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Le risque cardiovasculaire des diabétiques de type 1

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16 | La Lettre du Cardiologue • N° 493 - mars 2016

MISE AU POINT

Le risque cardiovasculaire des diabétiques de type 1

Cardiovascular risk in type 1 diabetes

R. Roussel1,2,3, L. Potier1,2,3

1 INSERM, U1138, Centre de recherche des Cordeliers, Paris.

2 Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Paris.

3 Diabétologie − endocrinologie et nutrition, département hospita- lo-universitaire FIRE, hôpital Bichat, AP-HP, Paris.

Le diabète est un facteur de risque cardio- vasculaire reconnu de longue date. C’est une maladie dont la prévalence, déjà élevée, continue à progresser à un rythme soutenu (plus de 3 millions de diabétiques traités par médicament en France, une augmentation sur 10 ans de l’ordre de 25 %), et près d’un tiers des patients en unité de soins intensifs cardiologiques ou neurovasculaires sont diabétiques. Les sociétés savantes interna- tionales − American Heart Association, American Diabetes Association et European Society of Car- diology − comme les institutions réglementaires françaises, en ont conscience, et des recommanda- tions spécifiques ont été éditées (1). Cependant, elles valent essentiellement pour le diabète de type 2, de loin le plus commun (90 % des diabétiques), et qui combine à l’hyperglycémie presque systématique- ment d’autres facteurs de risque, ce qui justifie qu’il focalise l’attention dans la perspective de réduire le fardeau cardiovasculaire associé au diabète en général. Les diabétiques de type 1, pour minori- taires qu’ils soient, sont tout de même entre 150 et 200 000 en France. Quel est leur risque cardio- vasculaire ? Est-il plus légitime de leur extrapoler les recommandations établies pour les diabétiques de type 2 ou de rapprocher leur prise en charge de celle de la population tout-venant ?

Qui sont les diabétiques de type 1 ?

Le portrait-type que chacun a à l’esprit est celui d’un patient diabétique mince, insulinodépendant, dia- gnostiqué dans l’enfance sur un syndrome cardinal dominé par la polyurie et l’amaigrissement, ou une acidocétose. Mais il y a lieu de nuancer. Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune conduisant en quelques semaines, quand il se révèle chez un jeune enfant, ou en quelques années, pour les formes dites à révélation chez l’adulte, à une insulinopénie très sévère par destruction des cellules bêta des îlots de Langerhans. En corollaire, ce n’est pas une maladie à révélation exclusivement pédiatrique (50 % de dia- gnostics établis après l’adolescence), et lorsqu’elle se révèle chez l’adulte, la présentation en est bien plus insidieuse ; pour peu que le patient ait un sur- poids, comme c’est le cas d’un tiers des français, le diagnostic de diabète de type 2 est rapidement affirmé. Ce n’est qu’éventuellement plus tard, quand l’insulinodépendance deviendra évidente, que l’on se posera la question à laquelle répondront le typage HLA et la recherche de marqueurs plasmatiques d’auto-immunité spécifique de l’îlot (anticorps cir- culants). Plus l’hyperglycémie apparaît tard dans la vie, plus le processus de destruction auto-immune Tableau I. Éléments d’orientation étiologique devant un diabète.

Type 1 Type 2

Prévalence en France 150-180 000 3 millions

Âge de début 50 % avant 20 ans, 50 % après Habituellement vers 50-60 ans mais de plus en plus chez l’adulte jeune Mode de début Brutal chez les enfants, et d’autant plus

progressif (des années parfois) que début tardif Généralement progressif Nécessité de l’insuline Immédiate chez l’enfant, différée souvent

de plusieurs mois voire années si début tardif Tardive, après 10-12 ans en moyenne Corpulence Souvent mince, mais obésité de plus en plus

fréquente comme dans la population générale Surpoids abdominal à obésité morbide Antécédents personnels

ou familiaux Fréquence des maladies auto-immunes Fréquence des maladies métaboliques et cardiovasculaires

Lipides Variables, comme dans la population générale HDL-c bas, triglycérides élevés, LDL-c variable

(2)

diabète de type 1 ; les recommandations de prise en charge sont essentiellement extrapolées de celles

concernant le type 2. Néphropathie

Summary

Cardiovascular risk in type 1 diabetes is increased on average, but the population is actually heterogeneous:

without associated kidney disease (microalbuminuria, proteinuria or lowered filtra- tion rate), the excess risk is nil or minimal. The more controlled is diabetes, the more relevant are conventional risk factors:

a patient with well controled and uncomplicated diabetes, including no nephropathy, hardly differs from one indi- vidual from the general popu- lation. Very few trials have been conducted specifically in type 1 diabetes ; the clinical recommendations are essen- tially extrapolated from those for type 2.

Keywords

Type 1 diabetes Cardiovascular risk Diabetic nephropathy des cellules bêta est lent, et donc la nécessité de

l’insuline différée dans le temps, parfois de plus de 5 ans : ainsi, comment un patient coronarien de 70 ans, en surpoids, diabétique diagnostiqué 10 ans auparavant à l’occasion de son angine de poi- trine, a-t-il vu le diagnostic étiologique du diabète redressé ? Ce sont ses antécédents auto-immuns (de maladie de Basedow), atypiques chez un homme âgé, qui ont fait évoquer le type 1. Le tableau I présente les caractéristiques comparées selon les 2 types de diabète les plus fréquents. On ne fera que mentionner d’autres étiologies du diabète, pour lesquelles le risque cardiovasculaire peut pourtant aussi différer de celui du diabète commun : secon- daire à une pancréatite chronique, en particulier par toxicité chronique de l’alcool, secondaire à une pancréatectomie partielle ou totale, ou encore pro- voqué par une corticothérapie.

Prévalence des maladies cardiovasculaires

chez les diabétiques de type 1

L’essentiel de la littérature épidémiologique sur les complications cardiovasculaires du diabète ne propose pas de nuances en fonction du type de diabète, et quand cela est fait, la méthodologie d’attribution de l’étiologie “type 1” est rudimen- taire, comme une insulinothérapie exclusive d’autres antidiabétiques. Globalement, nul doute que le risque des diabétiques de type 1 est supérieur à celui des populations de référence, de même âge.

Les événements coronariens chez les diabétiques de type 1 ont été rapportés survenir 10 à 15 ans plus tôt que chez les non-diabétiques, sur la base des données de l’étude britannique UK General Prac- tice Research Database (GPRD) [2], ayant inclus plus de 7 400 patients diabétiques de type 1, âgés en moyenne de 33 ans au début de l’étude, avec une ancienneté moyenne du diabète de 15 ans. Le suivi de cette étude a été de 5 ans, et le risque relatif d’événements coronariens majeurs a été de 3,6 (IC95 : 2,8-4,6) chez les hommes, et de 9,6 (IC95 : 6,4-14,5) chez les femmes. Deux leçons : le risque relatif est similaire ici à ce qu’il est pour le diabète de type 2, et, pour les diabétiques de type 1 − comme on le

savait pour les diabétiques de type 2 −, la protec- tion relative associée au sexe féminin est effacée.

Pour les femmes diabétiques, c’est la “double peine”

cardiovasculaire. Des différentes séries rapportées dans la littérature, on peut résumer que le risque d’événements coronariens est d’environ 15 à 20 % sur 10 ans, et la mortalité coronarienne compte pour moitié. Les diabétiques de type 1 sont en moyenne à haut risque cardiovasculaire. Une nuance à apporter : ces séries concernent souvent des patients de 30 à 50 ans. C’est dans ces tranches d’âge que le risque conféré par le diabète de type 1 est le plus flagrant car la population de référence du même âge est globalement très saine encore. C’est illustré par les données très récentes issues des registres de morta- lité suédois (figure 1, p. 18) [3]. Le surrisque cardio- vasculaire associé au diabète de type 1 s’atténue en valeur relative avec les décennies ; mais l’âge reste un facteur de risque majeur de décès ; aussi, en nombre absolu, la surmortalité cardiovasculaire observée chez les sexagénaires ou septuagénaires est importante, et le diabète de type 1 coûte toujours des années d’espérance de vie du fait d’une mortalité cardiovasculaire prématurée. Cependant, les causes de mortalité chez les diabétiques ne se résument pas à la pathologie vasculaire : cette pathologie repré- sente environ 10 % chez les trentenaires, et environ 40 % chez les patients de plus de 65 ans : c’est à peine plus que chez les non-diabétiques. Autrement dit, toutes les causes de mortalité sont augmen- tées, et, simplement, les causes cardiovasculaires le sont légèrement, sauf chez les femmes, où le fardeau cardiovasculaire est plus souvent fatal. Les accidents cérébrovasculaires ont été moins étudiés que la coronaropathie dans le diabète en général, et c’est flagrant pour le diabète de type 1 : il y a peu d’études de qualité, et bien peu d’entre elles four- nissent en parallèle des données de la population générale. La synthèse de cette littérature de qualité moyenne est que les accidents cérébrovasculaires sont rares au cours du diabète de type 1, ils sont seulement légèrement en excès par rapport à ce qui est observé dans la population générale.

Un vieil adage diabétologique affirme que l’âge des artères des diabétiques est égal à la somme de l’âge chronologique du patient et de la durée de son diabète : autrement dit, les années de diabète

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18 | La Lettre du Cardiologue • N° 493 - mars 2016

MISE AU POINT

Le risque cardiovasculaire des diabétiques de type 1

Sous-groupe Diabète de type 1 Valeur

de référence n (%)

Décès toutes causes Homme

18-34 ans 160 (1,6) 283 (0,6)

35-49 ans 428 (8,9) 524 (2,2)

50-64 ans 631 (21,6) 1 217 (8,4)

≥ 65 ans 367 (50,3) 1 046 (29,2)

Femme

18-34 ans 90 (1,1) 110 (0,3)

35-49 ans 239 (6,2) 280 (1,4)

50-64 ans 482 ‘19,6) 638 (5,2)

≥ 65 ans 304 (43,4) 737 (21,3)

Décès de cause cardiovasculaire Homme

18-34 ans 18 (0,2) 26 (0,1)

35-49 ans 144 (3,0) 140 (0,6)

50-64 ans 238 (8,2) 414 (2,9)

≥ 65 ans 149 (20,4) 416 (11,6)

Femme

18-34 ans 11 (0,1) 8 (0,0)

35-49 ans 67 (1,7) 46 (0,2)

50-64 ans 161 (6,5) 112 (0,9)

≥ 65 ans 139 (19,8) 282 (8,1

Hazard-ratio (IC95) p

2,84 (2,34-3,45) < 0,001 4,26 (3,75-4,84) < 0,001 2,86 (2,60-3,15) < 0,001 2,20 (1,96-2,48) < 0,001 4,11 (3,11-5,43) < 0,001 4,39 (3,70-5,22) < 0,001 4,17 (3,70-4,69) < 0,001 2,62 (2,29-3,00) < 0,001

3,49 (1,91-6,36) < 0,001 5,36 (4,25-6,77) < 0,001 3,17 (2,70-3,72) < 0,001 2,25 (1,87-2,72) < 0,001 6,94 (2,79-17,25) < 0,001 7,50 (5,16-10,92) < 0,001 7,92 (6,22-10,08) < 0,001 3,12 (2,55-3,83) < 0,001

0,50 1,00 2,00 4,00 8,00 16,00

Figure 1. Risque cardiovasculaire des diabétiques de type 1 en fonction de l’âge dans la population suédoise (3).

comptent “double” pour le vieillissement artériel.

Si, épidémiologiquement, c’est un bon résumé, il ne faut pas oublier que l’athérosclérose a des spécifi- cités au cours du diabète de type 1, en particulier son extension en distalité, son caractère volontiers concentrique, et qu’elle s’associe à l’artériosclérose et à son corollaire, la médiacalcose. Cela entre en résonance avec la grande fréquence des calcifications coronariennes chez les diabétiques, particulièrement de type 1, et, en corollaire, les valeurs élevées de score calcique coronaire rapportées dans la littéra- ture, comme dans l’étude spécifique Coronary Artery Calcification in Type 1 Diabetes Study (CACTI) [4] ; les femmes avaient des scores particulièrement élevés.

Ces spécificités ont aussi une traduction clinique majeure dans la maladie artérielle périphérique : celle-ci est beaucoup plus fréquente et sévère chez les diabétiques, y compris les diabétiques de type 1.

L’incidence cumulée sur la vie des amputations non traumatiques chez les diabétiques suédois de type 1 était de 11 % pour les femmes et de 21 % pour les hommes, soit un risque relatif de 86 en moyenne par rapport à la population générale !

D’autres complications cardiovasculaires sont obser- vées chez les diabétiques, mais leur définition, et de ce fait leur prévalence, ne sont pas établies de manière univoque : cardiomyopathie diabétique, neuropathie autonome cardiaque, qui favorisent la mort subite et l’insuffisance cardiaque.

Facteurs de risque de

maladie athérothrombotique dans le diabète de type 1

Le tableau II, adapté de la revue de l’American Heart Association consacré à ce sujet (1), reprend les facteurs de risque en présentant leur poids comparativement au diabète de type 2. Un point est à souligner, commun aux différents types de diabète, mais absolument majeur dans le type 1 : l’atteinte rénale, que ce soit par l’apparition d’une albuminurie anormale ou par la réduction, même mineure, de la filtration glomérulaire, est un tournant dans le profil de risque cardiovasculaire. Dans certaines études, les patients durablement normo-albuminuriques (on sait qu’environ 50 % des diabétiques de type 1 ne feront jamais de néphropathie diabétique, pour des raisons génétiques) ont même une mortalité inférieure à celle d’une population de référence de même âge (figure 2) ! Une explication pourrait être que, sans néphropathie associée, l’hyperglycémie n’exerce qu’un effet modeste sur les processus d’athérothrombose, et que le style de vie des dia- bétiques de type 1, globalement plus vertueux (ils fument moins, ont une alimentation plus équili- brée), leur est fortement bénéfique. Quoi qu’il en soit, dans toutes les études, une courbe dose-ré- ponse impressionnante lie la sévérité de l’atteinte

(4)

Événements (%/an)

Diabète

Diabète de type 1 145 (4,5 %) 192 (6,0 %) 0,77 (0,58-1,01)

Diabète de type 2 2 494 (4,2 %) 2920 (5,1 %) 0,80 (0,74-0,86)

Sans diabète 8 272 (3,2 %) 10 163 (4,0 %) 0-78 (0,75-0,81)

Statine/plus Contrôle/moins

RR (IC95) pour 1 mmol/l

de réduction de LDL-c Hétérogénéité/

trend test

χ22 = 0,41 (p = 0,8)

Figure 2. Risque relatif associé à la baisse sous statine de 1 mmol/l du LDL-cholestérol dans les essais randomisés méta-analysés par le consortium Cholesterol Trialists Colla- boration, en fonction de la présence et du type de diabète (7).

rénale à celle de l’incidence des événements coro- nariens ou de la mortalité : selon le registre national suédois (3), la microalbuminurie multiplie le risque de décès d’origine cardiovasculaire par 2, la protéi- nurie par 4, la filtration estimée inférieure à 60 ml/

mn/1,73m2 par 2,5, et l’insuffisance rénale terminale par 11 (après ajustement sur les facteurs de risque classiques comme l’hypertension).

Leviers thérapeutiques pour réduire le risque

cardiovasculaire dans le diabète de type 1

Contrôler la glycémie

La relation épidémiologique entre l’HbA1c et l’exten- sion de l’atteinte vasculaire (évaluée par exemple par le score calcique ou la mesure de l’épaisseur intima-média) ou entre l’HbA1c et l’incidence des événements athérothrombotiques a été systéma- tiquement observée. Les études interventionnelles sont dominées par l’essai DCCT (Diabetes Control and Complications Trial), dans lequel 1 141 diabé- tiques de type 1, jeunes adultes, ont été randomisés dans les années 1980 entre un contrôle glycé- mique strict (7 % d’HbA1c moyenne) ou conven- tionnel (9 %) pendant 7 ans en moyenne. À l’issue de l’essai, publié en 1993 (5), démonstration était faite du bénéfice microvasculaire (rétinopathie, néphropa- thie et neuropathie diabétiques) du contrôle intensif, l’objectif principal de l’étude, mais le faible nombre absolu des événements cardiovasculaires ne per- mettait aucune conclusion. En revanche, déjà, la progression d’un marqueur intermédiaire, l’épaisseur intima-média carotidienne, était freinée par le bon contrôle. Une dizaine d’années plus tard, alors que le contrôle glycémique était similaire – HbA1c de l’ordre de 8 %, depuis la fin de l’essai –, entre les patients qui étaient jadis dans le groupe intensif et ceux qui étaient dans le groupe conventionnel, l’ac- cumulation des événements a permis de nouvelles analyses : le risque d’événements athérothrombo- tiques majeurs était réduit de moitié chez les patients du groupe intensif, une tendance durable. Autrement dit, une “charge hyperglycémique” réduite au moins quelques années est un bénéfice sur le long terme dans le diabète de type 1 ; il est pertinent de porter un regard intégratif sur le fardeau hyperglycémique cumulé, comme les paquets-années du tabac. Pla- çons-nous dans une situation fréquente pour le car-

diologue : celle de la prévention secondaire, ou tout au moins celle de l’évaluation d’un diabétique de type 1 ayant entre 50 et 60 ans, dont le diabète est ancien. Les conclusions du DCCT ne s’appliquent pas, puisque, dans cet essai, la population était bien plus jeune à l’inclusion. Malheureusement, les quelques autres essais randomisés évaluant l’impact d’un contrôle glycémique plus ou moins ambitieux chez des diabétiques de type 1 plus âgés (en moyenne à peine 40 ans, et une ancienneté d’une vingtaine d’années) sont de très petite taille, et leur durée de suivi est inférieure à celle du DCCT : 6 essais pour 61 926 patients-années (6). Malgré ces handicaps, la tendance reste au bénéfice du contrôle intensif : réduction d’environ 40 % de l’incidence des évé- nements, non significative (données personnelles).

Contrôler la dyslipidémie

À la différence des diabétiques de type 2, il y a peu ou pas de différence entre le profil lipidique moyen des diabétiques de type 1 équilibrés sur le plan glycémique et la population générale. On a cependant décrit, chez des femmes diabétiques de

Tableau II. Facteurs de risque cardiovasculaire dans le diabète de type 1, et leur degré de gravité, comparativement au diabète de type 2 adapté selon l’American Heart Association (1).

Diabète de type 1 Diabète de type 2

HTA +++ ++

Tabac ++ ++

Inflammation ++ ++

LDL-c élevé + +++

HDL-c bas 0, + ++

Triglycérides ND ++

Microalbuminurie +++ +++

Insulinorésistance + +++

Mauvais contrôle glycémique +++ +++

ND : absence de données.

(5)

20 | La Lettre du Cardiologue • N° 493 - mars 2016

MISE AU POINT

Le risque cardiovasculaire des diabétiques de type 1

type 1, un profil potentiellement athérogène de la composition fine des particules HDL, un phénotype inaccessible hors du contexte de recherche. Comme dans la population générale, on observe un risque cardiovasculaire croissant avec le cholestérol LDL au-delà de 1 g/l. Les méta-analyses géantes du consortium CTT (Cholesterol Trialists Collaboration) sont univoques : l’efficacité des statines, à baisse de cholestérol LDL identique, est similaire dans les 2 types de diabète et dans la population générale (figure 2) [7]. Il s’agit ici de la réduction du risque relatif. Il importe donc d’évaluer le risque cardio- vasculaire absolu, pour juger de la pertinence de le réduire : dans le diabète de type 2, il est quasi systé- matiquement élevé, mais qu’en est-il dans le diabète de type 1, souvent diagnostiqué jeune ? S’il est très probable qu’à un moment de sa vie, un diabétique de type 1 bénéficiera d’une statine, la question est celle du bon timing. Il n’y a ni équation d’estimation du risque cardiovasculaire spécifique du type 1, ni essai spécifique. Aussi, les recommandations sont- elles seulement celles du bon sens : les statines sont indiquées si un facteur de risque s’associe au type 1

− hypertension, tabagisme, hypercholestérolémie, obésité, et, bien sûr, atteinte rénale, quelle qu’elle soit – , ainsi qu’en prévention secondaire. Les objec- tifs de cholestérol LDL sont < 1 g/l en prévention primaire et < 0,7 g/l en prévention secondaire. Il n’y a pas de preuve à ce jour pour les autres classes d’hypolipémiants : les fibrates, en particulier, n’ont de rôle que cosmétique sur la concentration plasma- tique de triglycérides, comme dans le diabète de type 2.

Dépister et traiter

l’hypertension, plus fréquente, même dans le type 1

L’hypertension artérielle est nettement plus fré- quente chez les diabétiques de type 1 que dans la population générale d’âge similaire (en particulier dans les tranches d’âge les plus jeunes, y compris les adolescents), mais elle l’est moins que chez les diabéitiques de type 2. Pour l’essentiel, l’hyperten- sion suit l’atteinte rénale, dès le stade de la micro- albuminurie. Le DCCT, en particulier, a montré que le bon contrôle glycémique réduisait l’incidence de l’hypertension artérielle, indirectement en rédui- sant considérablement le risque de néphropathie, mais aussi sans doute par une réduction des modi- fications structurelles de la paroi artérielle induites par l’excès de glucose et qui se traduisent par une

propension à l’artériosclérose et à la rigidité arté- rielle. Il n’y a pas d’étude soutenant un objectif spécifique de pression artérielle dans le diabète de type 1, ou une classe d’antihypertenseur particu- lière, avec comme critère de jugement des événe- ments cardiovasculaires. En revanche, il est montré au plus haut niveau que le blocage du système rénine-angiotensine est formellement indiqué dès qu’une néphropathie est avérée. Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II n’ont pas été évalués dans le diabète de type 1, aussi leur place est-elle celle de l’intolérance aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion, par défaut. Les objectifs sont, par extrapolation des études conduites dans le type 2 (8), une pression < 140/90 mmHg selon l’association américaine de diabétologie (ADA) et l’AHA, et, “si possible”, < 130/80 mmHg chez les plus jeunes. Des recommandations du style de vie, portant sur le sel en particulier (l’équilibre alimen- taire est de toute façon déjà abordé) sont faites en cas de pression spontanément > 120/80 mmHg.

Le tableau III (1) résume les objectifs de prise en charge des facteurs de risque.

Dépister l’ischémie artérielle dans le diabète de type 1

Il n’y a pas lieu de dépister l’ischémie myocardique systématiquement chez les diabétiques de type 1, pas plus que dans la population générale. Les recom- mandations sont sans spécificité : un dépistage est indiqué en cas de symptomatologie évocatrice de coronaropathie, d’anomalie compatible sur l’ECG de repos et, éventuellement, de très haut risque estimé selon les équations de routine, SCORE ou Framin- gham. L’épreuve d’effort est indiquée, d’autant plus si le sujet est jeune et actif physiquement. Les tech- niques plus coûteuses, comme la scintigraphie myo- cardique, couplée à une épreuve d’effort minimale ou une épreuve pharmacologique, sont indiquées en cas d’effort peu ou pas réalisable, de pathologie telle qu’une artériopathie des membres inférieurs ou une lésion podologique, ou d’une ancienneté importante du diabète (> 20 ans typiquement), rendant très possible la présence d’une neuropathie autonome.

Parmi les techniques non invasives, la mesure de l’épaisseur intima-média n’a pas été évaluée spécifi- quement dans le diabète de type 1 sur de grandes et longues séries, et le score calcique coronaire semble plus prometteur, sans que son utilité comme guide dans la prise en charge de ce diabète soit validée à ce jour.

Références bibliographiques

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7. Cholesterol Treatment Trialists’

(CTT) Collaborators, Kearney PM, Blackwell L, Collins R et al.

Efficacy of cholesterol-lowe- ring therapy in 18,686 people with diabetes in 14 randomised trials of statins: a meta-analysis.

Lancet 2008;371(9607):117-25.

8. American Diabetes Asso- ciation. Standards of medical care in diabestes – 2016. Dia- betes Care 2016 ;39(Suppl. 1) : http://care.diabetesjournals.

org/site/misc/2016-Standards- of-Care.pdf

(6)

Tableau III. Recommandations dans la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire dans le diabète de type 1, adapté de l’American Heart Association (1).

Facteur de risque Test de dépistage Rythme de surveillance Objectif Action à entreprendre Contrôle glycémique HbA1c

et autosurveillance glycémique

Tous les 3 mois

si équilibre chronique : 6 mois Adultes : ≤ 7,0 % généralement ; Enfants : 13-19 ans : < 7,5 % 6-12 ans : < 8,0 %

< 6 ans : < 8,5 %

Avis spécialisé

Atteinte rénale Créatininémie et filtration (MDRD, CKD-EPI) Rapport albuminurie sur créatininurie sur échantillon

Annuel Blocage du système rénine-angiotensine,

en particulier IEC ; Pression artérielle

< 130/80 mmHg chez les adultes,

< 90e percentile chez les enfants Dyslipidémie Cholestérol total, HDL-c,

triglycérides, calcul LDL-c – Adultes à très bas risque : tous les 2 ans si régulièrement aucune anomalie

– Adolescents (10-21 ans) : tous les 5 ans environ

– Adultes en prévention primaire, tous les ans – Adultes en prévention secondaire, tous les ans en situation stable

– LDL-c < 100 mg/dl ; non–HDL-c < 130 mg/dl – LDL-c < 100 mg/dl ; non–HDL-c < 130 mg/dl

– LDL-c < 100 mg/dl ; non–HDL-c < 130 mg/dl – LDL-c < 70 mg/dl

– Optimiser contrôle glycémique, régime équilibré pauvre en graisses saturées – Considérer une statine si LDL-c ≥ 100 mg/dl, recommandé si LDL-c ≥ 160 mg/dl ; sous traitement, objectif LDL-c < 100-130 mg/dl – Statine, objectif < 100 mg/dl – Statine, objectif < 70 mg/dl

Hypertension Pression artérielle À chaque consultation Adultes > 140/80 mmHg, objectif < 130/80 mmHg Enfants : > 95e percentile ou

> 130/80 mmHg

– Modifications des habitudes de vie si pression artérielle > 120/80 mmHg : régime normosodé, riche en fruits et en légumes ;

activité physique régulière

– Traitement médicamenteux si pression artérielle > 140/80 mmHg, ou 130/80 mmHg chez les jeunes adultes : blocage du système rénine-angiotensine en première ligne, puis association aux autres classes jusqu’à normalisation de la pression artérielle Préhypertension Pression artérielle À chaque consultation Adultes :

120-130/80-89 mmHg ; Enfants :

90e-95e percentile

Modifications des habitudes de vie Régime normosodé,

riche en fruits et en légumes ; activité physique régulière

Risque thrombotique Adultes en prévention

secondaire Aspirine

MDRD : Modification of the Diet in Renal Disease ; CKD-EPI : Chronic Kidney Disease-Epidemiology Collaboration.

Conclusion

La situation du cardiologue face au diabétique de type 1 est paradoxale : il y a tout lieu de l’identifier, puisque son profil de risque cardiovasculaire diffère à la fois de celui de la population générale et de celui du diabétique de type 2 ; pour autant, le plus souvent, il ne dispose pas de preuve de haut niveau spécifique pour adapter sa prise en charge, qui, en fonction des cas, devra se rapprocher soit de celle de la population générale,

soit de celle des diabétiques de type 2. Toutefois, une information émerge : l’atteinte rénale, quelle qu’elle soit, une albuminurie ou une filtration glomérulaire réduite, indique le plus clairement où placer le curseur.

Un diabétique de type 1 qui demeure sans néphropa- thie après une vingtaine d’années d’évolution de son diabète ne sera probablement jamais néphropathe, et s’apparente plus à la population générale. Toute autre situation est à haut risque, voire très haut risque, comme dans le diabète de type 2.

R. Roussel déclare avoir des liens d’intérêts avec Sanofi-Aventis, MSD Chibret, AstraZeneca, Eli Lilly, Novo Nordisk, Janssen (soutiens financiers pour la recherche, prise en charge lors de congrès).

Références

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