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Amsterdam, capitale des diamants... Et capitale, donc, de tout ce qui vole et de tout ce qui tue pour des cailloux. Avec sa veine habituelle, Ludovic

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• Amsterdam, capitale des diamants... Et capitale, donc, de tout ce qui vole et de tout ce qui tue pour des cailloux.

Avec sa veine habituelle, Ludovic Martel débarque à Amsterdam juste quand il faut pour se trouver mêlé au plus sordide de ces drames.

Un collier du tonnerre, un de ces petits machins qui vous font vingt-cinq fois le tour du cou et qui ne pèsent pas loin du kilo, a été volé dans des circonstances plutôt mys- térieuses. Et son propriétaire supplie Ludovic de le re- trouver.

Qui a pu subtiliser le fameux collier?

C'est la question que Ludovic se posera tout au long de son enquête.

Enquête difficile qui fera côtoyer à Ludovic la fine fleur de l'aristocratie amstellodamoise et la non moins fine fleur de sa pègre.

Enquête peu banale au cours de laquelle Ludovic se trouvera en butte non seulement à l'hostilité d'une bonne demi-douzaine de suspects, mais encore à celle des com- pagnies d'assurances, de la police néerlandaise, des truands d'Amsterdam... et même de son client ! Sans parler de brunes, de blondes et de rousses de tous formats et de vertus diverses.

A Amsterdam, méfiez-vous des canaux et des dames!

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DU MÊME AUTEUR DANS LA MÊME SÉRIE

Déjà parus : BAGARRE AU CAIRE MUSIQUE A BERLIN CHAMBARD AU CAP MICMAC A MADRID BOUILLON DANS LA BALTIQUE

CHANSONNETTE AU CHILI TRAQUENARD A TRIESTE BAROUD A BARCELONE

CATCH AUX CANARIES COUP DOUBLE A CANNES

REVANCHE A ROME CAUCHEMAR A CASA MALAISE A MILAN

A paraître : PANIQUE A PANAMA DANS LA SÉRIE POLICE

LE DIABLE A SES TROUSSES UN SACRÉ COUP DE MAIN

RIEN DANS LES POCHES LES MAUVAIS CŒURS

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LA CHOUETTE Romans policiers et d'action publiés sous la direction de

FRÉDÉRIC DITIS

MICHEL AVERLANT

Remous à Amsterdam

ÉDITIONS DITIS 35 rue Mazarine, Paris 6e

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Toute ressemblance des personnages imaginaires de cette histoire avec des personnes réelles ne serait que pure coïncidence. Toute liberté prise avec l'histoire et la géographie est due aux nécessités de l'invention romanesque. M. A.

© by Editions Ditis, Paris, 1960.

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Ludovic poussa son verre vide dans la direction de la bouteille de genièvre et, sans un mot, attendit que Ria l'ait resservi. Puis il but une nouvelle gorgée d'alcool, se renversa contre le dossier de sa chaise et resta un moment immobile, les yeux au plafond.

Le jeune homme se sentait bien. Il aimait l'ambiance chaude et colorée du bar de Ria. Il aimait le goût à la fois âpre et pimenté du genièvre et le brasier que l'alcool allumait immédiatement en lui. Il aimait passer des heures à bavarder avec Ria, Ria la Grosse, Ria l'Enorme, comme l'appelaient les putains du quartier. A bavarder ou à se taire, comme il le faisait maintenant.

Il était quatre heures de l'après-midi. Le ciel était gris. Dans les rues, le long des canaux, un petit vent froid courait au ras du sol, balayant les feuilles mortes.

Et depuis le matin la pluie tombait sur Amsterdam.

Pas une pluie violente. Non. Plutôt un de ces crachins

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de la mi-octobre, fins, obstinés, et qui vous mouillent jusqu'à l'os. Cette fois, c'était vraiment le début de l'hiver. Mais dans le bar de Ria, il faisait bon.

Bourré jusqu'à la gueule de charbon gras, le poêle de faïence ronflait allégrement au milieu de la salle.

Et Abraham, qui enregistrait avec angoisse le moindre écart de la température ambiante, interrompait son habituel bavardage pour insulter vertement les clients qui ne refermaient pas la porte assez vite à son gré.

Abraham était le perroquet de la maison.

— Ria !

La patronne du bar pivota sur ses talons et un Sourire radieux s'épanouit sur son visage couronné de cheveux blonds frisés au petit fer.

— Qu'est-ce que tu veux, mon chou ?

Ria la Grosse enveloppa Ludovic dans un long regard extatique. C'était fou ce que ce garçon pouvait lui plaire.

Chaque fois qu'elle le regardait, elle avait envie de tout laisser tomber : ses affaires, son bar et même son hôtel de passe de l'Herengracht. Elle vint s'asseoir à côté de Ludovic. Le tabouret de chêne verni grogna plaintivement.

— Alors ? questionna-t-elle.

— Je veux te parler.

La bonne grosse figure rougeaude de Ria se plissa d'inquiétude. Il n'y avait que trois jours qu'elle connais- sait Ludovic. Oui, trois jours, ni plus ni moins. Ça remontait à mardi, c'était bien simple ! Il avait poussé la porte du bar par hasard, comme tout le monde. Trois jours. Mais Ria avait l'impression d'avoir toujours connu Ludovic. La preuve, c'est qu'elle pouvait deviner

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tout ce qu'il pensait. Et aujourd'hui, elle en était sûre, il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Ça ne plaisait pas à Ria. Elle aurait voulu prendre le Français dans ses bras. Le protéger. Lui dire que tout était facile.

Ça ne faisait rien que Ludovic mesure un mètre quatre- vingts ni qu'il soit bâti comme une armoire normande.

Toute sa vie, ç'avait été l'idée fixe de Ria : se consacrer à un seul homme et l'envelopper dans du coton. Plus les types étaient costauds, plus Ria la Grosse se sentait envahie par ce sentiment maternel.

— C'est grave ?

Ria avança la main vers le paquet de gauloises de Ludovic. Elle alluma une cigarette, avala la fumée et la fit ressortir par le nez. Puis elle haussa les épaules et déclara d'un ton péremptoire :

— C'est Margot qui te cause du souci. Ça ne m'étonne pas, d'ailleurs. Je ne lui ai jamais trouvé bon genre, à cette fille.

Ludovic éclata de rire et se resservit une rasade de genièvre.

— Ma pauvre Ria ! Pour toi, une gosse de vingt-cinq ans qui gagne sa vie autrement que sur le trottoir est à coup sûr dotée de tous les vices. Mais tu n'y es pas du tout, mon poussin !

Le visage de Ria se renfrogna davantage. Elle ne pouvait pas supporter cette petite Parisienne pimbêche que Ludovic traînait généralement dans son sillage.

— Tu peux me dire ce qu'elle fabrique en ce moment ? questionna-t-elle d'un ton perfide.

— Elle visite un musée quelconque.

Ria fit une moue méprisante :

— Un musée... Tu parles ! Je vais te dire une bonne

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chose, moi : une fille qui est vraiment amoureuse de son type, eh bien, elle ne le laisse pas tomber pour aller se pâmer devant des vieilles croûtes. Ou alors, c'est qu'elle n'est pas normale. Ce n'est en tous les cas pas moi qui...

La patronne du bar s'interrompit. Elle savait que si elle continuait elle risquait de mettre Ludovic de mau- vaise humeur. Et ça, elle ne l'aurait voulu pour rien au monde.

— C'est bon, fit-elle après un silence. Abandonnons le cas Margot.

— Pas complètement. J'avais rendez-vous ici avec elle, mais il est déjà tard et j'ai une course urgente à faire. Alors, quand elle arrivera, tu seras gentille de lui dire de m'attendre.

Les yeux de Ria lancèrent des éclairs. Mais elle parvint à articuler d'un ton suave :

— Comme tu voudras.

Puis, sans le moindre égard pour son plancher soi- gneusement blanchi à l'eau de javel, elle écrasa son mégot sous son talon. Et elle se leva en grommelant :

— C'est tout ce que tu voulais ?

Il y avait encore une chose que Ludovic aimait. C'était mettre Ria vraiment en colère. Il y était parvenu. Il sourit :

— Pas tout à fait.

La grosse Hollandaise se rassit et, à son tour, elle se servit un verre :

— Tu me feras crever, tu sais.

Ludovic hocha gravement la tête. Puis il questionna :

— Le Zeedijk, c'est loin d'ici ?

— Cinq minutes à pied. Pourquoi ? Le jeune homme ne répondit pas.

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— Quel genre de rue est-ce ?

— Comme par ici. Un bistrot, un bordel et puis un restaurant chinois. Et ensuite un autre bistrot, un autre bordel et ça continue. Pourquoi ?

— Un type qui s'appelle Conrad Zijlmans, ça te dit uelque chose ?

Ria réfléchit pendant quelques secondes. Elle avala une longue rasade d'alcool, fit claquer sa langue contre son palais et secoua la tête :

— Il habite le Zeedijk, tu dis ? Conrad Zijlmans ? Connais pas. Moi, les noms, tu sais... Mais qu'est-ce que tu lui veux, à ce type ?

— Rien. Je veux le voir, c'est tout.

Ludovic s'était levé. Il se dirigea vers la porte. Pré- voyant un courant d'air, Abraham se mit à beugler des insultes.

— Ta gueule, fit Ria.

Puis elle rejoignit Ludovic :

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je te l'ai déjà dit : je vais faire une course. Ria le prit par le bras. Elle levait la tête pour essayer de le regarder dans les yeux :

— Ce n'est pas ce que je te demande. Et je te parle rieusement. Qu'est-ce que tu fais dans la vie ?

Ludovic se dégagea doucement de l'étreinte de Ria.

Il boutonna son pardessus. Puis il sourit et ses yeux pétillèrent :

— Bah ! Je fais comme tout le monde.

— Mais quoi ?

Le jeune homme enfonça ses mains dans ses poches et frissonna avant de sortir sous la pluie :

— J'essaie de rigoler.

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Il n'était pas encore cinq heures de l'après-midi et

pourtant la nuit tombait déjà. Un à un, les réverbères s'étaient allumés au bord du quai. Et, avec les réverbères, les vitrines dans lesquelles, jupes à mi-cuisses et corsages généreusement échancrés, les prostituées du coin fai- saient admirer leur marchandise.

Chacune d'elles avait sa petite échoppe, propre, co- quette, décorée de rideaux à fleurs, meublée d'un fau- teuil confortable et d'un divan accueillant.

Et elles étaient toutes là. Il y avait Schéhérazade, une bonne grosse Hollandaise rebondie qui se croyait de souche orientale et qu'on n'avait jamais vue autrement

; qu'en sari, Greta, la Norvégienne, célèbre pour la lon- gueur de ses nattes et la manière dont elle s'en servait, Jane, l'Anglaise, qui donnait aux hommes d'affaires l'enivrante impression de coucher enfin avec leur vieille secrétaire. Et puis Sophie, la Française, allergique aux

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vêtements et qui retirait définitivement sa combinaison quand les élèves de l'institution Saint-Antoine, pasteur en tête, avaient regagné leurs salles d'études.

Il y en avait bien d'autres encore. Des brunes, des blondes, des rousses, des tendres et des intellectuelles, des cyniques et des mères-poules.

Il y en avait de folkloriques pour les touristes et les marins en bordée. D'exotiques pour la clientèle d'em- ployés de bureaux et pour les lycéens qui avaient réussi à soutirer dix florins à des parents abusés.

Il y en avait que Ludovic connaissait pour avoir bu des pots avec elles chez Ria. D'autres qui le prenaient pour un client éventuel et qui frappaient au carreau à son passage.

Mais le jeune homme n'avait pas le temps d'être copain, ce soir-là. Et encore moins celui de jouer les clients. Il marchait d'un pas vif au milieu de la chaussée, indifférent aux filles et aux badauds.

Il avait un rendez-vous.

Le jeune homme longea la vieille église et franchit un pont de bois en dos d'âne que la pluie avait trans- formé en patinoire. Il tourna sur la gauche, se risqua sur un deuxième pont, s'engagea dans une ruelle étroite et déboucha dans le Zeedijk.

La rue était bien telle que Ria l'avait décrite. La patronne du bar n'avait oublié que la faune bigarrée qui parcourait la vieille rue en tous sens.

Des marins de tous les pays du monde remontaient la chaussée, coude à coude avec des Chinois, des Indo- nésiens, des touristes américains bardés d'appareils photographiques et tout de même quelques Hollandais. Personne ne faisait attention à la pluie qui tombait

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inlassablement. Il avait plu la veille. Il pleuvrait le lendemain. Ensuite viendrait la neige. C'était la vie. C'était Amsterdam.

L'air sentait la cuisine orientale, la friture et le hareng frais.

Ludovic se repéra rapidement. La maison qu'il cher- chait était là-bas, sur la droite. C'était une de ces bâtisses hollandaises classiques, comme on les construisait à l'époque où le mètre carré gagné sur la mer était encore plus cher que maintenant. Une bicoque haute et étroite, épaulée, presque écrasée par ses voisines.

Le rez-de-chaussée était occupé tout entier par une espèce de snack-bar bruyant et animé.

Posté sur le trottoir d'en face, Ludovic surveilla pendant un moment les allées et venues. Chaque fois que la porte du snack s'ouvrait, une bouffée de musique envahissait le Zeedijk, suivie de près par un lourd relent de soupe aux pois cassés.

Ludovic leva les yeux et fixa son regard sur les étroites fenêtres du deuxième étage. Les rideaux étaient tirés, mais on voyait quand même que l'appartement était éclairé.

Le jeune homme repassa dans sa tête les instructions qu'il avait reçues. Il devait traverser le snack, prendre l'escalier niché dans l'angle de la salle, grimper au deuxième étage, sonner à la porte. A ce moment, on viendrait lui ouvrir. Et il aurait une conversation amicale avec un certain Conrad Zijlmans.

Ludovic resta encore un moment immobile, figé au milieu du grouillement de la rue. Ses mains étaient toujours enfoncées dans les poches de son manteau.

A cause du froid, bien sûr. Mais pas uniquement :

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Sa main gauche palpait une enveloppe confortablement garnie de billets de banque.

Et dans sa main droite, il y avait un revolver.

L'escalier était aussi raide qu'une échelle de meunier.

Il fallait se cramponner à la rampe pour ne pas perdre un équilibre que les marches branlantes rendaient déjà précaire.

Renonçant à ses vieilles habitudes, Ludovic entreprit son escalade avec lenteur. Il dépassa le premier étage où étaient installées la cuisine et les toilettes du snack- bar et s'arrêta au second. Là, il tourna sur la droite et se dirigea vers l'unique porte qui donnait sur le palier.

Elle était peinte d'une vilaine couleur marron. Une carte de visite était clouée sur le battant. Le nom de Conrad Zijlmans s'y étalait en caractères fleuris. La porte n'était pas fermée. Il aurait suffi de la pousser pour entrer. Ludovic appuya pourtant son épaule droite contre le bouton de la sonnette. Un timbre frêle grelotta à l'intérieur de l'appartement. Mais personne ne vint ouvrir.

Le jeune homme avait fait des provisions de patience.

Comptant lentement jusqu'à dix, il resta appuyé contre le bouton. Le bruit de la sonnette se mêlait au vacarme de la chasse d'eau du premier étage et au rythme des rocks que braillait l'appareil à disques planté au pied de l'escalier.

Attentif au tapage de la maison, Ludovic avait lar- gement dépassé son compte. Mais, brusquement, il décida qu'il en avait assez d'attendre. Sans sortir ses

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mains de ses poches, d'un coup de pied, il ouvrit la porte entrebâillée. Le battant de chêne alla buter contre le mur avec un bruit sourd.

— Zijlmans ?

Personne ne répondit. Le jeune homme attendit encore deux secondes et franchit le seuil de l'appar- tement.

Un corridor tortueux s'étirait devant lui. A droite, il y avait une petite cuisine d'aspect misérable où s'en- tassaient des piles de vaisselle sale. Conrad Zijlmans devait être de ces célibataires qui reçoivent souvent, mais sans jamais inviter le genre de fille dévouée qui vous brique un appartement en moins de deux.

Ludovic laissa la porte de la cuisine ouverte et se dirigea vers la gauche. Il pénétra dans une salle de bains sans histoire qui ne lui apprit que trois choses d'un inté- rêt minime : à savoir que Zijlmans se rasait avec un rasoir de style coupe-choux, que sa maîtresse actuelle utilisait les serviettes de toilette pour rectifier son maquillage et qu'elle enduisait ses lèvres d'un rouge cuivré. Ecœuré, il marcha jusqu'au bout du couloir et poussa la porte du fond.

La pièce qui s'ouvrit devant lui était brillamment illuminée. C'était une sorte de vaste studio dont le luxe contrastait étrangement avec la pauvreté du corridor et de la cuisine. On enfonçait jusqu'aux chevilles dans le tapis qui recouvrait le sol. Les tableaux accrochés aux murs n'étaient pas des faux. Les fauteuils venaient tout droit de chez Knoll. Niché dans un angle, à gauche de la porte, le bar regorgeait de bouteilles. Quant à la pile de microsillons qui grimpait à côté d'un pick-up dernier cri, elle était impressionnante. Conrad Zijlmans n'avait

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acheté que des cha-cha-cha, mais il avait dû épuiser le marché.

Ludovic fit quelques pas en direction du divan qui était encastré dans une alcôve, à l'extrême droite de la pièce. Mais brusquement, il pivota sur ses talons et fila comme une flèche vers le corridor. Il verrouilla la porte d'entrée, sortit une cigarette de son paquet de gauloises et, après une courte hésitation, la remit dans sa poche.

Puis il enfila ses gants, pénétra dans la cuisine et se mit à la fouiller avec soin. Il retourna les boîtes de con- serve vides, déplaça les piles d'assiettes, inspecta le garde-manger.

La sueur au front, il gagna la salle de bains et s'activa à retourner les pots de crème et à inventorier le contenu du panier de linge sale.

Revenu dans le studio, il le passa tout entier au peigne fin. Il vida les tiroirs, secoua les vases, déplaça les tableaux et les coussins des fauteuils, dévissa même la platine du pick-up. Sans résultat.

Alors seulement il se pencha sur le corps qui était étendu sur le divan.

Conrad Zijlmans avait été un grand type costaud, plutôt joli garçon. Les filles avaient dû lui tomber dans les bras par douzaines.

Elles n'avaient plus qu'à s'acheter des kilomètres de crêpes et à s'enrouler dedans pour l'enterrement.

Parce qu'il était tout ce qu'il y a de plus mort, le gars Zijlmans.

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A une centaine de mètres du Dam, à l'angle du Rokin et de Nadorsteeg, la maison Van de Velde, diamantaires à Amsterdam depuis 1640, dressait sa façade orgueil- leuse : quatre étages de bureaux et d'ateliers coiffés d'un double fronton.

Ludovic y parvint juste avant la fermeture des maga- sins. Il traversa le hall en coup de vent, négligea la vieille caissière effarouchée qui se préparait à actionner la sonnette d'alarme, grimpa à l'entresol, poussa une porte et se propulsa dans le bureau de la secrétaire particulière du grand patron.

Elle était blonde. Et elle souriait. On ne pouvait pas savoir si elle souriait parce qu'elle était contente de voir un beau garçon, ou parce qu'elle était ravie d'être aussi blonde. Mais elle souriait. Elle portait une robe noire qui collait à sa peau comme un tricot mouillé.

— Je veux voir Ronald.

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La fille regarda Ludovic dans les yeux et poussa un profond soupir qui eut pour effet de gonfler un corsage déjà généreux au repos.

— Je regrette, mais il va falloir que vous attendiez.

M. Van de Velde est en conférence. Au fait, vous avez bien dit Ronald ? — J'ai dit Ronald.

La blonde fit un gros effort de concentration. Puis son visage s'illumina :

— Alors vous êtes un de ses amis ?

— En quelque sorte, oui.

— Dans ce cas, je vais lui dire que vous êtes là. Vous vous appelez ? — Martel. Ludovic Martel.

— Mon Dieu !

L'élan pieux qui souleva l'opulente poitrine fut tel que Ludovic frémit en prévoyant la catastrophe immi- nente. Mais il fut déçu. La mignonne décrocha fébrile- ment le combiné de son téléphone intérieur et se lança dans un discours volubile.

Le « faites-le entrer » de Ronald Van de Velde fit vibrer l'écouteur.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Ludovic.

— C'est moi qui devrais vous demander ça, fit la fille. Depuis une heure, M. Van de Velde est comme fou.

Lui qui est toujours si calme et si poli... Figurez-vous qu'il est bien venu trois fois dans mon bureau pour voir si vous étiez arrivé. Comme si je lui avais menti au télé- phone et que je vous avais caché quelque part.

— Ça ne m'aurait pas déplu.

La fille écarquilla les yeux. Elle n'avait pas compris.

— Dépêchez-vous, fit-elle. Il vous attend.

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Elle croisa les jambes, tira un peu sur sa jupe, baissa les yeux et se mit à farfouiller dans ses papiers. Quand elle releva la tête, elle vit que Ludovic était toujours devant elle. — Mais M. Van de Velde a dit...

— Qu'il me recevait immédiatement, je sais. Pourtant, je préférerais rester ici et vous regarder encore un moment. — Mais M. Van de Velde...

Découragé, Ludovic n'insista pas. La fille était incu- rable. Il pivota sur ses talons. Et il se dirigeait vers la porte du bureau du diamantaire lorsque celle-ci s'ouvrit et que le directeur parut sur le seuil.

Ronald Van de Velde n'avait pas l'air d'excellente humeur. Sa large figure bien rasée était empourprée et sa bouche, généralement souriante, pincée par la con- trariété.

— Monsieur Martel, je vous attends avec impatience.

Le ton n'était pas tout à fait celui qu'on adopte pour s'adresser à un de ses employés subalternes, mais presque.

Après tout, Van de Velde était millionnaire en florins.

Et les millionnaires détestent attendre.

Le bureau du diamantaire ressemblait à tout bureau directorial qui se respecte dans toute firme qui se res- pecte. Il était vaste, sombre, tranquille et d'un confort un peu raide et guindé. Des générations de Van de Velde avaient travaillé derrière le large bureau d'acajou.

Des quantités de clients avaient patiné le cuir vert- bronze des fauteuils. Il régnait dans la pièce une atmos- phère d'honnêteté et de respectabilité séculaires.

Van de Velde ferma la porte derrière lui et sourit nerveusement à Ludovic.

C'était un grand type, presque aussi grand que Ludovic

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DERNIERS PARUS:

A PARAITRE :

Imp. « La Semeuse », Etampes. — C. O. L. 31.1258. Dépôt légal : 2 trimestre 1960.

PRINTED IN FRANCE

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