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La plage de Lomé : l’exutoire insalubre des égouts de la ville, témoins de la dynamique côtièrepp. 153-164.

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LA PLAGE DE LOMÉ : L’EXUTOIRE INSALUBRE DES ÉGOUTS DE LA VILLE, TÉMOINS DE LA DYNAMIQUE CÔTIÈRE.

ADJOUSSI Pessièzoum Maître-Assistant

Département de Géographie, Université de Lomé (Togo) adjoussi@hotmail.com

RÉSUMÉ

Cette étude a porté sur la plage de la ville de Lomé et ses déversoirs. Se fondant sur les méthodes d’observation et de mesures, la dynamique de cette plage a été ressortie expliquant l’ensablement des bouches d’égout. Il ressort concrètement que cette dynamique a été essentiellement guidée par le bon fonctionnement de la jetée principale du port qui bloque d’importants volumes sédimentaires en transit. Ce qui a graduellement occasionné la formation des flèches littorales qui se sont accolées pour édifier la plage bloquant ainsi l’évacuation des eaux de la ville vers la mer. Cette situation a créé de petits plans d’eau insalubres par endroit sur la plage témoignant de l’évolution de cette unité morphologique. Les sédiments redistribués proviennent du bassin gréseux de la Volta qui charrie tous les sédiments vers la mer par l’embouchure du fleuve. Ces volumes sédimentaires sont ensuite récupérés par les courants marins et redistribués sur toute la côte alimentant ainsi les cellules de dépôt comme celle de Lomé. Afin de rendre la plage plus accueillante, un projet d’aménagement et de gestion a été proposé dans cet article. Il porte sur la création d’une station d’épuration des eaux usées avant leur rejet dans la mer, ensuite le déplacement des égouts vers l’estran, supportés par des trépieds.

Mots-clés : Lomé, égout, cordon, flèche, plage, transit sédimentaire

ABSTRACT

This study focused on the beach in the city of Lomé and sewers. Based on the methods of observation and measurements, the dynamics of this beach has been proved explaining silting sewers. It actually appears that this dynamic was essentially guided by the operation of the main pier of the port blocking important sedimentary volumes in transit. That gradually caused the formation of spits that have joined together to build the beach and blocking the drainage of the city to the sea. This has created unhealthy small water pools on the beach reflecting the evolution of the morphological unit. Sediments redistributed are from the sandstone of Volta river basin which carries all the sediments to the sea by the river mouth. These sedimentary volumes are then recovered by ocean currents and redistributed on the coast and feeding the deposition cells such as Lomé. To make the most welcoming beach, a development and management project was proposed in this article. It covers the creation of a treatment plant wastewater prior to discharge into the sea, then moving the sewers to the foreshore, supported by tripods.

Keywords: Sewer, cord, spit, beach, sediment transport

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INTRODUCTION

La côte du Togo, située en Afrique de l’Ouest, particulièrement dans le golfe du Bénin, présente deux segments dont l’un en accumulation abrite la ville de Lomé et l’autre en érosion à l’est du port. Sur le seg- ment en accumulation, 10 km de côte environ, débouchent 8 égouts qui déversent les eaux usées de la ville directement sur la plage sans aucun traitement. Le front de déversement de ces égouts à leur construction se situait proche de l’estran. Mais, depuis l’édification des jetées du port de Lomé, la dynamique côtière a changé entraînant l’ensablement des exutoires. Ce qui a bloqué tout écoulement d’eau vers la mer. Les eaux usées n’arrivant plus à s’évacuer dans la mer, il s’est alors créé de petits étangs d’eaux chargées de déchets liquides et solides qui polluent la plage. Sur le segment de côte en érosion, l’usine de phosphates de Kpémé, située à 30 Km à l’est de Lomé, déverse aussi une quantité importante de déchets liquides directement dans les eaux côtières. Ces effluents affectent non seulement la plage mais aussi la qualité des eaux marines sur laquelle peu de données et d’informations existent. Or ces plages sont très fréquentées.

La pollution des côtes du Togo est un problème réel qui a fait l’objet de nombreuses études, (GNANDI, 1998 ; BLIVI, 2001). Ces travaux soutiennent que les industries minières et touristiques rejettent leurs eaux usées non traitées directement sur la plage et en mer. Les eaux chargées d’argiles et de substances dis- sous d’origine minière, notamment les phosphates qui concentrent une forte proportion de métaux lourds (Cr, Cn, Ni, Zc, Pb, etc.,) sont directement déversées en mer polluant le système marin. Cette pollution a progressivement réduit les capacités de vie de certaines ressources aquatiques dans cette frange côtière.

Même si aucune crise sanitaire n’a encore été directement liée à cette situation, elle pose un réel problème environnemental et d’assainissement en termes de qualité de la plage et des eaux de baignade.

Les questions d’ensablement des égouts et de la pollution de la plage seront traitées dans cet article afin de mieux comprendre le phénomène et aider la municipalité, pour ce qui est de Lomé, à mieux gérer ces eaux usées en déplaçant les exutoires des égouts vers la position de l’actuel estran. Le profil d’équilibre actuel de la plage obtenu depuis quelques années sur ce segment permettra de bien stabiliser les ouvrages.

1. LE SITE D’ÉTUDE : LA PLAGE DE LOMÉ

Elle s’étend de la frontière Togo-Ghana, d’Aflao jusqu’au port autonome de Lomé sur une distance de 10 km. Elle correspond à la partie extérieure du cordon externe d’âge Holocène. C’est une plage occupée, par endroits, essentiellement de cocotiers et des espaces maraichères dans sa partie orientale. Restreinte vers l’ouest, elle atteint son extension maximale à partir de l’ancien hôtel de la Paix jusqu’au port. C’est dans ce secteur que se dressent l’hôtel Mercure Sarakawa, le Terminal à containers et les projets de construction de logements en face du siège d’Ecobank. Ce site est également jonché de vestiges historiques, notamment les deux anciens wharfs de Lomé datant des années 1900. Cette plage joue le rôle de lieu de récréation et de distraction. Elle se situe entre 1,2° et 1,27° de longitude est, et 6,112° et 6,138° de latitude nord. La figure 1 présente la situation géographique de la plage de Lomé à l’ouest du port.

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(Source : Images Google de Lomé, (2015) Figure 1 : Situation de la plage de Lomé

Le site, dans sa partie nord, est adjacent à certains quartiers de la ville et au système lagunaire. En effet, les lagunes sont une composante majeure de la basse plaine littorale du golfe du Bénin, particulièrement de la zone inter embouchures des fleuves Volta-Mono dont fait partie la plage de Lomé. Elles constituent un système continu de plusieurs plans d’eau de géométrie variable piégés dans les dépressions ou rias colmatées de la Côte d’Ivoire au Nigeria et en communication permanente ou saisonnière avec l’océan.

Le système lagunaire de Lomé se situe à l’ouest du système lagunaire du Togo qui s’organise autour de la lagune Togo communément appelée « Lac Togo » située à 30 km à l’est de de la ville. Il se divise en

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deux parties. A l’ouest, il est matérialisé par la lagune de Nyékonakpoé-Bè peu profonde. De 1 à 2 m de profondeur, elle est la partie terminale Est du système lagunaire de la Volta, et sert, d’après (BLIVI 1993), de réceptacle aux eaux de ruissellement en transit vers la mer. A l’est, se développe le système de la lagune Togo qui se raccorde au fleuve Mono par un défluent lagunaire à méandres, localement appelé la « Gbaga ».

La dynamique de la plage de Lomé et la distribution sédimentaire sont conditionnées par les paramètres d’océanographie côtière, sous l’influence des vents du SSW, prédominants en toute saison, régulièrement constants sur la côte avec des vitesses moyennes comprises entre 6 et 10 m/s. Ces vents génèrent l’agita- tion perpétuelle des masses d’eau de l’Atlantique sud d’où des paramètres hydrodynamiques, notamment les vagues et la dérive littorale qui assurent le transport et la distribution des sédiments (les sables) sur les plages (SITARZ, 1960). La figure 2 présente la direction dominante des vents (A) et de la houle (B) sur les côtes du Togo.

A B

Source : Adjoussi P., (2008)

Figure 2 : direction dominante des vents (A) et de la houle (B) sur la plage de Lomé

La figure 2 montre bien que l’orientation des vents dominants sur les côtes du Togo est de 220 à 230° tandis que celle des houles est régulièrement de 180 à 190°. Ces paramètres modèlent la côte et sont à l’origine de l’édification de nombreux modelés dans la zone.

Depuis 2010, le segment de plage entre l’hôtel Sarakawa et le port de Lomé fait l’objet d’un aménage- ment portuaire afin d’agrandir le bassin du port. Cet espace aménagé en Terminal à Containers reçoit les navires de grands tirants d’eau.

2. MÉTHODOLOGIE

Afin de mener à bien les travaux, un suivi régulier de la plage a été fait. Les bouches d’égout ont été recensées et positionnés au GPS par la méthode de collecte autonome en utilisant la technique « stop and go ». Le tableau I suivant présente les coordonnées géographiques de leur position en UTM.

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Tableau I : Les coordonnées géographiques des égouts étudiés de la plage de Lomé

Egouts Longitude Latitude

Egout 1 Egout 2 Egout 3 Egout4 Egout 5 Egout6 Egout7 Egout8

300928 302241 302971 303631 304000 304098 306277 306277

676046 676530 676773 677086 677204 677235 677997 677997 Source : Travaux de terrain, (2015)

De la bouche d’égout au trait de côte, des mesures ont été effectuées afin de dégager la largeur du volume d’accumulation de la plage depuis l’installation de ces débouchés. La largeur des segments de plage va de petite taille à Aflao (82,17 m) à son extension maximale au niveau du Terminal à Containers (759,16 m). La Figure 3 indique la position des différents déversoirs d’égouts étudiés.

Source : images satellites de Lomé, (2015)

Figure 3 : Situation des déversoirs d’égouts étudiés

Les déversoirs déjà ensevelis par le sable n’ont pas été pris en compte. Il a été considéré ceux qui sont encore visibles sur le la plage aérienne. La qualité des eaux a été constatée de visu. Leur contenu chimique nécessitant des travaux d’analyse en laboratoire n’a pas été pris en compte.

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3. LES RÉSULTATS

Le site étudié constitue le premier segment de côte entre la frontière Togo-Ghana et le port autonome de Lomé. Il concerne essentiellement la plage de la ville de Lomé. Elle est directement accolée à la ville par l’intermédiaire du boulevard de la République. Sur cette plage, de la frontière PK0 jusqu’au PK6 débouchent tous les émissaires des eaux usées et pluviales de la ville ; certains directement sur l’estran, d’autres sur la haute plage. Elle est fortement soumise, avec le secteur frontalier, à la pression de la population com- merçante et des habitants du quartier kodjoviakopé. Elle jouit d’une précaire stabilité morphologique mais reste exposée à des perturbations des surcotes, marées et vagues exceptionnelles.

La plage du PK6 au PK10, est obtenue à la suite de l’ensablement occasionné par la jetée Ouest du port de Lomé. Sur cette zone d’accumulation de sable est implanté l’hôtel Mercure Sarakawa. On dénombre à côté, des activités de pêche traditionnelle et de maraîchage pratiquées par les populations riveraines. Entre l’hôtel et la jetée, se trouvait la carrière d’exploitation du sable de mer désormais occupé par le Lomé Terminal Container.

D’une manière générale, la zone d’accumulation est relativement stable avec tout de même des craintes qu’une élévation exceptionnelle du niveau de la mer ne vienne perturber cette stabilité. Les vagues de tempêtes qui atteindraient des surcotes élevées recouvriraient tout ce segment de côte. Des déferlements près des installations constitueraient des risques pour les infrastructures proches.

3.1. LES RESULTATS MORPHOLOGIQUES

Un profil de plage est le résultat de l’influence de plusieurs paramètres (conditions des houles d’origine lointaine et locale, niveau de la mer, forme initiale du profil, nature des sédiments, etc.) dont les effets peuvent être instantanés ou cumulatifs. Autrement dit, qu’il soit réflexif, dissipateur ou d’équilibre, le profil de plage caractérise une situation hydrodynamique et morpho-sédimentaire à un instant donné (ADJOUSSI, 2008). Les levés topographiques de plage effectués visent la mise en évidence des déséquilibres (érosion et sédimentation) par segment. Sur la plage de Lomé, 2 profils ont été suivis. Les mesures se sont effectuées depuis la plage aérienne jusqu’au bas estran, zone de surf.

Les profils 1 et 2 situés dans le secteur d’accumulation, à l’ouest du port, sont assez longs (100 m). Ils pré- sentent des pentes moyennes variant entre 2,1% et 2,5%. A lire les courbes, on se rend compte que les dépôts ont été successifs de 2001 à 2013 avec des phases de baisse de volume marquées par la petite dépression observée sur la courbe. La figure 4 présente les profils de plage réalisés au niveau de l’Hôtel Sarakawa.

-8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0

4,9 11,17 18,43 26,35 34,83 41,05 46,91 60,99 71,36 80,98 88,71 97,03

Cote s

Distance(m)

18/08/01 06/04/2013 25/06/2010 13/11/2005 Océan

Source : Travaux de terrain, (2015)

Figure 4 : Profil de plage au niveau de l’Hôtel Sarakawa

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Il ressort de l’analyse de ces profils que les croissants de plage sont absents pendant la période d’obser- vation. Les formes de la plage que ressortent ces profils sont saisonnières et fonction des quantités de sédiments charriés par la dérive littorale. Afin de mieux comprendre l’évolution et la dynamique du cordon sableux qui fait office de plage de la ville de Lomé, l’analyse des profils topographiques posés sur ce seg- ment à l’ouest du port de Lomé et la collecte d’autres informations sur les transects s’avèrent importantes.

Mais, une lecture détaillée de chacun des deux grands secteurs (accumulation et érosion) fait distinguer plusieurs segments de côte aux mécanismes de formation orientés par la configuration en S de la bordure externe du remblai sous-marin du delta de la Volta. Ces mécanismes expliquent, en partie, les résultats morphologiques observés sur la plage de Lomé. En effet, les travaux d’ANTHONY (1990) fondés sur le concept de «cellules de dérive littorale» permettent d’expliquer les différences nettes en matière d’accumu- lation et d’érosion qui caractérisent ces segments. Ainsi, «la cellule littorale représente un segment de côte le long duquel l’angle d’incidence de la houle à l’approche de la côte après réfraction suivie de dissipation sur le fond immédiat et le flux d’énergie qui en dérive, engendrent des gradients variables en fonction du tracé de la côte», (BLIVI, 1993). Ces différents paramètres ont une forte répercussion sur la stabilité des cordons littoraux en termes d’érosion, de transport et d’accumulation de sédiments. Trois segments sont distingués à l’intérieur de chaque cellule de dérive littorale : un segment de départ, un segment de transport et un segment de sédimentation.

Le fonctionnement de chacune des cellules est intimement lié à l’angle d’incidence de la houle et à la configuration en «S» de la côte. Ainsi, dans les secteurs érodés, sans perturbation anthropique, la houle parvient à la côte avec un angle d’incidence compris entre 20 et 30°, suffisant pour mobiliser le stock sédi- mentaire par transit parallèle à la côte. C’est le cas dans le secteur de Keta au Ghana. Or, les vagues ont une amplitude et une énergie élevée dans ce secteur ; d’où leur forte capacité de charge. Dans les secteurs et/ou couloirs de transport, la houle est marquée par un réajustement périodique de l’angle d’incidence mais avec un flux d’énergie assez élevé permettant l’évacuation des volumes sédimentaires. Ces secteurs sont caractérisés par une relative stabilité du cordon. Les zones de dépôts, contiguës à ces couloirs de transport, se caractérisent essentiellement par une normalisation de l’angle d’incidence de la houle qui se rapproche des 90°, donc perpendiculaire au trait de côte. L’énergie de transport s’affaiblit, et se rapproche du zéro (0), réduisant le pouvoir de transport. La première conséquence est un début d’accumulation de sédiments traduite par l’édification de flèches successivement accolées.

Cette théorie explique les formes de profils variables observées sur le littoral d’autant plus que chaque profil correspond à un segment de cellule de dérive littorale avec des composantes hydrodynamiques pré- cises. D’après les observations de terrain, la zone source s’étend de l’embouchure de la Volta à Dzita. De là, partent les volumes sédimentaires qui alimentent la dérive. Ce secteur est marqué par des profils d’érosion relativement faibles à cause des apports réguliers. La cellule de Dzita-Srongboe est un couloir de transport débouchant sur la cellule de dépôt Srongboe-Keta. Une nouvelle cellule de départ commence à la fin de la flèche à l’ouest du Fort danois de Keta jusqu’à Kedzi. Elle est marquée par une érosion active aujourd’hui freinée par des ouvrages de protection installés depuis 2000. Ceci amène à une nouvelle redistribution des cellules, donc une redéfinition de la zone de départ qui s’est déplacée vers le secteur de Kedzi-Havedzi, avec un couloir de transport Havedzi-Palm-Beach et une cellule d’accumulation de Palm-Beach à la jetée principale du port de Lomé.

La description de ce mécanisme permet de bien comprendre la dynamique cumulative observée sur la plage de Lomé. Ces accumulations successives ont permis de stabiliser cette plage qui reçoit actuellement certains projets d’aménagement, notamment le Terminal à Containers, l’Hôtel Sarakawa et un projet de construction de logements

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3.2. LA DYNAMIQUE DE LA PLAGE DE LOME LIEE A LA CONSTRUCTION DU PORT AU PK 10 Il ressort des différentes études menées sur la plage du Togo que les accumulations sédimentaires obser- vées depuis la frontière du Ghana jusqu’au PK 10 sont dues à la construction du port. Cette infrastructure modifie les rythmes d’animation hydrodynamiques et le transit sédimentaire (ROSSI, 1989 ; BLIVI, 1993 ; ADJOUSSI, 2008, 2011). La construction du Lomé Terminal Containers en 2013 n’a fait que renforcer le processus.

En effet, la lecture de carte topographique de Lomé établie dans les années 1961 indique une plage assez rétrécie battue régulièrement par les vagues et dont le régime sédimentaire dépendait des quantités chargées par la dérive littorale et venant essentiellement de l’embouchure de la Volta. Le volume charrié d’environ 1 500 000 m3/an est distribué sur la côte du Togo et d’autres pays vers l’est, sur 300 Km environ.

Mais, la barrière que constitue la jetée principale du port a changé le comportement de la plage. Au lieu d’être distribués sur toute la côte, les sédiments sont bloqués provoquant une accumulation à l’ouest ; d’où l’ensablement rapide des bouches d’égouts débouchant sur ce segment. Le volume d’ensablement est fonction de l’emplacement des égouts. Il est plus important lorsqu’on approche de la jetée et diminue vers la frontière ghanéenne de Kodjoviakopé. La figure 5 illustre bien cette situation.

Source : Travaux de terrain (2016)

Figure 5 : Distribution des distances entre les bouches d’égout et le trait de la côte

Ces distances permettent de bien situer la position du trait de la côte au moment de l’installation des bouches d’égout. Au fait, tous les égouts débouchaient à leur construction proche de l’estran. Mais les dépôts sableux ont progressivement bâti des cordons successifs qui ont fini par édifier une plage fermant définitive- ment les sorties. Les importants dépôts de la plage sous-marine ont également contribué à l’édification de ces unités morphologiques. Le trait de côte a connu une mobilité du nord vers le sud à une vitesse fonction de l’énergie des vagues, de la dérive littorale et du volume sédimentaire disponible.

L’orientation des houles, du vent et du courant de la dérive littorale permet d’expliquer le comportement du long chenal créé au niveau de l’exutoire de l’égout/déversoir de Bè débouchant sur la plage de l’hôtel de la paix. Ce chenal a une orientation ouest-est longeant la plage sur plus de 500 m avant de bifurquer vers la mer. Dans ce secteur, la distance de 237,91 m qui sépare la bouche d’égout du trait de la côte montre l’importance des quantités de sédiments déposées. La figure 6 présente ce secteur avec la migration du trait de la côte du nord vers le sud.

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Source : Image Google, 2015

Figure 6 : Cinématique du trait de la côte de la plage de Lomé et étalement de l’étang

Comme on le voit sur l’image, la bouche d’égout à sa construction était sur la plage mais avec la dyna- mique du site accentuée par la construction de la jetée cet égout s’est éloigné progressivement de l’estran et se situe actuellement à environ 237,91 m.

En somme, la dynamique de la plage de Lomé est un phénomène réel qui a pour conséquences morpho- sédimentaires la fermeture des exutoires d’égout sur la plage. La vitesse d’accumulation de sable est fonction du secteur de la côte. Elle est très importante au niveau de la jetée entre l’hôtel Sarakawa et le port, faible à Kodjoviakopé aux sorties des égouts 1 et 2 vers la frontière du Ghana et moyenne entre les égouts 3 et 6.

3.3. UNE PLAGE PAR ENDROITS INSALUBRE DUE AUX DECHETS D’EGOUTS

L’analyse des bouches d’égouts montre, dans leurs environs immédiats, une sorte de dépotoir sauvage qui n’est autre que la décharge des matières solides par les eaux d’égout. Ces matières sont essentiel- lement constituées de plastique et de sable noirci par l’impureté des eaux venant des quartiers de Lomé.

D’ailleurs, certaines canalisations des maisons (douches et système d’évacuation des eaux domestiques) sont illégalement connectées au réseau d’égouts de la ville. Ce qui salit davantage les eaux drainées. La photo 1 donne des détails sur cette situation.

Source : travaux de terrain, (2015)

Photo 1 : Un exemple de débouché d’égout sur le haut de plage de Lomé à la hauteur d’Ecobank.

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Les débouchés des égouts (photo 1) aux alentours du plan d’eau sont occupés par des bouteilles plas- tiques, des sachets de « pure water » et autres sachets plastiques. L’eau particulière très noire dégage des odeurs nauséabondes. La profondeur de ces petits étangs de plage varie entre 0,25 et 1,5 m. Ce qui pollue la nappe d’eau douce piégé dans le sable à 2 m de profondeur.

L’insalubrité est surtout due à l’absence d’écoulement des eaux bloquées par la bande sableuse entre la bouche d’égout et le rivage. Cette absence d’échange de courants contribue à faire de cette eau stagnante un bouillon de germes et de bactéries. La municipalité vient, de temps en temps, ouvrir des graus afin de faire évacuer l’eau vers la mer. Mais la dynamique de la plage aidant, ces graus sont rapidement comblés par des sédiments en transit essentiellement constitués des sables fins à moyens.

Au-delà de ces questions d’assainissement de la plage, se pose aussi le problème d’inondation dans la ville liée à l’obstruction des bouches d’égouts. Pour renforcer l’évacuation du trop plein d’eau vers la mer, une pompe a été installée à Bè. Les eaux évacuées par cette pompe sont déversées sur la plage en face de l’hôtel de la Paix créant un chenal de 580 m. Ce chenal longe l’océan. Le débouché actuel est bloqué par une bande sableuse de temps en temps dégagée pour laisser passer l’eau afin de réduire les inondations dans la ville de Lomé.

4. APPROCHE DE GESTION

En se fondant sur les résultats des travaux antérieurs portant sur la qualité des eaux de front de mer du Togo et leur niveau de contamination, une approche de gestion est proposée. Il s’agit de mettre en place un système de communication pour informer les populations sur la qualité de l’eau. En général, les popu- lations riveraines ont l’habitude de constater, de visu, la couleur de l’eau avant de se décider à s’y baigner.

Ce système peut passer des simples panneaux d’information fixés sur la plage aux informations diffusées par radio. Ensuite, il faut établir un protocole de gestion impliquant tous les acteurs concernés, consigné dans un manuel. Il faut aussi continuer le suivi de l’évolution de la plage en se fondant sur l’établissement régulier des profils de plage. Il conviendrait de déplacer les bouches d’égouts vers l’estran et projeter la construction d’une station d’épuration ou de décantation des eaux usées, avant leur déversement dans la mer. La figure 7 présente la situation de la plage après la réalisation du projet.

Source : Images Google (2015)

Figure 7 : Résultat attendu du projet de déplacement des égouts

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A la réalisation du projet, comme on le voit sur la figure 7, tous les égouts seront déplacés vers l’estran.

Ceci donnerait une belle plage dépourvue des étangs insalubres actuellement observés.

Le projet vise à améliorer et à réduire la pollution de la plage par les eaux usées des égouts. Ainsi, la mise en œuvre des approches de gestion proposées permettront de donner un nouveau visage aux plages du Togo et offrir une meilleure qualité d’eau de baignade.

Il faudrait pour cela outiller et renforcer la capacité des services techniques de la mairie, des agents et responsables des réseaux d’assainissement. Enfin, il est nécessaire de développer un système d’alerte précoce en cas de pollution avérée de la plage.

Le rejet des eaux dans la mer après traitement va accélérer le processus de dilution de la concentration chimique des eaux usées des égouts de la ville. Les sorties des égouts devraient être supportées par des pieux afin d’éviter la situation actuellement observée sur la plage, l’ensablement des déversoirs. On notera alors une reprise de la flore et de la faune marine dont la croissance a été ralentie par cette pollution.

5. DISCUSSION

La relative stabilité de la plage de Lomé est réelle. Elle résulte de l’action de l’ensemble des facteurs dyna- miques modelant la zone côtière à cordon sableux du Togo. L’étude a montré que ces éléments sont aussi bien naturels qu’anthropiques. En effet, l’édification de ce cordon sableux a été faite grâce à la combinaison de l’effet des facteurs naturels, houles vagues, dérive littoral, etc., renforcés par les facteurs anthropiques notamment la jetée principale du port. Les bouches d’égout dans leur position actuelle, sont des témoins de cette évolution de la plage. Elles ont permis de retracer l’accumulation progressive des sédiments depuis la frontière d’Aflao jusqu’au port de Lomé. Mais dans le contexte actuel des changements climatiques cette stabilité pourrait-elle durer ? Les travaux concordants notamment ceux de BLIVI, (2001), bien que montrant la dynamique de ce segment côtier du Togo soutiennent que les houles et les vagues de tempêtes auront une incidence négative sur ce cordon. En effet, ces éléments seront renforcés avec l’élévation prévue du niveau de la mer. La reprise d’érosion est à craindre.

Les travaux de ROSSI, (1989) sur ce segment de côte montrent que s’il y a accumulation à l’ouest du port de Lomé, au-delà de l’action de la jetée principale, c’est aussi le résultat du dépôt de volumes importants de sable venant de la Volta qui serait à l’origine. Sans le port, ces sables seraient redistribués en fonction de la morphologie de la côte sur tout le littoral à l’est de l’embouchure du fleuve Volta. Ces recherches concordantes consolident nos résultats.

Dans l’ensemble ce paysage côtier bien que présentant quelques secteurs insalubres accueille de nom- breuses personnes les weekends. C’est une zone de recréation très appréciée des loméens. Le caractère insalubre développé dans cet article ne prend en compte que les environs immédiats des bouches d’égouts.

En effet, des groupes organisés avec parfois l’appui de la Mairie viennent de temps en temps entretenir cette plage afin de la rendre plus accueillante. Toutefois, ces questions environnementales posent de sérieux pro- blèmes d’assainissement de la plage de Lomé. Les populations riveraines ne semblent pas préoccupées par la situation. Elles sont de temps en temps impliquées dans la gestion mais pas avec gaieté de cœur.

La mise en évidence de la dynamique du segment de littoral du Togo dans cet article n’est pas nouvelle en Afrique de l’Ouest. Elle fait suite aux travaux d’IBE (1990) sur les côtes d’Afrique de l’ouest et du centre, de BLIVI, (1993) dans le golfe du Bénin, d’ADAM (1998) sur les côtes du Bénin et d’ADJOUSSI, (2008) sur la côte entre les fleuves Volta et Mono.

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CONCLUSION

Le projet d’aménagement présenté dans cet article vise à réduire la pollution de la plage de Lomé et des eaux marines adjacentes par les eaux usées des égouts. Une fois exécuté, il améliorera non seulement la physionomie de la plage, mais aussi la qualité des eaux de baignade. Il permettra également le développe- ment d’un protocole et plan de gestion durable de ces questions. La dynamique côtière a été bien établie dans cette étude qui a permis de comprendre pourquoi les déversoirs d’égouts ont été pris dans le sable sur la plage de Lomé. Dans l’ensemble, le segment de côte étudié est en accumulation généralisée lui offrant une certaine stabilité faisant appel aux projets d’investissements en infrastructures : hôtels et logements.

Toutefois, malgré cette relative stabilité, la plage de Lomé n’est pas à l’abri des surcotes qui pourraient l’envahir à tout moment dans ce contexte des changements climatiques. Ces observations requièrent une attention particulière afin d’éviter des installations hasardeuses pouvant déboucher sur des catastrophes (raz-de-marée, élévation du niveau de la mer, etc.) que connaissent généralement les zones côtières.

REFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Lett., Tome XV, Lomé, 19 p.

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