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Mon bel argent !

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Academic year: 2022

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 8 juin 2011 1283

Mon bel argent !

Une future médecine étatisée, obligatoire et généralisée, nous entraînera sur les chemins de l’économicité collective de la décision médicale. Des positions tranchées et anta­

gonistes s’en suivront nécessairement.

Soit par des sentiers retors, soit par des raccourcis escarpés, on finit toujours par accéder aux notions hybrides de «prix de la vie humaine», de «coût d’une journée de vie d’un malade chronique» et par conséquent de

«dépense moyenne pour une journée de mou­

rant». Face aux grimaces de ces chimères, les plus pudiques d’entre nous gardent les yeux fermés comme le sage qui attend «à la chotte» que l’orage passe, ou le curé ambi­

tieux qui veut devenir évêque. Les paupières s’entrouvrent à l’imitation d’un Bouddha au sourire éternel ou d’un cynique qui voudrait éviter l’éblouissement et prévenir la cataracte.

Entre une certaine morale de l’individu et sa charge pour la collectivité, la scène de ménage semble inévitable et permanente com me dans un couple bourgeois désas­

sorti où tout divorce est exclu. Lors du ma­

riage, on rit jaune des blagues du dessert tout en pressentant que des quatre enfants programmables, l’un deviendra fou, l’autre ca­

ractériel, le troisième sauvera sa peau grâce à un ordre mendiant et le petit dernier fera fortune dans les soins palliatifs. On sait en plus d’avance que chaque conjoint pour main­

tenir son équilibre devra tromper l’autre dis­

crètement à de multiples reprises mais sans cesser de se référer à sa morale portative, à son dieu lare à usage interne, à son «Darbel­

lay» en forme d’amulette dorée de bonnes intentions, et utilisable comme porte­clés.

Or les problèmes sont inextricables parce que posés de manière inextricable. On va comme chaque fois qu’on se trouve face au vide objectif, se mettre à prophétiser sur la question : «Est­ce que ça vaut la peine ?». Je propose une méthode qui consiste dans un premier temps à se positionner grâce à trois

«faire comme si» :

Premièrement, faire comme si l’éthique n’exis tait pas. Deuxièmement, faire comme si tout était gratuit. Troisièmement et c’est le plus important, faire comme si la décision devait se répéter, à l’identique, une infinité de fois un temps infini.

Ces conditions de «liberté durable» satis­

faites, on peut s’accorder une bonne respi­

ration comme un hominidé assistant au lever du soleil dans la savane africaine. Car nous

aurons renoué avec la certitude qu’il n’a pas pris de mauvaise décision puisque nous qui descendons de lui, nous sommes encore là ! Une sagesse renouvelée nous apparaît quand on est redevenu sauvage. On se ré­

concilie avec la profondeur de son être d’avant la dialectique socratique, d’avant les calculs, d’avant les scores, d’avant l’obsession chrétienne du «sauver la brebis perdue à tout prix», d’avant la rationalité démocratique du plus faible, d’avant la «reductio ad hitlerum»

aveuglante, d’avant les technicités promé­

théennes. On retrouve l’instinct de beauté inspirée par la contemplation des crêtes ju­

rassiennes, de la succession des printemps et des automnes. Des jours et des nuits. On suit et on respecte les courbes.

Nous pouvons, dans un deuxième temps, construire de manières subtiles tous les dis­

cours possibles en nous inspirant de la «pon­

dération de l’espérance de la qualité de vie», notion que j’ai lue quelque part pour faire illu­

sion à l’intention du grand public et juristes.

Mais tout est devenu plus clair. Il saute aux yeux que la prolongation de telle personne nous apparaît comme un artifice scandaleux, la conservation de tel grave lésé du cerveau comme une monstruosité, l’acharnement d’une telle réanimation comme une abomination, la chimiothérapie­palliative­à vomir­ses­boyaux pour le temps qui reste comme une perver­

sion, la survie végétative de cet ancien géné­

ral et homme d’Etat à l’état de légumineuse comme une honte politiquement correcte.

Si les circonstances rendaient impossible un choix, même ajusté, de la manière qui précède, il reste alors un plan B, un qua­

trième «faire comme si».

Faire comme si nous étions des dieux im­

mortels qui conduisent le hasard en jouant aux dés, et décider par tirage au sort.

carte blanche

Dr Christian Danthe Rue de l’Ancienne Poste 61 1337 Vallorbe

cdanthe@worldcome.ch

D.R.

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