A NNALES DE L ’I. H. P.
P AUL L ÉVY
Le Théorème fondamental de la théorie des erreurs
Annales de l’I. H. P., tome 1, n
o2 (1930), p. 163-175
<http://www.numdam.org/item?id=AIHP_1930__1_2_163_0>
© Gauthier-Villars, 1930, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Annales de l’I. H. P. » implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.numdam.org/conditions).
Toute utilisation commerciale ou impression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit conte- nir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
Le Théorème fondamental de la théorie des erreurs
PAR
M. PAUL
LÉVY
MESDAMES, MESSIEURS,
Permettez-moi d’abord d’adresser à M. Emile BoREL
l’expression
de ma reconnaissance pour le
grand
honneurqu’il
m’a fait en m’in-vitant à
prendre
laparole
dans cette salle. Permettez-moi aussi deprévenir
ceux d’entre vousqui
ont entendu lesremarquables
confé-rences de M. que la
présente
conférence a unobjet
bien diffé- rent, etplus modeste ;
ce ne sont pas des résultats nouveaux, mais des résultats connusdepuis longtemps,
et pour laplupart classiques, que je
vais avoir l’honneurd’exposer
devant vous.1. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES ERREURS DANS LES MESURES
PHYSIQUES. -- Le but que
je
me suisproposé
est de vous faire com-prendre
le théorème fondamental de la théorie des erreurs.D’après
ce
théorème, accidentelle,
commise dans la mesure d’une gran- duerphysique,
obéit à la loi de GAUSS.Il faut d’abord
préciser
cequ’on appelle
erreur accidentelle. Le caractère essentiel d’une telle erreur est dedépendre
duhasard ;
si l’on recommence la mesure dans les mêmes
conditions,
l’erreur accidentellevariera ;
elle sera tantôtpositive,
tantôtnégative,
etl’on
peut espérer
que ces différentes erreurs secompenseront
si l’onprend
la moyenne des résultatsobtenus ;
laprécision
est alors aug- mentée.I,’erreur qui
n’est pas accidentelle est ditesystématique ;
on ne
peut
pasespérer
lacorriger
de la mêmemanière,
et iln’y
a pasde bonne mesure si l’on n’arrive pas à éviter ou
corriger
toutes lescauses d’erreurs
systématiques.
. ha distin.ction entre ces deux sortes d’erreurs est souvent assez
délicate. Contentons-nous de le montrer par un
exemple,
celui del’erreur de lecture.
Supposons
pour fixer les idées que l’on ait à lire laposition
d’un trait derepère
en face d’unerègle graduée
en nlilli-mètres, et
qu’on
se contente de lire le nombre entier demillimètres,
sans chercher à
apprécier
lapartie fractionnaire 1
du nombre inconnu X.Si cette
partie
fractionnaire est inférieure à o, 4, pour fixer lesidées,
on lira le nombre entier n immédiatement inférieur
à x ;
; de o, 6 à l aucontraire,
on lira n + l ; entre o, 4 et o, 6 onhésitera ;
on liratantôt n, tantôt n +1, la
probabilité
de cette seconde valeur augmen-tant avec
ç,
suivant une formule que nous supposerons linéaire. Dansces
conditions,
cela ne sert à rien de recommencer lalecture ;
unmême observateur ne
pourrait guère
oublier le résultat de la lectureprécédente
et relirait le mêmenombre, 11,
ou n + l. Si l’onprend
lamoyenne des lectures faites par un
grand
nombre d’observateursindépendants,
on obtient une valeur x, fonction continue de X ~ n +ç,
et l’erreur commise x - X est une fonction continue
de ç, représentée
par la
figure
ci-contre. C’est une erreursystématique ;
larépétition
des
expériences
nepermet
pas de lacorriger.
Supposons
au contraire que, pour mesurer la distance de deux traits derepère,
ondéplace
àchaque
lecture larègle graduée ; 1
varie d’une lecture àl’autre,’
les différentes valeurs entre o et I étantégalement
probables.
I,a moyenne des différentes erreurs x - X diffèrera alorspeu de sa valeur
théorique, qui
est la valeurmoyenne
de la fonctionx -- X
de 1
que nous venons de définirquand 1
varie de o à l ; cettevaleur est
zéro ;
il en sera ainsi àchaque
extrémité de larègle.
Dansces conditions on
peut
arriver à uneprécision théoriquement
indéfinie : l’erreur de lecture est devenueaccidentelle ;
onpeut
maintenant lacorriger
enrecommençant
la mesure et enprenant
la moyenne des résultats obtenus.D’une manière
générale
l’erreur de lecture estsystématique
si larépétition
de la mesure que l’onenvisage implique
larépétition
exactedes mêmes
lectures ;
elle devient accidentelle dans le cas contraire.Bien entendu l’on ne
peut
pastoujours
transformer l’erreursysté- matique
en erreur accidentelle. Cela ne serait d’ailleurs pastoujours désirable ;
ilimporte
en effet des’attaquer
directement àchaque
caused’erreur et de la
corriger
aussi exactement quepossible.
Il ne doitrester, dans une bonne méthode de mesure, que des erreurs
trop petites
pour être
corrigées ;
chacune estnégligeable.
Mais leur réunionpeut
constituer une erreur
appréciable.
L’erreur accidentelleapparaît
ainsicomme constituée
par
la réunion d’erreursindépendantes
et trèspetites.
Ce résultat n’est pas encore assez
précis
pour constituer lepoint
dedépart
d’une théoriemathématique.
Il fautpréciser
la relation entreces erreurs élémentaires et leur résultante.
L’hypothèse
laplus simple
consiste à supposer que ces erreurs élémentaires
s’ajoutent ;
c’estsur cette
hypothèse
que repose la théoriemathématique classique, qui
conduit à cette conclusion que l’erreur accidentelle obéit à la loi de GAUSS. Mais nous devons nous demander si elle est vérifiée en fait.Cela
dépend
naturellement des cas. Le calcul desprobabilités
noushabi.tue,
dès cesdébuts,
à cette idée que certains cas semblent faitsexprès
pour donner l’occasiond’appliquer
la théorie. C’est ainsi quea notion de
probabilité
a un sens très clairlorsqu’on parle
dutirage
d’une carte dans un
jeu
bien battu. I,’étude de ces casprésente
ungrand intérêt,
et aide àcomprendre
un peu cequi
se passe dans descas
plus complexes
et dont la théorie nepeut
être faite exactement ; les résultats obtenus dans les cassimples
nepeuvent s’appliquer
d’une manière exacte à ces cas
complexes ;
mais on ne doit pas êtresurpris
de constaterqu’ils s’appliquent
d’une manièreapprochée.
Ainsi on ne s’étonne pas de constater la constance de certaines fré- quences, même
quand
aucune théorie nepermet
de les calculer.Dans la théorie des erreurs, un cas où la théorie
s’applique
assez bienest celui de l’erreur due à la réfraction
atmosphérique
dans les obser- vationsastronomiques.
Cette erreurcomporte
unepartie systématique
due à la densité croissante des couches
atmosphériques
traverséespar le rayon lumineux. Cette erreur
systématique corrigée,
il resteune erreur
accidentelle,
due à l’influence desperturbations
de l’atmos-phère ;
elleapparaît
bien comme la somme des déviations ainsi pro- duites aux différentes altitudes.Considérons maintenant le cas d’un
télémètre,
ayant pourobjet
lamesure d’une distance x, et la déduisant de la mesure d’un
angle
6très
petit
et variant en raison inverse de x. La théories’applique
assezbien à
l’angle 6,
et l’erreur ? commise sur cetangle
obéit à la loi deGAUSS,
dont nousrappellerons
tout à l’heure ladéfinition ;
c’est uneloi
symétrique,
donnant les mêmesprobabilités
à deux valeurségales
et
opposées.
Il en résulte pour l’erreur sur x une loidifférente,
évi-demment
dissymétrique ;
la théorie nes’applique
pas à l’erreur sur x.Mais si la mesure est
précise,
c’est-à-dire si l’erreur dx commise sur x(et
non seulement chacune des erreurspartielles
dont ellerésulte)
est très
petite,
~9 et d’x sontproportionnels,
et l’erreur sur x obéità la loi de GAUSS.
D’une manière
générale
si une mesure estprécise,
c’est-à-dire siune variation de la
quantité
à mesurer x de même ordre degrandeur
que l’erreur
possible apparaît
comme étant sans influence sur les con-ditions de la mesure, x et les différentes fonctions de x que l’on
peut
avoir à considérer varient
proportionnellement
dans ceslimites,
etil
importe
peu de savoir àlaquelle
de ces fonctions la théories’applique
le
mieux ;
onpeut l’appliquer
à x et dire que l’erreur sur x obéit à‘
la loi de GAUSS.
On
peut exprimer
la même idée sous une autre forme en disant que, les variables OX étant assezpetites
pour que l’onpuisse négliger
leurscarrés,
toutes les formules deviennent linéaires. L’erreur totale nepeut
donc être que la somme des erreurspartielles qui
la constituent.Mais ce n’est pas là un raisonnement
rigoureux ;
même si les erreurspartielles
sont trèspetites,
d’autres formules que l’additionsont possibles.
M. FRÉCHET a étudié le cas où l’onprendrait
pour l’erreur résultante X laplus grande
des erreurspartielles, prise
en valeurabsolue ;
il a montré que dans cettehypothèse
onpeut développer
une théorie
analogue
à la théorieclassique ;
mais la loi de GAussest
remplacée par’
une loi différente.Imaginons
un examen danslequel chaque candidat, ayant
à effectuerun certain nombre de mesures, commettrait dans ces différentes me- sures des erreurs de valeurs absolues ...,
Supposons
que l’exa- minateur dise :«Je
ne crois pas au calcul desprobabilités;
peu m’im-portent
la valeur moyenne ou la valeurquadratique
moyenne deces erreurs ; ce
qui
m’intéresse c’est laplus grande
erreur que le can- didatrisque
de commettre.Je
ne tiens donccompte
que de laplus grande
en valeur absolue des erreurscommises,
et c’estd’après
savaleur X
que je
note le candidat. Un tel examinateur aurait sansdoute tort.
Supposons quand
mêmequ’il
existe et cherchons àprévoir,
avant
l’examen,
la note ducandidat ;
nous trouveronsqu’elle dépend
de la loi de M. FRÉCHET
(du
moins si n est assezgrand).
Mais un tel
exemple
estexceptionnel.
Les fonctions que l’onpeut
rencontrer dans l’étude de la
composition
des erreurs sont leplus
souvent des fonctions
continues,
à dérivéescontinues,
et mêmedéveloppables
en série de TAYI.OR. Si les erreurs sont trèspetites,
on
peut négliger
leurs carrés et leursproduits ;
l’erreur totale est unefonction linéaire des erreurs
partielles,
et la théorieclassique s’applique.
Cette
théorie,
nous l’avonsdit,
nous conduira à ce résultat que l’erreur accidentelle obéit à la loi. de GAUSS. Nous voyons comment il fautcomprendre
cet énoncé. Il repose sur certaineshypothèses,
notamment sur
l’hypothèse
de l’additivité des erreurspartielles,
etsur la
petitesse
aussi bien dechacune
de ces erreurspartielles
parrapport
à leur somme que sur lapetitesse
de cette somme. Ceshypo-
thèses semblent
naturelles,
et seront sans doute assez exactement vérifiées dans laplupart
desapplications.
Mais il ne faut pas oublier que les résultats de la théorie ne sontapplicables qu’à
cettecondition ; qu’il
est nécessaire danschaque application,
soit de s’assurer que ceshypothèses
sont bienvérifiées,
soit de vérifierexpérimentalement
que la lo’ de l’erreur est bien celle de
GAUSS ; qu’en général
il n’en seraainsi que d’une manière
approchée.
Il ne faut pas oublier notamment que la théorie suppose que l’erreur accidentelle soit la somme d’une infinité d’erreursindépendantes
et infinimentpetites ;
or dans lescas les
plus
favorables il nepeut
êtrequestion
que d’un nombre trèsgrand,
maisfini,
d’erreurspartielles.
2. ExposÉ DE I,A THÉORIE
MATHÉMATIQUE.
--Rappelons
d’abordla définition de la loi de GAUSS. On da
qu’une
varable ~
obéit à laI68
toi de Gauss réduite si la
probabilité
del’inégalité (1)
est,
quels
que soient xet fi, égale
àl’intégrale
(2) V .1 2~ a e _ Z d~~
c’est-à-dire à l’aire hachurée de la
figure ci-dessous,
où l’on a tracéla courbe de GAuss
La valeur
probable de S
est alorszéro,
et sa valeurquadratique
moyenne est i
(propriétés caractéristiques
des lois . La loi’ Fig. 2.
de Gauss
générale
est celle àlaquelle
obéit la variable x ==ai, a
étantune constante.
Considérons alors une variable x, obéissant à une loi de
probabilité quelconque,
à celaprès
que sa valeurprobable
doit être nulle et queJ sa valeur
quadratique
moyenne a une valeur finie m. Si cette loidépend
d’unparamètre variable,
nous dironsqu’elle
tend verscelle de
GAuss,
ou d’une manièreplus précise
que la loi àlaquelle
obéit la variable réduite
~
= x tend vers la loi de GAUSSréduite,
sila
probabilité
del’inégalité (i)
tend vers la valeur(2) ;
on voit aisément que cette convergence est nécessairement uniforme.La loi de GAUSS a une
propriété importante,
facile à démontrer : elle est stable. On entend par là que, siplusieurs
variablesindépen-
dantes x1, x2, .:., xn, obéissent à la loi de
GAUSS,
il en est de même de leur sommeI69
Mais ce
qui
estplus remarquable
encore, c’est que, si les loisauxquelles
obéissent xi, x2, ..., xn sont
quelconques,
la loi résultante àlaquelle
obéit X ressemble
plus
à la loi de Gauss que les loiscomposantes,
et tend pour n infini vers celle de
Gauss,
du moins si chacun des termes est trèspetit.
En d’autres termes : la somme de n erreursindépendantes
et très
petites,
dont les valeursprobables
sontnulles,
obéit àloi, tendant,
ninfini,
vers celle de Gauss(1)
.C’est bien le résultat
qu’il s’agit
d’établir pour la théorie des erreurs.Il faut d’ailleurs encore
préciser
le sens del’expression
« trèspetites » qui figure
dans l’énoncé. Ellesignifie
que les erreurs sont trèspetites
par
rapport
à la valeurquadratique
moyenne M de l’erreur totaleX ; rappelons
que NI est lié aux valeursquadratiques
moyennesmn par la formule
.
~5)
M2 = m2 +n1É
+ ... + mn,Pour
qu’on puisse
dire que les erreurs sont trèspetites,
il suffit alors évidemmentqu’aucune
d’entre elles nepuisse
en aucun casdépasser
eM, s étant un nombre très
petit,
et tendant vers zéro pour n infini.Mais,
la valeurquadratique
moyenne d’une variable donnant assezbien idée de l’ordre de
grandeur auquel
il faut s’attendre pour cettevariable,
et les valeursbeaucoup plus grandes,
si elles sontpossibles,
étant très peu
probables,
onpeut
se demander s’il ne suffirait pas que. ml, m2, ..., mn, soient inférieurs à eM. Il n’en est pas
ainsi ;
mais cettehypothèse
devient suffisante si l’onajoute
une conditionsupplémen-
.taire très peu
restrictive, qu’on peut
énoncer parexemple
en disantqu’on
commet une erreur relativenégligeable
sur la somme(5)
en netenant
compte
que des valeurs de xi, x2, ..., xn inférieures à aM. Onpeut
donner aussi d’autres formes à cette conditionsupplémentaire,
de sorte que le théorème fondamental est
susceptible
de recevoirplusieurs
énoncéslégèrement
différents. Celui que nous venons d’indi- quer résulte des travaux de M.Lindeberg.
Nous ne pouvons, dans cette
conférence,
donner la démonstrationcomplète
de ce théorème fondamental. Mais nousindiquerons
briève-ment le
principe
de trois méthodes différentesauxquelles
se rattachentles recherches relatives à ce
sujet.
(1) Sans la restriction que les xh aient leurs valeurs probables nulles, le résultat ’subsisterait
pour X, à une constante additive près ; mais si cette constante n’était pas nulle, elle devrait être ’ rattachée à l’erreur systématique, et le résultat relatif à l’erreur accidentelle subsisterait sans
modification.
I70
La
première méthode,
celle deBernoulli,
repose sur l’étude dujeu
de
pile
ou face. Achaque
coup legain x peut
avoir les valeurs -~- ~ et- i, chacune de ces valeurs ayant la
probabilité 2 I . Après
n coups,les valeurs
possibles
dugain
total X sontn, n - 2, ~-4~...~_n~
leurs
probabilités respectives
étantI
C~
Ci l2~ .
La valeur
quadratique
moyenne deX, d’après
la formule(5),
étantil est naturel de considérer le
gain réduit;
=-~
et, endésignant
par dE,
=2
la différence de deuxgains consécutifs,
de mettre laprobabilité
de cegain
sous la formefn(~)d~.
Un calcul facile montre alors quef n(~) tend, uniformément,
pourn infini,
vers la fonction de GAUSSJ2
’ cela revient à dire que le qgain
g réduitobéit,
e t, à a la lalimite, limite,
à la loi de Gauss réduite.
On voit ainsi clairement la manière dont s’introduit cette
courbe ;
elle est dessinée en
quelque
sorte par lareprésentation graphique
descoefficients du binôme. Seulement cela
n’apparaîtrait
pas si l’on mar- ,quait
lespoints d’abscisses fi
et d’ordonnées= ~
+~) ;
; il fauten outre
multiplier
les abcisses parln
et les ordonnées par~" .
.Ce résultat
obtenu,
il est facile d’abord d’en déduire une nouvelle démonstration du fait que la loi de GAUSS eststable,
ensuite de legénéraliser
deplusieurs manières,
ensupposant
que la loi deprobabilité
de chacun des
gains
successifs xi, x2, ..., xn ne soit pas celle dujeu
de
pile
ouface,
et mêmequ’elle
varie d’un coup à l’autre. Mais il n’est pas facile d’arriver ainsi audegré
degénéralité
nécessaire pour la théorie des erreurs, où l’on ne sait pour ainsi dire rien sur les lois deserreurs
élémentaires,
si ce n’estqu’elles
sontpetites ;
une théorieintroduisant d’autres
hypothèses
nepeut
donc pasexpliquer
lagrande généralité
du fait que l’erreur accidentelle obéisse(au
moins d’une manièreapprochée)
à la loi de GAuss.Passons donc à la seconde
méthode,
celle de M.Lindeberg (1020
I7I
et
1922).
Chacune des erreurspartielles
xh,(h
= 1, 2, ...,n),
étantreprésentée
par mn étant sa valeurquadratique
moyenne, desorte
que h
est l’erreur réduitecorrespondante,
l’erreur totale réduiteest
M. LINDEBERG considère d’autre
part
desvariantes
auxiliaires%1‘, ~2’,
...,%n’,
obéissant à la loi de GAUSSréduite,
etindépendantes
lesunes des autres. On voit aisément que la somme
obéit aussi à la loi de GAUSS réduite. Or on passe de la somme
(7)
àla somme
(6) qu’il s’agit
d’étudier enremplaçant
successivement~r’,
par%1, %2’
...,%n‘
par~n.
Une discussion des erreurs ainsi com-mises,
relativement élémentairequoiqu’elle
nécessitequelques pré-
cautions,
montre que, sous leshypothèses rappelées
tout àl’heure,
non seulement chacune de ces erreurs, mais l’erreur totale commise
en
remplaçant par ~,
est trèspetite.
A lalimite, ~
obéira bien à laloi de GAUSS réduite.
La troisième méthode dont nous voulons
parler
repose sur l’étudede la
f onction caractéristique
; cetteméthode, déjà
considérée parCAUCHY,
et même incidemment parquelques prédécesseurs
deCAUCHY,
a été renouvelée parCHARLIER,
et nous-même en avonsdéveloppé systématiquement
lesconséquences.
La fonction
caractéristique,
que nousdésignerons
par est la valeurprobable
del’exponentielle imaginaire
étant la variableobéissant à la loi
étudiée,
et t une variable auxiliaire.Ainsi,
dans lecas d’une loi
continue,
oùchaque
intervalle dx a laprobabilité f(x)dx,
on a
et la formule de FOURIER
I72
nous
permet
decalculer/(~)
connaissant~).
La fonction desproba-
bilités totales
se déduit alors aisément de la formule
(9)
parintégration
sous lesigne d’intégration.
Il vient ainsi(10) 1~) - F(o) = ~ ~
Or,
à condition d’écrire cette formule sous la formeon a une
formule applicable
à toutes les lois deprobabilité,
continuesou non. Donc, dans tous les cas, une loi de
probabilité
est bien définiepar la donnée de sa fonction
caractéristique
pour toutes les valeurs réelles de t.On voit d’ailleurs aisément que
(p(o)
== i ; que pour une loi réduite= o et = i, de sorte que - i et
W(t)
=log q;(t),
ont pour valeur
principale ~ .
Dans le cas de la loi de GAUSSréduite,
= -
~ 2 ’
et pour être sûrqu’une
loi tend vers la loi de GAUSS réduite il suffit de montrer que-)- ~
tend verszéro,
et cela uniformément dans tout intervalle fini.Considérons maintenant deux lois de
probabilité indépendantes,
de fonctions
caractéristiques
(12)
=?.?
=désignant
laprobabilité
de lavaleur
pour lapremière loi,
etj3~ et définissant
de même la seconde loi. La fonctioncaractéris- tique
de la loirésultante,
àlaquelle
obéit la somme x + y, est(13)
= + ~ =?i(~) ?.?.
Donc,
dans lacomposition
de deux lois deprobabilité (par
additiondes variables
correspondantes, supposées indépendantes),
les fonctionsI73
caractéristiques
semultiplient ;
leurslogarithmes 1f(t) s’ajoutent.
Ce résultat n’est d’ailleurs pas
spécial
aux loisdiscontinues,
comme lanotation
employée
pour écrire les formules(12)
et(13) pourrait
le fairepenser.
Considérons alors n variables
indépendantes
x1, x2, ..., xn, obéissant à la même loiréduite ;
nous poserons9(t)
étant la fonctioncaractéristique
de cetteloi ;
on aM(o)
= o. Pourleur somme
X,
estremplacé
paret pour la somme réduite
X ,
lelogarithme
de la fonction caractéris-tique
est.
Il tend uniformément
vers - t 2 2
dans tout intervallefini,
de sortequ’à
v
la limite
1
obéit bien à la loi de GAUSS réduite.Nous venons de traiter le cas où les différents termes ..., xn
obéissent à la même loi. Il suffirait de
quelques lignes
deplus
pour . traiter le casgénéral.
On arrive ainsi à mettre en évidence que lasomme
réduite ~
obéit à la loi deGAUSS,
pourvu que soient vérifiées les trois conditionssuivantes,
toutes les trois essentielles :I °
Chacune
des erreurs x a une valeurquadratique
moyennefinie m
;(la
valeurprobable
de x est alors aussi finie et onpeut,
comme nous l’avonsfait,
la supposernulle).
2° Le
plus grand
des nombres m2 est trèspetit
parrapport
à leursomme
M2 ;
3° Les fonctions liées par la formule
(14)
aux fonctions carac-téristiques (t)
des loisauxquelles
obéissent les variables réduites~ m,
sont toutesmajorées,
au moins dans unpetit
intervalle com-prenant la valeur t = o, par une fonction
Q(t)
nullepout t
= o etcontinue près de ce point.
Toutes ces conditions reviennent d’ailleurs à limiter le rôle des
grandes
valeurs des variables x, de sorte que la conclusionque ~
obéità la loi de GAUSS a bien la
portée
voulue aupoint
de vue de la théoriedes erreurs.
Nous n’insisterons pas sur la troisième de ces conditions. La nécessité de la seconde est bien évidente : si l’une des erreurs
partielles
n’étaitpas très
petite
parrapport
à l’erreurtotale,
il ne serait paspossible
que la loi à
laquelle
obéit cette erreur fût sans influence sur l’erreurtotale. Si les erreurs considérées sont en nombre
infini,
et seprésentent
comme les termes d’une
série,
il est alors essentiel que la série soit~ 2 +
~
2 + ... + m, ndivergente ;
autrement chacun des termes serait une fractionappréciable
de la somme. En cas de convergence de cettesérie,
mêmesi la série
~n1 + m~ --~- ’ ’ ’ + ...
est
divergente,
on ne doit pas s’attendre à trouver la loi de GAUSS.A
fortiori
ne doit-on pass’y
attendre si les carrés des variables xn’ont pas leurs valeurs
probables
finies. Dans ces cas lesgrandes
valeurs de ces variables ont des
probabilités
suffisantes pour influer d’une manière sensible sur la loi deprobabilité
de leur somme. Descirconstances très diverses sont alors
possibles ;il peut
arriver notam-ment
qu’on
obtienne à la limite une loi stable autre que celle deGAUSS ;
il existe en effet une double infinité de lois stables.
3. - CONCLUSIONS RELATIVES A LA COMPENSATION DES ERREURS. -
Tels sont les caractères essentiels de la théorie
mathématique qui permet
decomprendre
le rôle de la loi de GAUSS dans la théorie deserreurs. Terminons cet
exposé
parquelques
remarques sur les méthodesemployées
pour lacompensation
des erreursaccidentelles ;
on a beau-coup discuté la
question
de savoir si ces méthodespouvaient se jus-
tifier
indépendamment
de la loi de GAUSS. Les conclusions de cesdiscussions sont les suivantes :
I° S’il est vrai que l’erreur accidentelle obéisse à la loi de
GAUSS,
ces méthodes sont les meilleures
possibles ;
toute autre méthode donne- rait uneprécision
moinsgrande ;
2° Si l’erreur n’obéit pas à la loi de
GAUSS,
mais n’en diffère pastrop
ces méthodes conservent une valeur
incontestable ;
mais on nepeut plus
affirmer
qu’elles
soient les meilleurespossibles.
Elles restent bonnes tant que la loi deprobabilité
de l’erreurcomporte
une valeurquadra- tique
moyenne, etpermettent,
au moins enthéorie, d’augmenter
indéfiniment la
précision
par larépétition
des mesures ;3°
Ces méthodes tombent au contrairecomplètement
en défautdans le cas des lois
comportant
une erreurquadratique
moyenneinfinie. De telles lois ne semblent
guère pouvoir
se rencontrer dans unebonne méthode de mesure. Mais s’il arrivait
qu’une
telle loi fûtvérifiée,
il
importe
de remarquer que dans ce cas l’onpeut
se tirer d’affaire par d’autres méthodes.Signalons
notamment cellequi
consiste à écarterdans
des proportions
déterminées lesplus grandes
et lesplus petites
valeurs
trouvées,
et àprendre
la moyenne des mesures conservées.Cette méthode est
applicable
dans tous les cas et, même dans le cas où la méthodeclassique
estmeilleure,
n’est pasbeaucoup plus
mau-vaise