L'HOMME MACHINE
SUIVI DE
L'ART DE JOUIR
LA
COLLECTION
DESCHEFS-D'ŒUVRE MÉCONNUS
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION
de M. GONZAGUE TRUC
Lacollectiondes«Chefsd'OEuvreMéconnus» estimpri-
mr
papier Bibliophile Inaltérable (pur chiffon) de Renage et d'Annonay, au format in-lG Grand-Aigle .t3,5Xl9,5j.
Letirage est limité à deux mille cinq cents exemplaires numérotésîle1à 2500.
Le présentexemplaireporte leA° 1
Le texte reproduit dans cevolumeest, pour l'Homme machine, celui de i
748 et, pour YArt de jouir, celui de 1753.
Julien
Offroy
deLA METTRIE
(1709-1751)
Gravépar AchilleOuvré
D'aprèsl'originalde G.-F.SCHMIDT(Bibl. Nat.)-
COLLECTION
DES
CHEFS-D'ŒUVRE MÉCONNUS
Julien
OFF1UY de La METTRIE
L'HOMME MACHINE
SUIVI DE
L'ART DE JOUIR
INTRODUCTION
ETNOTES
Dli
Maurice SOLOVINE
Avec un portrait grave sur bois par Achille
OUVRÉ
É D
IT
IN
SBOSSA
l\D
i3, RUE MADAME, f\'S
I
1 \IUS
1921
8
3063
H5 mi
INTRODUCTION
DE
Maurice SOLOVINE
INTRODUCTION
Julien
Offray deLa
Mettrie, qui naquit àSaint-Malo le 20
décembre
1709, fit seshumanités au
collègede Coutances.Ilsuivit après les cours de rhétorique dansune
institu- tiondejansénistesà Caen.où
il sedistinguaparla vivacité de son esprit etl'ardeur
aux
études, de sorte qu'ilremporta
tous les prix. Destiné par son père, qui étaitun commerçant
aisé et d'esprit positif, àembrasser
la carrière ecclésiastique,comme
étant la plus sûre,La
Mettrie futenvoyé au
collège de Plessispour
y suivre les coursde logique de l'abbé Cordier qui étaitun
ardentjanséniste.Profondément impressionné
par les leçons de son maître,il s'enthousiasma
pour
lejansénisme
etcom-
posaen
sa faveur, à l'âge de i5 ans,un
ou- vrage d'apologétique, qui fut très estimé parle parti. Cet
ouvrage
d'ailleurs ne l'utjamais publié. Mais à peine s'éluil iloccupé
de théo logiependant une année
qu'il en fut proton-12
INTRODUCTION
dément
dégoùtu,: il la quitta et luivoua une
haine implacable tout le reste de sesjours.En
1725 il suivait au collège d'Harcourt lescours de physique,
où
il fitde grands progrès,cl se décida ensuite, sur le conseil de son compatriote le
médecin Himnuld
. p étudier In- inildiiciue—Son
père acquiesça volontiers à cette résolution, après qu'on l'eût persuadé«
que
lesremèdes
d'unmédecin médiocre
rapporteraient plusque
les absolutions d'unbon
prêtre( a) ».
Après
deux
ans d'études médicales il obtintà
Reims
en [728 Lebonnet
de docteur. Ilexerça la
médecine pendant
cinq ansdans
sa ville natale,
mais
cette fonctionne semble
pas lui avoirprocuré
beaucoup
desatisfaction.Il prit la résolution en 1y33 d'aller à
Leyde pour
s'instruire prèsdu
célèbre Boerhaavc, qui jouissait d'uneimmense
réputation.—
réputation justifiée aussi bien par ses remar- quables connaissances médicales
que
par sa gr;imie bonté et ses conceptions philoso- phiques 1res élevées.Ce
séjour de La Mcltrie étail d'ungrand
profitnon
seulementpour
lui-même,mais
encorepour
les progrès des études médicales en France, qui n'étaient pas(*) Frédéric 11, Éloge deLaMeltrie.
INTRODUCTION
13alors
dans un
état brillant. Déjà en 170a, ilentrepritla traduction
du
Tractatus medicus de lueaphrodisiacade Boerhaave. auquel il ajouta son propre Traitédes maladies vénériennes. Cesdeux
livres obtinrentun grand
succès et luicausèrent en
même temps beaucoup
d'ennuis, à cause delajalousie qu'ilsexcitèrentparmi
ses confrères.Jean
Astrucnotamment,
le célèbremédecin
et exégète, publia en 1706un
livre sur lemême
sujet(De morbis venereis libri VI et y attaquaviolemment La
Mettrie. Celui-ci répondit d'abord parune
lettre polie, qu'il publia à la fin de sonouvrage
intitulé Traité du vertige. Astruc cependant, lierdesa situa- tion élevée et de son autorité acquise, gardaune
attitude dédaigneuse et hautaine.La
que-relle s'envenima, les attaques de
La
Mettrie devinrent de plus en plus violentes et s'éten- dirent ensuite à toutesles célébrités médicales de Paris.Rentré à Saint-Malo, il
y poursuivit la tra- duction des principaux ouvrages de Boerhaave.
Il publia en i-3q les
Aphorismes
surlaconnais sance etta cure des maladies et le Traité de lamatière médicale, en 17^0 les Institutions de médecine, en 17/ii Y
Abrégé
delathéoriechimi- que, tiré des propres écrits deM.
Boerhaave.Sun
Traité de la petite vérole et YEssai sur!^
INTRODUCTION
l'esprit et les beaux esprits parurent en 17/io.
Mais,avided'aventuresetdésireuxd'accroître ses connaissances, La Mettrie quittede
nouveau
Sainl Miilo en 17^2 et se rend à Paris, où, grâce à l'intervention
du
chirurgienMorand
el
du
docteur Sidoine, il oblienlune
place auprèsdu
due deGramraont,
qui lui procure un brevel demédecin aux
gardes. Cet événe-ment
esl peut-être le plus important de sa\\ v. car il fui suivi de
conséquences
inatten- dues, dont la plupart étaient très fâcheuses,el l'engagea dans lit voie
où
ildevait s'illustrer.En sa qualité de
médecin
desgardesilassistait(aux
batailles etfutattaqué d'une lièvrechaude
au siège de rïibourg. Le désordrequ'elle occa- sionna dans ses idées le frappavivement
etledétermina, après son rétablissement, à sou- tenir avec
une
énergie inlassableque
la con- cention d'uneàme
indépendante et différente du corps estune
pure chimère,I etque
nos fonctions mentales sontrigoureusement
con- ditionnées par les fonctions de notre orga- nisme. Il développa cette idée d'unemanière
circonstanciéedans
{'Histoire naturelle de Câine(ft), qui devint plustard le Traité de Vâtne.Cel ouvrage lui publié;'i La Haye en 17^0 cl pré- senté
comme
initiait del'anglais de M. Charp, parfeu\l il.
INTRODUCTION
15 C'est avec cetouvrage que La
Metlrie entre dans la carrière philosophique. 11y
exposeses conceptions concernant les fonctions psychiques, en prenant
comme
baseunique
d'explication les fonctionsphysiologiques.Une
grave erreura été
commise
par les historiens de laphilosophiequand
ilsontdonné au
maté- rialisme deLa
Mettrieun
sens objectifet sub- stantialiste.Une
telleinterprétation serait jus- tifiée seulement siLa
Metlrieavaitaffirméque
la matière seule devrait être regardée
comme
réalité véritable, qu'elle seule serait primor- dialement
donnée
etque
les états psychiques en seraientsimplement
dérivés. Nulle part dans ses ouvrageson ne
trouveune
telle affir-mation
expressément formulée.Dans
le pre-mier
chapitredu
Traité dePâme, intitulé Expo-sition de l'ouvrage, il s'exprime ainsi au sujet des
deux
prétendues substances, matière elesprit : «\L'essence de l'âme de
l'homme
et des Ianimaux
est et sera toujours aussiinconnue
j
que
l'essencede la matièreet des corps} Je disjpins, là
me
dégagéedu
corps par abstraction ressembleà la matière considéréesansaucunes
formes :on ne
peut la concevoir.L'âme
elle corps ont été faits
ensemble dans
lemorne
instant, et
comme
d'un seulcoup
de pinceau.Ils ontété jetésau
même
moule, ditun grand
I(>
INTRODUCTION
théologien (*) qui a osé penser. Celui qui voudra connaître les propriétés de l'âme doit
donc
auparavant rechercher celles qui sema-
nifestent clairement
dans
lescorps,dont
l'Amecsi le principe actif.
Cette réflexion conduit naturellement à
penser qu'il n'est point de plus sûrs guides
que
les sens: >.oilàmes
philosophes (a). » Etcette pensée encore: «Quoique nous
n'ayonsaucune
idée de l'essence de la matière,nous
nepouvons
refuser notreconsentement aux
propriétésque
nos sens y découvrent(b). »
C'est là le \ rai langage
du phénoménisme,
qui
domine
presque exclusivement les recher- ches physiques et psychologiques de nosjours.Guidé
parce
principe, il faitune
analyecom-
préhensive et pénétrante des principales fonc- tions psychiques, qu'il divise endeux
grandes classes, a) lamémoire,
l'imagination, les pas- sions, b) les inclinations, les appétits, la péné- tration etla conception.Da
ns l'ensemble de^ (oncli011spsychique
sLa
Mettrie assigne àÇTiinagination^le ro.le.Je plusimportant^
car c'est elle qui, chez lepoètecomme
chez le savant, préside à toutes les Tertullien, De resurreclione.Traitéde l'âme, chap. [•*.
(b) Ibkl., chap. III.
INTRODUCTION
créations de l'esprit. Cette idée originale a été reprise plus tard par le-philosophe
allemand
J.
Frohschammer
qui, en luidonnant une
extension plus générale, regarda l'imaginationcomme
principe créateurimmanent
de l'in- finie variété desphénomènes
de la nature (a).Au
lieu d'opérer avec des abstractions et des entités, il aconstamment
envue
le faitconcret et s'applique à étudier, à coté des fonctions normales, les troublespathologiques causés par les lésions organiques. Ses obser- vations médicales s'y révèlent
nombreuses
etj
judicieuses, et si ses explications sont parfois incomplètes, elles sont
rarement
tout à fait erronées. Partouton
sent l'effort sincère d'introduire laméthode
rationnelle et l'ob- servationdans un domaine où
seules la dis- pute théologique et la dialectique desmêla
physiciens régnaientsouverainement
.
Certes, ce Traité
ne nous
offrepasune
théorie complète et systématique desphénomènes mentaux, mais on
y trouveamorcées
les études les plus importantes de la psychologie : celle sur lamé moire
ni-gnniqiiP!, celle surlesnmné-
siesdues
aux
lésionstraumatiques, cellesurles hallucinations, celle sur les obsessions, celle(a) Voyez J. Frohschammc;-, Die Phantasieals Grund- princip des Wellprocesses, Munich, 1877,
IS
INTRODUCTION
sur les localisations cérébrales, etc.
On
ytrouve encore formulées la loi des sensations.
la loi de L'association des idées par contiguïté spatiale, et la loi de la spécificitédes organes sensoriels.
La publie;) tion
du
Traité de l'âme ne pouvait pasmanquer
deprovoquer
des protestations violentesdela part de ceuxqui étaienthabituésà
une méthode
d'investigationdiamétralement
opposée à cellebrillamment
soutenue parLa
Mettrie. «
L'aumônier du
régiment, dit Fré- déric 11dans
son Éloge(
a),
sonna
le tocsin contrelui, el d'abord tous lesdévots crièrent. » C.el Éloge contient encoredes réflexionsqui dé- peignent fort bien la mentalité desennemis
de La Mettrie. « La plupart des prêtres, continueexaminent
tous les ouvrages de litté-rature
comme
-si c'étaient des traités de théo logie ; remplis de ce seul objet, ils voient des hérésies partout: de là viennent tant defaux jugements, el tantd'accusations formées,pour
la plupart,
mal
à propos contre les auteurs.Un
livre de physique doit être lu avecl'esprit d'un physicien : la nature, la vérité esl son juge ; c'est elle qui doit l'absoudre
ou
"La
MetIrit Frédéric,i
' <;<>i Éloge fut lu en séance publique del'Aca-
démie 'li' Berlin, le 19janvier 17.")», par Darget, secré- taire des conimandenipnts du roi.
INTRODUCTION
191p
condamner
:un
livre d'astronomiedoit être lu dansun même
sens. Siun pauvre médecin
prouvequ'un coup
de bâton fortementappli-qué
sur le crânedérange
l'esprit,ou
bien qu'àun
certain degré de chaleur la raison s'égare, il faut luiprouver
le contraireou
se taire. Siun astronome
habiledémontre, mal- gré Josué,que
la terre et tous les globes célestes tournent autourdu
soleil, il faut,ou mieux
calculerque
lui,ou
souffrirque
la terretourne.u Mais les théologiens, qui, parleurs appré- hensions continuelles, pourraient faire croire
aux
faiblesque
leur cause est mauvaise,ne
s'embarrassent pas de sipeu
de chose. Ilss'obstinèrent à trouver des
semences
d'hérésiedans un ouvrage
qui traitait dephysique
:l'auteur essuya
une
persécution affreuse, et les prêtres soutinrentqu'un médecin,
accusé d'hérésie, ne pouvait guérir les gardes fran- çaises. »La
plupart des attaques parurentdans
la Bibliothèque raisonnée et sa situation devenait intenable. Il quitta lerégiment
des gardes, regretté de tous ceux qui l'entouraient, et futnommé médecin
inspecteur des hôpitauxmi-
litaires de Lille,
Gand,
Bruxelles,Anvers
etWorrns.
LaMettrie auraitpu
y couler des joursBOMMl M\<MINE -
20
INTRODUCTION
heureux, s'il aVàit
pu
oublier les critiques blessantes d \slnic cl rosier indifférenten face de la ruulino et de l'ignorance ticsmédecins
de l'époque, qui tranchèrent les difficultés avec présomption euinvoquant
les autorités anciennes.Son jonchant au
sarcasme et à lamordante
raillerie trouvadans
la conduite de m-s«-oufrèresune
occasion trop favorablepour qu
il la laissai échapper. Il publia ainsi en17V") la Politique du médecin de Wichiuvel onIf
chemin de lu Fortune ouvert
aux
médecins, et in \~'\-Lu
Faculté vengée, comédie en trois (ides. I^esmédecins
de la Faculté de Tarisy
sontbafoués etridiculisésde
la façon la pins virulente. Valère,un
des personnages de cette dernière pièce, dit parexemple
à Chat- llnant. qui n'est aulreque La
Mettrie lui-même
:« Les
médecins
sont noirs,comme
Pluton,mais
ils ne \ous seraient pas si favorables.De bonne
foi, y pensez-vous, d'avoir ainsi\ivement blessé,
dans
leur partie la plus sensible, des êtres aussi vindicatifs, aussi remplisd'amour-propre
et d'orgueil :1 Mé-
priser les Médecins les plus en vogue, c'est afflcltfâf
un
vrai méprispour
le Public, qui prendra inévitahlemenl leur défense cl les aidera i le 'Neni.'ei.Mon
ami, lesnueurs
INTRODUCTION
21corrompues
sont plus respectablesque
vous ne pense/.Eh
!de
quoi diable vous avis vous, vous surtout qui fuies fiaitpour
être médecin,eomme un homme
d'espritpour
être géomètre, d'être ainsi le
Don
QtùekotUe d'un art.dont
vos confrères ne font qu'unvil métier ? de vous sacrifier,
nouveau
Cur-fius.
pour
le bien de la pairie, c'est-à-direpour une
multitude d'ingratset d'imbéciles! »Et plus loin : « Je regarde
un
médecin,même
te meilleur, s'il ne fait
que
la médecine,comme une machine
qui résonne toujours iJippocriilc. ou (ia/ien, lorsqu'on la frappe, clqui ne rend jamais d'autre son. » Voici enfin les conseils (pic Plu ton
donne aux médecins
de la l-'acullé à la lin de la pièce : « Snrloul protégez les sots, les fourbes et les fripons :('•«rasez le mérite et le génie, et regarde/ qui-
conque
adelà
vertu et des lalentscomme un
doubleennemi. Ne
souffre/ pas qu'on s'aime.ni
qu'on
soit uni.Que
l'ambition, l'avarice et la jalousie, l'impudieilé, les ruses, la des- tructionde l'homme
naissant, tout l'artifice bien concerté de celui d'entre vous, qui n'est liabile qu'à succéder : euun mot, que
tous lesabus possibles d'une profession doul les replis
s.iiil impénétrables soient VUS pussions favo
rites et vos inséparables attributs. Préférant
22
INTRODUCTION
votre réputation à la vie des hommes....
Qu'on
ne s'écarte jamais par lamême
raison des idées reçues par le vulgaireCe
n'est p;is (ouique
les jeunes médecins,même
lepluséclairés,
rampent comme
autrefoisdevantles \ieu\ doyens,
pour apprendre au
peupleà ne jamais cesser de respecter
une
ignorance qui m'est aussiprécieuse : il faut réunir tous les caractères, et. s'il se peut, l'ignorance de tous,pour
s'en serviret varier toutau
besoin,comme
autant de Prolées. C'est ainsique.
rejetant tout, ignorant tout, Graves,
Impor-
tants, Décisifs, vous verrez le rosier de la
Médecine fleurir
magnifiquement
entre vos mains. C'est ceque
je vous souhaite. »A
quoi lesmédecins
assemblés répondent :Amen.
Celte diatribe causa la ruine de La Mettrie.
Les légions des piètres furent grossies par celles des médecins, qui n'étaient pas
moins véhéments
dans leurrancune que
les pre- miers. Le gjuillet 17/1G ses livres furent brûlés par le bourreau sur la place publique, et,menacé
d'être arrêté àchaque
instant, iljugeaprudentde
se démettre de ses fonctions, et se réfugiaà SazprèsGand.
\ccusc d'espionnage,il fut obligé de quitter cet endroit, et chercha un asile à Levde.
INTRODUCTION
23Poursuivant les idées qui luiétaient chèreg.
il y
composa
YHomme
machine, livre hnrdi qui parut sans_nom
d^anlcur chez ElieLuzac
Ù
Leyd^U
la flll (ÎCîy^
^el quiprnvnqnn nnn
te
mpête
de hainedans
les milieux ecclésias- tiques<lo |.p\-floV
« Cet,
on
vinpp. dit Frédéric IIdans
son Eloge, qui devait déplaire à des gens qui par état sont_ennemis
déclarés des progrès delaraisonhumaine,
révolta tous les prêtres defeyde
contre l'autour : calviniste, rnthn- liques et luthériens, oublièrent en cem
a- rnentque
la consnhslantialion, le libre ar- bitre, lamesse
desmorts
et L'infaillibilitédu
pape les divisaient ; ils se réunirent touspour
persécuterun
philosophe, qui avait de plus lemalheur
d'être français,dans un temps où
cette
monarchie
faisaitune
guerre heureuse à leurs Hautes-Puissances. »La
Mettrie, soitpour mieux
garder l'anony- mat, soitpour
jouerun
tour malicieux àun
adversaire et le
compromettre,
ne trouva rien demieux que
de faire précéder son ouvrage d'une dédicace à llaller,qu'il n'avaitjamaisvu
et
dont
les conceptions spiritualisles et lapiété profonde étaientconnues
de tout lemonde.
Celui-ci,
au
lieu derirede cette plaisanterie effrontée, prit la chose au tragique, se répan24
INTRODUCTION
dit ni protestations ei lamentations etadressa
iim- lettre aux rédacteurs
du
Journal <l<js Savants ejune
autre à Maupertuis, le prési- dent de l'Académie de Berlin»,pour
déclarer qu'il n'a rien decommun
avec l'auteur derHomme
machine,etpour demander
réparation.Le Jour/m/ des Savants inséra la lettre, et
Mau-
pertuis lit de son
mieux pour
rassurer llaller ri lui l'airecomprendre que
La Mettrie n'est pas aussiméchanl
et vicieux qu'il se l'imaginaitu H a écrit, dit-il, contre tout le
monde,
et aurait servi ses pluscrueU ennemis.
Il aexcusé lës__mu'iirs _l
esplus
ellrénées, ayanJL presque toutes les vertus sociales.E
nlin, iltrompa
il le public d'unemanière
tout opposée à celle donton
letrompe
d'ordinaire. Je sais euuihien tout ceque
jevous
dis est peu croyable : mais il n'en est pasmoins
vrai : et l'oncommençait
à en être si persuadé ici,qu'ilx élail
aimé
de tous ceux qui le connais- saient. »I
.'apparition de
L'Homme
machine fut ull^éxéuement
considérableon
Ig lisait da11stoute
rKurope
.Unix
qui partageaient les idées de La Meltrie n'ayant [tas en le courage de déclarerpubliquement
ce qu'ils approuvaient intérieurement, sesennemis
avaient le eliauxp-entièrementlihre <•*• I:» \i<»l.!<•<tir» leurs jujulils-
INTRODUCTION
25ct__de louis imprécations no
com
n.it pa» dt».bornes^
Et cependant, celui qui Ht attentive-ment [Homme
mue/Une, sans préjugés et sansparti pris.,
ne _peut
se défendre d'àrimirer aj j^L
a MettriepQurJa^én^tration
de soninteHi-*^
gence, la vive allure
d
e son style, laméthode.
rigoureusementr^atiaaaeltè^qu'il
app
liqueà_
des
problèmes
très épineux
, et le souci_coi1§ tant qu'ilmontre
d'àppuy
er^chacun
e de ses affirmations par des faitsempruntés
à Yez\\d
jience. Rencontre-t-ik
une de
ces questions embarrassantesoù
tantde
philosophes onttré-buché,
au
lieu de la trancherdogmatiquement
dansle senspositifou
négatif, il accorde à la thèse qui est contraireàses tendances lemaxi-
mum
de prohabilité.En tombant
parexemple
surle_groblème
de l'existence deDieu
etdel'immortalité de l'âme, voici
comment
il sV\-prime
:«
Ce
n'estpasque
je révoçmeen
doute l'exis- tence d'un Êtresuprême
; ilme
semble,au
contraire,que
le plusgrand
degré de proba-bilité est
pour
elle ;mais comme
cette exis- tence neprouve
pas plus la nécessité d'un culteque
touteautre, c'estune
véritéthéorique qui n'est guère d'usagedans
la pratique : de sorte que,comme on
peut dire d'après tant d'expériencesque
la religion ne suppose pas26
INTRODUCTION
L'exacte probité, les
mornes
raisons autorisentà penser
que
L'athéisme ne l'exclut pas(a). »Et plus Loin: a Ne disons pointque
toutemachine, ou
toutanimal, périt toutà fait,ou prend une
autreforme
aprèslamort
: carnous
n'en savonsabsolument
rien. Maisassurerqu'une machine
immortelle estune chimère ou un
être de raison, c'est faireun raisonnement
aussi! absurde
que
celuique
feraient des chenilles qui, voyant lesdépouillesde leurs semblables, déploreraientamèrement
le sortde leurespèce qui semblerait s'anéantir.L'âme
de ces insectes (carchaque animal
a la sienne) est trop bornéepour comprendre
lesmétamor-
phoses de la nature.Jamais un
seul des plus rusés d'entreeux
n'eûtimaginé
qu'il dût devenir papillon. Il en est demême
de nous.Que
savons-nous plus de notre destinéeque
de notre origine !»Soumettons-nous donc
àune
ignorance invincible, de laquelle notrebonheur dépend
(b). »
Une
critique exigeante pourrait touverque
les grandes questions
y
sont traitées d'une façon quelque peusommaire.
Mais il est àremarquer que La
Mettrie a posé les fonde-L'homme machine, p. io'i-o.
'.'hommemachine, p. 140-1.
INTRODUCTION
27ments
solides de ses conceptionsdans
le Traité de l'âme, que, dédaignant ladialectique pointilleuse, il confrontechacune
de ses thèses aveclesphénomènes
typiquesque
luiprésente la natureou
ledomaine
anthropologique. Etil est encore digne de noter
que
son maté- rialisme, loin dese présenter sousune forme dogmatique,
qui est laforme
stérile, ne fran- chit jamais les bornes d'un subjectivisme circonspect.En
tout cas, ilestrarede voirun
auteurremuer
tantdeproblèmes
surun
espace aussi courtque
celuioccupé
par fHomme
machine, et de les traiter d'une façon aussi nette et aussi incisive^
Au
lieu d'être étudié etexaminé
attentive- ment,comme
il le méritait, ce livre excita contreson auteurune
foule d'ennemis, qui lepour
suivaient avecune
fureur telleque
sa vie_même
futmise
en danger.La
Mcttrie se sauva avec grand'peineen
s'enfuyantdans
la nuit, seul etdépourvu
de toutmoyen
d'existence.Grâce à
un
libraire de Leyde, qui lui était ami,il a
pu
franchir sain et sauf la frontière hollandaise.Frédéric II, qui détestait les théologienset qui se faisait
honneur
d'offrir sa protectionaux
victimes de leur haine, suivait avec intérêt l'affaire La Mcttrie et se décida à l'ap-28
INTRODUCTION
_
np.W
à samur.
«Le
titre de philosophe etde malheureux,
disait-il plus tard daus sonÉloge, fut suffisantpour
procurer à M.La
Mettrieun
asile en Prusse, avec
une
pensiondu
roi. u«
Un
roi, dit d'autre part Maupertuisdans
la lettre adressée à llaller, quipardonne
les fautes, et quimet en
valeurles talents, voulutle connaître et
m'ordonna
de lui écrire de\enir. Je reçus l'ordre sans l'avoir prévu : je l'exécutai, et
La
Mettrie fut bientôt ici. » Il y arriva le 7 février 17/18.Remplissantles fonctions de lecteur
du
roi,il avaitles entrées et les sorties libres à toute heure
du
jouretdela nuit. Frédéric se plaisaiténormément
en sacompagnie,
et ils se trai- taientmutuellement
sur le pied d'égalité.« Ainsi ilentraitchez lui
comme
chezun
ami.Il se eouchait sur les canapés.
Quand
il faisait< haud, ilôlait son col. déboutonnaitsaveste et jetait sa
perruque
sur leparquet...En un
mot,La
Mettrie agissait en tout envers Frédériccomme
enversun
eaniarade(
a). » Plein de gra- titude, il s'écrie : « !
que ma
reconnaissanceet
mon
zèles'exerceraientavecplaisiràcélébrer lesvertusdu
S<ilowon.du
Nord, s'il m'était aussi facile de le suivreque
de l'admirer ! Mais ec(»)Dieudonrx' TtrfébauH,Messouvenirs<lc vingtuns et séjoura Berlin, t. V, p. 4<>'i-">(IV' écUft.)< P«?i*. l8a(i-
INTRODUCTION
2Q serait tropprésumer
demon peu
de forcer.;
car
que
peut-on ajouterà la gloired'unprince, qui. tandisque
presque tous les autres rois fontconsister leurbonheur
à s'endormirmol- lement dans
les brasde la volupté, n'en con- naîtd'autreque
celui qui résultede l'humanitéla plus éclairée et
du
parfait héroïsme... Qu'ilme
suffisedonc
desentir (quoi deplus flatteurpour
le maître etpour
les savants de sonroyaume
!)que
e"csl à son puissant génieque
nouadevons
tous, ceque
tant d'autres doivent ailleurs à la faveur, à l'intrigue, à la bassesse, et à tout ce vilmanège
de dévots, defemmes
et de courtisans, qui n'a pointlieu devant
un
roi philosophe (
a). »
Dans
ce refuge heureux,où
il futchoyé
par le roi, de sorte qu'il excita la jalousie de Voltaire, qui partout et toujours aimait occu- per la première place.La
Mettrie, à l'abridu
besoin et des persécutions, pouvait désormais s'exprimer librement sur les sujets qui lui _
pl aisaien t
En
17AS il publie àPotsdam
l'Homme
piaule.Les idées essentielles qu'il y développe sont celles
de
l'enchaînement et de l'évolution graduée et continue des êtres. Si ses coinpi3
;' Discours sur le bunlwur, in fine.
30
INTRODUCTION
raisons de détail sont souvent sans valeur,
— comme
il n'en pouvait pas êtreautrement
àune époque où
l'embryologie et l'analomiecomparée
étaient encoreclans leslanges,—
ses considérations générales par contre sont frap- pantes de justesse. Telle estentre autres l'idéeque
ledegréd'intelligenced'unêtreestenfonc- tiondu nombre
clde la variétéde ses besoins.*Et cette belle réflexion encore : « Iln'y a point d'animal sicliétif etsi vil en apparence,
dont
la vue ne
diminue
l'amour-propre d'unphilo- sophe. Si le hasardnous
a placés au haut del'échelle,
songeons qu'un
rien de plusou
demoins
dansle cerveau,où
est l'âme detous leshommes
(excepté des Leibniziens),peut sur-le-champ nous
précipiterau
bas,etne
méprisons--*point des êtres qui ont la
même
origineque
J»nous.
Us
ne sont à la vérité qu'au second rang,mais
ils sont plus stables et plus 1ermes. »Les trois ouvrages*qui entrent en ligne de
compte pour
ses conceptions morales sont VAnti-SénèqueouDiscours surle bonheur(17^8), le Système d'Épicure (l'jbo), et l'Art de jouir)
Da
ns[JjQWJuc^mq^dne
La Mettrieénonce
une
idée singulièrement originale et frap- pjinlc. qui a réapparu
sons desm
o des variésINTRODUCTION
31an
wiu"
etau
xix" siècles, «Nous
n'avonspas.dit-il, originairement été faits
pour
êtr<savants : c'est peut-être par
une
espèce d'abus de nos facultés organiquesque nous
lesommes
devenus...La
naturenous
a tons créésuniquement pou
r êtreheureux
: oui^ous, depuis le ver qui
rampe
jusqu'à l'aigle qui se perddans
lanu
e. >rd\Trpheureux!
r.'pst Iunique
nientcetteidéequidomine
ses réflexionsJsurj
a conduitehumaine.
C'est le cri poussé tantde fois par tousceux
qui supportentmal
le poids des obligations
que
la société dite civilisée leur impose, sans leur offrirune compensation
individuelle équivalente. Notre auteurprend
précisément le contre-pied des moralistes habituels, qui ne trouvent pas de termes assez fortspour blâmer
etcondamner
la joie de vivre et tout ce qui contribue à son épanouissement. Les fonctions p_hyjdologiques qui lui servaient de base
pour
rexplicatipjulcsphénomènes
psychicrues, jouentun
r ôle^ plusgrand
encorequand
il s'agit de trouver la raison de notre existence, qui n'est autreque
l'existenceelle-même. Etc'est
pourquoi on
est obligé de reconnaîtreque
la joie organiqueestcelle qui
nous
estimmédiatement
donnée, celle quinous
exalte le plus, et celle aussi quinous
rend meilleurs. I n être satisfait etheu
-2
INTRODUCTION
ini\ est
un
êtredoux
<•! bienveillant,un
êtremécontent
el malheaireux eelun
riregrincheux.1
.mieux. Dans son
eèle à revendiquerpour
L'individu les droits de jouir sans entra\e
niii'iiiiiv il \;i jusqu'à
condamner
le remords.nul esl
une
peine inutile d'un acte irréparable.Il surcharge des
machines
aussi à plaindre<|ii«' m,il réglées, entraînées versle mal.
comme
l.- bons \its le bien, etayant déjà trop
par
conséquent de la frayeur des lois,dont
les blets nécessaires les prendront totoutard. Si je les soulage de ce fardeaude
la vie, elles en serontmoins
malheureuses, etnon
plus impunies. > (Discours sur1 /< hoiiliciir.)Ce
sérailtomber dans
lamême
grossière erreur <pie sesdétracteursque de
conclure d'ex- pressions de ce genreque La
Mettrie excusaitle eiinie
purement
el simplement. Lui. tant delois \icliniede la
méchanceté humaine,
devait aiilanlet plusqu'un
autre sa\oir le prix d'une helle action. Mais il parleen médecin
expéri- menté.'(]ui connaît !edéterminisme
inflexible et h-imputions
pathologiques de la naturehumaine,
elnon
pas en moraliste qui lesignore. « Je sens tout ee
que demande
l'intérêt de la société. Maisil serait,sans douteà souhai- 1<t qu'ilu>
eûtpour
jugeaque
d'excellents médecins.Eu»
S0tt(s pourraient distinguer leINTRODUCTION
33criminel innocent
du
coupable. Si la raisonest esclave d'un sens dépravéou en
fureur,comment
peut-elle legouverner!
1 »{L'Homme
machine.) Cette idée juste et
humanitaire
n'a pas étéprononcée
en vain. Plusieursgrands
esprits l'ontreprise
dans
lecourantdesxvm
c et xixp siècles, sans pouvoir, hélas ! lafaireentrerdans
les codes.Outre la prétention d<es moralistes de reçoit
Ici' les aCteS
humains
pardes préceptes absolus et impératifs, il combattait encore toutes ces vertus nég-atives ettant prônées par lamorale
religieuse, telles
que
la pauvreté, la misèreet la douleur, et excusait le suicide, car « c'est violerla nature,que
de la conserverpouf
son propretourment
». (Discourssurlehon/icur.) \\n'estd'ailleurs paspartisan
du bonheur
à tout prix ; iladmet que
le philosophe doit se son mettre à l'adversitéquand
il ne peut pasl'éviter, et
que
la disgrâce est le creuset Ou l'accoucheuse delavertu.En
ce qui concerne les plaisirsintellectuels,ilne
nie pas leurevistence,mais
ils sont l'apanage tantôtd'une organisa- tion favorisée par la nature, tantôt le fruit•d'une
bonne
éducation.Quant aux
règles de la conduite morale, elles n'ontqu'une
valeur conventionnelle, puisqu'elles sont le produit naturel des rapports sociaux cl qu'elli-s n'ont34
INTRODUCTION
d'autre l>ul
que
d'assurer àchacun
lemaxi
mu m
ilf sécurité.Ce
plaidoyer »lt* La Mettrieen laveur d'une morale plushumaine
fui accueilli avec sympathie par les espritsles plusémineuts
.lu wiii siècle. Gcethe, par exemple, qui était hostile au matérialisme et qui disait
du
Système de lu naturedu baron
d'Holbach qu'il lui paraissait e gris, d'une obscuritéimpéné-
trable, cadavéreux
comme un
spectre », Goethe ne pouvait s'empêcher de faire eet aveu, à propos d'une de ees morales rigoristes et trans- cendantes qu'il venait de censurer,que
« Vol- taire,Hume.
La Mettrie, Helvétius, Rousseauet toute leur école ont
moins
nui à la moralitév[ à la religion
que
le sévère etmalade
Pascalet ses partisans >.
l.i Mettrie. qui était
un
excellâtmédium,
fut_Jrès reche
rchédans
le milieuoù
il vivait.Comme
à tant d'autres il était arrivéà sauverla vie à Milord Tvreonnel. l'ambassadeur de France à Berlin. Celui-ci l'invita, après - guérison, à assister àun
dîner. Il ycommit
l'imprudence demanger
trop d'un pâté cor-rompu,
qui lui causaune
indigestion dont ilmourut,
le 11novembre
î7.~>i . après quelques jours .le grandes souffrances. Les fanatiques n'ont pas voulumanquer
cette occasionpour
INTRODUCTION
35répéter l'histoire absurde qu'ils avaient écha- faudée à propos de la
mort
de Spinoza.La
Mettrie, étant athée et ayant refusé les secours de la religion, serait
mort
en proie audésespoiretaux tourments
les plusaffreux.Iln'en est rien.
La
Mettrie estmort
en philo- sophe,calme
et supportantcourageusement
ses douleurs,
conformément
à la belle pensée qu'il a écritejadis : «Trembler aux approches
de la mort, c'est ressembleraux
enfants qui ontpeur des spectres etdesesprits. Lepale fan-tôme
peut frapper àma
portequand
il levou- dra, jen'en serai pasépouvanté. Le philosophe seul est braveoù
la plupart des bravesne
le sontpoint(a). » Les
témoignages
à cesujet sont formelsetnombreux. Nous nous
contenterons de citer celui de Voltaire, qui n'aimait pasLa
Mettrie et qui ne partageait pas ses opinions.
Dans
sa lettre adressée àM
"" Denis le i\novembre,
il parle ainsi de ce triste événe-ment
: « Jene
reviens point demon
éton-nement.
MilordTyrconnel
envoie prier La Mettrie de venir le voirpour
le guérirou
pour l'amuser. Le roi a bien de la peine àlâcher son lecteur, qui le fait rire, et avec qui
il joue. La Mettrie part, arrive chez son Systèmed'Kpicure, Pensée LU.
HOMME MAI 'IlM.
36
INTRODUCTION
malade dam
letemps que Madame Tyrconnel
se met à lable : il
mange
et boit, et parle, et1 it plus
que
tous les convives ;quand
il en a jusqu'aumenton, on
apporteun
pâté d'aigle déguisé en faisan, qu'on avaitenvoyé du
Nord, bien farci demauvais
lard, de hachis de porc, et degingembre
;mon homme
mange
tout Le pâté, etmeurt
lelendemain
cli./ Milord Tyrconael, assisté de
deux médecins dont
il s'étaitmoqué.
Voilàune grande époque
dans l'histoiredesgourmands.
11 11 y aactuellement
une grande
disputepour
savoir s'ilestmort
en chrétienou en
médecin.Le faitest qu'il pria le
comte
deTyrconnel
dele faire enterrer
dans
son jardin. Les bien- séances n'ont pas permis qu'on eut égard à son testament.Son
corps... a élé porté,bon
gré,
mal
gré, dans l'église catholique,où
il qe( tout étonné d'être. »Et dans la lettre qu'il adresse à la
même
le•i!\
décembre
il continue :« C'élail le plus fou des
hommes, mais
c'était le plus ingénu. Le roi s'est fait informer
1res exactement de la
manière dont
il étaitmort, s'il a\;iil passé par toutes les formes catholiques, s'il \ avait
eu
quelqueédification ; enfin il a été bien éclaircique
cegourmand
était
mort
en philosophe : J'en suis bien aise.INTRODUCTION
37nous
a dit le roi,pourlerepos de sonùme
:nous
noussommes misa
rire, et luiaussi. »Ce
qu'il y a de particulièrement tragique dans la viedeLa
Mettrie,c'est qu'il n'était pas seulement persécuté et haï par ses ennemis,niaisencore
abandonné
et traité avec injustice par tous ceux qui avaient lesmêmes
concep- tions et combattaientpour
lemême
butque
lui. Voltaire, Maupertuis, Diderot, le baron d'Holbach, Grimai, Helvétius propageaient des idées de
même
essenceque
les siennes. Ilstrouvèrent
cependant
bon,pour
détourner les [X)upsd'eux-mêmes,
de fulminer contre l'au- teur de rHomme
machine etde l'accabler d'in- jures. Ily en avait certes,parmi
sescontempo-
rains et sessuccesseursimmédiats, qui avaient plus de génie
que
lui et qui accomplirent de plus grandes chosesque
lui,mais aucun ne
L'égale
pour
l'audaceet le courage aveclesquelsil soutenait
publiquement
ses convictions.Sans être
un
de cesgéniesdont
les imposantes constructions systématiques étonnent et eapli vent les esprits de plusieurs générations, il ïccupeune
placehonorabledans
cettelignéede ohercheursquin'aimentpasdépasserleslimites JUe l'expérience leur prescrit, (l'est,comme
onlirait aujourd'hui,
un
scienlislc debon
aloi.Il peut ainsi revendiquer le mérite d'avoir
.^..1 II—
38
INTRODUCTION
parié, Le premier, d'une façon précise des loca- lisationscérébrales, d'ayoir anticipé la théorie de Robinet, selon laquelle
chaque
particuledeLa matièreestcapable de sentir, d'avoir réfuté
Le finalisme par des raisons solides et d'avoir
saisi L'importance extraordinaire de L'irrita-
bilitéanimale. C'estencoreluiqui a contribué
puissammenl
àlaconstitutionde la psycholo- giee! de la morale en sciences expérimentale^e| autonomes,
enécartantde
la.rouie lamasse encombrante
de3 gens incompétents, qui pré- tendaientque
toul doit êtresoumis
à leur contrôle et à leur approbation. « Les théolo- giens juges des philosophes ! Quelle pitié ! C'est vouloirramener
la superstition et labarbarie. \u contraire, bridercesbêtes féroces, leur laisser peu de pouvoir,(ils en usurpent assez), c'est le
moyen
de favoriser le progrès des Ici1res et de faire fleurir les Ktats. L'ignoj rancecommence
parles avilir, et finit par les détruire. » Discours sur le bonheur).Ses idées, originales et curieuses et n'étant pas enchaînées par