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Chronique de vie administrative – Suisse

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Chronique de vie administrative – Suisse

BELLANGER, François, GAVILLET, Aurélie, ZUBER, Céline

BELLANGER, François, GAVILLET, Aurélie, ZUBER, Céline. Chronique de vie administrative – Suisse. Annuaire européen d'administration publique , 2011, vol. 34, p. 635-658

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:47371

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La présente chronique d'act~alité ~dministrative en Suisse pour l'année 2011 est subdivisée en tr01s parties: la première est consacrée aux modifications constitutionnelles et législatives qui ont été acceptées ou refusées dans le cadre de votations populaires au niveau fédéral. Dans la deuxième partie, nous présenterons quatre nouvelles lois fédérales ou modifications législatives qui sont entrées en vigueur en 2011 sans avoir fait l'objet d'un référendum. Enfin, nous terminerons notre contribution par un exposé de quelques arrêts dans le domaine du droit public, publiés en 2011 par le Tribunal fédéral.

I. MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES ET LÉGISLATIVES SOUMISES AU PEUPLE

Une modification de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.) 1 peut intervenir soit sur la base d'un projet voté par le Parlement sous la forme d'un arrêté fédéral, soit à la

*

Par François BeUanger, Professeur ordinaire à l'Université de Genève, avocat, Au- rélie Gavillet, Maîtrise en droit, assistante et doctorante à l'Université de Genève et Céline Roy, Maîtrise en droit et diplôme d'ingénieur HES, assistante et docto- rante à l'Université de Genève.

Recueil systématique du droit fédéral (RS) IO l. Le RS, le Recueil officiel du droit fédéral (RO) ainsi que la Feuille fédérale ~FF) peuvent être consultés en ligne sur le site Internet des autorités de la Conféderatton : www.admin.ch, rubrique« Lé- gislation ». Tous les sites Internet indiqués ci-après ont été consultés Je 4 juillet 2012.

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Le deuxième moment législatif de grande importance a été la publication de la Résolution du Conseil des Ministres n.0 40/2011, du 22 septembre, approuvant les principes d'orientation et les principaux vecteurs de la réforme de ladministration territoriale locale autour de quatre axes essentiels: le secteur d'entreprises locales, l'organisation territoriale, la gestion municipale, inter-municipale et le financement respectif et, finalement, la démocratie locale (ce dernier axe prévoit une nouvelle loi électorale locale, une nouvelle loi des élus locaux, une nouvelle formule pour la composition des organes exécutifs et de nouvelles attributions des communes et des paroisses, ainsi que de nouvelles compétences pour les organes respectifs).

Finalement, le troisième acte législatif important - d'autant plus qu'il intégrait un dynamisme législatif advenant de la difficulté financière portugaise - fut l'approbation de la Loi n.0 55/2011, du 15 novembre, qui, d'une part, en modifiant la Loi n.0 53-F/2006, du 29 décembre (régime juridique du secteur d'entreprises locales), a créé de nouvelles règles de transparence et d'information dans le secteur d'entreprises locales, et, d'autre part, a suspendu la possibilité de créer de nouvelles entreprises publiques locales et que ces dernières puissent acquérir des participations sociales.

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La présente chronique d'actualité administrative en Suisse pour l'année 2011 est subdivisée en trois parties: la première est consacrée aux modifications constitutionnelles et législatives qui ont été acceptées ou refusées dans le cadre de votations populaires au niveau fédéral. Dans la deuxième partie, nous présenterons quatre nouvelles lois fédérales ou modifications législatives qui sont entrées en vigueur en 2011 sans avoir fait l'objet d'un référendum. Enfin, nous terminerons notre contribution par un exposé de quelques arrêts dans le domaine du droit public, publiés en 2011 par le Tribunal fédéral.

I. MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES ET LÉGISLATIVES SOUMISES AU PEUPLE

Une modification de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.) 1 peut intervenir soit sur la base d'un projet voté par le Parlement sous la forme d'un arrêté fédéral, soit à la

*Par François Bellanger, Professeur ordinaire à l'Université de Genève, avocat, Au- rélie Gavillet, Maîtrise en droit, assistante et doctorante à l'Université de Genève et Céline Roy, Maîtrise en droit et diplôme d'ingénieur HES, assistante et docto- rante à l'Université de Genève.

Recueil systématique du droit fédéral (RS) 101. Le RS, le Recueil officiel du droit fédéral (RO) ainsi que la Feuille fédérale (FF) peuvent être consultés en ]jgne sur le site Internet des autorités de la Confédération : www.admin.ch, rubrique« Lé- gislation ». Tous les sites Internet indiqués ci-après ont été consultés le 4 juillet 2012.

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suite du dépôt d'une initiative populaire, à savoir un texte signé et agréé par 100'000 citoyens au moins 2. Tout projet de modification de la Constitution doit faire l'objet d'une votation populaire (référendum obligatoire) 3. L'adoption d'un tel projet requiert la double majorité : celle du peuple (majorité des suffrages valables) et celle des cantons (majorité des cantons où les votants ont approuvé le projet) 4.

Les lois fédérales, nouvelles ou modifiées, ne sont soumises au verdict populaire que si une telle votation est demandée par 50'000 citoyens actifs ou huit cantons dans les 100 jours qui suivent la publication officielle de l'acte (référendum facultatif) 5. En pareil cas, l'adoption du projet ne requiert que la majorité du peuple 6.

En 2011, le peuple suisse a été appelé à voter sur le plan fédéral à une seule reprise, en date du 13 février, et s'est prononcé à cette occasion sur un seul objet fédéral 7. Il était issu d'une initiative populaire et avait pour but une modification de la Constitution fédérale. Il n'y a donc pas eu de modification législative soumise au peuple en 2011.

La modification constitutionnelle proposée par l'initiative populaire « Pour la protection face à la violence des armes » a été refusée par 56,3% des votants et par 15 cantons et 5 demi-cantons 8 suivant ainsi les recommandations du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale.

Cette initiative, déposée en février 2009, visait à améliorer la protection de la population face à l'usage abusif d'armes à feu. Dans ce but, elle proposait de durcir le système d'autorisation et de contrôle des armes. Ainsi, toute personne qui souhaitait «acquérir, posséder, porter, utiliser ou remettre une arme à feu ou des munitions » devait

«justifier d'un besoin et disposer des capacités nécessaires ». De plus, la possession d'une «arme particulièrement dangereuse telle qu'une arme à feu automatique ou un fusil à pompe » était interdite. Toutes les armes militaires étaient « conservées dans des locaux sécurisés de l'armée». Finalement, la Confédération devait tenir« un registre des armes à feu », appuyer « les cantons dans l'organisation de collectes

2 Art. 139, al. 1, Cst.

3 Art. 140, al. 1, let. a, Cst.

4 Art. 142, al. 2, Cst.

5 Art. 141 , al. 1, let. a, Cst.

6 Art. 142, al. 1, Cst.

7 Vous trouvez toutes les informations utiles sur cet objet soumis au peuple sur le site internet de l'administration fédérale:

http://www. bk.admi n .ch/themen/pore/va/201 10213/index.html ?lang=fr.

8 Cf résultats de la votation, in :

http://www.admin.ch/ch/f/pore/va/20110213/index.btml.

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d'armes à feu» et œuvrer «au niveau international afin de limiter la disponibilité des armes légères et de petit calibre. » 9

Le lancement de cette initiative a succédé à une révision de la loi fédérale sur les armes du 20 juin 1997 (LArrn) 10 par 1' Assemblée fédérale en juin 2007. Lors de cette révision et à la suite d'événements dramatiques, plusieurs propositions de durcissement du système ont été faites, mais n'ont pas été retenues par le Parlement. Le comité d'initiative étant d'avis que le peuple se prononcerait différemment, a repris ces propositions 11 Il estimait que les 300 morts annuels provoqués par les 2,3 millions d'armes à feu en circulation en Suisse étaient inacceptables et que l'initiative permettrait de diminuer le nombre de suicides et d'augmenter la sécurité, en particulier celle des femmes et des enfants 12.

Le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale, bien qu'ils partagent 1' objectif de réduire l'utilisation abusive des armes, ont recommandé le rejet de l'initiative pour diverses raisons, mais principalement parce que la législation en vigueur, qui est présentée ci-après, était suffisante et parce que «l'initiative ne garantit en rien qu'il y aura réellement réduction du nombre d'abus.» 13

En Suisse, l'acquisition d'armes est soumise à autorisation par l'article 8 LArm, qui fixe des conditions. Ces dernières excluent les personnes mineures ou interdites, celles « dont il y a lieu de craindre qu'elles utilisent l'arme d'une manière dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui » et celles qui ont inscrit au casier judiciaire « un acte dénotant un caractère violent ou dangereux » ou plusieurs crimes ou délits. Ces conditions sont reprises à l'article 27 LArm concernant le port d'armes et complétées par des exigences portant notamment sur la nécessité de porter une arme, la capacité à la manier et la connaissance des normes légales. Concernant les armes à feu automatiques, elles sont expressément interdites par 1' article 5 LArm.

Un registre des armes est tenu dans chaque canton en application de l'article 32a, alinéa 2, LArm. Toutes les personnes qui acquièrent une arme, ainsi que les indications relatives à cette dernière, y

9 Texte soumis au vote disponible in Brochure «Explication du Conseil fédéral », p. 9 s, in: http://www.bk.admin.ch/themen/pore/va/20110213/index.html?lang=fr.

lû RS 514.54.

11 Message du Conseil fédéral relatif à l'initiative populaire« Pour la protection face à la violence des armes», p. 134 s, in: FF 2010 129.

12 Arguments du comité d'initiative in Brochure «Explication du Conseil fédéral », p. 11, in: http://www.bk.admin.ch/themen/pore/va/20110213/index.html?lang=fr. 13 Brochure «Explication du Conseil fédéral », p. 12 s, in :

http://www.bk.admin.ch/themen/pore/va/20110213/index.htmJ ?lang=fr.

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figurent. Ce système permet de remplir les conditions imposées à la Suisse par l'accord Schengen 14

La LArm ne s'appliquant pas à l'armée, la possession d'armes militaires n'est pas soumise à ses prescriptions. La coutume suisse veut que les militaires gardent en principe leur arme personnelle à leur domicile. Ils ont toutefois la possibilité de la déposer à l'arsenal et, dans tous les cas, ne reçoivent pas de munition. À la fin des obligations militaires, l'arme personnelle peut être acquise aux conditions de la LArm 15

La réglementation sur les armes n'a donc pas été modifiée, à la suite du rejet de l'initiative «Pour la protection face à la violence des armes ». Le sujet n'est pas clos pour autant, puisqu'il fait toujours l'objet de «controverse dans l'opinion publique suisse». En effet,

« certains souhaiteraient une stricte réglementation de l'utilisation d'armes afin d'exclure tout risque, tandis que d'autres plaident en faveur d'une réglementation aussi minime que possible afin que les activités de chasse, de sport et de collection puissent être pratiquées sans contrainte bureaucratique. » 16

II. MODIFICATIONS LÉGISLATIVES NON SOUMISES AU PEUPLE

Le présent chapitre est consacré aux modifications législatives entrées en vigueur en 2011 sans avoir fait l'objet d'un référendum.

Nous nous focaliserons sur quatre lois fédérales: d'abord, la loi fédérale sur la sauvegarde de la démocratie, de l'État de droit et de la capacité d'action dans les situations extraordinaires (A), ensuite la modification législative traitant des résidences secondaires (B.), puis la loi fédérale sur la reconnaissance d'accords entre institutions privées destinés à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (C.) et finalement, la loi fédérale concernant la redevance pour l'utilisation des routes nationales (D.).

A. SAUVEGARDE DE LA DEMOCRATIE, DEL' ETAT DE DROIT ET DE LA CAPACITE D'ACTION DANS LES SITUATIONS EXTRAORDINAIRES

La loi fédérale sur la sauvegarde de la démocratie, de l'État de droit et de la capacité d'action dans les situations extraordinaires du

14 Message du Conseil fédéral relatif à l'initiative populaire« Pour la protection face à la violence des armes », p. 156, in : FF 2010 129.

15 Ibid., p. 146.

16 Ibid., p. 130.

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17 décembre 2010 17 est entrée en vigueur le 1er mai 2011. Elle ne crée pas une nouvelle loi, mais modifie des dispositions de trois lois fédérales : la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 21 mars 1997 (LOGA) 18, la loi sur le Parlement du 13 décembre 2002 (LParl) 19 et la loi sur les finances du 7 octobre 2005 (LFC) 20.

L'origine de cette loi fédérale réside dans une initiative parlementaire d'une commission de lAssemblée fédérale. Elle faisait suite à plusieurs actes du Conseil fédéral effectués dans le cadre de situations extraordinaires. Dans ces situations, la Cst. prévoit que le Conseil fédéral peut, à titre exceptionnel, adopter des ordonnances limitées dans le temps ou prendre des décisions, malgré l'absence de base légale. La manière dont le gouvernement a utilisé ses prérogatives a suscité des critiques, en particulier dans quatre cas. Le premier est lié à la crise de Swissair, l'ancienne compagnie aérienne nationale, en 2001. Lorsque l'ensemble de la flotte avait été immobilisée au sol, le Conseil fédéral avait ouvert et libéré un crédit de 1,2 milliard de francs suisses (1 mrd EUR). Il avait obtenu pour cela le consentement de la Délégation des finances, composée de six députés, mais n'avait pas soumis préalablement la dépense au vote de 1' Assemblée fédérale, comme le prévoit la procédure ordinaire. Le Parlement, mis devant le fait accompli, avait ensuite approuvé ce crédit en session extraordinaire 21Le deuxième cas est très similaire et date de la crise financière de 2008. Le Conseil fédéral avait souscrit à un emprunt d'un montant de 6 milliards de francs (5 mrd EUR) afin de recapitaliser la banque privée UBS SA. Le crédit nécessaire avait été ouvert avec l'assentiment de la Délégation des finances, mais, de nouveau, sans l'approbation préalable des chambres fédérales, qui l'ont ratifié après coup 22. Le troisième cas porte sur une ordonnance du Conseil fédéral adoptée en 2001. Cette ordonnance 23, dépourvue de base légale, instituait des mesures à l'encontre du groupe «Al- Qaïda » et d'organisations apparentées, notamment en prévoyant des peines d'emprisonnement. Elle devait initialement avoir une durée de

17 RO 2011 1381.

18 RS 172.010.

19 RS 171.10.

20 RS 611.0.

21 Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national relatif à l'initiative parlementaire «Sauvegarde de la démocratie, de l'État de droit et de la capacité d'action dans les situations extraordinaires», p. 1444, in: FF 2010 1431.

22 Ibid., p. 1437. 23 RO 2001 3040.

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validité de deux ans, mais le Conseil fédéral l'a prorogé trois fois, de sorte qu'elle était encore en vigueur en 2011 24. Dans le dernier cas, le Conseil fédéral a ordonné, en 2007, la destruction de pièces à conviction d'une procédure pénale, dans le cadre d'une affaire appelée

« Tinner ». Ces pièces contenaient des plans de construction d'armes nucléaires. À la suite de cette décision, un rapport d'une délégation du Parlement 25 a relevé qu'en l'espèce, les conditions d'une situation extraordinaire n'étaient pas remplies, notamment en l'absence d'urgence puisque l'existence des documents était connue depuis 16 mois, qu'il s'agissait d'une atteinte à l'indépendance de la justice et que la décision était disproportionnée. De plus, la délégation avait regretté de ne pas avoir été informée alors qu'elle s'occupait également de l'affaire Tinner. Malgré cela, lorsque des copies de certains documents sont apparues en 2009, le Conseil fédéral a de nouveau ordonné leur destruction 26.

Afin de mieux encadrer l'activité du Conseil fédéral et d'assurer le rétablissement le plus rapide possible des institutions, le Parlement a adopté la loi fédérale sur la sauvegarde de la démocratie, de l'État de droit et de la capacité d'action dans les situations extraordinaires. Elle introduit des mesures pour les trois types d'actes que le Conseil fédéral peut prendre dans ces situations : les ordonnances, les décisions et les crédits. Concernant les ordonnances, elle distingue celles qui visent à la sauvegarde des intérêts du pays envers l'étranger, basées sur l'article 184, alinéa 3, Cst., et celles visant à la préservation de la sécurité extérieure et intérieure, basées sur l'article 185, alinéa 3, Cst. Pour les premières, la LOGA est modifiée afin de limiter leur durée de validité à 4 ans. Elles peuvent ensuite être prorogées une fois, mais le Conseil fédéral doit dans ce cas soumettre dans les 6 mois un projet établissant une base légale aux chambres fédérales. Pour les secondes, appelées «ordonnances de police», le Conseil fédéral doit soumettre au P9arlement, dans les 6 mois après leur entrée en vigueur, un projet de base légale ou d'ordonnance de 1' Assemblée fédérale.

L'objectif de cette mesure est de contraindre le Conseil fédéral à déjà

24 Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national relatif à l'initiative parlementaire «Sauvegarde de la démocratie, de l'État de droit et de la capacité d'action dans les situations extraordinaires», p. 1438 s, in: FF 2010 1431.

25 Rapport de la Délégation des Commissions de gestion des Chambres fédérales relatif à l'affaire Tinner: gestion du dossier par le Conseil fédéral et légalité des mesures ordonnées, in : FF 2009 4493.

26 Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national relatif à l'initiative parlementaire «Sauvegarde de la démocratie, de l'État de droit et de la capacité d'action dans les situations extraordinaires », p. 1441 s, in : FF 2010 1431.

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réfléchir au projet qu'il présentera à l'Assemblée fédérale lorsqu'il adopte son ordonnance 27 Concernant les décisions prises par le Conseil fédéral dans les situations extraordinaires, la LOGA et la LParl sont modifiées pour rajouter une obligation d'informer la Délégation des Commissions de gestion dans les 24 heures qui suivent la décision. Lors des débats parlementaires, il avait été envisagé d'obliger, préalablement à la prise d'une décision, de consulter une nouvelle délégation du Parlement 28. Toutefois, le Conseil fédéral s'était opposé à cette disposition, qui, à son sens, entraverait sa capacité d'action en cas de crise 29. Finalement, concernant les crédits, la LCF est modifiée afin de rendre obligatoire lassentiment de la Délégation des finances préalablement à l'ouverture d'un crédit urgent, à l exception des dépassements de crédit de moins de 5 millions de francs (4.2 mio EUR). De plus, pour les crédits d'un montant supérieur à 500 millions de francs ( 420 mio EUR), un quart des membres de l'un des conseils peut demander, dans un délai d'une semaine, la convocation d'une session extraordinaire, qui devra avoir lieu lors de la troisième semaine qui suit le dépôt de la demande. Cette mesure vise à obtenir rapidement la légitimité nécessaire à un crédit important ou, à défaut, à bloquer les paiements qui n'auraient pas encore été effectués 30

Suite à l'entrée en vigueur de la loi fédérale, le Conseil fédéral a soumis à 1' Assemblée fédérale un projet d'ordonnance de cette dernière visant à l'interdiction du groupe Al-Qaïda. Cette ordonnance est entrée en vigueur le

ter

janvier 2012 et a remplacé celle du Conseil fédéral de 2001. Malgré les mesures prises, des critiques se sont élevées devant le manque d'ambition de la loi fédérale qualifiée de

«palliatif au nom clinquant. » 31

27 Ibid., p. 1450 S.

28 Ibid., p. 1453 s.

29 Avis du Conseil fédéral relatif à l'initiative parlementaire «Sauvegarde de la dé- mocratie, de l'État de droit et de la capacité d'action dans les situations extraor- dinaires», p. 2570, in : FF 2010 2565.

30 Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national relatif à l'initiative parlementaire «Sauvegarde de la démocratie, de l'État de droit et de la capacité d'action dans les situations extraordinaires», p. 1433 et 1456, in: FF 2010 1431.

31 Ralph TRûMPLER, « Das Bundesgesetz über die Wahrung von Demokratie, Rech- tsstaat und Handlungsfahigkeit in ausserordentlichen Lagen -Palliation mit klin- gendem Namen »,in: Revue Suisse de Jurisprudence (RSJ) 108/2012, p. 309 ss.

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B. RESIDENCES SECONDAIRES

En Suisse, 11,8% des logements sont habités temporairement. Ce taux monte jusqu'à 50% dans certaines communes touristiques. La hausse de ce taux s'accompagne d'une diminution des lits d'hôtel.

Cette évolution est source de plusieurs problèmes. Tout d'abord, les résidences secondaires utilisent une surface urbanisée importante en comparaison à l'hôtellerie pour le même nombre de lits. De plus, elles n'apportent que peu de retombées économiques sur la région, en dehors de leur construction, alors qu'elles impliquent des surcoûts considérables en matière d'infrastructures. Finalement, elles entraînent un mitage du territoire, qui ternit un paysage de valeur et réduit l'attrait des régions touristiques 32.

La modification du 17 décembre 2010 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT) 33 est entrée en vigueur le 1er juillet 2011 34. Elle a introduit une obligation pour les cantons de désigner dans leur plan directeur de l'aménagement du territoire les zones « où des mesures particulières doivent être prises en vue de maintenir une proportion équilibrée de résidences principales et de résidences secondaires». Le choix des mesures à prendre est laissé aux cantons et aux communes, qui pourront tenir compte des circonstances locales. Toutefois, les objectifs de ces mesures sont inscrits à l'article 8, alinéa 3, LAT: ainsi, elles visent à

«limiter le nombre de nouvelles résidences secondaires »,

«promouvoir l'hôtellerie et les résidences principales à des prix abordables» et à «améliorer le taux d'occupation des résidences secondaires». Ainsi, la délimitation dans les plans d'affectation de zones affectées principalement aux résidences principales, la fixation de coefficients minimums d'utilisation du sol ou de quotas ou encore des incitations fiscales sont des mesures envisageables 35.

Un délai de 3 ans a été fixé pour que les cantons réalisent ces nouvelles exigences. À défaut, la disposition transitoire prévoit qu' «aucune nouvelle résidence secondaire ne sera autorisée tant que les cantons et les communes n'auront pas pris les dispositions nécessaires ».

Cette modification de la LAT avait initialement été proposée par le Conseil fédéral comme mesure d'accompagnement liée à la

32 Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, p. 5480 s, in: FF 2007 5481.

33 RS 700.

34 FF20l029J3.

35 Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, p. 5484, in: FF 2007 5481.

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suppression d'une autre loi fédérale limitant les acqms1bons d'immeubles par des personnes à l'étranger 36. La proposition de cette abrogation n'a pas encore fini d'être traitée par l'Assemblée fédérale 37. Durant le processus législatif, l'initiative populaire «pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires » a abouti. L'Assemblée fédérale a donc décidé d'adopter la modification de la LAT comme un contre-projet indirect à l'initiative 38Malgré cela, cette dernière a été acceptée en votation populaire en février 2012 39.

C. RECONNAISSANCE D'ACCORDS ENTRE INSTITUTIONS PRIVEES DESTINES A EVITER LES DOUBLES IMPOSITIONS

La Suisse utilise largement les conventions internationales destinées à éviter les doubles impositions (CDI) dans le cadre de sa politique fiscale. Elles permettent de répartir clairement les compétences respectivement en matière d'imposition des personnes physiques et morales, de limiter les taux d'impôt à la source et, d'une manière générale, de prévenir les conflits fiscaux. Bien que la conclusion d'une CDI implique en général une baisse des recettes fiscales, elles facilitent les activités économiques d'exportation et les investissements étrangers. Ainsi, elles contribuent à la prospérité de la

S . d . 40

L msse et e ses pays partenaires .

Les CDI sont des traités internationaux conclus entre des États. Il est donc indispensable que la Suisse reconnaisse l'autre partie contractante comme un État, c'est-à-dire un sujet de droit international, afin de conclure une CDI. Ainsi, malgré des activités économiques importantes entre la Suisse et Je « Taipei chinois »,

aucune CDI n'est envisageable. En effet, en raison de la politique d'une seule Chine poursuivie par la Suisse, elle ne reconnaît pas ce territoire, qui comprend l'île de Taïwan et de petites îles au sud-est de la Chine, comme un État indépendant. Vu l'intérêt d'éviter la double imposition des activités économiques entre ces deux pays, deux institutions de droit privé de Suisse et du Taipei chinois ont conclu un

36 Ibid.

37 Travaux parlementaires, in :

http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20070052.

38 Note de synthèse, in :

http://www.parlament.ch/f/sucbe/pages/legislaturrueckblick.aspx?rb_id=20070062.

39 L'initiative sera donc présentée dans la contribution de l'année prochaine.

40 Message du Conseil fédéral relatif à la reconnaissance d'accords de droit privé destinés à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, p. 5033 s, in : FF 2010 5033.

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accord le 8 octobre 2007 41. Néanmoins, une loi fédérale était nécessaire pour permettre la reconnaissance de cet accord et donc son application sur le territoire suisse.

La loi fédérale sur la reconnaissance d'accords entre institutions privées destinés à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 17 juin 2011 42 est entrée en vigueur le 15 novembre 2011. Selon son article 1, elle permet au Conseil fédéral de « reconnaître les accords destinés à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune passés entre des institutions privées lorsque la conclusion d'une convention internationale portant sur le même objet est exclue ». Son champ d'application est donc restreint puisqu'il se limite aux accords de droit fiscal et est subsidiaire à la conclusion d'une COI, c'est-à-dire ne liant pas un État reconnu par la Suisse. Au moment de l'adoption de la loi, seul le cas du Taipei chinois était connu 43.

Quelques limites sont prévues en plus dans la loi. L'accord doit assurer la réciprocité entre les parties et respecter la politique de la Suisse en matière de double imposition, c'est-à-dire correspondre à la norme de l'OCDE 44. Le Parlement fédéral étant compétent en Suisse pour approuver les traités internationaux, un rôle lui est également réservé dans la procédure de reconnaissance d'un accord. Ainsi, les commissions parlementaires compétentes des deux chambres qui composent l'Assemblée fédérale doivent avoir approuvé la reconnaissance.

À la suite de l'entrée en vigueur de cette loi, le Conseil fédéral a reconnu l'accord privé avec le Taipei chinois le 9 décembre 2011.

D. REDEVANCE POUR L'UTILISATION DES ROUTES NATIONALES

La législation sur la redevance pour l'utilisation des routes nationales a été entièrement révisée. Le 1er décembre 2011, la nouvelle loi fédérale sur la vignette autoroutière du 19 mars 2010 (LV A) 45 et sa principale ordonnance d'exécution (ordonnance sur la vignette autoroutière du 24 août 2011, OV A) 46 sont entrées en vigueur.

41 Ibid., p. 5035 s.

42 RS 672.3.

43 Message du Conseil fédéral relatif à la reconnaissance d'accords de droit privé destinés à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, p. 5037, in: FF 2010 5033.

44 Ibid., p. 5037.

45 RS 741.71.

46 RS 741.711.

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Auparavant et depuis 1985, ce domaine était réglementé directement par l'ancienne Constitution fédérale (aCst.). Lors de la révision totale de ce texte en 1999, les prescriptions sur la redevance pour l'utilisation des routes nationales n'ont pas été reprises. Toutefois, une disposition transitoire de la Cst. prévoyait qu'elles restaient applicables jusqu'à leur conversion en normes légales. De plus, l'article 86, alinéa 2, Cst. maintient le principe du prélèvement d'une

«redevance pour l'utilisation des routes nationales par les véhicules à moteur et leurs remorques qui ne sont pas soumis à la redevance sur la circulation des poids lourds ». Cette conversion en normes légales est l'occasion de présenter le système de redevance suisse sur le trafic routier, ainsi que les quelques adaptations effectuées.

L'utilisation des routes nationales principales et secondaires suisses est soumise à une redevance annuelle forfaitaire. Cette dernière est acquittée par l'achat d'une vignette autocollante qui coûte 40 CHF (environ 33 EUR). Il n'existe pas de vignette à durée de validité réduite, bien que son introduction ait été envisagée 47. La vignette étant liée à un véhicule, elle doit être collée directement sur le pare-brise de manière visible. Elle perd sa validité si elle est décollée ou détruite.

L'utilisation des autoroutes ou semi-autoroutes sans avoir payé la redevance ou sans avoir collé la vignette est passible d'une contravention. Le montant de cette dernière a été augmenté lors de l'adoption de la LV A et est ainsi passé de 100 CHF à 200 CHF (environ 167 EUR). La réutilisation d'une vignette décollée sur un autre véhicule, ainsi que la manipulation ou la falsification de vignettes, qui est un timbre officiel de valeur, constitue un délit. Cette catégorie d'infraction est punie d'une peine privative de liberté de maximum trois ans ou d'une amende.

Les contrôles ne sont pas automatisés mais s'effectuent par sondages lorsque le trafic est arrêté. Le Corps des gardes-frontière est responsable des contrôles à la frontière, alors que ceux à l'intérieur du pays incombent aux polices cantonales. L'article 11 LVA a également introduit la possibilité de déléguer à des tiers le contrôle aux postes frontières, notamment afin de faire face à l'augmentation de la circulation 48.

47 Message du Conseil fédéral concernant la loi relative à la vignette autoroutière, p. 1221 s, in: FF 2008 1215.

48 Ibid., p. 1219 et 1228.

(15)

Ce système de redevance est bien accepté en Suisse, notamment grâce à l'utilisation simple et pratique de la vignette, ainsi qu'à son

. b 49

pnx as .

m.

JURISPRUDENCE

Durant l'année 2011, le Tribunal fédéral a rendu plus de 2'000 arrêts en matière de contestations de droit constitutionnel et administratif 50, dont 74 ont fait l'objet d'une publication dans le recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral 51Quant au Tribunal administratif fédéral, il a rendu plus de 8' 500 jugements durant la même période, dont 65 ont été publiés dans le recueil officiel 52.

Les arrêts sélectionnés dans la présente rubrique concernent des problèmes qui peuvent également se poser dans d'autres pays européens et sont donc susceptibles d'intéresser les juristes au-delà de nos frontières: nous examinerons tout d'abord un arrêt rendu sur les mesures à prendre pour permettre l'égalité entre hommes et femmes dans le cadre de la mise en œuvre du droit international par les cantons suisses (A.), puis la question de l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de prise en charge des frais médicaux par les assurances sociales (B.), ensuite la célèbre

« affaire UBS » de transmission de données bancaires de clients aux autorités fiscales américaines (C.), et enfin le cas particulier de la plainte populaire (D.).

A. MESURES POUR FAVORISER L'EGALITE ENTRE HOMMES ET FEMMES: MISE EN ŒUVRE DU DROIT INTERNATIONAL PAR LES CANTONS SUISSES

49 Ibid., p. 1216 s.

50 Ces chiffres ne tiennent pas compte des arrêts rendus en matière d'assurances so- ciales.

51 Voir d'une manière générale le rapport de gestion 2011 du Tribunal fédéral sur le site: http://www.bger.ch/fr/gb2011_bger_d.pdf. Le Recueil officiel du Tribunal fédéral (ATF) est disponible sur le site http://www.bger.ch/fr/index.htm.

52 Les arrêts publiés du Tribunal administratif fédéral (AT AF) sont disponibles sur le site : http://www.bvger.ch/publiws/?lang=fr.

(16)

La structure fédérale 53 de la Suisse implique que les cantons disposent de compétences importantes dans des domaines qui font l'objet de traités internationaux 54. La question des rapports entre le droit cantonal et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979 (CEDEF) 55, ratifiée par la Suisse 56, s'est posée d'une manière particulièrement aiguë en 2011.

1. Les faits

Le parlement du canton de Zoug a pris la décision, à la fin de l'année 2010, de ne pas renouveler le mandat de la Commission cantonale pour l'égalité entre femmes et hommes. Le Tribunal fédéral a été saisi d'un recours pour déni de justice, sur lequel il s'est prononcé en novembre 2011 57. Les recourantes invoquaient

53 Voir d'une manière générale sur le fédéralisme en Suisse: Thomas FLELNER/

Alexander Misie, « Foderalismus ais Ordnungsprinzip der Verfassung »,in: Da- niel THûRERI Jean-François AUBERT/ JOrg Paul MÜLLER, Verfassungsrecht der Schweiz

=

Droit constitutionnel suisse, Zurich 2001, p. 429 ss ; Ulrich HAFELIN/

Walter HALLER/ Helen KELLER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 7° éd., Zu- rich 2008, N° 934 SS.

54 Jan SKALSKII Christoph A. SPENLE, « Das unterschatzte Verfahren : Zu Funktion und Struktur der UNO-Staatenberichtsverfahren und zur Bedeutung des CEDA W-Verfahrens für die füderalistische Schweiz », in : Revue suisse de droit international et européen (RSDIE) 2012, p. 9 ss, p. 35.

55 RS 0.108.

56 FF 1995 IV 869 ; RO 1999 1577. La Suisse étant un État moniste, les normes du droit international font partie du droit suisse et lient les autorités sans qu'il soit nécessaire d'adopter un acte particulier à cet effet (ANDREAS AUER/ GIORGIO MALINVERNJ/ MICHEL HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. /, L'Etat, 2° éd., Berne 2006, N° 1292 s).

57 ATF 137 I 305, Alternative - die Grünen Kanton Zug und Mitb. ; cet arrêt a déjà été commenté par la doctrine suisse : Regula KAG1-D1ENER, « Bemerkungen zum Urteil des Bundesgerichts betreffend Gleichstellungskomrnission Zug (Urteil der I. Ôffentlich- rechtlichen Abteilung 1C_549/2010 vom 21.11.2011, zur Veroffen- tlichung bestimrnt) », in : recht 2012, p. 30 ss; REGULA KÀGl-DIENER, « Bundes- gericht, I. Ôffentlich- rechtlichen Abteilung 1C_549/2010 vom 21 November 2011, i.S. l. Alternative - die Grünen Kan ton Zug, 2. Christlich-soziale Partei Zug, 3. Sozialdemokratische Partei des Kantons Zug, 4. Juristinnen Schweiz - Femmes juristes suisses, 5. Gewerkschaftsbund des Kantons Zug, 6. Ofra Zug, sowie 12 einzelpersonen c. Kantonsrat des Kantons Zug, 1C_549/2012 = BGE 137 I 305 », in: Pratique juridique actuelle (PJA) 2012, p. 400 ss; cet arrêt a aussi été commenté en détail par Karine LEMPEN lors de la Journée de droit ad- ministratif organisée par l'Université de Genève le 7 février 2012 dans son expo- sé intitulé «L'effet de la loi fédérale sur l'égalité sur le droit de la fonction pu- blique » (publication à paraître dans les actes de la Journée ; voir le site : http://www.unige.ch/droit/jda.html).

(17)

l'article 8, alinéa 3, deuxième phrase Cst. 58, le paragraphe 5, alinéa 2, de la constitution du canton de Zoug du 31 janvier 1894 (Cst./ZG) 59,

ainsi que l'article 2, lettre a, CEDEF 60.

2. Le principe : obligation pour les autorités de prendre des mesures propres à favoriser l'égalité entre femmes et hommes, mais marge d'appréciation quant au choix des mesures

Le Tribunal fédéral a relevé en premier lieu que toutes les dispositions invoquées commandent aux autorités de prendre des mesures de promotion de l'égalité des genres ; en revanche, ces dispositions n'indiquent pas quelles sont ces mesures, ce qui confère aux autorités une marge d'appréciation évidente 61.

À 1' objection du canton de Zoug selon laquelle 1' égalité entre femmes et hommes a été réalisée et ne nécessite plus d'être promue, le Tribunal fédéral a opposé des chiffres indiquant que tel n'est pas le cas 62.

3. Utilité de la CEDEF pour la détermination du choix des moyens Notre Haute cour se penche ensuite sur les moyens envisageables pour promouvoir l'égalité entre femmes et hommes: si la plupart des cantons suisses, ainsi que l'État fédéral, ont institué un bureau de l'égalité, une commission pour l'égalité, ou alors un service spécialisé (Fachstelle) 63, il n'est pas exclu que l'égalité entre hommes et femmes soit promue sans la création d'une entité spécialisée, mais que chacune des autorités de 1' administration, dans les domaines de sa compétence, s'occupe de l'égalité entre hommes et femmes.

Cependant, dans le cas d'espèce, le canton de Zoug n'a prévu aucune

58 Cette disposition indique que la loi pourvoit à l'égalité de droit et de fait, en parti- culier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail.

59 RS 131.218. Selon cette disposition, « [l]e canton encourage la réalisation effec- tive de l'égalité entre hommes et femmes».

60 Cette disposition indique notamment que les États parties condamnent la discri- mination à l'égard des femmes sous toutes ses formes, conviennent de poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer la discrimination à l'égard des femmes et, à cette fin, s'engagent à inscrire dans leur Constitution nationale ou toute autre disposition législative appropriée le principe de l'égalité des hommes et des femmes, si ce n'est déjà fait, et assurer par voie de législation ou par d'autres moyens appropriés l'application effective dudit prin- cipe.

61 ATF 137 I 305, Alternative - die Grünen Kanton Zug und Mitb., consid. 3.1 et 3.2.

62 Ibid., consid. 4.

63 Ibid., consid. 5.1.

(18)

mesure de remplacement de la conumss10n, ce qut semble problématique au Tribunal fédéral 64

Le Tribunal fédéral relève avec pertinence qu'il convient encore d'examiner si les engagements internationaux de la Suisse n'impliquent pas une obligation de prévoir une entité spécialisée dans la promotion de l'égalité entre femmes et hommes: en particulier, découle-t-il des recommandations générales et des observations sur les rapports de la Suisse du comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, élaborées sur la base de l'article 17 CEDEF, une obligation pour les autorités de prévoir de tels organismes ? Ces recommandations et observations, en effet, indiquent clairement que devraient être prévus des organismes spécifiques de promotion de l'égalité entre hommes et femmes 65 ; en particulier, les observations formulées sur les rapports suisses recommandaient expressément la mise en place de services de promotion de l'égalité dans tous les cantons suisses 66.

Pour le Tribunal fédéral, tant la dénomination des recommandations que leur formulation indiquent qu'elles ne sont pas contraignantes ; cependant, elles sont une source importante pour l'interprétation de la convention 67 Dans le cas d'espèce, elles serviront à appuyer le raisonnement du Tribunal sur la nécessité pour le canton de prendre des mesures. Ainsi, s'il n'en découle pas une obligation pour les autorités d'avoir une forme d'action déterminée, il convient cependant que des mesures soient prises pour garantir effectivement la mise en œuvre de la convention 68.

Le canton de Zoug est ainsi obligé par les articles 8, alinéa 3, deuxième phrase, Cst., 5, alinéa 2, Cst./ZG et 2, lettre a, CEDEF, de remplacer la commission pour l'égalité non-renouvelée ; il dispose cependant du choix des moyens, et n'est pas obligé de prévoir une mesure institutionnelle comme une commission 69.

B. EXECUTION DES ARRETS DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME EN MATIERE DE PRISE EN CHARGE DES FRAIS MEDICAUX PAR LES ASSURANCES SOCIALES

64 Ibid., consid. 5.2.

65 Ibid., consid. 6.1 à 6.4.

66 Ibid., consid. 6.4.

67 Ibid., consid. 6.5. Dans le même sens, SKALSKII SPENLE (cité note 54), p. 32.

68 ATF 137 I 305, Alternative -die Grünen Kanton Zug und Mitb., consid. 6.6.

69 Ibid., consid. 7.

(19)

Le Tribunal fédéral s'est penché sur la question de l'exécution d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH) portant sur le remboursement des frais médicaux d'une opération de changement de sexe par l'assurance obligatoire des soins. Il a effectué à cette occasion des remarques sur la compétence de la Cour EDH dans le domaine des prestations d'assurances sociales.

1. Les faits

M. Schlumpf, né en 1937, a subi une opération de changement de sexe en 2004. Sa caisse-maladie a cependant refusé d'en prendre en charge les frais 70, car la jurisprudence suisse impose, comme condition du remboursement d'une opération de changement de sexe, le respect d'un délai d'observation de deux ans, de manière à vérifier qu'une opération chirurgicale est réellement nécessaire 71, délai qui n'était pas réalisé en l'espèce.

2. L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme

Devenue Mme Schlumpf, la recourante, après avoir épuisé les instances nationales, s'est adressée à la Cour EDH en invoquant, entre autres, l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) 72.

La Cour EDH a conclu à une violation des obligations positives qui incombaient à la Suisse en vertu de l'article 8 CEDH 73 : en effet, les droits protégés par la CEDH doivent l'être concrètement et effectivement, et «le Tribunal fédéral a refusé de se livrer à une analyse des circonstances spécifiques du cas d'espèce et de peser les différents intérêts en jeu», alors qu'il aurait dû «examiner s'il y avait lieu d'admettre une exception à la règle des deux ans, notamment sur la base de l'âge relativement avancé de la requérante.» 74 En outre, la jurisprudence invoquée par le Tribunal fédéral date de 1988 ; il aurait dû examiner si, depuis cette date, la médecine a fait des progrès pour

70 ATF 137 I 87, Schlumpf, consid. A.a. Cet arrêt a fait l'objet d'une traduction en français in: Journal des Tribunaux (JdT) 2011 l p. 194 ss.

71 Inter mulla: ATF 114 V 153, SUPRA Caisse-maladie et accidents, consid. 4a;

ATF 114 V 162, X., consid. 4.

72 RS0.101.

73 ACEDH Schlumpf c. Suisse du 8 janvier 2012 (n° 29002/06). ; cet arrêt a été commenté par Valérie JUNOD, « La préséance du médical sur le droit : Commen- taire de l'arrêt 2009 de la Cour européenne des droits de l'homme dans un litige entre une caisse-maladie et un assuré transsexuel », in : Revue suisse des assu- rances sociales et de la prévoyance professionnelle (RSAS) 2012, p. 167 ss.

74 ACEDH Schlumpf c. Suisse du 8 janvier 2012 (n° 29002/06), § 112.

(20)

déterminer plus rapidement la nécessité de l'opération chirurgicale, ce qui correspond au principe de l'interprétation de la convention à la lumière des conditions de vie actuelle 75.

3. La procédure de révision devant le Tribunal fédéral

À la suite de la conclusion de violation de l'article 8 CEDH par la Cour, le Tribunal fédéral a été saisi d'une demande de révision conformément à l'article 122 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) 76.

Le Tribunal fédéral, dans sa décision 77, « pren[d] acte» de la décision de la Cour EDH selon laquelle une procédure respectueuse de la CEDH aurait abouti au remboursement des frais d'opération 78. Il estime cependant que cela pose «des questions fondamentales concernant la délimitation des compétences juridictionnelle de la Cour européenne et des tribunaux suisses dans le domaine des prestations d'assurances sociales.» 79 En effet, pour le Tribunal fédéral, « [l]e droit à la prise en charge des frais par les assurances sociales, et notamment par l'assurance obligatoire des soins [ ... ], ne résulte pas - et cela aussi selon la conception de la Cour européenne [réf.] - de l'art. 8 CEDH ni de l'art. 6 § 1 CEDH. » 80 De plus, la règle du délai d'attente de deux ans «représente un équilibre adéquat [ ... ] sous les points de vue de l'État social et des principes de l'égalité de traitement et de la sécurité juridique, essentiels aussi en droit des assurances sociales.» 81 Enfin, la Cour EDH a tranché, par ce raisonnement,

« une question qui, dans le contexte du droit des assurances sociales, est régi par les règles topiques du droit interne. En définitive [ ... ], la Cour influence létendue d'une prestation d'assurance sociale obligatoire de droit interne, à laquelle la Convention ne confère elle- même aucun droit. » 82 Le Tribunal fédéral conclut en indiquant

75 Ibid., § 113.

76 RS 173.110. Voir sur cette disposition Pierre FERRARI, «Art. 122 LTF »,in : Ber- nard CORBOzl Alain WURZBURGERI Pierre FERRARJ/ Jean-Maurice FRESARD/ Flo- rence AUBRY-GIRARDIN, Commentaire de la LTF, Berne 2009, p. 1197 ss. Voir d'une manière générale sur l'exécution des arrêts de la Cour EDH en Suisse Maya HERTIG RANDALLI Xavier-Baptiste RUEorN, «L'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme à la lumière de l'arrêt Verein gegen Tier- fabriken Schweiz (VGT) c. Suisse du 4 octobre 2007 », in : P JA 2008, p. 651 ss.

77 ATF 137 I 87, Schlumpf 78 Ibid., consid. 7.3.2.

79 Ibid.

80 Ibid., consid. 7.3.3.2.

81 Ibid., consid. 7.3.3.2.

82 Ibid., consid. 7.3.3.3 (italiques dans le texte cité).

(21)

qu'«[o]n pourrait se demander si la Cour n'a pas outrepassé les compétences qui lui appartiennent selon les art. 19 et 34 CEDH. » 83

«En vertu des art. 46 CEDH et 122 LTF, le [Tribunal fédéral]

doit remédier aux violations de la Convention constatées par l'arrêt du 8 janvier 2009, cela même s'il n'est pas convaincu par le raisonnement et la motivation de la Cour. » 84 Malgré ses critiques de la jurisprudence de la Cour, notre Haute cour confirme donc l'arrêt d'une juridiction cantonale, qui avait tranché en faveur de la recourante 85 Le Tribunal fédéral relève cependant que cela ne signifie pas que la jurisprudence exigeant le délai d'attente de deux ans est abandonnée 86. Ce délai est maintenu, mais une dérogation à celui-ci «doit demeurer exceptionnellement possible dans un cas

. 1" 87

part1cu 1er. »

C. L' « AFFAIRE UBS »ET LA TRANSMISSION DE DONNEES BANCAIRES DE CLIENTS AUX AUTORITES AMERICAINES

La question de la transmission aux autorités amencaines de données bancaires de clients de la banque suisse UBS SA a donné lieu, ces dernières années, à de nombreux arrêts du Tribunal fédéral, le dernier datant du 15 juillet 2011 88

1. Le contexte

À la suite de demandes des autorités américaines fondées sur les accords liant la Suisse et les États-Unis 89, l' Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a ordonné à UBS SA, le 18 février 2009, sur la base des articles 25 et 26 de la loi fédérale sur

83 Ibid., consid. 7.3.3.3.

84 Ibid., consid. 7.3.4.

85 Ibid., consid. 8.

86 Ibid., consid. 9.2.

87 Ibid., consid. 9.2.

88 ATF 137 Il 431, Eidgenassische Finanzmarktaufsicht (FINMA); cet arrêt a no- tamment été commenté en doctrine par Giovanni BlAGGINl, « Die polizeiliche Generelklausel : ein verkanntes Rechtsinstitut », in : Zentralblatt (ZBL) 113, p. 35 ss, ainsi que par Markus MÜLLER, « Polizeiliche Generalklausel : kliirende Worte des Bundesgerichts »,in: Zeitschrift des Bernischen Juristenvereins (ZBJV) 148, p. 220 SS.

89 Pour un exemple d'accord en vigueur actuellement, voir l'accord entre la Confé- dération suisse et les États-Unis d'Amérique concernant la demande de rensei- gnements de l'lntemal Revenue Service des États-Unis d'Amérique relative à la société de droit suisse UBS SA, conclu le 19 août 2009 (RS 0.672.933.612).

(22)

les banques et les caisses d'épargne du 8 novembre 1934 (LB) 90, de livrer aux autorités américaines 285 dossiers de clients. Ces dossiers ont été remis le jour même, dans un contexte politique tendu : les États-Unis menaçaient notamment de prendre des mesures unilatérales à l'encontre de la banque 91

Trois clients ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral, qui a admis le recours, considérant que les articles 25 et 26 LB ne constituaient pas une base légale suffisante pour ordonner la transmission des données bancaires 92, de même que l'article 31 de la loi sur l' Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers du 22 juin 2007 (LFINMA) 93-94

et que la clause générale de police 95. La FINMA a recouru contre cette décision auprès du Tribunal fédéral, qui lui a donné raison sur la question de la légalité de la transmission des dossiers 96_ Après un développement sur le secret bancaire en Suisse (2), notre Haute Cour a considéré que la clause générale de police constitue une base suffisante pour ordonner la transmission des données bancaires (3).

2. Le secret bancaire en Suisse

Dans sa décision, le Tribunal fédéral effectue en premier lieu un long développement sur le secret bancaire en droit suisse. Par cette expression, on entend l'obligation de la banque et de ses employés de garder secrètes toutes les informations qui leur sont confiées ou qui leur parviennent dans le cadre de leurs relations d'affaires avec leurs clients ; cette obligation de secret est renforcée par des sanctions

90 RS 952.0. Selon l'art. 25, al. 1, let. a, LB,« [s]'il existe des raisons sérieuses de craindre qu'une banque ne soit surendettée ou qu'elle ne souffre de problèmes de liquidité importants, ou si la banque n'a pas rétabli une situation conforme aux prescriptions en matière de fonds propres dans le délai imparti par la FINMA, cette dernière peut ordonner des mesures protectrices selon l'art. 26 [ ... ] ». L'art.

26, al. 1, LB ajoute: «La FINMA peut prendre les mesures protectrices suivan- tes, notamment: donner des instructions aux organes de la banque [ ... ] »; cette disposition n'est qu'exemplative, la FINMA pouvant prendre d'autres mesures (Arrêt du T AF B-1092/2009 du 5 janvier 2010, consid. 6).

91 ATF 137 TI 431, Eidgenossische Finanzmarktaufsicht (FINMA), consid. C.a et C.b.

92 Arrêt du T AF B-1092/2009 du 5 janvier 2010, consid. 6.4.3.

93 RS 956.1. Selon l'art. 31 LFINMA, « [l]orsqu'un assujetti enfreint la présente loi ou une des lois sur les marchés financiers, ou si d'autres irrégularités sont consta- tées, la FINMA veille au rétablissement de l'ordre légal».

94 Arrêt du TAP B-1092/2009 du 5 janvier 2010, consid. 7.

95 Ibid., consid. 9.

96 ATF 137 II 431, Eidgenossische Finanzmarktaufsicht (FINMA).

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