A. L ACHENY J. L. P ETIT E. T EROUANNE
Étude des méthodes proportionnelles sur l’exemple des élections législatives françaises du 16 mars 1986
Mathématiques et sciences humaines, tome 104 (1988), p. 35-59
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1988__104__35_0>
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ETUDE DES METHODES PROPORTIONNELLES SUR L’EXEMPLE DES ELECTIONS LEGISLATIVES FRANCAISES DU 16 MARS 1986
A. LACHENY
1,
J. L. PETIT2,
E. TEROUANNE 2PRESENTATION
Quand
ils’agit
de choisir unsystème
électoral il estimportant
de savoir dequoi
l’onparle. Or,
comme le dit
Guilbaud,
"La littérature concernant la"représentation proportionnelle"
esteffrayante.
En volumed’abord,
et souvent par lemélange d’arguments
proprementpolitiques
etd’arguments prétendument mathématiques "([7]).
Le but de cepapier
estd’apporter
des éléments d’information à la fois sur l’infinie variété des méthodesproportionnelles
et sur les moyens deguider
son choixparmi
elles.Et d’abord
qu’existe-t-il
aujuste
comme méthodesproportionnelles ?
Nombre de"spécialistes"
desproblèmes
électoraux semblent penserqu’il
n’existe que la méthode de laplus
forte moyenne et la méthode des
plus
forts restes, ou au mieux une demi-douzaine d’autres méthodes. Balinski etYoung ( [ 1 ] )
ont donné un modèle commun à ces méthodesclassiques,
lesgénéralisant
dans la famille infinie des "méthodes à diviseurs". Seule la méthode desplus
fortsrestes
n’appartient
pas à cette famille. Nous reprenons etélargissons
l’idée de ces auteurs avecnotre famille des "méthodes
multiplicatives",
et nous la doublons d’une famille de "méthodes additives"qui, elle, généralise
la méthode desplus
forts restes.En
France,
où l’onchange
souvent les modesd’élections,
à peuprès
personne ne discute sérieusement du choix de ces méthodes.Ainsi,
lors del’adoption
de la loi électorale de1985,
iln’y
a eupratiquement
aucun débat sur lafaçon
derépartir
lessièges
entre les différentsdépartements proportionnellement
à leurspopulations.
Or le mêmeproblème
suscite des discussions acharnées aux U.S.A.depuis près
de deux siècles([1]).
Nous définirons etillustrerons ici un certain nombre de
propriétés qui
permettent d’éclairer ce choix.1 Département d’lnformaùque, I.U.T., 99 avenue d’Occitanie 34075 Montpellier Cedex.
2 Département de Mathématiques Informatique Appliquées, Université Paul Valéry, B.P. 5043 34032 Montpellier
Cedex.
PLAN
1 Introduction.
II Présentation des différentes méthodes.
III
Applications
des différentes méthodes.V
Comparaison
des méthodes.VI
Comportement
des méthodes vis-à-vis de la variation du nombre desièges.
VII
Comportement
des méthodes vis-à-vis de la variation du résultat d’un scrutin.VIII
Indépendance
conditionnelle.IX
Manipulabilité
etrégularité.
X Conclusion.
I. INTRODUCTION
Les
problèmes
de"partage proportionnels"
sontparticulièrement importants
dans les situations électorales. Donnons en deuxversions,
que nousappellerons premier
et deuxièmeétage :
dansune élection "à la
proportionnelle",
on rencontre souvent ces deuxversions,
lepremier étage précédant chronologiquement
le deuxièmeétage.
Premier
étage :
soit un paysdécoupé
en p unités territoriales. On décide de constituer une chambre de nreprésentants. Quel
nombre dereprésentants
doit avoirchaque
état si l’on veutrespecter la
proportionnalité
entre ces nombres et lespopulations
des unités territoriales ?Deuxième
étage :
soit une élection au "scrutin de liste"qui
concerne nsièges
àpourvoir, chaque
électeur choisissant une listeparmi
p listes candidates.Quel
nombre d’élus doit avoirchaque
liste si l’on veut respecter laproportionnalité
entre ces nombres et les nombres de voix recueillies par les listes ?Dans cet
article,
nousparlerons uniquement
du deuxièmeétage.
Lesproblèmes
concernant lepremier étage
sont traités en détail dans[1]
et[2].
Nous utiliserons les résultats des électionsproportionnelles qui
ont eu lieu le 16 Mars 1986 dans les 96départements français métropolitains (résultats
recueillis dans[3]),
pour élire les 555 membres de la chambre desdéputés.
Nousappliquerons
à chacune de ces 96 élections différentes méthodes dereprésentation proportionnelle.
Il existe unegrande
variété de telles méthodes. Outre la famillecontenant la
plus part
des méthodesclassiques,
et que nousappellerons
famille des méthodesmultiplicatives,
il existe une autre famille deméthodes, généralisant
la méthode desplus
fortsrestes, que nous
appellerons
famille des méthodes additives.Cette
grande
variété pose unproblème
de choixauquel
on peut contribuer à donner des solutions par la définition d’un certains nombre depropriétés
souhaitables pour une méthodeproportionnelle, propriétés
que nous allons illustrer dans ce travail. Pour un traitementplus
formel des méthodes
proportionnelles
et de leurspropriétés
nous renvoyons le lecteur à[4].
Lesprincipaux
outilsmathématiques
utilisés dans ce travail sont illustrés dans[6].
Dans le
paragraphe
2 nousprésentons
sommairement les deux familles de méthodesproportionnelles.
Le
paragraphe
3 est consacré àl’application
de treize méthodesparticulières (sept
additives etsix
multiplicatives)
sous diverseshypothèses (avec
ou sans élimination des"petites listes",
avecou sans regroupement des listes en
"coalitions").
Dans le
paragraphe
4 nous examinons l’influence du choix de l’unité territoriale sur le résultatfinal,
en comparant les résultats obtenus si l’onapplique
la même méthode au mêmescrutin avec divers niveaux de
regroupement
des voix :départemental, régional
ou national.Au
paragraphe
5 nous introduisons un outilimportant
pour lacomparaison
des méthodesentre
elles,
formalisant la notion de "biais"( [ 1 ] ).
Dans le
paragraphe
6 nous étudions la variation des résultatsproduits
par une méthode donnéequand
on fait varier le nombre desièges
àrépartir,
situationqui engendre
leclassique
"paradoxe
d’Alabama".Le
paragraphe
7 est consacré à deux moyens de comparer deux élections tenues parexemple
à des dates différentes mais dans les mêmes conditions : mêmes listes en
présence,
mêmenombre de
sièges
àpourvoir,
même méthodeproportionnelle.
Nous formalisons etgénéralisons
ainsi la notion de
"population monotonicity" ([ 1 ]).
Au
paragraphe
8 on étudie la notion de"sous-problèmes proportionnels" qui
consistent à neconsidérer
qu’une partie
des listes enprésence
et à redistribuer entre elles lessièges qu’elles
ontobtenus. Le
problème
ainsiposé
est similaire à celui de1"’independence
of irrelevant alternatives" en matièred’agrégation
despréférences.
Enfin dans le
paragraphe
9 nous illustrons une notion de "robustesse d’une méthodeproportionnelle" qui
a été introduite dans[5].
II. PRESENTATION DES DIFFERENTES METHODES
Précisons le
problème posé
dans les termes du deuxièmeétage
"scrutin de listes"(nous
utilisons les notations de
[5]).
Nous devons distribuer nsièges
entre plistes, proportionnellement
aux nombres de vois recueillies par ces listes. Soient :L =
{1~,
...,1 p l
l’ensemble des plistes,
~ ~ , ..., V P
les nombres de voix recueillies par ceslistes,
nous poserons V =
(V 1 ’ ...,vu ) .
Une méthode
proportionnelle
est un processus Pqui associe,
àchaque
valeur de n et àchaque V,
un partage :S
= pen} V) = (S 1, ..., Sp), où
sa = nombre de
sièges
obtenus par la listela ,
S devant vérifier les deux conditions suivantes :
s ~ , ...,
sp
sont des nombres entiers ets~ 1
+...+sp=n.
La nature
proportionnelle
duproblème
entraîne que le partage nedépend
pasexplicitement
des "effectifs"
V. ,
mais seulement des"fréquences" f a
définies par :f = a + (ou
encore despourcentages pa
Nous
appellerons F = (f 1)
,f p ),
ou encore V=(v 1
...,vp),
le résultat du scrutin et ouVa’ le
score de la liste1 ~ .
méthodes
multiplicatives ([4], [5]).
On donne dans[5]
deuxprésentations
de cesfamilles,
l’unealgorithmique
et l’autregéométrique.
Nous en donnons ici une troisièmeprésentation, généralisant
laprésentation classique
des métodes à diviseurs( [ 1 ] ).
Si le vecteur n F =
(n f 1,
...,n f p)
avait des coordonnéesentières,
c’est évidemment lui que l’onprendrait
pour partage S. Seulement une telle coïncidence ne seproduit pratiquement jamais.
Une idée naturelle est alors d’arrondir les nombresnf~.
Cette idéesimple
pose deuxproblèmes :
d’abord il existe unegrande
variété de"procédures d’arrondiement" ;
ensuite levecteur ainsi obtenu a bien des coordonnées
entières,
mais la somme de ces coordonnées n’est pas forcément n.La solution du second
problème
consiste à modifier le vecteur n F avant d’en arrondir lescoordonnées, jusqu’à
ce que la somme des arrondis ainsi obtenus soit n. Il y a deuxfaçons
standard d’effectuer cette
modification,
donnant naissance l’une aux méthodes additives etl’autre aux méthodes
multiplicatives.
Chaque procédure
d’arrondiement donne ainsi lieu à une méthode dans chacune de ces deux familles. Or il existe une infinie variété deprocédures
d’arrondiement . Une telleprocédure
esten effet définie par une suite
(u k)
de nombres réels : le réel x est arrondi à l’entier k si etseulement si il est
compris
entreuk
etUk+ 1 .
Nous nous restreindrons ici à la famille infinie desprocédures
d’arrondiement associées à des suites de la forme :{ *) u k
= k + r où r est un nombre réel donné.Par
exemple
lesvaleurs -1, -1/2
et 0 duparamètre
rcorrespondent respectivement
auxarrondiements à la
partie entière,
à l’entier leplus proche
et auplus petit
entiersupérieur.
Nous noterons
Por
la méthode additive associée à la suite(*).
Elle consiste à chercher un"additeur" a tel que la somme des arrondis des nombres
n f ~
+a, ...,n f p+a
par laprocédure
d’arrondiement choisie soit n. On
prend
alors pour partage le vecteur S dont les coordonnées sont ces arrondis.De même nous noterons
P 1 r
la méthodemultiplicative
associée à la suite(*).
Elle consiste àchercher un
"multiplicateur"
a tel que la somme des arrondis des nombres , ...,a n f p
parla
procédure
d’arrondiement choisie soit n. Onprend
alors pour partage Pr( n, V )
le vecteur Sdont les coordonnées sont ces arrondis.
A titre
indicatif,
leproblème
dupremier étage
en France(répartition
de 555sièges
entre 96départements proportionnellement
à leurpopulation)
a étérèglé
par la loi électorale de 1985 enutilisant
(vraisemblablement)
la méthodeP 1 - 1 ’
avec la contrainte que toutdépartement
devaitrecevoir au moins deux
sièges.
On a montré dans[2]
lesrépartitions
desièges qu’auraient produites
d’autres méthodesclassiques.
III. APPLICATIONS DES DIFFERENTES METHODES PROPORTIONNELLES
Nous traitons
uniquement
duproblème
du deuxièmeétage,
scrutin deliste,
àpartir
des résultatsdes élections
législatives
du 16 Mars 1986([3]).
Poursimplifier
lesrésultats,
nous ferons leshypothèses
suivantes :IIL 1.
Hypothèses
de travail1)
Nous ne considérons que les 96départements
de la"métropole" (y compris
les deuxdépartements
de laCorse).
Ces 96départements
devaient élire 555députés
à l’Assemblée Nationale.2)
Nous regroupons les différentes listes en l’ensemble L des 15 listes suivantes :3) Quand
nousparlons
de coalitions deslistes,
nous considérons un ensemble de 8 coalitions :"Y 1 -, 1 T1 TT !1 1 T1 T
où
et
4)
Les conditionsmathématiques
nousimposent
deprendre,
dans les cas traités ici : -2 r pour une méthode additive et-1 r pour une méthode
multiplicative
(les méthodes
multiplicatives classiques
utilisent des valeurs de rcomprises
entre -1 et 0. Nousutiliserons dans ce travail trois valeurs de r
qui
sortent de cet intervalle :0.5, 1
et2).
5)
Nous utilisons 7 méthodes additives et 6multiplicatives,
associées à 7 valeurs de r(figure 1).
Additives :
Multiplicatives :
Figure
1 : Les 13 méthodes utilisées.6) La théorie
mathématique
montre que, pour 0 r, les méthodes additives etmultiplicatives
peuvent faire
apparaître
des nombres desièges négatifs.
Pour éliminer ces effetsparasites,
nousimposons
la condition suivante :chaque
liste doit recevoir un nombre desièges positif
ou nul .7)
Nous calculons lesrépartitions
desièges
dans chacun des 3 cas suivants :(A) :
Non-intervention du seuil d’élimination des listes en dessous de5%, (B) :
Intervention du seuil d’élimination des listes en dessous de5%, (C) :
Elimination des listes en dessous de 5% et coalition des listes.8)
Dans les tableaux derésultats,
nous utiliserons la convention suivante :Tous les calculs ont été effectués à l’aide d’un
logiciel
écrit par l’un des auteurs([8])
sur labase de la
présentation algorithmique
des méthodesproportionnelles.
Cetalgorithme
consiste enla recherche du minimax d’un "critère de
représentation" ([4])
et s’est avéré trèsperformant.
111.2. Résultats du cas
(A)
Les tableaux
(1)
à(4)
donnent les résultatscorrespondant
à ce cas pour lesdépartements
suivants
(les
scores sontexprimés
enpourcentages) :
Les
départements
du Nord(n=24)
et de Paris(n=21)
sont, vis à vis du critèrepopulation,
les deux
plus
grosdépartements ;
ledépartement
de l’Hérault(n=7)
est undépartement
moyen et ledépartement
de la Lozère(n=2)
est unpetit département.
Dans
chaque département,
les différences derépartition
dessièges
d’une méthode à l’autre portentgénéralement
sur unpetit
nombre desièges.
Mais une différence d’un seulsiège
peut semblerimportante
àcertains,
notamment à ceuxqui
veulent s’asseoir sur cesiège.
On peutencore mieux évaluer
l’importance
de ces différencesquand
on cumule les résultats obtenusdépartement
pardépartement
et que l’on compare les treize Chambres desDéputés
ainsi obtenues(tableau 5).
Rappelons
que la méthode réellement utilisée dans cette élection fut la méthode "desplus
fortes
moyennes",
c’est à dire la méthodemultiplicative
P10 (colonne
centrale de nostableaux).
Tableau 1 : Résultat des 13 méthodes pour le
département
de l’Hérault sousl’hypothèse (A).
Tableau 2 : Résultat des 13 méthodes pour le
département
de la Lozère sousl’hypothèse (A).
Tableau 3 : Résultat des 13 méthodes pour le
département
du Nord sousl’hypothèse (A).
Tableau 4 : Résultat des 13 méthodes pour le
département
de Paris sousl’hypothèse (A).
Tableau 5 :
Composition
des treize Chambres desDéputés produites
parl’application
des treizeméthodes à chacun des 96
départements métropolitains.
Nous pouvons
représenter graphiquement
ces différents tableaux. Parexemple,les figures (2)
et(3)
illustrent les résultat additifs etmultiplicatifs
obtenus dans le cas de l’Hérault. Sur cesfigures
on peut constater lephénomène
suivant :L’augmentation
duparamètre
r tend à favoriserles grosses listes aux
dépens
despetites (nous
reviendrons sur cepoint important
auparagraphe 5).
Figure
2 :Représentation graphique
des résultats de 7 méthodes additives dans ledépartement
del’Hérault
(tableau 2).
Figure
3 :Représentation graphique
des résultats de 6 méthodesmultiplicatives
dans ledépartement
de l’Hérault(tableau 2).
Les
figures
4 et 5 illustrent les différences entrequatre
des Chambres ainsi obtenues(tableau 5).
Figure
4: Les deux Chambres obtenues par les méthodes additivessous
l’hypothèse (A).
Figure
5 : Les deux Chambres obtenues par les méthodesmultiplicatives S et P 1 2
sous
l’hypothèse (A).
Les
figures (4)
et(5)
montrent aussi que les méthodesmultiplicatives
sontplus
sensibles que les méthodes additives aux variations duparamètre
r. On peut le montrer en utilisant leclassique
indice du
x2.
Posons :s a
= nombre desièges
obtenus par la liste a avec la méthode P ets’ a
= nombre desièges
obtenus par la liste a avec la méthode P’et
appliquons
la formule bien connue :Nous obtenons en
particulier :
La différence entre les deux méthodes
multiplicatives apparaît
ainsi nettementplus grande
que la différence entre les méthodes additives
correspondant
aux deux mêmes valeurs duparamètre
r.111.3. Résultats du cas
(B)
Nous
appliquons
maintenant les mêmes méthodes aux mêmesscrutins, après
élimination danschaque
scrutin des listesqui
n’ont pas obtenu 5% des voix. En cumulant les résultats ainsi obtenus dans les 96départements
nous obtenons les 13 chambres du tableau 6.Rappelons
quece seuil d’élimination est effectivement
appliqué
dans la loi électoraleFrançaise
de 1985. LaChambre élue en 1986
correspond
donc à la colonne centrale du tableau 6(exception
faite desdéputés
nonmétropolitains).
Le tableau 7 permet de vérifier l’influence de ce seuil. Il montre les
gains
oupertes
desièges correspondant
au passage du tableau5,
sansapplication
duseuil,
au tableau6,
avecapplication
du seuil.Dans
chaque
case, on a inscrit les nombresSa(B) - Sa(A)
où :Sa(A)
= nombre desièges
obtenus par la liste oc pour une méthode donnée sousl’hypothèse (A)
etS a(B)
= nombre desièges
obtenus par la liste oc pour la même méthode sousl’hypothèse (B).
Nous constatons sur le tableau 7 le
phénomène
suivant : pour r >0,
le seuil d’élimination de 5% nejoue pratiquement plus
aucun rôle pour les méthodesmultiplicatives.
Nousreviendrons,
dans les
paragraphes suivants,
sur le rôle de ce seuil d’élimination. On voit enparticulier
que P1 > (A)
= P >> (B).
Ce fait est àrapprocher
de lapropriété d’indépendance
conditionnelle des méthodesmultiplicatives qui
seradéveloppée
auparagraphe
8.Tableau 6 : Résultat des 13 méthodes pour les 96
départements
sousl’hypothèse (B).
Tableau 7 : Influence du seuil d’élimination des listes en dessous de 5%.
111.4. Résultats du cas
(C)
Les mêmes méthodes sont maintenant
appliquées
à des scrutins fictifs obtenus àpartir
desscrutins réels en
opérant
les coalitions de listesindiquées
auparagraphe
111-1. On élimine de chacun de ces scrutins les coalitionsn’atteignant
pas 5% des voix.Le tableau 8 donne les 13 chambres ainsi obtenues.
Le tableau 9 établit la différence entre les cas
(B)
et(C),
ou entre les tableaux(6)
et(8),
pour deux des treize méthodes : la méthode additive
POO
et la méthodemultiplicative
Po .
Dans le cas réellement
appliqué
par la loifrançaise
de1985,
l’effet du regroupement en coalitions aurait donc été uneperte
de 15sièges
par lagauche (6
Communistes et 9 Union de laGauche)
auprofit
de l’Union de la Droite.Tableau 8 : Résultats des 13 méthodes pour les 96
départements
sousl’hypothèse (C).
Tableau 9 :
Comparaison
des cas(B)
et(C)
pour la méthode additiveP 00
et la méthodemultiplicative P 1 o .
Remarque
Il existe certaines transformations
qui
permettent de passer d’une méthodePir
à une autreméthode
Pir’ (cf [4]).
Parexemple,
dans le cas des méthodesmultiplicatives,
nous avons uneopération
dedécalage
sur le nombre desièges qui
peuts’exprimer
de la manière suivante :où
Pu (p)
est le"partage
uniforme"qui
donne 1siège
àchaque
liste.Le tableau 10 illustre cette loi sur
l’exemple
dudépartement
du Nord.Tableau 10 : Vérification sur
l’exemple
dudépartement
du Nord dudécalage
des méthodesmultiplicatives.
IV. PROBLEME DE LA CHIRURGIE ELECTORALE
La loi électorale de 1985
prenait
commedécoupage
de lamétropole
lesdépartements.
On peut considérer d’autresdécoupages,
comme :: : le
découpage
consistant àprendre
un seul morceau, lamétropole,
R : le
découpage
en 22régions,
D : le
découpage
suivant les 96départements
ou C : le
découpage
en 555circonscriptions
établi enjuillet
1987.Ces divers
découpages
sont emboîtés les uns dans les autres, comme l’illustre lafigure
6 :un
département
est un ensemble decirconscriptions,
unerégion
un ensemble dedépartements...
A l’une des extrémités de
l’arbre, C ,
on retrouve le scrutin uninominal à un tour : un seulsiège
parcirconscription
et élection du candidatqui
a leplus
de voix. Il est difficile de simuler ce cas dans notreexemple :
il faudrait enparticulier
faire unequantité d’hypothèses
hasardeuses surl’identité
(au
moinspolitique)
des candidatsqui
se seraientprésentés
danschaque
circonscription.
Figure
6 :Dendrogramme
desquatre découpages.
A l’autre extrémité de
l’arbre,
on trouve le scrutinproportionnel
pur : les 555députés
sont
répartis
entre toutes les listesprésentes proportionnellement
à leurs scrutins nationaux.Cette situation peut raisonnablement être simulée en utilisant le regroupement des listes par coalitions
(cas "C")
et en cumulant leurs voix au niveau national. Un traitement similaire peut être fait au niveau intermédiaire desrégions,
R.Le tableau 11 donne les résultats des 13 méthodes sous les
hypothèses (C)
et(R)
et letableau 12 le résultat des 13 méthodes sous les
hypothèses (C)
et(M).
Tableau 11 : Résultat des 13 méthodes sous les
hypothèses (C)
et(R).
La
comparaison
du tableau 11 avec le tableau 8 montre que les différences entre les distributions desièges
à la Chambre obtenues par nos treize méthodes sontbeaucoup
moinsgrandes lorsque
les scrutins sontregroupés
parrégions
quelorsque
le calcul est faitdépartement
par
département.
Ceci est dû au fait que les nombres desièges
mis enjeu
àchaque répartition
sont
beaucoup plus grands.
C’est encore
plus
vraiquand
larépartition
est calculée directement au niveau national(tableau 12) :
nous constatons alors que le résultat est presqueindépendant
de la méthodechoisie.
Ceci illustre une sorte de "loi des
grands
nombres" que nous pouvons énoncer commesuit :
- Si
Sa
est le nombre desièges
attribués par une méthode P à la liste aquand
il y a nsièges
àrépartir,
lerapport Sa/n
tend vers le scorefa
de cette listequand
n augmente.Tableau 12 : Résultat des 13 méthodes sous les
hypothèses (C)
et(M).
Nous pouvons
quantifier
l’influence dudécoupage
en comparant les tableaux8,11
et 12 à l’aide de l’indicateur dux2.
A une méthodeP, appliquée
dans certaines conditions :nous associons :
Tableau 13 : les
x2
pour 10 méthodes et 3découpages.
Cet indicateur traduit la "distance" entre le partage
S
et le résultat du scrutin. Le tableau 13montre ces différents
X2
calculés avec un score réduit à quatre coalitions :Remarques :
1.
L’hypothèse
a sur leshypothèses (R), (D)
ou(C),
les avantages suivants :- elle minimise la distance introduite
précédemment,
- l’influence du choix d’une méthode devient
négligeable,
- elle évite d’avoir à résoudre les
problèmes
dupremier étage qui présentent
autantd’arbitraire que les
problèmes
du deuxièmeétage (Cf [2]).
2.
Quand
on utilise undécoupage
du genre(C),
danschaque
morceau dudécoupage (circonscription),
on est conduit à unproblème proportionnel
où leparamètre
n vaut 1(dans
lecas où
n=l,
le scrutinproportionnel s’appelle
"scrutinmajoritaire"). L’avantage
del’hypothèse (C)
est que, dans ce cas, toutes les méthodesproportionnelles
coïncident mais cettehypothèse présente
deux inconvénients :- la distance introduite ci-dessus devient
grande :
c’est la solution laplus éloignée
de larègle :
«Unhomme,
unevoix» ,
- le
problème
dudécoupage ("comment découper équitablement
lamétropole
en 555morceaux
homogènes ?")
estpratiquement
insoluble.V. COMPARAISON DES METHODES
Pour
pouvoir
comparer deux méthodesproportionnelles
P et P’ il nous faut donner un sensprécis
à la relation de "biais"([1]),
que nous noterons " PP’,"
etqui
traduit le fait que :P’ "favorise
plus
les grosses listes" queP ,
ouP "favorise
plus
lespetites
listes" queP’.
Pour cela nous utiliserons la notion d’ordre du cumul
([4],[6]),
relation d’ordre surl’espace
des mesures sur un ensemble ordonné.Commençons
par indexer les listes dans l’ordre de leurs scores : le scrutin V étantfixé,
onAinsi avons nous, dans le cas du Nord
(tableau 3) :
Soient
S
etS’ les
partagesS
=P(n,V)
etS’
=P’(n,V).
Nous noteronsS S’
si :En utilisant la notion de "fonction de
répartition" (ou
"effectifscumulés")
lesinégalités
ci-dessus se traduisent
(figure 7)
par : "la fonction derépartition
deS
=(S1,S2 , ... , SP)
estinférieure ou
égale
à la fonction derépartition
deS’
=(S’1,S’2, .... S’ P). tt
Figure
7 : Illustrationgraphique
de SS’.Nous définissons alors la relation P P’ par les
inégalités
suivantes :S
=P(n,V) S’ = P’(n,V)
pour tout n et pour toutV.
Si nous prenons pour n et V les données du
département
duNord,
les effectifs cumulés pour deux méthodes additives et deux méthodesmultiplicatives (tableau 14)
montrent que l’on a(figure 8) : P~2(n,V~.
Tableau 14 : Résultats cumulés dans le
département
duNord,
pour r=0 et r=2.La
figure
8traduit,
enparticulier, l’expression
courante : « La méthode desplus
fortsrestes favorise
plus
lespetites
listes que la méthode desplus
fortes moyennes »(nous donnons, ici,
une définitionprécise
de "favoriser lesplus petites listes").
Figure
8 : Illustrationgraphique
des relationsPOO P02 P10 P12 .
La
comparaison
P P’ est abondamment illustrée par les différents résultats donnés dans le§3.
Nous pouvons, enparticulier,
retenir lesrègles
suivantes :1.
l’augmentation
de r tend à favoriser les grosseslistes,
2. La diminution de r tend à favoriser lespetites listes,
3. pour r >
0,
une méthode additive favoriseplus
lespetites
listes que la méthodemultiplicative correspondant
à la même valeur de r.On peut, en
effet,
démontrer les résultats suivant([4]) :
-
comparaison
des méthodes additives entre elles :-
comparaison
des méthodesmultiplicatives
entre elles :-
comparaison
des méthodes additives etmultiplicatives :
Dans la zone -1 r
0,
on nepeut
pas comparer les méthodes additives etmultiplicatives.
Eneffet,
dans cetintervalle,
on peut obtenir chacun des trois cas suivants :-
Por
noncomparable
àP 1 r .
VI. COMPORTEMENT DES METHODES VIS-A-VIS DE LA VARIATION DU NOMBRE DE SIEGES
Nous dirons
qu’une
méthode Ppossède
lapropriété
de croissanceforte
vis à vis de la variation duparamètre
n, si elle vérifie :- le nombre de
sièges
d’une liste ne peut pas diminuerquand
on augmente le nombre total desièges
àrépartir.
Une méthode
qui
ne vérifie pas lapropriété précédente
est une méthodequi présente
l’«
effet
Alabama ». On peut montrer les résultats suivants :- aucune méthode
multiplicative
ne peutproduire
l’effetAlabama,
Le tableau 15 est un
exemple
d’effet Alabama(données fictives) :
pour n=3 le PC a unsiège,
pour n=4 il n’en a pas.Tableau 15 : Résultats de la méthode
Poo
pour n=3 et n=4 et avecl’hypothèse (C).
Remarque
Les méthodes additives ne
possèdent
pas lapropriété
de croissance forteprécédente ;
mais ellespossèdent
lapropriété
de croissancefaible
suivante :- si on range les listes par ordre décroissant selon le résultat du scrutin
V,
comme nousl’avons fait au
§5,
alors les sommes cumulées obtenues pour une valeur duparamètre
n sontinférieures ou
égales
aux sommes cumulées obtenues pourn’>n.
VII. COMPORTEMENT DES METHODES VIS-A-VIS DE LA VARIATION DU RESULTAT D’UN SCRUTIN
Etant donnés une méthode de partage
proportionnel
P et deux scrutins V etV’,
nous cherchonsà comparer les résultats
P(V)
aux résultatsP(V’),
les autresparamètres (n, p)
ne variant pas.Nous allons
reprendre
les idées du§
5(utilisation
des courbescumulées)
avec leschangements
suivants :
Si
quand
on passe du scoreV
au score V’ lepartage
de nsièges
passe deS
àS’,
onpeut
mesurer l’évolution du nombre des
sièges
obtenus par une listela
de deux manières différentes:-
comparaison
additive :-
comparaison multiplicative :
Si l’on note
Il
la liste "laplus avantagée"
dans le passage de V àV’, 12
lasuivante,
...IP
la liste "laplus désavantagée",
onobtient,
selon lacomparaison utilisée,
deux classementsqui
ne coïncident en
général pas :
_ ..- -- classement additif
- classement
multiplicatif
Nous dirons que la méthode P a la
propriété
de croissance additive vis-à-vis de la variation du résultat duscrutin,
si l’on a pour tout n et tout VP(n,V) P(n,V’) quand
leslistes sont classées additivement.
Nous
définissons,
de même la croissancemultiplicative
enremplaçant
le classement additif par le classementmultiplicatif.
Illustrons ces notions sur un
exemple.
Le tableau 16 donne les résultats dans ledépartement
de l’Hérault pour des scores modifiés en seplaçant
dansl’hypothèse (A).
Tableau 16 : Résultat des 13 méthodes pour le
département
de l’Hérault(scrutin arbitraire).
La
figure
9 illustre la croissance additive pourPoo et
lafigure
10 la croissancemultiplicative
pourP10.
On montre que toutes les méthodes additives
possèdent
la croissance additive et que toutes les méthodesmultiplicatives possèdent
la croissancemultiplicative.
On peut aussi montrer que les méthodes additives nepossèdent
pas la croissancemultiplicative
et que les méthodesmultiplicatives
nepossèdent
pas la croissance additive([4]).
Figure
9 : Croissance additive dePoo
observéee encomparant
les tableaux 3 et 16.Figure
10 : Croissancemultplicative
deP10
observée en comparant les tableaux 3 et 16.VIII. INDEPENDANCE CONIIII7IONNELLE
Considérons le
partage S
de nsièges
par une méthode P et un sous-ensemble L’ de l’ensemble L des listes. Soit n’ nombre total dessièges
obtenus par les listes deL’.
On dit que la méthode Ppossède
lapropriété d’indépendance
conditionnelle si le partage par P de n’sièges
entre les listes deL’ est identique
à la restriction deS
àL’.
On démontre que les méthodes
multiplicatives
sont conditionnellementindépendantes
alorsque les méthodes additives ne le sont pas
([4]).
Nous avons vu une illustration del’indépendance
conditionnelle de la méthodemultiplicative Pl 1
dans le tableau 6 : les listes endessous de 5%
n’ayant
pas obtenu desièges,
leur élimination ne modifie pas le résultat.Montrons,
sur unexemple, qu’une
méthode additive ne vérifient pas cettepropriété.
Ledépartement
de Parisreçoit,
par la méthodePOO.5
sousl’hypothèse (A),
le partage suivant :Si l’on élimine les listes au dessous de 5%
(PC ; DIV-DR ;
ECOetc ...)
et que l’onrépartisse
19sièges ( 19 = 21- 2 sièges
attribués à des listeséliminées) ;
on obtient le partage suivant :L’indépendance
conditionnelle n’est donc pas vérifiée par cette méthodepuisque
le RPR etl’UDF voient leur nombre de
sièges changer.
IX. MANIPULABILITE ET REGULARITE
Une méthode
proportionnelle
P estrégulière si,
une liste 1 ayant son scorev(l) fixé,
lenombre de
sièges
attribués à la liste 1 ne peut varier que d’une unité(en plus
oumoins)
alors que lessuffrages
restant serépartissent
indifféremment entre les autres listes.Les méthodes additives sont
régulières
alors que les méthodesmultiplicatives
ne le sontpas. Montrons ceci par
l’exemple
dudépartement
du Nord. Les tableaux(17)
et(18)
montrentles résultats des 13 méthodes sous
l’hypothèse (A)
avec différents scores, le score du RPRrestant constant et
égal
à23,18.
La
comparaison
de ces deux tableaux montre d’abord larégularité
des méthodes additives : si nous comparons les nombres desièges
attribués au RPR par les méthodesadditives,
donnéespar les secondes
lignes
des deuxtableaux,
nous constatons que les différences d’un tableau à l’autre pour une même méthode sont soit nulles soit d’unsiège.
Si nous effectuons la même
comparaison
en cequi
concerne les méthodesmultiplicatives
nous vérifions leur
non-régularité :
parexemple,
pour la méthodePl 2,
le nombre desièges
duRPR varie de 5 unités.
Connaissant le score du
RPR,
et sachant que la méthodeappliquée
est une méthodemultiplicative,
les autres listes peuvent considérerqu’elles
ont avantage à s’unir(tableau 18) plutôt qu’à disperser
leurs voix(tableau 17)
afin de minimiser lareprésentation
de celui-ci. Parcontre cette union a peu d’effet dans le cas de méthodes additives. Les méthodes
multiplicatives
peuvent donc favoriser certaines
"manipulations", davantage
que les méthodes additives.Tableau 17 : Résultat des 13 méthodes pour le
département
du Nord avec des scores modifiés.Tableau 18 : Résultat des 13 méthodes pour le
département
du Nord avec des scores modifiés.X. CONCLUSION
La
grande
variété des méthodesproportionnelles
et des résultatsqu’elles produisent
pose leproblème
du choix d’une méthodeadaptée
àchaque
situationparticulière.
Ce choix doit se basersur un cahier des
charges précis
en termes des diversespropriétés qui
permettent de différencier les méthodes. Le tableau(19)
résume cellesqui
différencient les deuxgrandes
familles :méthodes additives et méthodes
multiplicatives.
Tableau 19 :
Propriétés
des méthodes additives etmultiplicatives.
BIBLIOGRAPHIE
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[3]
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[5]
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[8]
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doc. int. IUT