R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
G. L ABAYE
Le problème des évacuateurs de crues de Serre-Ponçon.
Essai de détermination d’un optimum économique
Revue de statistique appliquée, tome 4, n
o3 (1956), p. 47-66
<http://www.numdam.org/item?id=RSA_1956__4_3_47_0>
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LE PROBLÈME DES ÉVACUATEURS DE CRUES DE SERRE-PONCON
ESSAI DE DÉTERMINATION D’UN OPTIMUM ÉCONOMIQUE
par G. LABAYE
Ingénieur
à la Direction del’Équipement d*’Électricité
de FranceINTRODUCTION
La
présente
communication a essentiellement pour butd’exposer
les résul- tats d’un calculd’optimum économique
d’évacuateur de crues. Leprojet
deSERRE-PONÇON
est bien connu des membres de la S.H.F, etplusieurs
commu- nications, lors de sessions antérieures du ComitéTechnique,
ont décrit le réseaud’auscultation
hydrologique
etpluviométrique
établi sur le bassin de la HAUTEDURANCE ainsi que certains résultats
partiels
que cedispositif
apermis
d’ob-tenir.
Je
passerai
doncrapidement
sur cespréliminaires
et,après
avoirrappelé
le
principe
du calculéconomique,
d’insisterai surtout sur les difficultéspratiques
que nous avons rencontrées et les
hypothèses
que nous avons étéobligés
d’admettrepour aboutir. Nous verrons ensuite les résultats obtenus dans le cas
particulier
de
SERRE-PONÇON.
Enfin, dans la conclusion et
peut-être
aussi dans la discussionqui, j’espère,
suivra, nous essaierons de tirer la
philosophie
de cetteétude,
decevante par moment, mais bien souventpassionnante
pour tous ceuxqui,
sous la direction de M. GIGUET, y ontparticipé :
- les services de la R. E. H. ALPES III
- le service des ETUDES & RECHERCHES
HYDRAULIQUES,
enparticulier
M.
MORLAT,
- le service PROJETS de la DIRECTION de l’EQUIPEMENT
auquel j’apparte-
nais à
l’époque,
- et,
enfin,
E. HALPHEN.2. RAPPEL DES
PREMIÈRES ÉTUDES
2 .1. - Au cours d’une intervention à une séance de la S. H. F. du 19
janvier
1954, M. GIGUETregrettait
que "lescaractéristiques
de la crue maximum contrelaquelle
on entendprotéger
les ouvrages "soient "abandonnées àl’intuition,
c’est à dire au hasard".De cette formule
qui
peutparaitre
un peu dure ainsi extraite de son contexte, il convient surtout de retenir le terme "intuition". Cette dernièrequi
domine lechoix des évacuateurs de crues est intervenue
également
dans le cas de SERREPONÇON. Mais
après
lapremière
estimationgrossière
del’avant-projet préli-
- 48 -
minaire, au cours
duquel
on avait avancé le chiffre de3. 600 m3/ sec. -
soit deuxfois le débit de la
plus grande
crue connue -, de nombreuses études ont été faites pourétayer
l’intuition.2.2. - M. PARDE avait
apporté
tout lepoids
de sagrande expérience
dansune
importante
étude modifiant sensiblement le chiffreinitial,
au moins pour lespointes
de crue.Simultanément,
on installait tout un réseau depluviomètres
et stations dejaugeages
pour contrôler etpréciser
les relevés anciens, ainsi que pour déter- miner les basesd’application
éventuelle de la méthode deshydrogrammes
uni-taires.
La mise en oeuvre de ces méthodes :
a)
Coefficient de sécurité par rapport à laplus grande
crue connue,b) Analyse
durégime
par M. PARDE.c) Extrapolation
de débits(analysés
etcorrigés) jusqu’à
une valeur de pro- babilité convenable : SCHNACKENBERG(~ ) indique
unepériode
de retourde 1. 000 ans pour les
barrages
en terred) Analyse
despluies
et des déficits d’écoulement -Emploi
deshydrogrammes
unitaires.
apportait
tout un ensemble d’éléments dont les résultats étaient relativementho-mogènes.
2. 3. - Par ailleurs, l’étude du
comportement
des ouvrages d’évacuation dans différenteshypothèses,permettait
de se rendre compte de l’intérêt queprésentaient
les
possibilités supplémentaires
destockage
dues à uneaugmentation
peu onéreuse de la revanche.Cependant,
au tenne de toutes cesétudes,
il subsistait certains doutes ,quelle
que soit la méthodeadoptée :
-
Pourquoi
un coefficient de sécurité de 2plûtot
que 2, 5 parrapport
à laplus grande
crue connue ?-
Pourquoi
M. PARDE s’était-il arrêté à un chiffre donné ?-
Pourquoi adopter
uneprobabilité
de1/1000 ?
-
Pourquoi
limiter l’intensité despluies
et choisir telle ou tellerépartition ?
Il
n’y
a pas deréponse possible
à cesquestions
et ceci suffit àsouligner
lecaractère
subjectif
de ces diverses méthodes. Il est alors séduisant pourl’esprit d’essayer
de se soustraire àl’aspect
arbitrairequ’implique
cettesubjectivité.
Quel que soit le chiffre de débit
adopté,
il subsiste unrisque
de voir une cruesupérieure
seproduire
unjour.
A-t-on intérêt à réduire cerisque
auprix
d’uneaugmentation
d’investissement ?3.1.
Principe d’optimum
Le
problème
estposé.
Ils’agit
d’unoptimum économique.
3.1.1. - Ce n’est certes pas la
première
foisqu’on
enparle.
M. GIBRAT lesait bien,
qui
avaitdéjà
traité laquestion
pour SARRANS. MM. DANEL etBLANCHET, au 4ème
Congrès
des GrandsBarrages
à NEW-DELHI, en avaient (*) SCHNACKENBERG : Extrême Flood Dischargés, New-Zeeland Institution of Engineers, 1949.- 49 -
également posé
leprincipe. SCHNACKENBERG,
sans le direexplicitement,
avaitsans aucun doute traité au moins sommairement le
problème
pour fixer les pro- babilités à admettre suivant letype d’ouvrage.
Maispratiquement
comment al-lions-nous mettre en oeuvre la méthode
proposée
par M. GIGUET le 19janvier
1954 à la S.H.F. ? Sur leprincipe même,
il est facile de trouver un accord.Un ouvrage en rivière étant
projeté,
on luiadjoint
desdispositifs
deprotec-
tion : évacuateur de crue,protection
deberge,
surélévation dubarrage,
etc...de coût total I. Il existe alors un certain
risque
dedégats
en cas de crue excep- tionnelle,supérieure
auxcapacités
d’évacuation et destockage.
A cerisque,
onpeutfaire correspondre
uneprime
d’assurance annuelle "a"qui actualisée, repré-
sente une
dépense
A.Une des
façons
lesplus
satisfaisantes pourl’esprit
de calculer unoptimum économique
est de chercher le minimum de la somme I + Alorsque
les caracté-ristiques
des moyens deprotection
varient.3.1.2. - Pour
simplifier l’exposé,
nous traiterons d’abord le cassimple
oùle débit seul intervient :
Appelons
qo le débit nominal des évacuateurs enenglobant
dans cetemps
tous lesdispositifs
deprotection
dont nous supposerons leprix
entièrement déterminé par la connaissance de qo.Les dépenses : dégats supplémentaires
dus à laprésence
del’ouvrage, perte
de
production pendant
lesréparations,
etc... seront fonction à la fois du débit q de la crue et de qocaractéristique
del’évacuateur ;
elles seront donc de laforme D(q, qo).
·Soit p
(q) dq
laprobabilité
pourqu’une
crue, dedébit compris
entre q et q +dq,
ait lieu dans l’année.Actualisée,
laprime
d’assurancecorrespondante
àprévoir
est :dA = k D
(q, qo)
p(q)
d qk tenant compte
uniquement
du taux d’intérêt admis et d’unchargement
de sécuritééventuel.
La
dépense
totaleactualisée,
destinée à couvrir lesrisques
dus à toutes lescrues
possibles,
est donc :où l’on doit remarquer que D est nul pour q qo.
Soitmaintenant I
(qo)
leprix
des évacuateurs etdispositifs
divers de protec- tion.L’équation optimum
sera :c’est-à-dire :
Si l’on admet de
plus,
cequi
est couventvraisemblable,
que lesdégats
dé-pendent
seulement de q - qo et varient defaçon
discontinue, par sauts de valeurAD{,
pourquelques
valeurs finies q; de q - qo, on aboutit à la formule finale :-50- 3.2.
Discussion
3.2.1. - Examinons les différents termes de cette formule
simplifiée.
Les investissements sont assez facilement
déterminés.
Il n’en est pas de même desdégats :
évaluation des destructions - processus même de celles-ci - submersions -propagation
des ondes derupture
vers l’aval - etc... C’est évi-demment, chaque fois,
un casd’espèce
et nous donnerons pourSERRE-PONÇON
les estimationsqui
ont pu être faites sans nous étendre sur cesujet qui pourrait
nous entrainer très loin.
Par contre, nous nous attarderons un peu dès maintenant sur le
problème général
desprobabilités
de crues.3.2.2. - Le terme même de
probabilité
est contreversélorsqu’on l’applique
aux crues. Pour
reprendre l’expression
de M. PARDE "onparle
de crue millé-naire et elle se
produit
deux fois dans la même semaine". Il est bien exactqu’en
ce
qui
concerne les cruesexceptionnelles
que nous devonsenvisager
il ne sauraitêtre
question
de définitionstatistique.
Mais on nepeut
nier un certaindegré
de"vraisemblance" auxdébits considérés et c’est cela que l’on chiffre enlui donnant le nom de
probabilité.
Par ailleurs, le seul fait deprendre
unedécision, quant
au débit de crue, revient à admettre
implicitement
que la diminution durisque qu’entrainerait l’adoption
d’un chiffresupérieur
ne compenseplus
les investisse- mentssupplémentaires correspondants. Exprimer
lespossibilités
dedépassement
par des chiffres
déplace
enquelque
sorte le moment de ladécision,
sans enchan-ger pour autant le
principe,
maispeut
modifier, si l’onn’y prend
pasgarde,
l’attribution des
respectabilités.
3. 2. 3. - Quoi
qu’il
ensoit,
il nous faut faire uneextrapolation
enpartant
d’une courbe defréquence
des débits connus, mal connusd’ailleurs,
et de toutes les autres sources d’information en notrepossession.
Mais onignore d’après quelle
loi faire cette
extrapolation
et, suivant que l’onajuste
aux relevés de débits uneloi de
GUMBEL,
une loiharmonique,
une loi deGALTON,
dePEARSON,
deGIBRAT,
etc... les résultats sont extrêmement différents.D’ailleurs,
existe-t-il untype
de loiunique ?
Onpeut
avoiraffaire,
pour une mêmerivière,
àplusieurs
genres de crues. M. MORLAT adéjà signalé
àplu-
sieurs
reprises
des différencescaractéristiques
entre les crues deprintemps
etles crues d’automne par
exemple.
Ceci a été observé pour la DURANCE ainsi quenous le verrons
plus loin,
sanspeut-être
que l’écart soit suffisamment net pourqu’on puisse
en tirer des conclusions. Mais onpeut
très bienimaginer
cre-a~relevés de débits de crues d’automne et deprintemps
semblables à ceuxqui
sontrepré-
sentés sur la
figure
n° 1. Il est évident alors que si l’onextrapole
la courbe defréquence
de l’ensemble des crues, on arrive, pour les faiblesprobabilités,
àdesdébits nettement inférieurs à ceux que l’on obtiendrait en tenant
compte
de la dis- tinction entre les deuxtypes
de crues.L’extrapolation
des résultats connus devra donc être extrêmementprudents
et ceci tient à la
complexité
duphénomène.
Une crue donnée est
produite
par la combinaison d’un certain nombre de pa- ramètres de caractère aléatoire dont lesprobabilités
ne suivent pasobligatoire-
ment des lois de même
type
et entrelesquels
ilpeut
exister des corrélations évidemment inconnues. Parexemple,
une direction depropagation
de front depluie
tellequ’elle
amènerait une concentration des débits aupoint
considéré(front
de
pluie
descendantla vallée) peut
être liée à des aversesplus
violentes que cellesqui correspondent
à un ventdifférent,
la violence de ces averses venant, soit d’une intensité moyenneplus
forte, soit d’unedispersion plus grande.
Cette cor-rélation entre un vent défavorable et une intensité de
pluie importante
définiraitun type de crue dont il conviendrait
peut
être d’étudier àpart
lesprobabilités.
On.-4
.~.
E
- 52 -
peut
multiplier
lesexemples
de telles corrélationspossibles
entre les nombreuxparamètres :
vent,température, intensité,
durée depluie,
état du sol, de lavégétation,
etc...qui régissent
les crues. La DURANCE, soumise à la fois auxvents
atlantiques
et aux ventsméditerranéens,
et dont lerégime
est assez forte-ment
nival,présente
sans aucun doute de tellescorrélations.Il
serait évidemmenttentant
d’analyser
tous cesphénomènes
pour aboutir, par une étude desynthèse,
à des résultats cohérents en ce
qui
concerne les crues elles-mêmes ; mais, dansaucun cas, à notre connaissance, on n’a pu
disposer
de tous les éléments néces- saires à une telle étude. Peut-êtrepourra-t-on
les réunir unjour ?
3.2.4.-
Cependant, HALPHEN(*)aproposé
une méthoded’analyse originale
des relevés de débits eux-mêmes en donnant d’ailleurs une
interprétation
météo-rologique
desprincipaux paramètres employés.
Cette méthode consiste essentiel- lement enl’ajustement
depolynômes trigonométriques
sur les courbes dudébitjournalier,
ouplutôt
dulogarithme
de celui-ci, au cours des différents mois,puis
en l’étude desprobabilités
des coefficientsnumériques
et des écarts. Les corrélations observées par HALPHEN sont, semble-t-il, latraduction de celles dont nousenvisagions plus
haut l’existence. Il faut évidemment en tenir compte dansl’extrapolation,
d’autant que l’éventualitétoujours possible
deconjoncture
non encore observées parce que très peu
probables peut
venir renforcer le do-maine extrême que l’on cherche à atteindre.
Remarquons cependant
que les différents choix effectués par HALPHEN :- le mois comme
période
deréférence,
- le débit moyen
journalier
commecaractéristique
dedébit,
- limitation à 3 des
composantes,
1 , ~ _ ’ - .~...~~~:En ,~n~. ~n. "n ~nn~~.·i~~w.nn
-
l’expression
des débits par leurslogarithmes.
impliquent
un certain combre de restrictions oud’hypothèses
concernant tant le climat que l’étendue du bassin versant. Ces divers choix,justifiés
pour l’ARVEau PONT de
CAROUGE,
la DORDOGNE à ARGENTAT ou la DURANCE à SERRE-PONÇON,
ne le seraient pas pour l’étude d’unpetit
ou d’un trèsgrand
bassin ver-sant sous un autre
climat, tropical
parexemple.
Il estpossible,
eneffet,
que le nombre de 3 composantes pour unepériode
de 1 mois(les
deux étantliés)
carac-térise un
climat tempéré
ou un ordre degrandeur
debassin,
de même que le choix du débit moyenjournalier
comme référence soitspécifique
de l’étendue dubassin versant(à
4.000 km2correspond,
eneffet,
un temps de base del’hydrogramme
unitaire de l’ordre de la
journée).
Par ailleurs, si
l’application
de la méthode à la détermination des débits écrétés estjusticiable de confrontations
relativementnombreuses avec l’observa- tiondirecte,
il n’en est pas de même pourl’extrapolation
desprobabilités
decrues. Quoi
qu’il
en soit, si cette méthode est, à notre avis,préférable
aux mé-thodes
d’extrapolation habituelles,
GUMBEL,PEARSON,
GALTON,GIBRAT,
etc... elle demande néanmoins à être utilisée
uniquement
par desspécialistes
avertis et, sauf modifications à
étudier,
dans le domaine défini par HLAPHEN lui même : bassin versant de l’ordre dequelques
milliers de km2 - climattempéré -
etc...
Les
premiers
résultats de la méthodeproposée
par HALPHENparaissent conduire,
ainsi que nous le verrons tout à l’heure pour la DURANCE, à des débits notablementsupérieurs
à ceux que donneraient les diverses lois citéesplus
haut.On peut évidemment se demander si ceci est
général
et si les lois habituellementemployée s
s ontoptimistes.
(*)
HALPHEN : Une méthode statistique d’analyse des débits - communication au Congrèsde Rome de l’Association Internationale d’Hydrologie Scientifique, Septembre 1954.
Nous voyons
donc,
dèsmaintenant,
que même dans le cas où les débits seuls interviennent, nous rencontrons des difficultés du même genre que celles que nous avions eues initialement.4. INTRODUCTION DE LA
DURÉE
DES CRUESLa valeur du débit n’est pas seule à intervenir. Les
possibilités
destockage qu’offre
laprésence
d’unréservoir, toujours
muni d’une certaine revanche, nousobligent
à introduire, dans le calcul, la durée des crues ou la forme de leurshy-
grogrammes. Nous allons voir maintenant comment le faire et nous suivrons ici de
beaucoup plus près
que dans leparagraphe précédent,
cequi
a été effectivement fait pourSERRE-PONÇON.
4. 1. - Nous admettrons d’abord deux
hypothèses :
a - Les
dégats
interviennent en totalité dès ledéversement,
b - Toutes les crues ont une même forme
type,
variable au besoin avec le dé- bitcaractéristique (maximum
ou moyenjournalier
parexemple),
mais entièrement défini par lui.Dans ces
conditions,
à uneprobabilité donnée,
traduite endébit, correspond
un
hydrogramme donné,
àpartir duquel
onpeut
tracer une courbe Vo(qo)
définis-sant pour cette crue la relation
qui
doit exister entre le volume stockable et lacapacité
desévacuateurs,
defaçon
à éviter tout déversement(Fig.
2 et3).
B
Fig. 2 Fig.3
’
Hydrogramme Courbe de stockage
On peut ainsi
obtenir,
dans leplan
V, q, une famille de courbesd’égale
pro-babilité de déversements. En
cherchant,
lelong
de chacuned’elles,
le minimumdes investissements I
(qo, Vo ),
on obtient un ensemble de solutions admissiblesreprésenté
par une courbe ; celle-ci estégalement
le lieu depoints
detangence,
dans le
plan
V, q, des courbesdégale probabilité
de déversements et des courbesd’égal
investissement(Fig. 4),
page suivante.Chaque point
de cette courbe peut être ainsicoté,
d’une part, enprobabilité,
d’autre part, en investissement. Il lui
correspond
d’ailleurs, suivant notrehypo-
thèse "a-" les
dégats
totaux que l’onpeut
éventuellement faire varier en fonction du débit de crue.A un
changement
deparamètre près,
les différents termes denotre équation
d’optimum
sont donc connus.- 54 -
4.2. - Mais avons-nous le droit de considérer que la forme de
l’hydrogramme
est fixée par le seul
paramètre
débit ?Certes,
notrehypothèse
estdéjà
assezlarge puisque
nous n’avons pasprécisé
la nature de cette relation ; ce n’est pas forcément une affinitéverticale,
ni même une homothétie parrapport
àl’origine.
Mais on sait bien que pour un débit moyen
journalier donné,
parexemple,
leshydrogrammes
de cruespeuvent
avoir des formes sensiblement différentes(Fig. 5).
Fig. 4
C’est
en analysant
leshydrogram-
mes réels de LA DURANCE que nous nous sommes rendus
compte
que l’onpouvait
admettre ici deuxgrandes
classes de crues : crues de
printemps
et crues d’automne - classes sans
doute d’autant mieux caractérisées que les débits sont
plus importants ;
et nous avons admis pour forme
type
celle de la crue de 1843 pour l’autom- ne, J celle de la crue de 1856 pour leprintemps (Fig.
6 et7~
Nous avons eu,en
effet,
la chance de retrouver aux ARCHIVESNATIONALES, grâce
auxindications de M. HUPNER, les élé- ments nécessaires à une reconstitu- tion relativement
précise
de ceshydrogrammes.
Nous avons alorsconstruit les courbes
Vo (qo)
corres-pondant
à chacun de cestype s
de crues(Fig. 8) ;
on remarquera que ces courbes se déduisent les unes des autres par homothétie parrapport
àl’origine
des coordonnées. Cette ho-mothétie,
vérifiéequasi
exactementpour les crues les
plus typiques
dontnous
disposions,
a étégénéralisée
parla suite. Elle
correspond
notammentà
l’hypothèse
que leshydrogrammes
Fig. 5
Hydrogrammes. Possibles de Crues
d’un même
type
se déduisent les uns des autres par affinité verticale. Cette der- nièrehypothèse
est d’autant moinsabsurde,
pensons-nous, que les débits sontplus
elevés et c’est en cela que la connaissance des très fortes crues du siècle dernier nous estparticulièrement
utile.Fig. 6
Fig. 7Formes types de Crues
Nous avons été
amenés,
parailleurs,
à attribuer la mêmeprobabilité
à cha-cun de ces deux
types
de crues, bien quel’analyse
des débits connus fasse appa- raitre une certaine différence entre eux. Mais la combinaison des courbes V(q)
des crues d’automne et des crues de
printemps
conduit à des courbesglobales
dont le tracé est intermédiaire entre celui des
précédentes (Fig. 9).
Les diffé-rences de
probabilités qui apparaissent
entre les crues deprintemps
et les cruesd’automne sont
trop
faibles pour modifier sensiblement le résultat final.Les courbes de déversement
équi-probables
d’ensemble étant obtenuescompte
tenu des
probabilités,
onpeut,
comme il a été ditplus
haut, mener à bien lecalcul final.
5. APPLICATION A
SERRE-PONÇON
Avant de voir les résultats
eux-mêmes,
nouspréciserons
lafaçon dont
ontété obtenus les différents éléments du calcul en
soulignant
au passage leshypo-
thèses admises ainsi que les marges d’incertitudes
adoptées.
5. 1. - La formule de base
( 1)
demande à être modifiée.Appelons
maintenantq le débit moyen
journalier
de la crue pourlaquelle
l’ensemble :- évacuateurs de
capacité
qo- revanche donnant un volume stockable Vo
constitue
l’optimum
des moyens deprotection
de coût total I(qo, Vo ) ;
et admet-tons que les
dégats
D interviennent en totalité dès que qmdépasse
qmo-56-
en
~ ,9) en 0
~
0’ S
. 0
b0 U
. r-i
~4
enIn~
11) ..0
H
::3 0 U
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00 M M
4 :5 P..
"r-i b
~
0 -Ô
me ~ U J.tH
U
On a alors
avec k
=
r
c’est-à-dire sans
chargement
de sécurité.5.2. Données
5.2. 1.- Investissements : Il était relativement facile de chiffrer les inves- tissements relatifs aux évacuateurs pour
lesquels
un devis a été fait dans diffe- renteshypothèses ;
nous avons admis deplus
que lesvidanges
defond, équipées
pour 1.200
m3/ sec.,
étaient réalisées àpriori.
La détermination du
prix
de la revancheétait,
par contre,plus
délicate. Nousavons admis que seules étaient
imputables
à uneprotection
contre les crues, lesdépenses correspondant
à une surélévation au-dessus de la cote786, adoptée
lorsdes
premiers avant-projets.
Deplus,
lespremiers
mètres au-dessus de cette cotepeuvent
être obtenus par un raidissement des talus auvoisinage
de lacrête,
ainsi
qu’il
ressort duprojet
actuel, et par suite auprix
desdépenses
relativemed faibles. Par contre, dès que la crêtedépasse
la cote789,
lasurépaisseur
doits’étendre sur l’ensemble des
parements.
C’est à
partir
de ceshypothèses
que nous avons chiffré les investissementscorrespondant
à uneaugmentation
de la revanche.Dans les deux cas ; évacuateurs et surélévation de la
digue,
nous avonsajouté
aux
dépenses proprement
dites lescharges d’exploitation
actualisées.5.2.2. -
Dégâts :
C’est certainement là unproblème
extrêmement délicat.Notons
d’abord,
enanticipant
sur les résultats del’étude, qu’on peut
penserqu’il n’y
a pas lieud’envisager
despertes
de viehumaines, moyennant
undispositif
d’alerte
qui
aurait uneprobabilité
annuelle de l’ordre de10"
d’être mis en oeuvredès que le
plan
d’eaudépasse
la cote normale deretenue)
et uneprobabilité
infé-rieure à
10-4
de servireffectivement ;
les délaiscorrespondants,
de l’ordre de lajournée
au minimum, étant suffisants pour en assurer l’efficacité entière.Nous ne nous étendrons pas
surlafaçon
dont a été faite l’estimationdesdégats
matériels. Sur le
plan théorique,
onpeut
sans doute discuter cette évaluation.- Ilfaudrait en toute
rigueur prendre
seulement encompte
la différence entre lesdégats qu’entrainerait
larupture
dubarrage
et ceuxqui
auraient pu avoir lieuen l’absence de celui-ci.
- Les
dégats dépendent
de la loi de destruction dubarrage
lui-même.Cependant,
l’évaluation même desdégats
est assezimprécise
etlorsqu’on
avance un chiffre de 200
milliards,
J il estpratiquement impossible
de savoir s’ils’agit
d’unsupplément
dedépenses
ou desdépenses
totales. Par ailleurs, s’ilpeut apparaitre
une différence entre une destructionrapide
dubarrage (quelques heures)
et une destruction lente(mais qui
devrait sans doute rester de l’ordre de lajournée);
cette différenceporte
essentiellement sur les destructionssuscepti-
bles d’avoir lieu entre
SERRE-PONÇON
et SISTERON. Eneffet, l’analyse
desdocuments relatifs à la destruction des
barrages
de la Môhne ainsi que l’examenapprofondi
de latopographie
de la vallée de LA DURANCE, inclinent à penser que lelaminage
de l’onde derupture
par la cluse de SISTERON serait trèsimportante.
En
définitive,
nous avons admis que lesdégats
interviendraient en totalité dèsqu’il
y aurait déversement et que leur montant, ycompris pertes
deproduc-
tion
hydraulique, agricole,
etc... était de 200 milliards.- 58 -
En
fait,
lebarrage peut
certainementadmettre,
sans êtredétruit,
des déver- sements de l’ordre de 100 à 200m3/sec. qui
s’infiltreraient sous les gros ele- ments deprotection
duparement
aval, mais l’erreurcorrespondante
nechange
pas le sens du résultat final.
A noter que le fait d’admettre que les
dégats
interviennent en totalité desqu’il
y a
déversement,
cequi
n’est pas absurde pour unbarrage
en terre, n’estplus
vrai dans le cas
général
où undépassement
en volumepeut
ne pas avoir la même incidencequ’un dépassement
endébit.
Onpourrait
alors s’en tirer entraçant
de nouvelles courbes V(q) qui
ne seraient pas"d’égale probabilité
de déversement"mais
"d’égale probabilité
dedégats".
Il estvraisemblable d’ailleurs que le nombre de sauts A Di serait encore limité et que ceux-ci seraient fonction d’un q - qm différent du q - qoinitial,
mais liés à celui-ci ainsiqu’au
volume Vocorrespondant
Enfin,
étant donnél’imperfection
de nos moyensd’investigation,
nous avonsregardé quels
seraient les résultatsauxquels
conduiraient des estimations de dé-gats
de 150 milliards d’unepart
et de 300 milliards d’autrepart,
cequi repré-
sente une variation très
importante
des destructions etpertes
horsE.D.F.,
lesplus
difficiles à évaluer.5.2. 3. - Probabilités - Nous avons
rappelé plus
haut les difficultésqu’on
ren-contre pour établir une courbe de
probabilités
de crues et nous avonsmarqué
unepréférence, peut-être sentimentale,
pour la méthode d’HALPHEN. Mais ce der- nier ne nous avaitdonné,
avant sa mort, quequelques
chiffresprudents, premiers
résultats d’une étude ou il n’avait pas encore eu le temps d’introduire toutes les informations
disponibles.
C’est M.MORLAT, reprenant
ensuite laquestion, qui
a établi la courbe de
probabilités
dont nous nous sommes servis. Pourchaque
valeur de la
probabilité,
il a donné d’ailleurs unqualitatif équivalent
et non seu-lement une estimation du
débit,
mais aussi une zSne d’incertitude.La courbe
correspondante
M, ainsi que les fourchettes inférieuresF1
et su-périeure F2
sontreprésentées
sur laFig.
10 où nous avonsreproduit
deplus
lesextrapolations
des débits connus, au moyen de diverses formules. On voit que celles-ci sont nettementplus optimistes
que ce que nous avons admis.Est-ce un résultat
général ?
Est-ceparticulier
àlaDURANCE ? oumême,
dans ce cas, avons-nous étépessimistes ?
Je n’en sais rien,mais,
si nous avonsadopté
la courbeM,
c’est que nousc roy~.’ ons qu’elle
était laplus probable.
Etc’est en
particulier
là quel’aspect subjectif
que nousreprochons
aux méthodesglobales
de détermination des débits de crueréapparaît,
dans le choix de la cour-be de
probabilité.
Bien
entendu,
dans lescalculs,
nous avons successivement introduit la courbe M et chacune dos courbesFi
etF2.
5. 2 . 4. - Formes de c rue s : Dans
l’ expos é
de laméthode,
nous avons s uivi de trèsprès
l’étudepratiquement
effectuée pourSERRE-PON~ON;
nousn’y
revien-drons pas
longuement. Rappelons cependant
que nous avons attribué le mêmepoids
aux crues d’automne et aux crues de
printemps,
leurprobabilité
étant définie àpartir
du débit moyenjournalier.
Cettefaçon d’opérer est justifiée
dans le casprésent
où le bassin versant est assezgrand
pour que les crues courtes elles~- 59 -
mêmes
maintiennent, pendant plusieurs heures,
un débit voisin du maximum ; pour depetits
bassins versants, il faudrait sans doute attribuer aux crues"poin-
tues" un
poids
inférieur à celui des crues soutenues, dans la mesure,toutefois ,
où les
probabilités
de chacune de ces classes de crues seraientanalogues.
Signalons
enfin uneparticularité
commode due àl’hypothèse
faite de courbesde
probabilités rectilignes
en coordonnéeslogarithmiques :
non seulement les courbes V(q)
élémentaires sonthomothétiques
par rapport àl’origine,
mais lescourbes
composées
le sontégalement.
Leur cotationseule,
enprobabilités,
variesuivant la loi
adoptée
et est d’ailleurs en relationsimple
avec le rapport d’homo- thétie. Il s’en suit que lesprobabilités
n’interviennent pas dans larépartition
entre revanche et
débit,
même si la loi varie, à condition qu’elle reste rectilisne.Fig. 10
Lois de probabilités
5.2.5.- Eléments
négligés :
Nous n’avons pas cherché à introduire dans le calcul deprobabilité
de voir une vannebloquée
enposition
de fermeture au mo-ment où la crue arrive et nous avons
implicitement
admis que le réservoir étaittoujours plein.
Ilpeut
y avoir une certainecompensation
entre ces deuxhypo-
thèses et nous reviendrons sur cette
question plus
loin.Enfin,
nous n’avons tenucompte
d’aucunchargement
desécurité ;
cette ques- tion nécessiterait sans doute des étudesapprofondies qui dépasseraient
le cadrede cette note.
5.3.
Résultats5.3. 1.-
Répartition
entre revanche dubarrage
et débit des évacuateurs : LaFig.
11représente
le calculgraphique correspondant.
L’ensemble des solutions admissibles a été
représenté
par une bande hachu- rée dont l’étroitesse est due au genou des courbesd’égal
investissement. Ce genou lui-même tient aux variations duprix marginal
de surélévation dubarrage. Cela
veut dire que la surélévation du
barrage
n’estpréférable
àl’augmentation
du débitdes évacuateurs que dans la mesure où elle
peut
être obtenue par un raidissement des talus au-dessus de la cote 786 que l’on réaliserait en tout état de cause.- 60 -
Et nous voyons que cette cote 7-86
qui parait,
sur legraphique, s’imposer ,
repose en fait sur les
hypothèses
que leprojeteur
a dûfaire,
enparticulier
coef-ficient de sécurité de la zône de
crête,
pour fixer la limite àpartir
delaquelle
on ne
pouvait plus
se contenter d’un raidissement destalus,
mais où il fallait aucontraire admettre un
engraissement
des parements.5.3.2.-
Optimum
de l’ensemble des ouvrages : Plutôt que d’utiliserl’équa-
tion
(2),
nous avonspréféré
chercher le minimum de 1 +A,
cequi permet
demieux se rendre
compte
de laprécision.
Les courbes de la
Fig.
12représentent
1 + A en fonction du débit des évacua-teurs dans différentes
hypothèses.
La courbe M 200correspond
à la loi de pro- babilité M et une évaluation desdégats
de 200 milliards. Elleprésente
un minimumpour un débit des évacuateurs de surface de 1. 700
m3/s. auquel correspond
unecote de
barrage
t’rès voisine de 788(788,20).
Mais il est extrêmementplat :
uneerreur de ± 10
%
sur l’estimation du coûtmarginal
des ouvrages deprotection
entraine une différence de
quelque 100m3/sec.
en moins ou enplus
sur la dé-termination du débit des évacuateurs. De
plus
si l’on s’écarte de600 m3/
sec. dudébit
optimum,
il s’ensuit unsupplément
dedépense
totale : investissementplus charges
actualisées(y compris prime
d’assurancefictive)
de 50 millions seule- ment.La
précision
’du calculapparait
donc assez faible àpriori.
On s’en rendmieux
compte
encore :1°-
lorsqu’on
fait varierles estimations dedégâts
enadoptant
successivement 150 milliards et 300milliards,
cequi
revient au même que d’admettre des taux d’intéret différents(=#=5,3 %
et #2,6 %)
pour la même évaluation de 200 milliards.2°-
Lorsqu’on adopte
pour loi deprobabilité
la limite inférieure de la four- chetteindiquée
par M. MORLAT(F1)
ou la fourchettesupérieure (F2).
Les résultats donnés
(Fig. 12),
pour les autrescourbes,
dont la numérota- tion estévidente,
sont rassemblés dans le tableauci-après donnant,
dans lesdifférents cas, le débit des évacuateurs de surface ; la cote
optimum
dubarrage
étant
toujours
très voisine de 788 et lesvidanges
de fond débitant 1.200m3~
sec.Nous avons, de
plus,
danschaque
cas,indiqué
leprobabilité correspondante
L’influence de