• Aucun résultat trouvé

La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP) : réflexions autour d'évolutions récentes

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP) : réflexions autour d'évolutions récentes"

Copied!
28
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP) : réflexions autour d'évolutions récentes

VILLARD, Katia Anne

VILLARD, Katia Anne. La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP) : réflexions autour d'évolutions récentes. Revue pénale suisse , 2017, vol. 135, no. 2, p.

145-171

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:102741

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

144 Stephan Bernard ZStrR.Band/Tome 135. 2017 ZStrR-Band/Tome 135-2017 145

darum, die Entwicklungslinien, die gesellschaftspolitische Verortung und die tat- sàchlichen Auswirkungen des Strafrechts einer breiten ÔfFentlichkeit fundiert zu

vermitteln. Der juristischen Fachwelt kâme indessen meines Erachtens gerade im

heutigen kriminalpolitischen Umfeld und in Anbetracht der aufgeheizten ôffent-

lichen und politischen Strafrechtsdebatten die Aufgabe zu, als Beitrag zur straf- rechtskulturellen Qualitàtssicherung vermehrt aufklàrerisch zu wirken. Denn nur der Versuch einer solchen Diskurskorrektur schafft die HofFnung, dass das Straf- recht ein Sensorium fur das Leiden an seinen Inklusions- und Exklusionsgrenzen entwickelt, einen Massstab fur den Umschlag von Rechtskraft in Rechtsgewalt.112

KatiaVillard, Genève'

La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP): réflexions autour d'évolutions récentes

Table des matières I. Introduction

II. Retour sur quelques acquis

l. Le lieu de l exécution de l infraction a) Le lieu de l exécution partielle

b) La problématique des actes préparatoires 2. La participation accessoire

3. La confiscation

III. L'évolution de la notion de résultat

l. L'absence de revirement de jurisprudence 2. L'élargissement de la notion de résultat

a) Le rattachement par «l'achèvement» de l'infraction aa) Les infractions avec dessein d enrichissement illégitime bb) Les autres infractions «à but immédiat»

b) Le lieu du dommage patrimonial

e) Le lieu du crédit ou du débit de l'avantage indu en matière de corruption IV. Point sur deux développements jurisprudentiels récents

l. L'ATF 141 IV 336

2. Lesjugements du Tribunal pénal fédéral des 27. 11.2015,SK.2014.46,etl9.12.2014, SK.2014.32, rendus dans les affaires «Falciani» et «Condamin-Gerbier»

V. La problématique de Ye-banking VI. Remarques conclusives

I. Introduction

La tendance actuelle est à une extension de la compétence pénale des juri- dictions nationales, qui se manifeste notamment par une interprétation large de la notion du lieu de commission de l'infraction2. Cette inclinaison est expressément assumée par le Tribunal fédéral; depuis plusieurs années, sa jurisprudence réaf- firme fréquemment que, pour éviter les conflits négatifs de juridictions, soit les cas dans lesquels aucun Etat ne revendique sa compétence pour connaître de l'infrac-

112 In Anlehnung an A. Fischer-Lescano, Rechtskraft, Kôln 2013,102.

L'auteure remercie vivement la professeure Ursula Cassani et Mme Nadia Meriboute, assis- tante à l'Université de Genève, de leur minutieuse relecture et leurs précieuses remarques.

Dans le même sens pour le droit allemand, B. Heinrich, Handlung und Erfolg bei Distanz- delikten, in: Festschrift fur Ulrich Weber, B. Heinrich/E. Hilgendorf/W. Mitsch/D. Sternberg- Lieben (édit.), Bielefeld, 2004, 91, 93.

(3)

146 KatiaVillard ZStrR.Band/Tome 135. 2017 La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP): réflexions autour d'évolutions récentes 147

tion, il se justifie d'admettre la compétence territoriale du juge suisse même en l'ab- sence de lien étroit entre le crime et le territoire helvétique3.

Le phénomène est en partie dû à l'influence d'instruments internationaux préconisant, pour les infractions qui y sont visées, une interprétation généreuse du principe de territorialité, comme c'est notamment le cas en matière de corruption4.

Les lignes qui suivent ont pour objectif un tour d'horizon de révolution ré- cente de la pratique judiciaire en matière de compétence territoriale, accompagné de pistes de réflexion sur les enseignements que l on peut tirer de ces développe- ments essentiellement casuistiques.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, le lecteur doit d'emblée être prévenu: laju- risprudence relative à la notion de lieu de commission ne suit guère de ligne de

conduite intelligible et les décisions des tribunaux doivent souvent être considérées

avec retenue. En effet, outre que, sur le fond, le sujet est délicat à appréhender, plu- sieurs autres facteurs rendent la portée de la pratique judiciaire largement incertaine.

Tout d'abord, les évolutions en la matière se composent en bonne partie d'obiter dicta. Il arrive en particulier que les juges, dans leur raisonnement, ad- mettent qu'un élément de la situation d'espèce constitue un lien de rattachement, mais que l'ensemble du complexe de faits soumis au tribunal contient en réalité d'autres circonstances de rattachement avec le territoire, toutes concourant, in casu,

à légitimer la compétence du juge5.

Ensuite, même si la compétence s examine d'of&ce, et à toutes les étapes de la procédure, elle est évidemment avant tout vérifiée à l'ouverture de celle-ci. Or, à ce stade, la maxime in dubio pro duriore s'applique, y compris au regard du critère de rattachement, de sorte qu en cas d'incertitude la jurisprudence tranche en faveur de la compétence du juge suisse6. En pratique d'ailleurs, si la compétence n'est pas

contestée par la défense et qu'elle a été admise en début de procédure, le juge du fond

3 ATF 141 IV 205, 210; ATF 141 IV 336, 338 s.; arrêt du TF 6B_178/2011 du 20.6.2011, consid. 3.1.1;

arrêt du TF 6B_74/2011 du 13.9.2011, consid. 2.3; arrêt du TF 6B_251/2012 du 2.10.2012, consid. 1.3; arrêt du TF 6B_127/2013 du 3.9.2013, consid. 4.2.1; arrêt du TF 6B_123/2014 du 2.12.2014, consid. 2.3 (considérant non publié aux ATF 141 IV 10).

4 Cf. art. 4 ch. l Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étran- gers dans les transactions commerciales internationales du 17 décembre 1997 (RS 0.311.21) et OCDE, Commentaires relatifs à la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, adoptés par la Conférence de né- gociations le 21 novembre 1997, ad art. 4 § 25; art. 17 al. l let. a Convention pénale sur la cor- ruption du Conseil de l'Europe du 27 janvier 1999 (RS 0.311.55) et Conseil de l'Europe, Rap- port explicatif de la Convention pénale sur la corruption, Strasbourg, 27. 1.1999,STE 173,§ 79.

5 Cf. par exemple jugement du TPF SK.2015.12 du 15.9.2015, consid. 4.5.2; arrêt du TPF RR.2015.280 du 27.1.2016, consid. 7.3 et 7.6; arrêt du TPF RR.2015.297 du 16.3.2016, consid. 6.3 s.

6 Cf. par exemple arrêt du TF 6B_127/2013 du 3. 9.2013, consid. 4.3; décision du TPF BB.2013.146 du2.12.2013,consid.3.3.

ne la remettra généralement en cause que lorsqu'elle fait manifestement défaut, et ce d'autant s'il est saisi à l'issue d'une procédure simplifiée (cf. art. 358 ss CPP).

En outre, la casuistique relative à la définition du lieu de commission de l'in- fraction a régulièrement pour trame de fond la détermination, non pas de la com- pétence internationale, mais du for intercantonal. Nous rappelons en effet que les notions d'acte et de résultat au sens de l'art. 31 CPP s'interprètent de la même ma- nière que leurs homonymes de l'art. 8 CP. Dans ce cadre, la réflexion du juge est sous-tendue, non pas par la question de savoir si la cause présente des liens suffi- samment étroits avec la Suisse, justifiant que l'on y localise l'infraction, mais par la désignation du canton dans lequel la procédure doit suivre son cours.

Enfin, plusieurs des décisions qui traitent de la notion de lieu de commis- sion ont été rendues en matière d'entraide pénale internationale, alors que la Suisse jouait le rôle de l'Etat requis. Or, dans un tel contexte, c'est la compétence de l'Etat requérant qui est en question et les considérations relatives à la localisation de l in- fraction ne servent donc en réalité qu'à vérifier que l Etat requérant ne revendique pas sa compétence de manière manifestement abusive7.

II. Retour sur quelques acquis

l. Le lieu de l'exécution de l'infraction

a) Le lieu de l'exécution partielle

Au risque d'énoncer une évidence, il faut commencer par rappeler qu'il suf- fit d'une exécution partielle de l'infraction en Suisse pour que celle-ci soit réputée réalisée, dans son intégralité, sur le territoire8.

Simple à première vue, la règle n'est pas toujours aisée à appliquer en pra- tique. Elle suppose en effet, en présence de plusieurs actes à coloration pénale, per- pétrés pour partie en Suisse et pour partie à l'étranger, de déterminer lesquels de ces actes doivent être considérés comme composant une - et une seule - infrac- tion. L'exercice est délicat. D'un côté, une trop grande fragmentation des faits et

7 Nous rappelons en effet qu'il n'appartient pas au juge de l'entraide, sous réserve de cas mani- festement abusifs constitutifs d'une violation du droit international public, de se déterminer sur la compétence de l'Etat requérant (ATF 126 II 212, 216 = JdT 2004 IV 105, 106); cf. arrêt du TPF RR.2015.280 du 27. l. 2016, en particulier consid. 7.3 ss; arrêt du TPF RR.2015.292 du 3.3.2016, consid. 7.3 ss; arrêt du TPF RR.2015.297 du 16.3.2016, consid. 6.3 ss.

8 Entre autres ATF 141 IV 205, 210; ATF 141 IV 336, 338; U. Cassant, Die Anwendbarkeit des schweizerischen Strafrechts auf internationale Wirtschaftsdelikte (art. 3-7 StGB), RPS 1996, 237, 245; P. Popp/T. Keshelava, in: Basler Kommentar Strafrecht I, M. A. Niggli/H. Wipràch- tiger (édit), 3e éd., Baie 2013, art. 8 N 4; M. Harari/M. Liniger Gros, in: Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, R. Roth/L. Moreillon (édit), Baie 2009, art. 8 N 12.

(4)

146 KatiaVillard ZStrR.Band/Tome 135. 2017 La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP): réflexions autour d'évolutions récentes 147

tion, il se justifie d'admettre la compétence territoriale du juge suisse même en l'ab- sence de lien étroit entre le crime et le territoire helvétique3.

Le phénomène est en partie dû à l'influence d'instruments internationaux préconisant, pour les infractions qui y sont visées, une interprétation généreuse du principe de territorialité, comme c'est notamment le cas en matière de corruption4.

Les lignes qui suivent ont pour objectif un tour d'horizon de révolution ré- cente de la pratique judiciaire en matière de compétence territoriale, accompagné de pistes de réflexion sur les enseignements que l on peut tirer de ces développe- ments essentiellement casuistiques.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, le lecteur doit d'emblée être prévenu: laju- risprudence relative à la notion de lieu de commission ne suit guère de ligne de

conduite intelligible et les décisions des tribunaux doivent souvent être considérées

avec retenue. En effet, outre que, sur le fond, le sujet est délicat à appréhender, plu- sieurs autres facteurs rendent la portée de la pratique judiciaire largement incertaine.

Tout d'abord, les évolutions en la matière se composent en bonne partie d'obiter dicta. Il arrive en particulier que les juges, dans leur raisonnement, ad- mettent qu'un élément de la situation d'espèce constitue un lien de rattachement, mais que l'ensemble du complexe de faits soumis au tribunal contient en réalité d'autres circonstances de rattachement avec le territoire, toutes concourant, in casu,

à légitimer la compétence du juge5.

Ensuite, même si la compétence s examine d'of&ce, et à toutes les étapes de la procédure, elle est évidemment avant tout vérifiée à l'ouverture de celle-ci. Or, à ce stade, la maxime in dubio pro duriore s'applique, y compris au regard du critère de rattachement, de sorte qu en cas d'incertitude la jurisprudence tranche en faveur de la compétence du juge suisse6. En pratique d'ailleurs, si la compétence n'est pas

contestée par la défense et qu'elle a été admise en début de procédure, le juge du fond

3 ATF 141 IV 205, 210; ATF 141 IV 336, 338 s.; arrêt du TF 6B_178/2011 du 20.6.2011, consid. 3.1.1;

arrêt du TF 6B_74/2011 du 13.9.2011, consid. 2.3; arrêt du TF 6B_251/2012 du 2.10.2012, consid. 1.3; arrêt du TF 6B_127/2013 du 3.9.2013, consid. 4.2.1; arrêt du TF 6B_123/2014 du 2.12.2014, consid. 2.3 (considérant non publié aux ATF 141 IV 10).

4 Cf. art. 4 ch. l Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étran- gers dans les transactions commerciales internationales du 17 décembre 1997 (RS 0.311.21) et OCDE, Commentaires relatifs à la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, adoptés par la Conférence de né- gociations le 21 novembre 1997, ad art. 4 § 25; art. 17 al. l let. a Convention pénale sur la cor- ruption du Conseil de l'Europe du 27 janvier 1999 (RS 0.311.55) et Conseil de l'Europe, Rap- port explicatif de la Convention pénale sur la corruption, Strasbourg, 27. 1.1999,STE 173,§ 79.

5 Cf. par exemple jugement du TPF SK.2015.12 du 15.9.2015, consid. 4.5.2; arrêt du TPF RR.2015.280 du 27.1.2016, consid. 7.3 et 7.6; arrêt du TPF RR.2015.297 du 16.3.2016, consid. 6.3 s.

6 Cf. par exemple arrêt du TF 6B_127/2013 du 3. 9.2013, consid. 4.3; décision du TPF BB.2013.146 du2.12.2013,consid.3.3.

ne la remettra généralement en cause que lorsqu'elle fait manifestement défaut, et ce d'autant s'il est saisi à l'issue d'une procédure simplifiée (cf. art. 358 ss CPP).

En outre, la casuistique relative à la définition du lieu de commission de l'in- fraction a régulièrement pour trame de fond la détermination, non pas de la com- pétence internationale, mais du for intercantonal. Nous rappelons en effet que les notions d'acte et de résultat au sens de l'art. 31 CPP s'interprètent de la même ma- nière que leurs homonymes de l'art. 8 CP. Dans ce cadre, la réflexion du juge est sous-tendue, non pas par la question de savoir si la cause présente des liens suffi- samment étroits avec la Suisse, justifiant que l'on y localise l'infraction, mais par la désignation du canton dans lequel la procédure doit suivre son cours.

Enfin, plusieurs des décisions qui traitent de la notion de lieu de commis- sion ont été rendues en matière d'entraide pénale internationale, alors que la Suisse jouait le rôle de l'Etat requis. Or, dans un tel contexte, c'est la compétence de l'Etat requérant qui est en question et les considérations relatives à la localisation de l in- fraction ne servent donc en réalité qu'à vérifier que l Etat requérant ne revendique pas sa compétence de manière manifestement abusive7.

II. Retour sur quelques acquis

l. Le lieu de l'exécution de l'infraction

a) Le lieu de l'exécution partielle

Au risque d'énoncer une évidence, il faut commencer par rappeler qu'il suf- fit d'une exécution partielle de l'infraction en Suisse pour que celle-ci soit réputée réalisée, dans son intégralité, sur le territoire8.

Simple à première vue, la règle n'est pas toujours aisée à appliquer en pra- tique. Elle suppose en effet, en présence de plusieurs actes à coloration pénale, per- pétrés pour partie en Suisse et pour partie à l'étranger, de déterminer lesquels de ces actes doivent être considérés comme composant une - et une seule - infrac- tion. L'exercice est délicat. D'un côté, une trop grande fragmentation des faits et

7 Nous rappelons en effet qu'il n'appartient pas au juge de l'entraide, sous réserve de cas mani- festement abusifs constitutifs d'une violation du droit international public, de se déterminer sur la compétence de l'Etat requérant (ATF 126 II 212, 216 = JdT 2004 IV 105, 106); cf. arrêt du TPF RR.2015.280 du 27. l. 2016, en particulier consid. 7.3 ss; arrêt du TPF RR.2015.292 du 3.3.2016, consid. 7.3 ss; arrêt du TPF RR.2015.297 du 16.3.2016, consid. 6.3 ss.

8 Entre autres ATF 141 IV 205, 210; ATF 141 IV 336, 338; U. Cassant, Die Anwendbarkeit des schweizerischen Strafrechts auf internationale Wirtschaftsdelikte (art. 3-7 StGB), RPS 1996, 237, 245; P. Popp/T. Keshelava, in: Basler Kommentar Strafrecht I, M. A. Niggli/H. Wipràch- tiger (édit), 3e éd., Baie 2013, art. 8 N 4; M. Harari/M. Liniger Gros, in: Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, R. Roth/L. Moreillon (édit), Baie 2009, art. 8 N 12.

(5)

148 KatiaVillard ZStrR.Band/Tome 135-2017 La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP): réflexions autour d'évolutions récentes 149

gestes de l'auteur réduit la synecdoque à sa portion congrue, rend artificielle l'ap- préciation du juge en lui enlevant une vision d'ensemble des événements et fausse le principe de culpabilité ancré à l'art. 47 CP, l'auteur n'étant finalement puni qu'à hauteur d'une partie de son comportement seulement. De l'autre côté, une appré- hension trop large du complexe de faits étend de manière démesurée la compé- tence du juge suisse.

Sur le plan du raisonnement, c'est par le concept d'unité d'actions, initiale-

ment développé par le Tribunal fédéral en matière de prescription9 qu'il faut pas-

ser. Une unité d'actions résulte tout d'abord, et c'est le cas le plus simple, du fait que la norme pénale suppose, intrinsèquement, la commission d'une pluralité d'actes, comme c'est le cas des délits dits complexes ou continus, à l'exemple du viol (art. 190

CP) ou de la séquestration (art. 183 CP)10. Il y a également unité d'actions lorsque l'énoncé légal décrit un comportement qui, de fait, impliquera régulièrement la

commission de plusieurs actes". Tel est par exemple le cas de la gestion déloyale (art. 158 CP), du financement du terrorisme (art. 260iuin<iui!;s CP) ou encore du blan- chiment d'argent (art. 305bis CP)12. De manière plus générale doivent être appréciés

dans leur globalité les actes punissables qui «procède[nt] d'une décision unique,se

tradui[sent], dans le temps et dans l'espace, par des actes suffisamment rapprochés

pour former un tout et produisent] un résultat délictueux> pouvant être considéré

comme unique»13.

Ainsi, l auteur qui drogue sa victime sur le territoire français pour com- mettre ensuite sur elle l'acte sexuel en Suisse sera poursuivi par le juge suisse sur la

9 En particulier ATF 131 IV 83, 93 s.= JdT 2007 IV 83, 92 s.

10 ATF 132 IV 49, 54; A. Donatsch/B. Tag, Strafrecht I, 9e éd., Zurich 2013, 412; A. Dyeni, Terri- torialité et ubiquité en droit pénal international suisse, Baie 2014, N 528 s.; G. Stratenwerth, Allgemeiner Teil 1,4e éd., Berne 2011, § 19 N 9 ss; cf. pour un exemple en matière de séquestra- tion, jugement du TPF SK.2015.48 du 9.5.2016, consid. 1.1.3 ss.

11 ATF 132 IV 49, 54; J.-B. Ackermann, in: BSK StGB l (n. 8), art. 49 N 26; D^ens (n. 10), N 529.

12 Dyens (n. 10), N 530; cf. aussi Ackermann, in: BSK StGB l (n. 8), art. 49 N 27.

13 ATF 118 IV 91, 92 s. = JdT 1994 IV 115,116; Popp/Keshelava, in: BSK StGB l (n. 8), art. 8 N 4.

La jurisprudence et la doctrine dominante distinguent entre unité typique d'actions, s'agis- sant des deux premières catégories de comportements mentionnés, et unité naturelle d'ac- tions en ce qui concerne la troisième (ATF 131 IV 83, 93 s. = JdT 2007 IV 83, 92 s.; ATF 133 IV 256, 265 s.; ATF 132 IV 49, 54 s.; Dyens (n. 10), N 524 ss et 528 ss; Donatsch/Tag (n. 10), 412 s.; Stratenwerth, AT l (n. 10), § 19 N 12 s.). Nous tendons, quant à nous, à adhérer à la po- sition d'Ackermann, selon lequel la distinction est sujette à caution (Ackermann, in: BSK StGB l (n. 8), art. 49 N 45 s.), notamment en raison du fait que ces catégories peuvent tout à fait se recouper. Par exemple, si les divers actes d'entrave constitutifs d'un blanchiment d'argent en chaîne (Ketten-Geldwascherei) sont généralement appréhendés comme une unité typique d'ac- tions, ils rentrent également dans la définition d'unité naturelle d'actions en ce qu'ils relèvent de la même décision et forment une seule entité. La distinction ne change par ailleurs de toute façon rien relativement à la compétence du juge suisse.

base de l'art. 190 CP, et non pour acte commis sur une personne incapable de ré- sistance au sens de l'art. 191 CP14.

Dans le cadre de l'art. 305bis CP, l'auteur qui éparpille simultanément les va- leurs patrimoniales blanchies sur divers comptes ou qui réalise, dans un court laps de temps, plusieurs opérations successives de blanchiment sur les mêmes valeurs patrimoniales (blanchiment en chaîne) effectue plusieurs actes d entrave, qui doivent être appréhendés comme une seule infraction15, ce quand bien même chaque acte pris séparément constitue déjà une violation de l'art. 305bis CP16. Dans ce cas, le juge est à notre sens compétent à l'égard de l'ensemble des faits constitutifs d'en- trave, y compris ceux qui seraient cas échéant commis à l'étranger17. Pour prendre un exemple concret, l'auteur qui, depuis l étranger, donne Ibrdre à un intermé- diaire financier suisse de transférer des valeurs patrimoniales de son compte suisse sur un compte français puis, immédiatement après, vire l argent sur un autre compte bancaire dont l'une de ses sociétés est titulaire, avant de retirer du compte, en es- pèces, la somme en question, pourra être poursuivi par le juge suisse pour tout le complexe de faits précité. Dans une telle constellation en effet, segmenter, aux fins de la détermination de la compétence, les différents actes d'entrave offre au juge une vision réductrice des événements et l'empêche d'apprécier la culpabilité du dé- linquant à sa juste valeur.

Du point de vue de l'auteur par ailleurs, une telle fragmentation pourra en

particulier lui être défavorable lorsque les Etats dans lesquels le blanchiment en

chaîne a eu lieu sont parties à la Convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS). En effet, si, pour reprendre l'exemple précité, le juge suisse ne s'est penché que sur le transfert du compte suisse au compte français, des poursuites pour les autres actes d'entrave commis hors du territoire pourraient être introduites à l'en- contre de l'auteur à l'étranger, ce qui ne sera pas le cas s il a déjà été jugé en Suisse pour le tout18.

Reste que les arguments susmentionnés ne doivent pas conduire à élargir le concept d'unité d'actions qui ne doit être admis qu'avec retenue19, lorsqu'il appa-

14 Cf. pour un autre exemple Popp/Keshelava, in: BSK StGB l (n. 8), art. 8 N 18.

15 Ackermann, in: BSK StGB l (n. 8), art. 49 N 27; Dyens (n. 10), N 1062; pour une analyse dé- taillée, J.-B. Ackermann. in: Kommentar Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwàsche- rei, N. Schmid (édit.), vol. I, Zurich 1998, art. 305bis CP N 389 ss; cf. aussi jugement du TPF SK.2006.20 du 3.10.2007, consid. 3.1.1 ss, dans lequel une unité d'actions n'a en l'occurrence pas été retenue.

16 Ackermann, in: Kommentar Einziehung, organisiertes Verbrechen und Geldwâscherei (n. 15), art 305b's N 491.

17 Dyens (n. 10), N 1077; contra: Ackermann, in: Kommentar Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwascherei (n. 15), art 305bis N 492.

18 Cf. art. 54 et 55 ch. l let. a CAAS.

19 Cf. en matière de prescription notamment ATF 127 IV 49, 54 s.; ATF 131 IV 83, 90 s. = JdT 2007 IV 83, 89 s.

(6)

148 KatiaVillard ZStrR.Band/Tome 135-2017 La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP): réflexions autour d'évolutions récentes 149

gestes de l'auteur réduit la synecdoque à sa portion congrue, rend artificielle l'ap- préciation du juge en lui enlevant une vision d'ensemble des événements et fausse le principe de culpabilité ancré à l'art. 47 CP, l'auteur n'étant finalement puni qu'à hauteur d'une partie de son comportement seulement. De l'autre côté, une appré- hension trop large du complexe de faits étend de manière démesurée la compé- tence du juge suisse.

Sur le plan du raisonnement, c'est par le concept d'unité d'actions, initiale-

ment développé par le Tribunal fédéral en matière de prescription9 qu'il faut pas-

ser. Une unité d'actions résulte tout d'abord, et c'est le cas le plus simple, du fait que la norme pénale suppose, intrinsèquement, la commission d'une pluralité d'actes, comme c'est le cas des délits dits complexes ou continus, à l'exemple du viol (art. 190

CP) ou de la séquestration (art. 183 CP)10. Il y a également unité d'actions lorsque l'énoncé légal décrit un comportement qui, de fait, impliquera régulièrement la

commission de plusieurs actes". Tel est par exemple le cas de la gestion déloyale (art. 158 CP), du financement du terrorisme (art. 260iuin<iui!;s CP) ou encore du blan- chiment d'argent (art. 305bis CP)12. De manière plus générale doivent être appréciés

dans leur globalité les actes punissables qui «procède[nt] d'une décision unique,se

tradui[sent], dans le temps et dans l'espace, par des actes suffisamment rapprochés

pour former un tout et produisent] un résultat délictueux> pouvant être considéré

comme unique»13.

Ainsi, l auteur qui drogue sa victime sur le territoire français pour com- mettre ensuite sur elle l'acte sexuel en Suisse sera poursuivi par le juge suisse sur la

9 En particulier ATF 131 IV 83, 93 s.= JdT 2007 IV 83, 92 s.

10 ATF 132 IV 49, 54; A. Donatsch/B. Tag, Strafrecht I, 9e éd., Zurich 2013, 412; A. Dyeni, Terri- torialité et ubiquité en droit pénal international suisse, Baie 2014, N 528 s.; G. Stratenwerth, Allgemeiner Teil 1,4e éd., Berne 2011, § 19 N 9 ss; cf. pour un exemple en matière de séquestra- tion, jugement du TPF SK.2015.48 du 9.5.2016, consid. 1.1.3 ss.

11 ATF 132 IV 49, 54; J.-B. Ackermann, in: BSK StGB l (n. 8), art. 49 N 26; D^ens (n. 10), N 529.

12 Dyens (n. 10), N 530; cf. aussi Ackermann, in: BSK StGB l (n. 8), art. 49 N 27.

13 ATF 118 IV 91, 92 s. = JdT 1994 IV 115,116; Popp/Keshelava, in: BSK StGB l (n. 8), art. 8 N 4.

La jurisprudence et la doctrine dominante distinguent entre unité typique d'actions, s'agis- sant des deux premières catégories de comportements mentionnés, et unité naturelle d'ac- tions en ce qui concerne la troisième (ATF 131 IV 83, 93 s. = JdT 2007 IV 83, 92 s.; ATF 133 IV 256, 265 s.; ATF 132 IV 49, 54 s.; Dyens (n. 10), N 524 ss et 528 ss; Donatsch/Tag (n. 10), 412 s.; Stratenwerth, AT l (n. 10), § 19 N 12 s.). Nous tendons, quant à nous, à adhérer à la po- sition d'Ackermann, selon lequel la distinction est sujette à caution (Ackermann, in: BSK StGB l (n. 8), art. 49 N 45 s.), notamment en raison du fait que ces catégories peuvent tout à fait se recouper. Par exemple, si les divers actes d'entrave constitutifs d'un blanchiment d'argent en chaîne (Ketten-Geldwascherei) sont généralement appréhendés comme une unité typique d'ac- tions, ils rentrent également dans la définition d'unité naturelle d'actions en ce qu'ils relèvent de la même décision et forment une seule entité. La distinction ne change par ailleurs de toute façon rien relativement à la compétence du juge suisse.

base de l'art. 190 CP, et non pour acte commis sur une personne incapable de ré- sistance au sens de l'art. 191 CP14.

Dans le cadre de l'art. 305bis CP, l'auteur qui éparpille simultanément les va- leurs patrimoniales blanchies sur divers comptes ou qui réalise, dans un court laps de temps, plusieurs opérations successives de blanchiment sur les mêmes valeurs patrimoniales (blanchiment en chaîne) effectue plusieurs actes d entrave, qui doivent être appréhendés comme une seule infraction15, ce quand bien même chaque acte pris séparément constitue déjà une violation de l'art. 305bis CP16. Dans ce cas, le juge est à notre sens compétent à l'égard de l'ensemble des faits constitutifs d'en- trave, y compris ceux qui seraient cas échéant commis à l'étranger17. Pour prendre un exemple concret, l'auteur qui, depuis l étranger, donne Ibrdre à un intermé- diaire financier suisse de transférer des valeurs patrimoniales de son compte suisse sur un compte français puis, immédiatement après, vire l argent sur un autre compte bancaire dont l'une de ses sociétés est titulaire, avant de retirer du compte, en es- pèces, la somme en question, pourra être poursuivi par le juge suisse pour tout le complexe de faits précité. Dans une telle constellation en effet, segmenter, aux fins de la détermination de la compétence, les différents actes d'entrave offre au juge une vision réductrice des événements et l'empêche d'apprécier la culpabilité du dé- linquant à sa juste valeur.

Du point de vue de l'auteur par ailleurs, une telle fragmentation pourra en

particulier lui être défavorable lorsque les Etats dans lesquels le blanchiment en

chaîne a eu lieu sont parties à la Convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS). En effet, si, pour reprendre l'exemple précité, le juge suisse ne s'est penché que sur le transfert du compte suisse au compte français, des poursuites pour les autres actes d'entrave commis hors du territoire pourraient être introduites à l'en- contre de l'auteur à l'étranger, ce qui ne sera pas le cas s il a déjà été jugé en Suisse pour le tout18.

Reste que les arguments susmentionnés ne doivent pas conduire à élargir le concept d'unité d'actions qui ne doit être admis qu'avec retenue19, lorsqu'il appa-

14 Cf. pour un autre exemple Popp/Keshelava, in: BSK StGB l (n. 8), art. 8 N 18.

15 Ackermann, in: BSK StGB l (n. 8), art. 49 N 27; Dyens (n. 10), N 1062; pour une analyse dé- taillée, J.-B. Ackermann. in: Kommentar Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwàsche- rei, N. Schmid (édit.), vol. I, Zurich 1998, art. 305bis CP N 389 ss; cf. aussi jugement du TPF SK.2006.20 du 3.10.2007, consid. 3.1.1 ss, dans lequel une unité d'actions n'a en l'occurrence pas été retenue.

16 Ackermann, in: Kommentar Einziehung, organisiertes Verbrechen und Geldwâscherei (n. 15), art 305b's N 491.

17 Dyens (n. 10), N 1077; contra: Ackermann, in: Kommentar Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwascherei (n. 15), art 305bis N 492.

18 Cf. art. 54 et 55 ch. l let. a CAAS.

19 Cf. en matière de prescription notamment ATF 127 IV 49, 54 s.; ATF 131 IV 83, 90 s. = JdT 2007 IV 83, 89 s.

(7)

150 KatiaVillard ZStrR.Band/Tome 135-2017 La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP): réflexions autour d'évolutions récentes 151

raît clair que les divers actes forment une seule entité et ne peuvent raisonnable- ment être dissociés.

Dans la jurisprudence, le concept d'unité d'actions a été utilisé surtout en matière de trafic de stupéfiants. Ainsi, il a, à plusieurs reprises, été reconnu que les divers comportements visés par l'art. 19 al. l LStup20, bien que constituant des in- fractions autonomes, devaient être considérés comme des étapes successives de la même activité délictuelle, de sorte que la réalisation de l'un de ces stades en Suisse

déclenchait la compétence du juge helvétique àl'égard de tout le complexe de faits21.

Par ailleurs, le Tribunal fédéral a admis une unité d'actions s'agissant de trois versements de USD 1450000.-, USD 2200000.- et USD 4100000.- ayant donné lieu à des abus de confiance, commis au détriment de la même victime, sur le même mode opératoire, et avec, à chaque fois, la même affectation22. Ainsi, selon le Tribunal fédéral, «[a]u vu de l'ampleur des sommes en jeu, on peut considérer que le laps de temps qui s'est écoulé entre chaque versement - environ trois mois - n'est pas de nature à exclure une approche globale»23. En conséquence de quoi, la compétence des autorités suisses a été retenue pour les trois montants précités, à raison du fait que le dernier avait été déposé sur un compte suisse avant d'être in- dûment utilisé24.

En revanche, nous rappelons que si les infractions commises par métier sont considérées comme une unité pour la fixation de la peine, elles s'appréhendent séparément pour l'appréciation de la compétence internationale, dans la mesure où il s'agit bien d'infractions distinctes25.

b) La problématique des actes préparatoires

Doctrine et jurisprudence sont unanimes pour admettre que le rattache- ment territorial se crée au moment où débute l'exécution de l'infraction, soit lorsque l auteur franchit le pas séparant les actes préparatoires de la tentative, les premiers n étant pertinents pour la détermination de la compétence du juge que s'ils sont

20 Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes, RS 812.121.

21 ATF 137 IV 33, 39; arrêt du TF 6P.19/2003 du 6.8.2003, consid. 12.2; arrêt du TF 6S.99/2007 du 28.6.2007, consid. 5.2; ATPF 2006 221, 228; jugement du TPF SK.2007.15 du 26.9.2007, consid. 2.2.1; cf. aussi G. Hug-Beeli, Betâubungsmittelgesetz (BetmG), Kommentar zum Bun- desgesetz ûber die Betàubungsmittel und die psychotropen Stoffe vom 3. Oktober 1951, Baie 2016, art. 19 N 13 et 1204.

22 Cf. arrêt du TF 6B_178/2011 du 20.6.2011, A.a (faits) et consid. 3.2.

23 Arrêt du TF 6B_178/2011 du 20.6.2011, consid. 3.2.

24 Arrêt du TF 6B_178/2011 du 20.6.2011, consid. 3.2 et 3.3.

25 Notamment ATF 133 IV 171, 177; arrêt du TF 6B_178/2011 du 20.6.2011, consid. 3.1.2;

CR CP l-Harari/Liniger Gros (n. 8), art. 8 N 15; Popp/Keshelava, in: BSK StGB l (n. 8), art.8 N5.

érigés en infraction autonome, à l'instar des art. 260bis CP ou 19 al. l let. g LStup26.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la frontière entre actes pré- paratoires et tentative est délimitée par l'acte d'exécution «qui, dans l'esprit de l'au- teur, représente la démarche ultime et décisive vers l'accomplissement de l'infrac- tion, et après laquelle on ne revient normalement plus en arrière, sauf survenance de circonstances extérieures qui rendent l exécution de l'infraction plus difficile ou impossible»27.

Là encore, la règle n'est simple qu'en apparence. Tout d'abord, le seuil à par- tir duquel les actes de l'auteur doivent être considérés comme un commencement d'exécution de l'infraction est souvent délicat à établir28, ce d'autant qu'il fait ap- pel au for intérieur de l'auteur.

Pour prendre un exemple, si l'auteur, animé du dol homicide et armé d'un revolver, séquestre sa victime en Suisse avant de se rendre en France et de la tuer, la séquestration de la victime en Suisse peut-elle, ou non, être considérée comme un début d'accomplissement de l'infraction d'homicide?

Si la proximité temporelle et géographique29 entre la séquestration et le

meurtre permet une réponse affirmative, le juge suisse poursuivra l'auteur sur la base de l'art. 111 ou 112 CP, cas échéant en concours avec l'art. 183 CP30. Dans la négative, sa compétence se limitera à l'application de l'art. 183 CP.

Ensuite, une autre question mérite d'être posée. Si l'on admet, pour re- prendre l'exemple précité, que la séquestration doit être qualifiée, non pas de ten- tative, mais d'acte préparatoire à l'homicide, le juge peut-il poursuivre l'auteur, en sus de l'art. 183 CP, sur la base de l'art. 260bis let. a ou b CP31, alors même que la

26 Entre autres ATF 141 IV 205, 210; ATF 141 IV 336, 338; Cassant (n. 8), 245; Dyens (n. 10), N 567 s.; CR CP ï-Harari/Liniger Gros (n. 8), art. 8 N 16 s.

27 Entre autres ATF 115 IV 270, 272 = JdT 1991 IV 104, 105; ATF 119 IV 224, 227; ATF 131 IV 100,104 = JdT 2007 IV 95,98 s.; cf. aussi ATF 104 IV 175, 180 s. = JdT 1980 IV 10,14 s., en lien avec la compétence internationale du juge et, pour une critique de cet arrêt, J.-L. Colombini, La prise en considération du droit étranger (pénal et extrapénal) dans le jugement pénal, Lau- sanne 1983, 25; arrêt du TF 6B_55/2011 du 26.4.2011, consid. 2.2.3; arrêt du TF 6B_614/2011 dul4.12.2011,consid. 1.5.

28 Cf., pour une analyse détaillée de cette problématique, H. Walder, Straflose Vorbereitung und strafbarer Versuch, RPS 1982, 225, en particulier 248 ss.

29 Cf. pour plus de détails, ATF 131 IV 100, 104 ss = JdT 2007 IV 95, 98 ss.

30 L'art. 183 CP peut en effet entrer en concours avec l'art. 111 CP, dans la mesure où la privation de liberté infligée à la victime va au-delà des actes nécessaires à la commission de l'infraction d'homicide (B. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd., Berne 2010, art. 183 et 184 CP N 112;cf. aussi ATF 104 IV 170, 174).

31 A noter qu'il y a en effet concours entre les actes préparatoires au crime envisagé et une autre infraction commise par l'auteur dans le cadre de la préparation de l'infraction projetée (ar- rêt du TF 6S.447/2004 du 23.2.2005, consid. 2.2).

(8)

150 KatiaVillard ZStrR.Band/Tome 135-2017 La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP): réflexions autour d'évolutions récentes 151

raît clair que les divers actes forment une seule entité et ne peuvent raisonnable- ment être dissociés.

Dans la jurisprudence, le concept d'unité d'actions a été utilisé surtout en matière de trafic de stupéfiants. Ainsi, il a, à plusieurs reprises, été reconnu que les divers comportements visés par l'art. 19 al. l LStup20, bien que constituant des in- fractions autonomes, devaient être considérés comme des étapes successives de la même activité délictuelle, de sorte que la réalisation de l'un de ces stades en Suisse

déclenchait la compétence du juge helvétique àl'égard de tout le complexe de faits21.

Par ailleurs, le Tribunal fédéral a admis une unité d'actions s'agissant de trois versements de USD 1450000.-, USD 2200000.- et USD 4100000.- ayant donné lieu à des abus de confiance, commis au détriment de la même victime, sur le même mode opératoire, et avec, à chaque fois, la même affectation22. Ainsi, selon le Tribunal fédéral, «[a]u vu de l'ampleur des sommes en jeu, on peut considérer que le laps de temps qui s'est écoulé entre chaque versement - environ trois mois - n'est pas de nature à exclure une approche globale»23. En conséquence de quoi, la compétence des autorités suisses a été retenue pour les trois montants précités, à raison du fait que le dernier avait été déposé sur un compte suisse avant d'être in- dûment utilisé24.

En revanche, nous rappelons que si les infractions commises par métier sont considérées comme une unité pour la fixation de la peine, elles s'appréhendent séparément pour l'appréciation de la compétence internationale, dans la mesure où il s'agit bien d'infractions distinctes25.

b) La problématique des actes préparatoires

Doctrine et jurisprudence sont unanimes pour admettre que le rattache- ment territorial se crée au moment où débute l'exécution de l'infraction, soit lorsque l auteur franchit le pas séparant les actes préparatoires de la tentative, les premiers n étant pertinents pour la détermination de la compétence du juge que s'ils sont

20 Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes, RS 812.121.

21 ATF 137 IV 33, 39; arrêt du TF 6P.19/2003 du 6.8.2003, consid. 12.2; arrêt du TF 6S.99/2007 du 28.6.2007, consid. 5.2; ATPF 2006 221, 228; jugement du TPF SK.2007.15 du 26.9.2007, consid. 2.2.1; cf. aussi G. Hug-Beeli, Betâubungsmittelgesetz (BetmG), Kommentar zum Bun- desgesetz ûber die Betàubungsmittel und die psychotropen Stoffe vom 3. Oktober 1951, Baie 2016, art. 19 N 13 et 1204.

22 Cf. arrêt du TF 6B_178/2011 du 20.6.2011, A.a (faits) et consid. 3.2.

23 Arrêt du TF 6B_178/2011 du 20.6.2011, consid. 3.2.

24 Arrêt du TF 6B_178/2011 du 20.6.2011, consid. 3.2 et 3.3.

25 Notamment ATF 133 IV 171, 177; arrêt du TF 6B_178/2011 du 20.6.2011, consid. 3.1.2;

CR CP l-Harari/Liniger Gros (n. 8), art. 8 N 15; Popp/Keshelava, in: BSK StGB l (n. 8), art.8 N5.

érigés en infraction autonome, à l'instar des art. 260bis CP ou 19 al. l let. g LStup26.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la frontière entre actes pré- paratoires et tentative est délimitée par l'acte d'exécution «qui, dans l'esprit de l'au- teur, représente la démarche ultime et décisive vers l'accomplissement de l'infrac- tion, et après laquelle on ne revient normalement plus en arrière, sauf survenance de circonstances extérieures qui rendent l exécution de l'infraction plus difficile ou impossible»27.

Là encore, la règle n'est simple qu'en apparence. Tout d'abord, le seuil à par- tir duquel les actes de l'auteur doivent être considérés comme un commencement d'exécution de l'infraction est souvent délicat à établir28, ce d'autant qu'il fait ap- pel au for intérieur de l'auteur.

Pour prendre un exemple, si l'auteur, animé du dol homicide et armé d'un revolver, séquestre sa victime en Suisse avant de se rendre en France et de la tuer, la séquestration de la victime en Suisse peut-elle, ou non, être considérée comme un début d'accomplissement de l'infraction d'homicide?

Si la proximité temporelle et géographique29 entre la séquestration et le

meurtre permet une réponse affirmative, le juge suisse poursuivra l'auteur sur la base de l'art. 111 ou 112 CP, cas échéant en concours avec l'art. 183 CP30. Dans la négative, sa compétence se limitera à l'application de l'art. 183 CP.

Ensuite, une autre question mérite d'être posée. Si l'on admet, pour re- prendre l'exemple précité, que la séquestration doit être qualifiée, non pas de ten- tative, mais d'acte préparatoire à l'homicide, le juge peut-il poursuivre l'auteur, en sus de l'art. 183 CP, sur la base de l'art. 260bis let. a ou b CP31, alors même que la

26 Entre autres ATF 141 IV 205, 210; ATF 141 IV 336, 338; Cassant (n. 8), 245; Dyens (n. 10), N 567 s.; CR CP ï-Harari/Liniger Gros (n. 8), art. 8 N 16 s.

27 Entre autres ATF 115 IV 270, 272 = JdT 1991 IV 104, 105; ATF 119 IV 224, 227; ATF 131 IV 100,104 = JdT 2007 IV 95,98 s.; cf. aussi ATF 104 IV 175, 180 s. = JdT 1980 IV 10,14 s., en lien avec la compétence internationale du juge et, pour une critique de cet arrêt, J.-L. Colombini, La prise en considération du droit étranger (pénal et extrapénal) dans le jugement pénal, Lau- sanne 1983, 25; arrêt du TF 6B_55/2011 du 26.4.2011, consid. 2.2.3; arrêt du TF 6B_614/2011 dul4.12.2011,consid. 1.5.

28 Cf., pour une analyse détaillée de cette problématique, H. Walder, Straflose Vorbereitung und strafbarer Versuch, RPS 1982, 225, en particulier 248 ss.

29 Cf. pour plus de détails, ATF 131 IV 100, 104 ss = JdT 2007 IV 95, 98 ss.

30 L'art. 183 CP peut en effet entrer en concours avec l'art. 111 CP, dans la mesure où la privation de liberté infligée à la victime va au-delà des actes nécessaires à la commission de l'infraction d'homicide (B. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd., Berne 2010, art. 183 et 184 CP N 112;cf. aussi ATF 104 IV 170, 174).

31 A noter qu'il y a en effet concours entre les actes préparatoires au crime envisagé et une autre infraction commise par l'auteur dans le cadre de la préparation de l'infraction projetée (ar- rêt du TF 6S.447/2004 du 23.2.2005, consid. 2.2).

(9)

152 KatiaVillard ZStrR-Band/Tome 135-2017 La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP): réflexions autour d'évolutions récentes 153

consommation de l infraction projetée fait en principe obstacle à l'application de

cette dernière disposition32?

A notre sens, la réponse est positive33. En effet, même si, à partir du moment où l'infraction est consommée, elle inclut ses préparatifs et que l'art. 260bis CP a été conçu dans la perspective dans laquelle le crime n'avait finalement pas lieu34, le fait

que le législateur ait décidé d ériger en infraction autonome les actes préparatoires à

certains crimes démontre que ces actes, en tant que tels, troublent suffisamment l'ordre public pour justifier leur répression pénale. L'art. 260bis CP protège un bien

juridique indépendant des infractions projetées, soit la paix publique. Si l'auteur a

pris, sur sol suisse, des dispositions techniques et/ou organisationnelles en vue de la commission de l'une des infractions mentionnées à l'art. 260bis CP, l'atteinte à l'ordre public suisse causée par ce comportement légitime l'intervention du juge suisse, in- dépendamment de la question de la commission de l'infraction à l'étranger.

A cet égard, trois remarques méritent d'être effectuées. Tout d'abord si, d aventure, le juge suisse devait être compétent sur la base d'un titre de compétence extraterritorial pour connaître de l'infraction consommée, l'auteur ne devra évi- demment être jugé que sur la base de celle-ci, étant précisé que le fait d'avoir effec- tué des actes préparatoires, indiquant par là une activité délictueuse d'une certaine ampleur, entrera probablement en considération au stade de la fixation de la peine.

Ensuite, si l Etat dans lequel le crime a été réalisé a ouvert une procédure pénale, le juge suisse devra sérieusement se poser la question de l'application de l'art. 8 al. 3 CPP, qui permet à l autorité de poursuite pénale de renoncer à une poursuite si

l infraction fait déjà l objet d'une procédure de la part d'une autorité étrangère et

qu aucun intérêt prépondérant de la partie plaignante ne s'y oppose. Enfin, si l'Etat

étranger a déjà jugé l auteur et qu'il est partie à la CAAS, le principe ne bis in idem

devrait faire obstacle à une nouvelle poursuite conformément aux art. 54 et 55 CAAS.

Il est en effet clair que la procédure ouverte pour l'infraction consommée compren- dra en principe le complexe de faits que constituent les préparatifs du crime, qui représentent le premier stade de l'activité délictuelle.

Cela étant, en matière de stupéfiants, la jurisprudence non publiée du Tri- bunal fédéral a été encore un pas plus loin dans le raisonnement relatif au rattache- ment territorial fondé sur les actes préparatoires punissables. Elle a, en effet, consi- déré que les actes préparatoires de l'art. 19 al. l let. g LStup déclenchaient la

32 Cf. notamment ATF 111 IV 144, 149 = JdT 1986 IV 72, 76 s.; arrêt du TF 6S.447/2004 du 23.2.2005, consid. 2.2; M. Engler, in: Basler Kommentar Strafrecht II, M. A. Niggli/H. Wi- pràchtiger (édit.), 3e éd.. Baie 2013, art. 260bis N 19.

33 Dans le même sens quant au résultat, Dyens (n. 10), N 727.

34 Dans ce sens, B. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd., Berne 2010, art. 260bis N 3; {.-F. Meylan, Les actes préparatoires délictueux en droit pénal suisse (art. 260bis CP), Lau- sanne 1990, 86 s.; Engler, in: BSK StGB II (n. 32), art. 260bis N 19.

compétence du juge suisse à l'égard du trafic de stupéfiants ensuite commis à l'étranger, pour autant qu'ils constituent une unité d'actions avec les autres infrac- tions aux diverses lettres de l'art. 19 al. l LStup perpétrées en dehors du territoire35.

Une telle vision, transposée dans le contexte de l'art. 260bis CP, signifierait, pour reprendre l'exemple cité plus haut, que le juge serait compétent, sur la base du principe de territorialité, pour connaître, en sus de la séquestration, non pas les actes préparatoires commis en Suisse mais l infraction d homicide elle-même per- pétrée en France. Nous ne saurions adhérer à ce point de vue, qui revient à ad- mettre, pour les crimes de l'art. 260bis CP, un rattachement pour l'infraction consommée, fondé sur les actes préparatoires à celle-ci, mais non s agissant des autres infractions. La différence de traitement n a pas lieu d'être et rend le système incohérent. En outre, le raisonnement étend de manière excessive la compétence du juge suisse.

2. La participation accessoire

La jurisprudence constante du Tribunal fédéral refuse de localiser l'infrac- tion au lieu de la contribution du participant accessoire36, à l'exception du cas dans lequel, à l'instar de l'art. 19 al. l let. fLStup, la participation accessoire est érigée en infraction autonome. Cette position est critiquée par la doctrine dominante qui considère, dans des constellations de participation accessoire, l'endroit de la contri- bution du complice, respectivement de l'instigateur, comme le lieu de l'action au sens de l'art. 8 al. l ab initia CP, et l'infraction comme le résultat au sens de l'art. 8 al. l in fine CP, des agissements du participant accessoire37.

A contrecourant de la doctrine majoritaire, nous approuvons, quant à nous,

la position du Tribunal fédéral38.

35 Arrêt du TF 6P.19/2003 du 6.8.2003, consid. 12.3.3; arrêt du TF 6B_518/2014 du 4.12.2014, consid. 10.7.1; cf. aussi OGer ZH n° SB140564 du 13. 7.2015, consid. 3.8.1 et 3.8.2 (arrêt rendu suite à celui du TF 6B_518/2014 du 4.12.2014).

36 Notamment ATF 104 IV 77,86 =JdT1980 IV 34,4l s.; arrêt du TF 6B_86/2009 du 29. 10.2009, consid. 2.3; arrêt du TF 6B_123/2014 du 2.12.2014, consid. 2.3 (considérant non publié aux ATF 141 IV 10).

37 Cf. Cassani (n. 8), 247, note 52; Donatsch/Tag (n. 10), 54; Dyens (n. 10), N 770; Popp/Keshe- lava, in: BSK StGB l (n. 8), art. 8 N 16; H. Schultz, Die ràumliche Geltung des schweizerischen Strafgesetzbuches nach der neueren Gerichtspraxis, RPS 1957, 306, 307; C. Schwarzenegger, Handlungs- und Erfolgsort beim grenzùberschreitenden Betrug, in: Wirtschaft und Straf- recht, Festschrift fur Niklaus Schmid, J.-B. Ackermann/A. Donatsch/J. Rehberg (édit.), Zu- rich 2001,143,159; S. Trechsel/H. Vest, in: Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommen- tar, S. Trechsel/M. Pieth (édit.), 2e éd., Zurich/Saint-Gall 2013, art. 8 N 8.

38 Dans le même sens, Colombini (n. 27), 35; S. Gless, Internationales Strafrecht, 2e éd., Baie 2015, N166.

(10)

152 KatiaVillard ZStrR-Band/Tome 135-2017 La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP): réflexions autour d'évolutions récentes 153

consommation de l infraction projetée fait en principe obstacle à l'application de

cette dernière disposition32?

A notre sens, la réponse est positive33. En effet, même si, à partir du moment où l'infraction est consommée, elle inclut ses préparatifs et que l'art. 260bis CP a été conçu dans la perspective dans laquelle le crime n'avait finalement pas lieu34, le fait

que le législateur ait décidé d ériger en infraction autonome les actes préparatoires à

certains crimes démontre que ces actes, en tant que tels, troublent suffisamment l'ordre public pour justifier leur répression pénale. L'art. 260bis CP protège un bien

juridique indépendant des infractions projetées, soit la paix publique. Si l'auteur a

pris, sur sol suisse, des dispositions techniques et/ou organisationnelles en vue de la commission de l'une des infractions mentionnées à l'art. 260bis CP, l'atteinte à l'ordre public suisse causée par ce comportement légitime l'intervention du juge suisse, in- dépendamment de la question de la commission de l'infraction à l'étranger.

A cet égard, trois remarques méritent d'être effectuées. Tout d'abord si, d aventure, le juge suisse devait être compétent sur la base d'un titre de compétence extraterritorial pour connaître de l'infraction consommée, l'auteur ne devra évi- demment être jugé que sur la base de celle-ci, étant précisé que le fait d'avoir effec- tué des actes préparatoires, indiquant par là une activité délictueuse d'une certaine ampleur, entrera probablement en considération au stade de la fixation de la peine.

Ensuite, si l Etat dans lequel le crime a été réalisé a ouvert une procédure pénale, le juge suisse devra sérieusement se poser la question de l'application de l'art. 8 al. 3 CPP, qui permet à l autorité de poursuite pénale de renoncer à une poursuite si

l infraction fait déjà l objet d'une procédure de la part d'une autorité étrangère et

qu aucun intérêt prépondérant de la partie plaignante ne s'y oppose. Enfin, si l'Etat

étranger a déjà jugé l auteur et qu'il est partie à la CAAS, le principe ne bis in idem

devrait faire obstacle à une nouvelle poursuite conformément aux art. 54 et 55 CAAS.

Il est en effet clair que la procédure ouverte pour l'infraction consommée compren- dra en principe le complexe de faits que constituent les préparatifs du crime, qui représentent le premier stade de l'activité délictuelle.

Cela étant, en matière de stupéfiants, la jurisprudence non publiée du Tri- bunal fédéral a été encore un pas plus loin dans le raisonnement relatif au rattache- ment territorial fondé sur les actes préparatoires punissables. Elle a, en effet, consi- déré que les actes préparatoires de l'art. 19 al. l let. g LStup déclenchaient la

32 Cf. notamment ATF 111 IV 144, 149 = JdT 1986 IV 72, 76 s.; arrêt du TF 6S.447/2004 du 23.2.2005, consid. 2.2; M. Engler, in: Basler Kommentar Strafrecht II, M. A. Niggli/H. Wi- pràchtiger (édit.), 3e éd.. Baie 2013, art. 260bis N 19.

33 Dans le même sens quant au résultat, Dyens (n. 10), N 727.

34 Dans ce sens, B. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd., Berne 2010, art. 260bis N 3; {.-F. Meylan, Les actes préparatoires délictueux en droit pénal suisse (art. 260bis CP), Lau- sanne 1990, 86 s.; Engler, in: BSK StGB II (n. 32), art. 260bis N 19.

compétence du juge suisse à l'égard du trafic de stupéfiants ensuite commis à l'étranger, pour autant qu'ils constituent une unité d'actions avec les autres infrac- tions aux diverses lettres de l'art. 19 al. l LStup perpétrées en dehors du territoire35.

Une telle vision, transposée dans le contexte de l'art. 260bis CP, signifierait, pour reprendre l'exemple cité plus haut, que le juge serait compétent, sur la base du principe de territorialité, pour connaître, en sus de la séquestration, non pas les actes préparatoires commis en Suisse mais l infraction d homicide elle-même per- pétrée en France. Nous ne saurions adhérer à ce point de vue, qui revient à ad- mettre, pour les crimes de l'art. 260bis CP, un rattachement pour l'infraction consommée, fondé sur les actes préparatoires à celle-ci, mais non s agissant des autres infractions. La différence de traitement n a pas lieu d'être et rend le système incohérent. En outre, le raisonnement étend de manière excessive la compétence du juge suisse.

2. La participation accessoire

La jurisprudence constante du Tribunal fédéral refuse de localiser l'infrac- tion au lieu de la contribution du participant accessoire36, à l'exception du cas dans lequel, à l'instar de l'art. 19 al. l let. fLStup, la participation accessoire est érigée en infraction autonome. Cette position est critiquée par la doctrine dominante qui considère, dans des constellations de participation accessoire, l'endroit de la contri- bution du complice, respectivement de l'instigateur, comme le lieu de l'action au sens de l'art. 8 al. l ab initia CP, et l'infraction comme le résultat au sens de l'art. 8 al. l in fine CP, des agissements du participant accessoire37.

A contrecourant de la doctrine majoritaire, nous approuvons, quant à nous,

la position du Tribunal fédéral38.

35 Arrêt du TF 6P.19/2003 du 6.8.2003, consid. 12.3.3; arrêt du TF 6B_518/2014 du 4.12.2014, consid. 10.7.1; cf. aussi OGer ZH n° SB140564 du 13. 7.2015, consid. 3.8.1 et 3.8.2 (arrêt rendu suite à celui du TF 6B_518/2014 du 4.12.2014).

36 Notamment ATF 104 IV 77,86 =JdT1980 IV 34,4l s.; arrêt du TF 6B_86/2009 du 29. 10.2009, consid. 2.3; arrêt du TF 6B_123/2014 du 2.12.2014, consid. 2.3 (considérant non publié aux ATF 141 IV 10).

37 Cf. Cassani (n. 8), 247, note 52; Donatsch/Tag (n. 10), 54; Dyens (n. 10), N 770; Popp/Keshe- lava, in: BSK StGB l (n. 8), art. 8 N 16; H. Schultz, Die ràumliche Geltung des schweizerischen Strafgesetzbuches nach der neueren Gerichtspraxis, RPS 1957, 306, 307; C. Schwarzenegger, Handlungs- und Erfolgsort beim grenzùberschreitenden Betrug, in: Wirtschaft und Straf- recht, Festschrift fur Niklaus Schmid, J.-B. Ackermann/A. Donatsch/J. Rehberg (édit.), Zu- rich 2001,143,159; S. Trechsel/H. Vest, in: Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommen- tar, S. Trechsel/M. Pieth (édit.), 2e éd., Zurich/Saint-Gall 2013, art. 8 N 8.

38 Dans le même sens, Colombini (n. 27), 35; S. Gless, Internationales Strafrecht, 2e éd., Baie 2015, N166.

(11)

Katia Villard ZStrR.Band/Tome 135-2017 La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP): réflexions autour d'évolutions récentes 155

Tout d abord, l accessoriété de la complicité et de l'instigation impose que

la punissabilité du participant accessoire soit subordonnée à celle de l'auteur prin- cipal39. Transposée dans le domaine qui nous occupe, cette exigence signifie que la poursuite, en Suisse, du complice à une infraction commise à l'étranger suppose la réalisation de la double incrimination, condition qui est d'ailleurs admise par les auteurs favorables à un lieu de commission à l endroit de la contribution du com- plice40. Dans le même ordre d'idées, il nous paraît choquant de ne pas prendre en considération la peine prévue par le droit étranger pour l'infraction dont il est ques- tion, alors qu une atténuation obligatoire de la peine du complice est prévue à l'art. 25 CP. Même si, théoriquement, le juge peut, conformément à l'art. 47 CP, sanctionner le complice plus lourdement que l auteur principal, il ne saurait rai- sonnablement être fait totale abstraction du droit étranger41. De la même manière, si le complice a déjà été condamné à l'étranger avec le participant principal, le sen-

timent de justice et d équité impose indiscutablement l'application du principe ne

bis in idem.

Le problème est que toutes ces conditions ne sont pas prévues par les art. 3 et 8 CP et qu'il nous semble, sur le plan dogmatique, contestable de vouloir les ap- pliquer tout en se réclamant du principe de territorialité qui, par essence, se désin- téresse du droit étranger42. En réalité, la création d'un rattachement territorial au lieu où le participant accessoire a agi vise surtout à éviter son impunité. Or, le risque concret de carences dans la répression nous paraît faible au vu des compétences ex- traterritoriales relativement larges dont la Suisse s'est dotée et de la tendance ac- tuelle qui va dans le sens d'une coopération internationale toujours plus étendue.

Le juge ne peut combler les lacunes, réelles ou supposées, du législateur par une in- terprétation qui, selon nous, va au-delà de l esprit de la loi.

En efiet, les notions d'acte et de résultat contenues à l'art. 8 CP sont à appré- cier au regard des éléments constitutifs dépeints dans la norme pénale spéciale. En d autres termes, l acte constitue le comportement typique prohibé par la disposi- tion pénale, et qui est le fait de l'auteur principal et non du participant accessoire,

et le résultat, pour dire les choses de manière schématique, représente la - ou les - conséquence(s) directe(s) et immédiate(s) de ce comportement43.

Dans le cadre de l'instigation, le comportement de l'instigateur, par essence, survient avantle début de l'exécution de l'infraction. La contribution du complice peut également intervenir en amont de la réalisation du crime, par exemple au mo- ment des actes préparatoires. Or, comme vu sous l.b) supra, la notion de lieu de commission n'englobe pas les actes intervenus en amont du début de l'exécution de l'infraction. Ainsi, reconnaître la compétence territoriale des autorités suisses sur la base de la localisation du comportement de l'instigateur, respectivement du com- plice, revient à créer un régime différent selon qu'une infraction est perpétrée, ou non, en commun: le droit suisse s'appliquerait à l'égard du participant accessoire qui est intervenu en Suisse au stade des actes préparatoires, mais non lorsque ceux-ci sont le fait de l'auteur principal.

En matière de complicité, tout soutien, même uniquement psychique, à l'in- fraction principale suffit, pour autant qu'il augmente les chances de réussite de l'en- treprise criminelle; il n'est en revanche pas nécessaire que l'infraction n'eût pas été commise en l'absence de la collaboration du complice44. L'analyse s'efFectue ex ante:

pourra donc être complice même celui dont la participation, a posteriori, s'avèrera superflue45. Dans ce cas, il nous semble difficile de considérer que le comportement typique de l'auteur principal constitue la conséquence directe et immédiate d une contribution qui s'est peut-être, finalement, révélée inutile.

Cela étant, dans une optique de clarification du débat, la création d une base de compétence spéciale, à l'instar de l'art. 113-5 du Code pénal français, qui per- mette la poursuite de l'instigateur ou du complice au lieu de leur contribution, et qui soit assortie des conditions nécessaires au respect du principe de l'accessoriété, est probablement opportune.

En revanche, à défaut, de lege lata, d'une telle norme, la compétence des au- torités suisses à l'égard du participant accessoire ne peut se construire sur la base des art. 3 et 8 CP.

39 Cf. CR CP I-B. Stràuli (n. 8), intro aux art. 24 à 27 CP N 138.

40 Cassant (n. 8), 247, note 52; Dyens (n. 10), N 773; H. Schultz, Compétence des juridictions pé- nales pour les infractions commises à l'étranger, RSC 1967, 305, 314.

4l Cf. Colombini (n. 27), 35.

42 Cf. aussi, en lien avec le droit français, A. Huet/R. Koering-Joulin, Compétence des tribunaux répressifs français et de la loi pénale française - Infractions commises à l'étranger, Jurisclas- seur 2004 - Droit international, fasc. 403-20, § 5: selon ces auteurs, l'art. 113-5 du Code pé- nal français, qui soumet le complice ayant contribué en France à une infraction commise à l étranger à la loi pénale française, ce à condition que la double incrimination soit respectée et que le délit ait été constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère, ne relève pas du principe de territorialité mais constitue une base de compétence spéciale.

3. La confiscation

En matière de conûscation, le Tribunal fédéral maintient sa jurisprudence établie en 2002: le juge suisse ne peut ordonner une confiscation que si sa compé-

43 Dans le même sens, décision du TPF BG 2012.37 du 24. l. 2013, consid. 2.1; pour une défini- tion plus subtile, Dyens (n. 10), N 445.

44 CR CP ï-Strauli (n. 8),art. 25 N 10.

45 CR CP I-StrauU (n. 8), art. 25 N 23.

(12)

Katia Villard ZStrR.Band/Tome 135-2017 La compétence territoriale du juge pénal suisse (art. 3 et 8 CP): réflexions autour d'évolutions récentes 155

Tout d abord, l accessoriété de la complicité et de l'instigation impose que

la punissabilité du participant accessoire soit subordonnée à celle de l'auteur prin- cipal39. Transposée dans le domaine qui nous occupe, cette exigence signifie que la poursuite, en Suisse, du complice à une infraction commise à l'étranger suppose la réalisation de la double incrimination, condition qui est d'ailleurs admise par les auteurs favorables à un lieu de commission à l endroit de la contribution du com- plice40. Dans le même ordre d'idées, il nous paraît choquant de ne pas prendre en considération la peine prévue par le droit étranger pour l'infraction dont il est ques- tion, alors qu une atténuation obligatoire de la peine du complice est prévue à l'art. 25 CP. Même si, théoriquement, le juge peut, conformément à l'art. 47 CP, sanctionner le complice plus lourdement que l auteur principal, il ne saurait rai- sonnablement être fait totale abstraction du droit étranger41. De la même manière, si le complice a déjà été condamné à l'étranger avec le participant principal, le sen-

timent de justice et d équité impose indiscutablement l'application du principe ne

bis in idem.

Le problème est que toutes ces conditions ne sont pas prévues par les art. 3 et 8 CP et qu'il nous semble, sur le plan dogmatique, contestable de vouloir les ap- pliquer tout en se réclamant du principe de territorialité qui, par essence, se désin- téresse du droit étranger42. En réalité, la création d'un rattachement territorial au lieu où le participant accessoire a agi vise surtout à éviter son impunité. Or, le risque concret de carences dans la répression nous paraît faible au vu des compétences ex- traterritoriales relativement larges dont la Suisse s'est dotée et de la tendance ac- tuelle qui va dans le sens d'une coopération internationale toujours plus étendue.

Le juge ne peut combler les lacunes, réelles ou supposées, du législateur par une in- terprétation qui, selon nous, va au-delà de l esprit de la loi.

En efiet, les notions d'acte et de résultat contenues à l'art. 8 CP sont à appré- cier au regard des éléments constitutifs dépeints dans la norme pénale spéciale. En d autres termes, l acte constitue le comportement typique prohibé par la disposi- tion pénale, et qui est le fait de l'auteur principal et non du participant accessoire,

et le résultat, pour dire les choses de manière schématique, représente la - ou les - conséquence(s) directe(s) et immédiate(s) de ce comportement43.

Dans le cadre de l'instigation, le comportement de l'instigateur, par essence, survient avantle début de l'exécution de l'infraction. La contribution du complice peut également intervenir en amont de la réalisation du crime, par exemple au mo- ment des actes préparatoires. Or, comme vu sous l.b) supra, la notion de lieu de commission n'englobe pas les actes intervenus en amont du début de l'exécution de l'infraction. Ainsi, reconnaître la compétence territoriale des autorités suisses sur la base de la localisation du comportement de l'instigateur, respectivement du com- plice, revient à créer un régime différent selon qu'une infraction est perpétrée, ou non, en commun: le droit suisse s'appliquerait à l'égard du participant accessoire qui est intervenu en Suisse au stade des actes préparatoires, mais non lorsque ceux-ci sont le fait de l'auteur principal.

En matière de complicité, tout soutien, même uniquement psychique, à l'in- fraction principale suffit, pour autant qu'il augmente les chances de réussite de l'en- treprise criminelle; il n'est en revanche pas nécessaire que l'infraction n'eût pas été commise en l'absence de la collaboration du complice44. L'analyse s'efFectue ex ante:

pourra donc être complice même celui dont la participation, a posteriori, s'avèrera superflue45. Dans ce cas, il nous semble difficile de considérer que le comportement typique de l'auteur principal constitue la conséquence directe et immédiate d une contribution qui s'est peut-être, finalement, révélée inutile.

Cela étant, dans une optique de clarification du débat, la création d une base de compétence spéciale, à l'instar de l'art. 113-5 du Code pénal français, qui per- mette la poursuite de l'instigateur ou du complice au lieu de leur contribution, et qui soit assortie des conditions nécessaires au respect du principe de l'accessoriété, est probablement opportune.

En revanche, à défaut, de lege lata, d'une telle norme, la compétence des au- torités suisses à l'égard du participant accessoire ne peut se construire sur la base des art. 3 et 8 CP.

39 Cf. CR CP I-B. Stràuli (n. 8), intro aux art. 24 à 27 CP N 138.

40 Cassant (n. 8), 247, note 52; Dyens (n. 10), N 773; H. Schultz, Compétence des juridictions pé- nales pour les infractions commises à l'étranger, RSC 1967, 305, 314.

4l Cf. Colombini (n. 27), 35.

42 Cf. aussi, en lien avec le droit français, A. Huet/R. Koering-Joulin, Compétence des tribunaux répressifs français et de la loi pénale française - Infractions commises à l'étranger, Jurisclas- seur 2004 - Droit international, fasc. 403-20, § 5: selon ces auteurs, l'art. 113-5 du Code pé- nal français, qui soumet le complice ayant contribué en France à une infraction commise à l étranger à la loi pénale française, ce à condition que la double incrimination soit respectée et que le délit ait été constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère, ne relève pas du principe de territorialité mais constitue une base de compétence spéciale.

3. La confiscation

En matière de conûscation, le Tribunal fédéral maintient sa jurisprudence établie en 2002: le juge suisse ne peut ordonner une confiscation que si sa compé-

43 Dans le même sens, décision du TPF BG 2012.37 du 24. l. 2013, consid. 2.1; pour une défini- tion plus subtile, Dyens (n. 10), N 445.

44 CR CP ï-Strauli (n. 8),art. 25 N 10.

45 CR CP I-StrauU (n. 8), art. 25 N 23.

Références

Documents relatifs

– En dehors des cas prévus au sous-titre I er du titre I er du livre IV du présent code pour l'application de la convention portant statut de la Cour

tes et du mariage forcé n'était pas décidée. Les deux articles qui la con- stituent ont été adoptés à la quasi-unanimité. Comme la conférence avait admis que

Les personnages peuvent être accompagnés de conseillers qui les aident à répondre aux questions posées par les autres élèves de la classe pour leur fournir de l’information sur

virus herpétique: infection mucocutanée chronique avec ulcération persistant au-delà d’un mois, infection pulmonaire, ou infection gastro-intestinale (débordant la

Si l’on compte avec un rapport de médecins internistes généralistes de 60% pour 40% de spécialistes dans le futur, nous devons donc rapidement répondre à cette nouvelle réalité

Tandis que dans un des chapitres introduisant son livre Blumenthal traite des conjonctions et pronoms en principe subordonnants (parce que, quand, qui, que, si bien que, de sorte

Strafrecht, Strafprozessrecht und Menschenrechte : Festschrift für Stefan Trechsel zum

On dispose d’une masse marquée m = 62,662 g et on se propose de vérifier la valeur de cette masse à l’aide d’un balance de très mauvaise qualité, au g près. Pour cela, on