouveau Testament en franc̜ois, avec des reflexions morales sur chaque verset, pour en rendre la lecture &

la meditation plus facile à ceux qui commencent à s'y appliquer. Augmenté de plus de la moitié dans les Evangiles en cette derniere edition... qui estoit sous le titre de Morale de l'Evangile & des Epistres de Saint Paul, à Paris, chez André Pralard, 1692.

27 Le Nouveau Testament de Nostre Seigneur Jesus-Christ, traduit sur l’ancienne edition Latine corrigée par le commandement du pape Sixte V (…), par le R. Pere D. Amelote Paris, chez François Muguet, 1666.

28 « Un divin sourire, que sa noirceur rendait encore plus touchant, pénétra jusqu’à mon cœur en me rappelant une belle noire que j’avais vue dans une ancienne estampe de la toilette d’Esther » (Monsieur Nicolas, p.109)

29 Commentaire litteral sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Par le R. P. D. Augustin Calmet, Religieux Bénédictin, de la congrégation de S. Vanne & de S. Hydulphe. A Paris, chez Emery 1707-1716.

30 Jean François de Troy, La toilette d’Esther, huile sur toile, Paris, musée du Louvre.

(7)

La question de l’identification des Bibles de Rétif se pose différemment lorsqu’on en vient à l’examen des citations que Rétif fait du texte biblique. Il ne s’agit plus là d’identifier une édition – c’est-à-dire un livre, dans sa matérialité – mais de reconnaître un texte. Rétif cite-t-il textuellement des traductions précises ? Dans l’état actuel de mes recherches, il est difficile de répondre à cette question avec certitude, mais il semble toutefois que Rétif ne cite aucune traduction en particulier – en la matière, nos analyses recoupent celles de Gaël Nom. Je partirai ici de deux extraits de Monsieur Nicolas dans lesquels Rétif cite la Bible assez précisément. Dans le premier extrait, Rétif aborde

deux maximes du Nouveau Testament qui ne doivent être présentées aux enfants qu’avec la plus grande prudence : Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout vous sera donné par surcroît. C’est l’Unum necessarium qui peupla d’anachorètes les déserts de la Thébaïde, et qui n’est bonne chez nous qu’à faire un mauvais Capucin. Je suis surpris que cette maxime, si follement inculquée, ne m’ait pas fait fuir dans les forêts, où je serais devenu saint ou voleur ; on devinera que ce qui m’a retenu, ) mes premières époques, ce sont les femmes. La seconde maxime : Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, remet à la mauvaise judiciaire d’un sot le repos et la tranquillité des Etats comme on l’a vu dans toutes les guerres de religion.

31

La première maxime est tirée de Matthieu 6,33. La consultation des traductions catholiques du Nouveau Testament disponibles à l’époque – compris celles de Port-Royal et celle de Quesnel explicitement mentionnées par Rétif – ne permet pas d’identifier la source de cette citation :

Texte cité par Rétif

Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout vous sera donné par surcroît.

Vulgate Clémentine

Quærite ergo primum regnum Dei, et justitiam ejus : et hæc omnia adjicientur vobis.

NT de Mons (1667)

32

Cherchez donc premierement le royaume & la justice de Dieu, & toutes ces choses vous seront données comme par surcroît

NT de Quesnel (1692)

33

Cherchez donc premierement le royaume & la justice de Dieu, & toutes ces choses vous seront données comme par surcroît.

Bible de PR, édition 1730

Cherchez donc premierement le royaume de Dieu & sa justice, & toutes ces choses vous seront données par-dessus

NT d’Amelote

34

(1666)

Cherchez donc premierement le Royaume de Dieu & sa justice, & toutes ces choses vous seront données par surcroist

NT du jésuite

Bouhours

35

(1697)

Cherchez donc premierement le Royaume de Dieu & sa justice ; & vous aurez tout cela par dessus.

NT de Huré

36

(1702)

Cherchez donc premierement le roiaume de Dieu & sa justice, & toutes ces choses vous seront données par dessus.

31 Monsieur Nicolas, p. 99.

32 Le Nouveau Testament de Nostre Seigneur Jesus Christ, traduit en François, Selon l’edition Vulgate, avec les differences du Grec, Mons, chez Gaspard Migeot, 1667.

33 Ouvrage cité.

34 Ouvrage cité.

35 Le Nouveau Testament de Nostre Seigneur Jesus Christ, traduit en françois selon la Vulgate, Paris, chez Louis Josse, 1697.

36 Le Nouveau Testament de Nostre Seigneur Jesus-Christ, Traduit en françois selon la Vulgate ; Avec des Notes où l’on explique le sens littéral, en y ajoûtant quelques réfléxions morales, qui suivent naturellement de la lettre, par M. Charles Huré, Paris, chez Jean de Nully, 1702.

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D’un point de vue traductologique, la maxime biblique telle qu’elle est citée par Rétif ne manque pas d’intérêt. L’expression finale « par surcroit » semble une réminiscence des versions Port-royalistes bien connues de Rétif, qui s’écarte en revanche de la leçon retenue par le Nouveau Testament de Mons et par Quesnel en traduisant « le royaume de Dieu et sa justice » plutôt que « le royaume et la justice de Dieu » : la solution de traduction chez Rétif est en ce point plus littérale. Pour autant, la maxime dans la version de Rétif n’est pas un calque du latin, et peut sembler en français plus idiomatique : primum n’est plus traduit par

« premièrement » mais par « d’abord » ; la formule « toutes ces choses », bien abstraite, disparaît au profit d’une formulation plus simple : « tout vous sera donné ». Pour reprendre des catégories anachroniques puisqu’elles nous sont contemporaines, la traduction de la maxime chez Rétif paraît plus « cibliste »

37

, en ce qu’elle semble viser l’adéquation avec la langue quotidienne contemporaine de l’écrivain. L’absence de traduction française catholique correspondant parfaitement à la citation dans Monsieur Nicolas, associée à la formulation concise et efficace en français, laissent suggérer que Rétif lui-même est l’auteur de cette phrase en français.

La deuxième maxime est quant à elle tirée des Actes des apôtres, 5,20. On lit chez Rétif : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes », formulation qui ne correspond pas parfaitement à ce qu’on lit chez Quesnel et dans les différentes éditions port-royalistes : « Il faut plustost obéir à Dieu qu’aux hommes ». Le sens n’est certes pas absolument le même dans les deux versions françaises, mais toutes deux sont justifiées si l’on se réfère à la source latine, le verbe opportet pouvant être compris avec une nuance d’obligation comme de préférence. Quoi qu’il en soit, la confrontation des traductions montre assez que Rétif, pour suivre la Vulgate, ne s’écarte pas moins des traductions qui existent à son époque :

Texte cité par Rétif

Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes.

Vulgate Clémentine Obedire oportet Deo magis quam hominibus.

NT de Quesnel (1692) Il faut plustost obéir à Dieu qu’aux hommes.

Bible de PR, édition 1730 Il faut plutôt obéir à Dieu qu’aux hommes.

NT d’Amelote (1666) Il faut obéir à Dieu plustost qu’aux hommes.

NT du jésuite Bouhours (1697) Il faut obéïr à Dieu plutost qu’aux hommes NT de Huré (1702) il faut plûtôt obéïr à Dieu, qu’aux hommes.

Même remarques que pour la maxime extraite de l’évangile selon Matthieu. Non seulement le texte chez Rétif ne semble pas emprunté à une version préexistante. D’autre part, l’adoption de l’expression « il vaut mieux obéir… », plus naturelle sans doute que « il faut plutôt obéir… » suggère que Rétif n’était pas dépourvu d’un talent de traducteur certain, et d’une capacité à trouver, à l’échelle de courts fragments certes, des formulations à la fois exactes et efficaces d’un point de vue de l’état de langue de son époque.

Dans le second extrait, c’est le premier Psaume de la pénitence qui revient à la mémoire de Rétif alors que viens de lui céder Toinette, laquelle après avoir été emportée par le feu du désir ne regrette certes pas d’avoir fait « le bonheur » de Nicolas, mais redoute « l’offense de Dieu » :

37 Pour aller vite : ceux que j’appelle les « sourciers » s’attachent au signifiant de la langue, et ils privilégient la langue-source ; alors que ceux que j’appelle les « ciblistes » mettent l’accent non pas sur le signifiant, ni même sur le signifié mais sur le sens, non pas de la langue mais de la parole ou du discours, qu’il s’agira de traduire en mettant en œuvre les moyens propres à la langue-cible.

(9)

Je fus touché de sa piété que la vivacité de ses passions ne rendait que plus ardente, et je me mis à genoux à côté d’elle, priant et récitant le premier Psaume de la Pénitence, composé dans une circonstance à peu près pareille à celle où je me trouvais :

« Seigneur, ne me reprenez pas dans votre fureur, et ne me châtiez pas dans votre colère ! »

38

(Monsieur Nicolas, p. 394)

L’extrait est tiré des Psaumes : les éditions en comportant des traductions varient par rapport aux extraits précédents, tirés du Nouveau Testament. Là encore mes recherches ne m’ont pas permis d’identifier une version qui serait celle citée textuellement par Rétif :

Texte cité par Rétif

Seigneur, ne me reprenez pas dans votre fureur, et ne me châtiez pas dans votre colère ! »

Vulgate Clémentine Domine, ne in furore tuo arguas me, neque in ira tua corripias me.

Bible de Louvain (1550) Seigneur, ne me reprens point en ta fureur : & ne me chastie point en ton ire.

Bible de PR, édition 1730 Seigneur, ne me reprenez pas dans votre fureur, & ne me punissez pas dans votre colère.

Commentaire de Calmet. Seigneur, ne me reprenez pas dans votre fureur, & ne me punissez pas dans votre colère.

La traduction du verset du Psaume cité ne correspond pas textuellement aux quelques traductions que j’ai réunies, mais l’échantillon de traductions est sans doute moins fiable que les compilations de traductions des maximes tirées du Nouveau Testament. En effet les traductions des Psaumes en livres séparées ont été extrêmement nombreuses aux

XVIIe

et

XVIIIe

siècles

39

, et mon relevé n’est en rien exhaustif. Mais si l’on accepte l’hypothèse selon laquelle Rétif cite en traduisant lui-même depuis la Vulgate, il n’y a pas lieu de penser que ce verset du Psaume 6 fasse exception. Rétif aurait traduit lui-même depuis la Vulgate : une précision s’impose ici. Un auteur français de formation catholique, nourri de liturgie latine, ayant été mis au contact de plusieurs traductions françaises de la Bible sans doute chacune lue extensivement, ne traduit pas nécessairement la Vulgate dans une main et le manuscrit français dans l’autre : sa mémoire biblique informe la traduction qu’il produit. Peut-être, et a fortiori pour un si court extrait, ne s’agit-il pas même d’une traduction à proprement parler (dans le sens où Rétif n’aurait pas eu à consulter le texte latin), mais d’une citation de mémoire, formulée directement en français à partir de ses souvenirs, avec des réminiscences des versions connues dans le choix du vocabulaire. Pour les citations plus longues du texte biblique, comme le montre l’article de Gaël Prigent, il semble que Rétif, là encore, ne cite pas une version particulière, mais recompose le texte français.

Au terme de ce parcours, on peut ressentir une certaine frustration à n’avoir pas pu avec certitude identifier les traductions et les éditions de la Bible dont disposait Rétif. L’enquête cependant comporte un intérêt obvie : celui de présenter une étude de cas permettant, par le biais des sources littéraires, de toucher du doigt la complexité du rapport d’un auteur aux sources bibliques. À notre époque, il est plus que vraisemblable qu’un auteur ou qu’un chercheur, sur l’ensemble de sa production écrite, ne consulte et ne cite pas la Bible via une seule traduction, une seule édition ; par ailleurs les traductions et éditions consultées ne seront

38 Monsieur Nicolas, ouvrage cité, p. 394.

39 Sur les traductions des Psaumes aux XVIIe et XVIIIe siècles, voir les pages que consacre à ce sujet Claire Gracieux dans le chapitre « Textes sacrés » de l’Histoire des traductions en langue française XVIIeXVIIIe

siècles, Lagrasse, Verdier, 2014.

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pas systématiquement les plus récentes. La situation n’est pas fondamentalement différente

pour Rétif. Si l’on peut établir, à partir du récit des mois passés à Bicêtre, que le jeune Nicolas

a accès aux productions port-royalistes, s’il grandit dans un milieu fortement influencé par le

jansénisme, cet environnement idéologique n’est pas pourtant hégémonique et son rapport au

texte biblique dans la pratique citationnelle n’est pas conditionné par lui. Si une institution

comme Bicêtre permet de réunir une collection importante d’exemplaires de la Bible

relativement récents, en revanche dans le cercle familial de Monsieur Nicolas, les ouvrages

sont plus anciens et la bibliothèque n’est pas renouvelée au même rythme. D’où la pluralité

des textes bibliques mêmes auxquels a été exposé Rétif – ce alors que, rappelons-le, la

Vulgate reste officiellement le texte « authentique ». Est-ce suffisant pour expliquer que Rétif,

selon toute apparence, ne cite pas de traduction précise de la Bible, mais reformule ou

retraduit vraisemblablement d’après sa connaissance du texte latin et ses souvenirs des

versions lues dans sa jeunesse, dont par moment on perçoit les échos par certains choix

terminologiques ? Toujours est-il que les pistes sont singulièrement brouillées, et que ne ce ne

sont pas les traductions ou éditions explicitement évoquées par Rétif qui sont utilisées

lorsqu’il s’agit de citer le texte biblique. Ainsi en est-il du rapport de Rétif à la Bible – et sans

doute ce rapport ne lui est-il pas propre : la multiplication en langue française, dès la

Renaissance, des versions bibliques, la diversité formelle des éditions, entraînent dans les

textes littéraires un rapport moins univoque avec le texte biblique – là où, dans la sphère

anglophone, la King James Version reste le texte de référence pour la plupart des auteurs

littéraires, jusqu’au

XIXe

siècle pour le moins. La mémoire biblique des auteurs francophones

d’éducation catholique est sans doute davantage fondée sur la Vulgate que sur une version

particulière, et la présence de citations ou d’allusions au texte biblique ne peut alors puiser à

une source textuelle précise. De cette façon Monsieur Nicolas apporte un témoignage sur la

discordance possible entre la diffusion des idées jansénistes d’une part, et la diffusion des

traductions et éditions port-royalistes d’autre part. Quand bien même l’ouvrage relève en

partie de la fiction (et il ne faut alors pas le considérer comme témoignage fiable d’un point

de vue historiographique), les mentions des diverses éditions de la Bible donnent une idée de

l’envergure des lectures bibliques de l’auteur.

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