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Transition et continuité des soins : il faut être deux pour se parler

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es Annals of Internal Medicine viennent de publier une étude sur l’influence de l’absence de continuité des soins sur les coûts de la santé aux Etats-Unis.1 Dans le système américain, l’organisation des soins permettait à une proportion élevée des patients d’être suivis à l’hôpital par leur propre médecin traitant. Ce modèle a été mis à mal par l’avènement des «hospitalistes», médecins spécialisés en médecine hos- pitalière, nés de la reconnaissance des compétences spécifiques requises par ce type de pratique.2 Cette nouvelle profession a eu de nombreux dé-

tracteurs, notamment en raison d’un effet potentiellement négatif sur la continuité des soins. Ses défenseurs se sont donc attachés à prouver son intérêt économique, par de nombreu- ses études tendant à démontrer que les patients soignés par les hospita- listes coûtaient moins cher et avaient des durées de séjour plus courtes.

Mais ces analyses, contestées en raison de leur portée limitée et d’une méthodologie peu rigoureuse, ont renvoyé hospitalistes et médecins de premier recours dos à dos. Et voici que des chercheurs démontrent de manière convaincante dans ce numéro des Annals, que, si économie il y a – elle est du reste modeste – celle-ci est largement compensée par une augmentation des frais générés dans le mois suivant la sortie de l’hôpital.1 En effet, les patients traités par les hospitalistes rentrent moins souvent à domicile, consultent davantage les services d’urgence et sont plus sou- vent réhospitalisés. Et les auteurs de conclure que cela est dû à l’absence de continuité dans les soins, et à une moins bonne connaissance des res- sources du patient et de son réseau.

D’ailleurs, une littérature abondante montre que la période suivant le retour à domicile est particulièrement délicate. Elle porte même désor- mais un nom : la période de transition, pendant laquelle un patient sur cinq est victime d’un événement indésirable, dont les deux tiers sont des effets indésirables médicamenteux qui auraient pour la plupart pu être évités.3 En particulier, les changements de traitement effectués à l’hôpital sont un facteur de risque important d’erreur de prise par le patient à son retour à domicile. A la sortie, jusqu’à 40% des patients sont toujours dans l’attente de résultats d’examens complémentaires faits à l’hôpital, dont 10% révéleront une anomalie qui n’est pas toujours communiquée au mé- decin traitant.4 Enfin, une récente enquête d’une Task Force de la Society of general internal medicine américaine a montré que le contact direct entre le médecin traitant et le médecin hospitalier pendant le séjour, fut-il sim- plement téléphonique, est l’exception (3 à 20% des cas), que la lettre de sortie n’est le plus souvent pas disponible lors de la première consulta- tion après la sortie (12 à 34% des cas), et que même après un mois, seuls la moitié ou les deux tiers de ces documents essentiels ont atteint le mé- decin traitant.5

Sommes-nous mieux lotis en Suisse ? Nous ne disposons pas de résul- tats d’enquêtes systématiques qui le démontrent, mais l’expérience quo- tidienne suffit à nous convaincre que nous faisons face exactement aux

Transition et continuité des soins : il faut être deux pour se parler

«… Elle porte même désor- mais un nom : la période de transition …»

éditorial

Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 19 octobre 2011 2011

Editorial

A. Perrier

Arnaud Perrier

Médecin-chef

Service de médecine interne générale HUG, Genève

Articles publiés

sous la direction du professeur

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mêmes difficultés. Une anecdote pour l’illustrer. Récemment, un médecin interne du service me rapporte, assez courroucé, l’échange suivant qu’il vient d’avoir avec un collègue installé, médecin d’un EMS. «C’est vous qui avez organisé la sortie de Mme X ?». «Oui, en effet». «Et bien, c’est nul !…».

Et le médecin de l’EMS de raccrocher. J’ai contacté ce collègue – qui a bien voulu s’excuser de son mouvement d’humeur – pour tenter de com- prendre ce qui avait pu engendrer pareille incivilité. Il m’a alors fait part de son exaspération devant une absence systématique de communication entre les services hospitaliers et les mé decins installés, et il a repris à son compte toutes les observations faites par la Task Force américai ne, les chiffres en moins. Je me suis également rap- pelé ma propre expérience de médecin interne à la Policlinique de médecine il y a bon nom- bre d’années, et du dialogue surréaliste qui s’engageait entre un patient fraîchement sorti de l’hôpital et un médecin qui, non seulement, n’avait pas le compte rendu de l’hospitalisation, mais ne savait le plus souvent même pas que son patient y avait séjourné.

Alors que faire pour améliorer cet état de fait ? La réforme du finance- ment des soins votée par le Parlement en 2008 prévoit une nouvelle ca- tégorie de soins : les «soins aigus de transition». Ce projet, vraisemblable- ment destiné à permettre de raccourcir les durées d’hospitalisation à l’ère des DRG, va rendre encore plus cruciale une étroite collaboration entre médecins et soignants de l’hôpital et ceux du dehors. La prise en charge du patient par son propre médecin à l’hôpital a toujours été l’exception en Suisse, et le retour à cette pratique, voire son développement n’est guère probable ni souhaitable. C’est donc bien la communication qu’il va nous falloir améliorer. De nouveaux outils, tels le dossier électronique contenant toutes les informations de santé du patient et dont il détiendra la clé seront une aide indiscutable. Les services hospitaliers, le nôtre y compris, devront continuer à améliorer leurs procédures pour mieux com- muniquer avec le réseau du patient à l’extérieur. En effet, l’hospitalisation n’est qu’une étape dans un parcours qui dure toute la vie dans le cas de la maladie chronique, et l’hôpital n’est qu’un des multiples intervenants d’un réseau de soins. L’idée promue par les médecins de premier recours américains que chaque patient doit avoir un medical home, une sorte de port d’attache de santé, qui centralise toute l’information et peut la redis- tribuer est également intéressante.6 Ce pourrait être un médecin de pre- mier recours, un cabinet de groupe ou un centre de santé. Mais tous ces efforts seront vains si l’on oublie cette vérité fondamentale : il faut être (au minimum) deux pour se parler. Qu’on se le dise… aimablement !

2012 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 19 octobre 2011

«… chaque patient doit avoir un medical home , une sorte de port d’attache de santé …»

Bibliographie

1 Kuo YF, Goodwin JS. Association of hospitalist care with medical utilization after discharge : Evi­

dence of cost shift from a cohort study. Ann Intern Med 2011;155:152­9.

2 Sehgal NL, Wachter RM. The expanding role of hospitalists in the United States. Swiss Med Wkly 2006;136:591­6.

3 Forster AJ, Murff HJ, Peterson JF, Gandhi TK, Bates DW. The incidence and severity of adverse events affecting patients after discharge from the hospital. Ann Intern Med 2003;138:161­7.

4 Roy CL, Poon EG, Karson AS, et al. Patient safety concerns arising from test results that return after

hospital discharge. Ann Intern Med 2005;143:121­8.

5 Kripalani S, LeFevre F, Phillips CO, et al.

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Society of hospital medicine­American geriatrics society­American college of emergency physicians­

Society of academic emergency medicine. J Gen Intern Med 2009;24:971­6.

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