ANNALES MATHÉMATIQUES
BLAISE PASCAL
Mohamed Ait Ouahra, Abdelghani Kissami & Aissa Sghir Un principe d’invariance de type Donsker dans une classe d’espaces de Besov-Orlicz
Volume 19, no1 (2012), p. 263-269.
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Clermont-Ferrand — France
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Un principe d’invariance de type Donsker dans une classe d’espaces de Besov-Orlicz
Mohamed Ait Ouahra Abdelghani Kissami
Aissa Sghir
Résumé
Dans ce papier, nous allons étendre le principe classique d’invariance de Donsker [4] dans une classe des espaces de Besov-Orlicz associés à la N-fonction exponen- tielleM2(x) = exp(x2)−1.
1. Introduction
Le résultat classique connu sous le nom du théorème de la limite cen- trale assure que pour toute suite de variables aléatoires réelles i.i.d (Xn)n≥1 centrées, de variance σ2 finie, la suite 1
σ√ n
Pn k=1Xk
n≥1 converge en loi vers une variable aléatoire suivant une loi normale standard. La version fonctionnelle du théorème de la limite centrale connue sous le nom de prin- cipe d’invariance a été établie par Donsker [4], dans l’espace des fonctions continues C([0,1]), muni de la topologie de la convergence uniforme, et dans l’espaceD([0,1]), muni de la topologie de Skorohod pour les proces- sus discontinus.
Théorème 1.1. Soit (Xn)n≥1 une suite de variables aléatoires i.i.d cen- trées, de variance σ2 finie et soit Sn=Pnk=1Xk etS0 = 0. Alors, la suite des processus
ξn(t) = 1 σ√
nS[nt], 0≤t≤1
,
converge faiblement, lorsquen→+∞, vers un mouvement Brownien stan- dard, dans l’espace D([0,1]).
Mots-clés :Espaces de Besov-Orlicz, Principe d’invariance de type Donsker, Conver- gence faible, Tension.
Classification math. :46E30, 60F17.
M.Ait Ouahra, A.Kissami & A.Sghir
Théorème 1.2. Soit (Xn)n≥1 une suite de variables aléatoires i.i.d cen- trées, de variance σ2 finie et soit Sn=Pnk=1Xk etS0 = 0. Alors, la suite des processus
γn(t) = 1 σ√
n
S[nt]+ (nt−[nt])X[nt]+1, 0≤t≤1
,
converge faiblement, lorsquen→+∞, vers un mouvement Brownien stan- dard, dans l’espace C([0,1]).
Ce genre de théorèmes ont été étudiés par Hamadouche [5] et Lamperti [7] dans l’espace de Hölder et Morel [8] dans les espaces de Besov stan- dard. D’autre part, Kerkyacharian et Roynette [6] ont donné une autre démonstration du résultat de Lamperti [7] en utilisant la base de Schau- der. Dans ce papier, nous allons étendre ces deux théorèmes à la topo- logie des espaces de Besov-Orlicz associés à la N-fonction exponentielle M2(x) = exp(x2)−1.
Soit la N-fonction Mβ définie par : Mβ(x) =
( e|x|β −1 siβ ≥1, Eβ(x)−Eβ(0) si 0< β <1,
où Eβ(x) =Eβ(−x) est le prolongement de la partie convexe de e|x|β sur [xβ,+∞[ par sa tangente au point xβ >0. (e|x|β change de concavité en xβ).
Le reste de ce papier est organisé comme suit : Dans la deuxième partie, nous présentons quelques notions de base sur la théorie des espaces de Besov-Orlicz, associés à la N-fonction exponentielle Mβ, pour β >0. La dernière partie est réservée à la démonstration de nos résultats.
2. Espaces de Besov-Orlicz
Pour la théorie de base des espaces de Besov-Orlicz, nous renvoyons le lecteur à Boufoussi [2] et Ciesielski et al.[3]. Cependant, nous présentons un bref aperçu sur ces espaces.
Soit (Ω,Σ, µ) un espace de mesure finie. L’espace d’Orlicz LMβ(dµ)(Ω) as- socié à laN-fonctionMβ, pourβ >0, est l’espace de Banach des fonctions f : Ω→Rmesurables muni de la norme
kfkMβ(dµ) = inf
λ>0
Z
Ω
Mβ(| f(.)
λ |)dµ(.)<1
.
Dans le cas d’un espace probabilisé (Ω,Σ, P), on a kfkM
β(dP)= inf
λ>0
E(Mβ(| f
λ |))<1
.
Le module de continuité d’une fonction f définie sur [0,1] en norme d’Or- licz est défini pour tout h∈R par :
ωMβ(f, t) = sup
|h|≤t
k∆hfkM
β(dx),
où ∆hf(x) =1[0,1−h](x)[f(x+h)−f(x)] etdxest la mesure de Lebesgue sur [0,1].
Pour tout 0 < µ < 1 et ν >0, l’espace de Besov-Orlicz noté BωMµ,ν
β,∞, est l’espace de Banach des fonctions continues f ∈LMβ(dx)([0,1]) muni de la norme
kfkωMµ,ν
β,∞=kfkMβ(dx)+ sup
0<t≤1
ωMβ(f, t) ωµ,ν(t) , où
ωµ,ν(t) =tµ(1 + log(1 t))ν. Muni de cette norme, l’espace BωMµ,ν
β,∞ n’est pas séparable. Par contre, il contient un sous espace fermé et séparable noté BωMµ,ν,0
β,∞ qui correspond aux fonctionsf telles queωMβ(f, t) =o(ωµ,ν(t)), quandt→0.
Nous savons que toute fonction f continue sur [0,1], se décompose dans la base de Schauder {ϕn=ϕj,k, j≥0, k= 1, ...,2j}
f(t) =
∞
X
n=0
Cn(f)ϕn(t),
où la convergence est uniforme et les coefficients dans cette base sont donnés par
C0(f) =f(0), C1(f) =f(1)−f(0), n= 2j+k, j≥0 , k= 1, ...,2j,
Cn(f) =fj,k= 2j2h2f(2k−12j+1)−f(2k−22j+1)−f(22kj+1)i.
Les preuves des deux théorèmes suivants se trouvent dans Ait Ouahra et al.[1], le premier caractérise la régularité Besov-Orlicz des trajectoires du mouvement Brownien standard et le deuxiéme donne un critère de tension dans les espaces de Besov-Orlicz.
M.Ait Ouahra, A.Kissami & A.Sghir
Théorème 2.1. Soit {Bt, t ≥ 0} un mouvement Brownien standard.
Alors p.s, la trajectoire t → Bt appartient à l’espace de Besov-Orlicz B
ω1 2,ν,0
M2,∞, ∀ν >1.
Théorème 2.2. Soit (Xtn:t∈[0,1])n≥1 une suite de processus stochas- tiques définis sur (Ω,Σ, P) satisfaisant les hypothèses suivantes
(1) X0n= 0, pour tout n≥1.
(2) Il existe une constanteC >0telle que pour toust, s∈[0,1], on a, kXtn−XsnkM
β(dP)≤C|t−s|µ.
Alors, la famille des lois de (Xtn:t∈[0,1]) est tendue dans BωMµ,ν,0
β,∞, pour tous β≥1, 0< µ <1 et ν >1.
3. Les résultats principaux
Théorème 3.1. Soit (Xn)n≥1 une suite de variables aléatoires i.i.d cen- trées, de variance σ2 finie, et soitSn=Pnk=1XketS0 = 0. Alors, la suite des processus
ξn(t) = 1 σ√
nS[nt], 0≤t≤1
,
converge faiblement, lorsquen→+∞, vers un mouvement Brownien stan- dard, dans l’espace de Besov-Orlicz B
ω1 2,ν,0
M2,∞, pour tout ν >1.
Théorème 3.2. Soit (Xn)n≥1 une suite de variables aléatoires i.i.d cen- trées, de variance σ2 finie, et soitSn=Pnk=1XketS0 = 0. Alors, la suite des processus
γn(t) = 1 σ√
n
S[nt]+ (nt−[nt])X[nt]+1o, 0≤t≤1
,
converge faiblement, lorsquen→+∞, vers un mouvement Brownien stan- dard, dans l’espace de Besov-Orlicz B
ω1 2,ν,0
M2,∞, pour tout ν >1.
On a besoin du lemme suivant de Morrow [9] dont la preuve se trouve dans Zhonggen Su [10] .
Lemme 3.3. Soit 0 < β ≤ 2. Si (Xn)n∈N est une suite de variables aléatoires i.i.d centrées telles que kX1kM
β(dP) < ∞, alors il existe une constante 0< Cβ <∞ telle que
X1+...+Xn
√n Mβ(dP)
≤CβkX1kMβ(dP).
Remarque 3.4. Si (Xn)n∈N est une suite de variables aléatoires i.i.d cen- trées telles que pour toutp≥1,kX1kp <∞, alors il existe une constante 0< Cp <∞ telle que
X1+...+Xn
√n p
≤CpkX1kp.
C’est l’inégalité de Marcinkiewicz-Zygmund.
Preuve du Théorème 3.1. Il suffit d’établir que la famille (ξn(t)) est tendue dans l’espace B
ω1 2,ν,0
M2,∞, pour toutν >1.
kξn(t)−ξn(s)kM2(dP) =
1 σ√
n
[nt]−1
X
k=[ns]
Xk M2(dP)
=
p[nt]−[ns]
σ√ n
[nt]−1
X
k=[ns]
Xk p[nt]−[ns]
M2(dP)
.
Remarquons que pour nassez grand,
p[nt]−[ns]
√n
≤ |t−s|12.
Il suffit donc de montrer qu’il existe une constante 0< C <∞, telle que pour tout nassez grand,
[nt]−1
X
k=[ns]
Xk p[nt]−[ns]
M2(dP)
≤C,
ce qui est le cas d’après Lemme 3.3.
Preuve du Théorème 3.2. Il suffit d’établir que la famille (γn(t)) est ten- due dans l’espace B
ω1 2,ν,0
M2,∞, pour toutν >1.
M.Ait Ouahra, A.Kissami & A.Sghir Premier cas : [nt] = [ns].
Dans ce cas [nt]≤ns≤nt <[nt] + 1, et par suite [nt]n ≤s≤t < [nt]+1n , ce qui implique quepn|t−s| ≤1. Donc,
kγn(t)−γn(s)kM
2(dP)=√
n|t−s|kX[nt]+1kM2(dP)
σ ≤ kX1kM2(dP)
σ |t−s|12. Deuxième cas : [ns]<[nt].
Dans ce cas [ns]≤ns <[ns] + 1≤[nt]≤nt <[nt] + 1, et par suite [ns]n ≤s < [ns]+1n ≤ [nt]n ≤t < [nt]+1n . Donc,
kγn(t)−γn(s)kM2(dP) ≤ kγn(t)−γn([nt]
n )kM2(dP) +kγn([nt]
n )−γn([ns]
n )kM2(dP)+kγn(s)−γn([ns]
n )kM2(dP). D’après le premier cas, il existe une constante 0< C <∞ telle que
kγn(t)−γn([nt]
n )kM2(dP)≤C|t−s|12, et
kγn(s)−γn([ns]
n )kM
2(dP)≤C|t−s|12,
en remarquant que [nt] = [nt0] et [ns] = [ns0], avec t0= [nt]n ets0 = [ns]n . Pour le terme du milieu, la même technique utilisée dans la démonstration du Théorème 3.1, entraîne qu’il existe une constante 0< C0 <∞telle que
kγn([nt]
n )−γn([ns]
n )kM2(dP)=kγn(t0)−γn(s0)kM2(dP)≤C0|t−s|12.
La preuve du Théorème 3.2 est ainsi achevée.
Références
[1] M. Ait Ouahra, A. Kissami&A. Sghir– « Un critère de tension dans les espaces de Besov-Orlicz et applications au problème du temps d’occupations »,Ann. Math. Blaise. Pascal 18(2)(2011), p. 237–257.
[2] B. Boufoussi – « Espaces de Besov : Caractérisations et Applica- tions. », Thèse, Université Henri Poincaré. Nancy. France, 1994.
[3] Z. Ciesielski, G. Kerkyacharian & B. Roynette– « Quelques espaces fonctionnels associés à des processus gaussiens »,Studia Ma- thematica 107(2) (1993), p. 171–204.
[4] M. D. Donsker – « An invariance principle for certain probability limit theorems »,Mem. Amer. Math. Soc.,1951(1951), no. 6, p. 12.
[5] D. Hamadouche – « Invariance principles in Hölder spaces »,Por- tugal. Math 57(2) (2000), p. 127–151.
[6] G. Kerkyacharian&B. Roynette– « Une démonstration simple des théorèmes de Kolmogorov, Donsker et Itô-Nisio », C. R. Acad.
Sci. Paris. Ser. I 312 (1991), p. 877–882.
[7] J. Lamperti – « On convergence of stochastic processes », Trans.
Amer. Math. Soc 104 (1962), p. 430–435.
[8] B. Morel – « Weak convergence of summation processes in Besov spaces »,Studia Mathematica 165 (2004), p. 19–37.
[9] J. G. Morrow– « On a central limit theorem motivated by somme Fourier series with dependent coefficients », Unpublished manuscript, 1984.
[10] Z. Su – « Central limit theorems for random processes with sample paths in exponential Orlicz spaces », Stochastic Processes and their applications 66 (1997), p. 1–20.
Mohamed Ait Ouahra
Laboratoire de Modélisation Stochastique et Déterministe et URAC 04
Faculté des Sciences Oujda B.P. 717
Maroc
ouahra@ucam.ac.ma
Abdelghani Kissami
Laboratoire de Modélisation Stochastique et Déterministe et URAC 04
Faculté des Sciences Oujda B.P. 717
Maroc
Kissami@fso.ump.ma
Aissa Sghir
Laboratoire de Modélisation Stochastique et Déterministe et URAC 04
Faculté des Sciences Oujda B.P. 717
Maroc
semastai@hotmail.fr