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MARIA CALLAS OU LA DIVINE ALIENATION

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Academic year: 2022

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MARIA CALLAS OU LA DIVINE ALIENATION

La parution en juin 2013 du séminaire numéro 6 de Jacques LACAN : le Désir et son interprétation place cette année notamment sous le signe du désir. Voilà pourquoi dans le cadre de ce séminaire consacré à l’amour entre l’un et l’autre j’ai imaginé de vous entretenir de l’amour et sur son expression parfois ravageante lorsqu’il est contrarié, en prenant appui sur l’opéra de Donizzetti LUCIA DI LAMERMOOR.

Cependant s’est rapidement imposé à moi le destin de Maria CALLAS comme expression d’un désir ravageant dans la rencontre à l’autre. Je vous propose donc de remarquer comment, dès sa naissance Maria KALOGEROPOULOS a été marquée à jamais dans sa rencontre au grand Autre maternel et comment, tant avec son public que dans ses rencontre amoureuses celle qui devint l’illustre Maria CALLAS a été poursuivie par le ravage dans sa quête d’amour. Ravage dont l’acmé fut sa relation avec Aristote ONASSIS. Comment seule la pulsion de mort semble avoir pu venir à bout des ravages de la tantalisation du désir qui a présidé à la destinée de la cantatrice.

Biographie

Maria Callas est née le 2 décembre 1923 à New York. Elle ne s’appelait alors pas ainsi mais Sophie Cecilia Kalos par suite d’une simplification du nom de famille que son père, pharmacien. Simplification qu’il avait sollicitée en arrivant de Grèce sur le territoire américain. Seconde fille de Georges et Evangelina KALOGUEROPOULOS elle a une sœur Cynthia (surnommée Jackie) de six ans plus âgée. Calme, pacifique, carrent, le père était par ailleurs très volage. Evangelina, autocratique, au comportement doté de traits hystérisant (Bien que Maria lui fit longtemps envoyer de l’argent, sa mère trouva toujours les sommes insuffisantes et les présents indignes d’elle. Une fois la notoriété atteinte elle trouvait injuste que Maria ne fit pas davantage bénéficier sa famille et surtout elle de ses avantages) Evangelina était marquée d’une ambition inassouvie. Le premier drame de la vie de

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Maria remonte à avant sa naissance. En effet, sa mère avait eu en juin 1920 un fils ardemment désiré : Vassily sur lequel la mère projette tout son amour, ses liens conjugaux avec le père étant alors particulièrement distendus par suite de ses nombreuses infidélités.

MARIA CALLAS ET SA MERE, UNE ALIENATION CONTRACTUELLE

Evangelina est l’illustration de la phallicisation de l’enfant par une mère puisque tour à tour ses trois enfants subiront le même sort, la mère projetant sur eux les ambitions artistiques qu’elle n’a pu elle-même assouvir. La mère de Maria, issue d’une famille de militaires et dont le grand père était médecin du roi, était déjà aigrie avant même la naissance de sa fille. Elle avait en effet le sentiment d’avoir dérogé à son rang en épousant son mari simple pharmacien. Maria Callas eu alors pour vocation de combler les failles narcissique de cette mère. Absent, le père ne prodigua aucun amour et personne dès lors ne fit obstacle aux ambitions maternelles. Cette défaillance du Nom du Père en tant qu’instance de la loi eut des répercussions nombreuses dans la vie de Maria. Ses choix d’objet (Meneghini a été l’indispensable tremplin pour s’affranchir du joug de sa mère. il ne s’agit cependant que d’un changement conjoncturel car c’est rapidement sous le joug de cette homme que Maria demeurant pendant plus de 10 ans. Onassis fut ensuite l’autre figure phallique. Maria Callas eut fréquemment recours à la Loi et aux tribunaux quand elle s’estimait exploitée ou lésée1). Seule Maria, et nous verrons à quel prix, fut à même de répondre aux « exigences contractuelles » de sa mère.2 Il s’agit bien ici d’exigences contractuelles car la relation qu’elles entretenaient et dont le ton dès l’origine avait été donné par Evangelina n’était pas de l’ordre du désir. En effet Vassili mourut de la typhoïde à 3 ans alors même qu’unique héritier mâle il était déifié. Lorsqu’Evangelina s’aperçu qu’elle était de nouveau enceinte elle n’imagina pas qu’il put s’agir d’une fille mais rêva d’un garçon en remplacement de celui perdu. Lorsque Maria vint au monde sa mère, déçue d’avoir une fille refusa plusieurs jours de la prendre dans ses bras et de la regarder. Son enregistrement à l’état civil ne fut d’ailleurs pas immédiat expliquant certaines

1 procès à la firme de pates alimentaires qui s’est servi de son amaigrissement pour vanter ses pates, attitude victimisation lors de ses litiges avec différents théâtres et notamment avec Rudolf Bing le directeur du Met

2 lors de la tournée à Mexico en 1950 à l’origine de la brouille entre Callas et sa mère ,celle-ci demanda à Maria d’offrir un de ses deux diamants à sa sœur, ce que Maria refusa. Elles en vinrent presque aux coups selon Simionato , in Onassis et Callas p 217

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variantes dans les biographies à propos de sa date de naissance (2 ou 4 décembre).

Faut-il voir dans cette déception maternelle l’origine de la quête de perfection et d’amour qui hanteront Maria toute sa vie ? Nous le pensons. Nous pensons même qu’il s’agit là du paradigme originel dans lequel Maria fut placée par sa mère : Tu n’es acceptable que pour autant que tu chantes, te montres digne de ta lignée 3. Introjectant cet ordre Maria devenue La Callas s’emploiera alors toute sa vie à être la diva que nous connaissons.

Asservie au chant par sa mère, pour qui elle fut le support d’un surinvestissement narcissique dès son plus jeune âge, elle trouva chez sa professeure Elvira DE HIDALGO la mère de substitution attentionnée qui lui faisait défaut. DE HIDALGO lui prodigua ses enseignements sans contrepartie ni condition, contrairement à sa mère qui pendant la guerre n’hésita pas à lui faire fréquenter des soldats des troupes occupantes pour assurer la subsistance de sa famille. Sa mère la contraignait à chanter pour les militaires desquels elle obtenait ensuite des faveurs alimentaires. Quand une de ses amies cantatrice (G. Simoniato) parlât avec elle de ses problèmes de voix il s’avéra que Maria Callas chanta trop tôt, trop fort et des opéras trop éprouvant pour sa voix ; Maria répondit alors « Mais je n’avais pas le choix ! Ma mère me disait de le faire et j’obéissais ». A un autre moment elle dit » les enfants prodiges sont toujours privés d’enfance. Je ne me rappelle d’aucun jouet … aucune poupée ni aucun jeu favori ; je ne me souviens que des partitions que je chantais, chantais et chantais encore, jusqu’à l’ennui et surtout la douloureuse sensation de manique qui me submergeait quand, au milieu d’un passage difficile. J’étais terrorisée à l’idée de ne plus pouvoir sortir aucune note…

Il devrait y avoir une loi pour interdire de traiter les enfants ainsi « (On observe comment il y a référence à la carence du Nom du Père et comment le symbolique a fait défaut pour faire la Loi à la mère et la déloger de sa position d’avoir le phallus. Maria Callas, moins séduisante que sa sœur noua cependant très tôt des relations avec des hommes dont la particularité était d’être toujours bien plus âgés qu’elle. L’un d’eux était un médecin voisin de 36 ans tandis que Maria n’en avait que 19.

3 L’un des ancêtres de la mère de Callas était militaire et chanteur , il fut même appelé « le commandant chantant »

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MARIA CALLAS ET MENEGHINI, UNE ALIENATION PROFESSIONNELLE

La jeunesse de Maria Callas fut partagée entre la Grèce et les Etats Unis mais c’est en Italie à Vérone le 29 juin 1947 qu’elle rencontrera celui qui deviendra son époux Batista Menneghini. Il devint aussi son impresario bien que ce ne fut pas son métier. Maria cherchait alors un guide et Menneghini à 53 ans incarnait l’homme mur, il était de 29 ans son ainé. Seule, désargentée, il va lancer sa carrière l’investissant dans un élan pour « la sauver » au sens du type freudien développé dans le texte de Freud « A propos d’un type particulier de choix d’objet » (1910).

D'amant probablement plus occasionnel qu’assidu en 1947, Meneghini deviendra son époux en 1949, puis son agent, en 1951. Quand il l’épousa il dit « quand j’ai rencontré ma femme, je possédais douze entreprises » ce qui en dit long sur la considération qu’il lui porte alors. L’apparente générosité dont il sembla faire preuve au début s’analysa avec le temps comme une mise de fonds de laquelle il obtint le retour sur investissement espéré. Il ponctionna régulièrement le compte commun sur lequel il faisait virer les cachets de La Callas pour distribuer l’argent à sa propre famille après s’être lui-même remboursé. Les bijoux qu’il offre à Maria Callas lors de ses prises de rôles sont achetés avec les cachets de la diva. Lors de son divorce elle ne fera que récupérer ce qui a été acheté avec son propre argent.

Maria Callas finit par lui dire « je vois bien que tu es amoureuse de la Callas «.

Avec le recul nous pensons même que seul son argent l’intéressait. Meneghini dit un jour au Time après sa séparation d’avec Maria « j’étais en train de parfaire un petit chef d’œuvre. Puis je suis tombé amoureux de mon chef d’œuvre et l’ai épousé. J’ai crée la Callas et, en retour elle me poignarde dans le dos » 4

Indépendamment des griefs que les époux se firent à l’issue de leur divorce force est de constater que Meneghini joua un rôle dans ce que l’on pourrait nommer la suppléance à une défaillance du Nom du Père. Cette suppléance lui permit alors de se consacrer à son art dans le probable but inconscient de plaire à sa mère.

Lorsque la rançon de cette suppléance fut excessive et que Maria Callas voulut son

4 Onassis et Callas Nicholas Gage p 209

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indépendance d’autant qu’elle voulait prendre des distances avec l’opéra et que la suppléance ne s’imposait plus, Meneghini lui refusa pour que sa source de revenus ne se tarisse pas5. Nous pouvons formuler l’hypothèse que le public pour Maria constitua un support projectif des attentes de sa propre mère 6 (lettres de ses détracteurs). Meneghini tout aussi soucieux des comptes que des kilos nota aussi scrupuleusement le nombre de kilos perdus .Le 8.11.1964 dans un quotidien Londonien soit 5 ans après sa séparation elle se plaint qu’on la fustigeât à la suite de son divorce mais elle attribuât à Meneghini les raisons de cette séparation car elle lui refusait désormais d-être son impresario. Celui-ci indiqua alors que leur union était dépourvue de sens s’il n’avait plus sur elle « le contrôle absolu » 7 ; d’ailleurs lorsqu’ils se rendirent chez Mme Biki à Milan pour y acheter des vêtements, Meneghini fut horrifié par les prix et s’écria « Maria, partons, ce n’est pas pour nous, ce n’est pas notre style »

Maria triomphera en Italie, en Argentine, au Mexique, au Brésil, et dans l'Europe tout entière.

Sa vie sexuelle de Maria fut particulièrement pauvre avec son premier mari mais compensée par la sublimation que lui procura les succès à l’opéra. Il est intéressant de voir chez Maria Callas comment le clivage entre d’un coté la jeune fille à la personnalité totalement niée et d’un autre la cantatrice débutante hautement valorisée par la mère continuera à s’opérer dans son couple. « Maria » se présente comme une épouse attentionnée pour son mari, presque une enfant tandis que « la Callas » est la cantatrice exigeante une prima donna volcanique consumée cependant par un symptôme obsessionnel dont les illustrations dans sa vie furent nombreuses :

- aria Mon cœur s’ouvre à ta voix de Camille saint saens censure d’une phrase - critique des journalistes à propos de Aida en 50 à la scala.

5 Meneghini , tout au long de la carrière de Maria tint un agenda sur lequel il notait scrupuleusement le montant des cachets qu’il sollicitait pour qu’elle se produise. Il exigeait d’être payé en espèces avant le lever du rideau

6 Lettres de détracteurs, (Renzo Allegri – « MARIA CALLAS. LETTRES D’AMOUR » présence à tous les cours, répétition à pleine voix, 7 Onassis et Callas Nicholas Gage p 71

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- anecdote de Mme Biki à propos de son gendre qui rassura Callas sur sa beauté et notamment ses yeux en lui conseillant de porter des voilettes.

- En 1963 dans Norma tandis qu’on lui conseille d’éviter les aigus et que le public n’entendra rien elle répondit « oui mais moi je le saurai, et ça n’est pas égal »

- Perte de 30 kg en 9 mois pour rendre crédible à la scène ses prises de rôle (Amina La somnambule, Lucia di Lammermoor, Norma…)

- Rébellion contre l’autorité des Directeurs d’Opéra (Rudolf Bing et Antonio Ghiringhelli ( el palco funeste pendant la représentation du Pirate)

- Hypersensibilité masquée par une apparente indifférence et une vie hautaine.

Maria se plaindra toute sa vie de ce clivage entre la femme (avec probablement une dimension sexuelle niée tant dans sa jeunesse que dans son premier couple) et la diva (univers de la sublimation). Toutefois elle ne sembla jamais pouvoir réconcilier ces deux dimensions de sa personnalité, elle apparaît comme éminemment clivée, comme un S barré.

Ce qui tint lieu d’amour entre elle et Meneghini fut donc basé sur une relation professionnelle, sur le chant s’appréciant davantage comme une transaction financière où le contrat conclu par La Callas l'emporte sur les sentiments de Maria qui demeure dans la frustration. Les époux Meneghini n’avaient que peu d’amis et Maria Callas dans une interview au Time magazine livra que son rituel nocturne 8 favori était de prendre un bain, s’asperger d’eau de Cologne, enfiler une chemise de nuit en soie et de se glisser dans les draps pour étudier des rôles d’opéra jusque tard dans la nuit, pendant que son mari ronflait à ses cotés !

Or c’est cette modalité de « demande d’amour » à La Callas formulée par Meneghini réduite au signifiant argent que Maria a troqué contre la demande d’Onassis qui a reconnu, tout au moins en a-t-il donné l’illusion, la valeur agalmatique9 de Maria Callas .Maria durant leur liaison n’a cessé de réclamer le

8 la notion de rituel est caractéristique de la névrose obsessionnelle

9 le mot agalma induit la notion de valeur. L’agalma est tout d’abord un objet dont on se pare, puis c’est un objet artistique offert à un dieu, par extension l’image des dieux. Ainsi l’agalma, caché en Socrate dans le banquet commenté par Lacan en 60.61 ( le transfert ) suscite l’amour

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mariage comme preuve indéfectible de l’amour qu’il prétendait lui vouer et probablement comme preuve d’une respectabilité10.

MARIA CALLAS ET ONASSIS, UNE ALIENATION DE L’OBJET

En 1957 Maria Callas rencontra l’armateur Grec Aristote Onassis une première fois puis ils furent de nouveau mis en présence en mai 59 à Venise. C’est là que sa femme et lui l’invitèrent avec son époux à une croisière lors de laquelle il la subtilisa à Meneghini. Onassis incarnait alors pour Maria et pour la première fois l’homme capable de laisser émerger la femme-enfant demeurée anémiée par la voracité de l’art de la cantatrice. Mary Carter l’une de ses amies indique que Maria Callas avait déjà des problèmes avec son mari avant même sa rencontre avec Onassis même si de façade elle prétendait à un bonheur parfait. Maria avait signifié à Meneghini son intention d’alléger le rythme des opéras et concerts car elle était moralement épuisée. Mais Meneghini s’y refusa car l’argent gagné avait déjà disparu11. Elle avait donc pris ses dispositions avant le départ de la croisière pour s’assurer que ses futurs cachets lui seraient personnellement versés.

C’était un amour passionnel qui existât entre Onassis et la Callas, tout au moins de son point de vue à elle. Il est cependant possible de s’interroger sur la question de savoir, si, une fois encore, Maria n’aurait fait l’objet d’un choix freudien de « la fille à sauver ». Après avoir été celle qu’il fallait sauver de sa mère, elle devenait celle qu’Onassis extrayait des serres de Meneghini prétendant par là la faire accéder à « au rang de femme ». Il lui proposa habilement de désinvestir son rôle de cantatrice, ce qu’elle souhaitait faire en effet, au profit d’une vie dorée qu’il lui promettait.12 Elle était à l’époque la diva la plus adulée même de ceux qui ne connaissaient pas l’opéra !

d’Alcibiade. Cet objet indéfinissable, ce trésor, c’est son désir même, le manque. il s’agit du manque révélé par l’objet a. C’est ainsi formulé en 1964/65 par Lacan.

10 La religiosité et le souci de respectabilité en lien à la soumission à l’autorité sont des constantes de l’obsession

11 Ces considérations financières à propos de la fortune de Callas quand elle vivait avec son premier mari son récentes car les premières biographies n’en faisaient pas état

12 le désinvestissement s’étendit même jusqu’à la madone dont elle ne se séparait jamais et qui devait être présente dans sa loge lors des représentations ; Elle lui avait été offerte par Meneghini. Mais la bonne Bruna dit « le tableau a perdu tout intérêt pour Maria » in Onassis et la Callas p 201

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Pourtant Aristote Onassis ne chercha jamais à ce que Maria cesse l’opéra car il savait que le maintien de la notoriété de La Callas en dépendait et lui-même avait choisi Maria parce qu’elle avait cette notoriété. Onassis aimait à raconter qu’une vieille prostituée turque qu’il fréquentait et dont il ferait son profit de la

« sagesse » des propos lui dit un jour « d’une manière ou d’une autre, chéri, toutes les femmes le font pour l’argent ». Il en déduisit que sexe et argent sont indissociables, inexorablement quelque soit le milieu. Il fit de cette devise une forme de conduite de vie. 13 Maria devait donc être belle et riche. Selon Meneghini lorsqu’Onassis vint chercher Maria chez eux pour l’enlever, Onassis aurait dit « combien de million voulez vous pour Maria ? Cinq, Dix ? » 14 . Cette objectalisation de Maria se poursuivra donc puisqu’il lui autorisera ou non sa présence sur son yacht selon la susceptibilité de certains invités. Onassis, tandis qu’elle s’émouvait des sommes qu’il dépensait pour aménager son ile « n’oublie jamais que tout ce qui touche à mon plaisir et à mes distractions doit être prêt à l’emploi. C’est la même chose avec mes maitresses. Je m’assure qu’elles sont rôdées avant de les prendre. » 15

Onassis présentait la caractéristique partagée avec Meneghini d’être l’ainé de 20 ans de la Callas. Celle-ci en 57 lors du bal donné par Elsa Maxwell avait 33 ans tandis qu’Onassis en avait 53. Onassis était lui-même déjà marié à la fille d’un armateur grec. Cette alliance était une « affaire commerciale » lui permettant de s’introduire dans le monde fermé des armateurs grecs. Tina sa première femme le surnommait « Ari » de sorte que pour s’en distinguer Maria l’appela « Aristo ».

Maria Callas insista toujours sur le fait qu’Onassis, comme elle, étaient partis de rien et s’étaient hissés au sommet par leurs capacités et une indéfectible volonté.

Elle ajoutait « nous ne sommes pas le reflet de la lumière des autres, nous irradions celle qui nous est propre ». 16

13 Onassis et Callas Nicholas Gage p 155 14Onassis et Callas Nicholas Gage p 195 15 Onassis et Callas Nicholas Gage p 277

16 à korina Spanidou, kinésithérapeute , in Onassis et Callas p 37 Nicholas Gage

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La liaison de Maria et d’Onassis fut le creuset ou s’épanouira sexuellement Maria, par opposition à sa vie avec son premier mari placée sous le signe de la construction professionnelle. Cette dichotomie temporelle montre bien l’antagonisme du sujet qui oscille entre deux pôles que le sujet ne pouvait concilier dans une même unité de temps. Dans la vie privée Callas était d’une timidité maladive et n’aimait pas avoir une cohorte de journaliste autour d’elle.

Ardouin, critique d’art et ami des Callas dit d’elle : « il y a deux Maria, deux personnes qui cohabitaient dans le même corps. Dès qu’il était question de travail, elle parlait de la Callas à la troisième personne. Maria était franchement jalouse de la Callas. Maria était grosse, peu séduisante, mal aimée de sa mère, bourrée de complexes alors que la Callas était mince, élégante et adulée ». 17 Il semble que même si le travail était devenu pénible pour elle, le renoncement auquel elle consentit avec Onassis ne fut pas sans l’éprouver non plus et la déstabilisation qu’elle connu lors de leur séparation et de son éviction fut proportionnelle. Onassis n’a jamais demandé à Maria de cesser de chanter, il aurait voulu tout à la fois qu’elle continue sans nécessairement travailler avec acharnement ce qui est impossible et qu’elle soit disponible pour lui. D’ailleurs il est vraisemblable que dans la construction de ses unions Onassis tirait toujours un avantage personnel de la position de sa conjointe18. Toute demande est une demande d’amour 19or dans la première partie de sa vie, l’amour fut recherché par Maria au travers de la reconnaissance de sa mère et s’exprima par sa docilité vis-à-vis du chant. Elle pensa qu’avec Aristote Onassis il en irait autrement mais la rançon était encore plus lourde car il la voulait femme et cantatrice. D’ailleurs il nourrit aussi un projet cinématographique que finalement elle déclinât n’ayant pas suffisamment confiance en elle ce qui lui valut cette réplique « chaque jour de mon existence je me lève le matin pour gagner ! Je me demande bien pourquoi tu persistes à te lever le matin ». Toute velléité de Maria de mettre sa carrière entre parenthèse était vivement combattue par Onassis qui voyait disparaître le retour sur investissement narcissiques que Maria cesserait de lui procurer si elle n’était plus la prima dona qu’il avait courtisée.

17 Onassis et Callas Nicholas Gage p 58

18 sa première épouse lui permit de devenir armateur, Maria en étant connue lui permit de prétendre qu’il avait pour partenaire l’artiste mondialement adulée. en épousant la veuve Kennedy il pensait s’infiltrer sur le marché du pétrole américain.

19 Les formations de l’inconscient p 441 « ce qui se joue comme une frustration plus profonde qui tient à l’essence même de la parole , en tant qu’elle fait surgir l’horizon de la demande, que j’ai appelée (…) la demande d’amour .

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Or c’est cette modalité de « demande d’amour » de Meneghini réduite au signifiant argent que Maria a troqué contre le mirage d’Onassis qui a reconnu, tout au moins en a-t-il donné l’illusion, la valeur agalmatique20 de Maria Callas . D’ailleurs elle même a contribué à cela puisqu’elle déclarait que la scène était devenue une corvée et qu’elle voulait « être à lui » 21 parlant d’Onassis. D’ailleurs c’est ce désinvestissement professionnel qui marquât ses premières vraies contre performances (19.11.1959) et notamment la Lucia de Dallas ou elle manquât le contre mi bémol de l’air de la folie. 22Celle-ci durant leur liaison n’a cessé de réclamer le mariage comme preuve indéfectible de l’amour qu’il prétendait lui vouer et probablement comme preuve d’une respectabilité sociale. Or précisément Onassis s’y est toujours refusé sous divers prétextes (actes de naissances, divorces non reconnus selon les différents pays et les nationalités…) à consentir à l’épouser.

(Idéalisation du mariage, voire sa considération des rôles de Tosca qu’elle n’aimait pas, de Carmen qu’elle trouvait vulgaire… préférant Norma, héroïque). Maria se disait prête à arrêter la scène et à passer le reste du temps auprès d’Onassis qu’elle considérait comme un amant particulièrement doué au point que c’est avec lui, dira-t-elle qu’elle éprouvât son premier orgasme.23

Selon le prince de Grèce Maria partageait avec Aristote Onassis une « hellenitude » c'est-à-dire une forme de fatalité24. Maria avait une vision de l’altérité comme complément d’un tout comme le développe Platon dans le Banquet. Cette incomplétude ontologique guida Maria durant toute sa vie.

Pourtant Maria était la seconde fille dans la fratrie et il est vraisemblable que cette place de seconde lui pesa également au début dans sa relation avec Onassis car il était marié et ne divorça pas toute de suite. Il envisagea même une vie avec Maria en demeurant marié à Tina laquelle vivait avec son amant. Probablement

20 le mot agalma induit la notion de valeur. L’agalma est tout d’abord un objet dont on se pare, puis c’est un objet artistique offert à un dieu, par extension l’image des dieux. Ainsi l’agalma, caché en Socrate dans le banquet commenté par Lacan en 60.61 ( le transfert ) suscite l’amour d’Alcibiade. Cet objet indéfinissable, ce trésor, c’est son désir même, le manque. il s’agit du manque révélé par l’objet a. C’est ainsi formulé en 1964/65 par Lacan.

21Onassis et Callas Nicholas Gage p 220

22 « ma carrière s’est joué ce soir, c’est la fin » Onassis et Callas Nicholas Cage p 220 23 Onassis et Callas Nicholas Gage p 169

24 Cette présence de la mort , le sentiment de brièveté du temps qui passe sont caractéristiques de la névrose obsessionnelle

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Maria souffrit-elle de ce défaut de respectabilité et des contraintes que cela supposait. Onassis alors qu’il était encore marié, vivait séparé de Christina, mais refusait à Maria l’accès au yacht lorsqu’il recevait des hôtes de marque, notamment les Churchill, l’installant dans un Palace monégasque comme on le fait avec une demi mondaine.

En 1960 Maria Callas fut enceinte d’Onassis selon Nicholas Gage, ce qui est démenti par Anne Edwards l’autre biographe. Quoi qu’il en soit, au moment de l’accouchement, elle se trouvait seule tandis qu’Onassis était parti sans elle en croisière avec des amis et que sa mère venait de publier un livre « Ma fille Maria Callas « tissus d’insanités concernant la Callas. Sa mère, fit alors une tentative de suicide et par testament, léguait à Maria les droits d’auteurs à provenir des ventes ! 25

Durant leur liaison Onassis n’a jamais été un conjoint fidèle, Maria Callas l’a toujours au moins inconsciemment su, tout en le supportant probablement en raison de la puissance et de la séduction dont elle le parait et dont l’infidélité n’était que le revers normal de la médaille. Rien ne fut épargné à Maria car les enfants d’Onassis (Alexandre et Christina) ne l’aimaient pas non plus. Ils l’appelaient « la mocheté » (e aschimi) ou « la chanteuse » en déformant son nom Callas en « kolou » qui signifiant « grosse idiote ». En 1962 lors d’une croisière à laquelle Maria ne participât pas pour les raisons que l’on sait il convia Lee Radziwill la sœur de Jackie Kennedy qu’il considérait comme une rampe d’accès au président des états unis. Quand Jackie la sœur de Lee fut veuve l’année suivante c’est elle qu’il invitât à une croisière pour qu’elle « recouvre la santé ». Une fois encore Maria selon ses dires fut « mise dehors » sous prétexte qu’il ne pouvait pas avoir sa concubine sur le yacht en même temps que la première dame des états unis.

A partir de 1965 Onassis se montra de plus en plus exécrable avec Maria la rabaissant sans cesse. Le ravage sur Maria de sa relation avec Onassis entame alors un tournant qui ira jusqu’à son paroxysme 3 ans plus tard.

25 Maria Callas intime – Anne Edwards p 290

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- « Qui tu-es ? Tu n’a qu’un sifflet dans la gorge et il ne fonctionne plus » - « tu n’es qu’un sifflet qui ne sait pas chanter, une putain dont personne ne

veut »

- « N’oublie jamais ma chère que tu n’es pas la maitresse de maison, tu n’es qu’une invitée »

- alors qu’elle s’étonna qu’il ne lui disait rien à propos du chapeau qu’elle portait « de l’harmonie mon amour, il faut de l’harmonie », lui demandant des précisions « sois tu achètes un chapeau plus grand soit tu te fais raboter le nez »

- d’après John Ardouin, ami de Maria et critique Onassis à propos d’une de leur relation commune dit un jour « pauvre Larry, il dépense tant d’argent pour récupérer ses poils sur la tête et Maria en dépense tant pour les ôter de ses jambes. »

- «Tais toi, tu n’y connais rien (à propos d’un contrat). Tu n’es qu’une chanteuse de boite de nuit »

Ce sont moins les anecdotes qui importent ici que leur répétition et le silence de Maria qui témoignent de la relation de dépendance affective dans laquelle celle-ci se trouvait à l’égard de son choix d’objet. Le besoin d’amour était à la mesure de ce qu’elle supportait alors. Elle était prête à tout supporter pour qu’il se mariât avec elle. Durant leur liaison il acheta cependant à la Callas un appartement rue Georges Mandel n° 36 ou il se rendait régulièrement, lui-même demeurant avenue Foch. Pourtant en 1968 leur séparation était déjà consommée tandis qu’ils partirent en croisière dans les caraïbes car en avril il se rendit « pour affaire » à New York mais en réalité c’était pour emmener Jackie Kennedy à Palm Beach. Le 21 avril 68 de retour sur le Christina en compagne de Maria pour passer la pâque orthodoxe ensemble il réussi à la convaincre de quitter le navire sous un prétexte fallacieux. Le but était de prendre à son bord Jackie Kennedy pour l’emmener en croisière ; il est bien probable qu’Onassis n’ait pas changé de profil de choix d’objet et que la « fille à sauver » avec Jackie Kennedy le guida une fois encore.

Cependant il comptait toujours tirer parti de la popularité de ses conjointes pour assouvir ses ambitions personnelles. Tirant peut être la leçon de son expérience

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avec Maria Callas dont la notoriété issue de l’art était sujet à variation, il prit soin de prendre cette fois ci une veuve dont le statut serait définitivement invariant…

lors de cette croisière il demanda à ce que l’on décroche du salon le portrait de sa première femme Tina, ce qu’il avait toujours refusé de faire pour Maria.

Il épousera ensuite Jackie Kennedy dont il divorcera. Il n’eut pendant son union avec elle que des déboires. Maria pour sa part connut ensuite un épisode dépressif particulièrement intense suivi d’une reprise sporadique de son activité professionnelle qui constitua la suppléance dont elle avait besoin. Elle n’eût plus d’amant après Onassis. Elle donna des masters class en 71 – 72 à la Julliard School mais Barbara Hendrix qui y assista relata que son art était intransmissible et que seule sa solitude était perceptible. « Comment envier une telle solitude » dit-elle.

CONCLUSION

Maria fit plusieurs tentatives de suicides aux barbituriques dont certains lui étaient procurés par sa sœur. Elle s’enfermât alors dans son appartement en écoutant ses enregistrements et notamment les lives avec nostalgie. Elle jouait aux cartes avec ses domestiques qui ne lui firent jamais défaut et lorsqu’elle recevait des visites elle implorait ses invités de différer leur départ pour en pas la laisser seule. Dans un entretien à la presse elle déclarât qu’elle n’avait même pas conservé d’amitié avec Onassis « après neuf ans d’une vie clandestine et humiliante, avec quelqu’un comme moi. Cela vous démolit et il ne suffit pas de deux mois pour s’en remettre » 26 . Pourtant même après leur séparation elle consentit à le revoir sans jamais renouer avec lui. Il lui rendait visite lorsqu’il rencontrait des difficultés avec Jackie Kennedy qui une fois mariée dépensait son argent et vivait à New York. Peut être Maria obtenait-elle ainsi la jouissance nécessaire pour que son histoire continue. Elle demeura ferme car Onassis voulait renouer avec elle mais elle posa toujours comme condition « quand tu te seras débarrassé de ta femme ». Il mourra en 1975 emportant à l’hôpital avec lui le châle hermès que Maria lui avait offert.

26Onassis et Callas Nicholas Gage p 315

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Maria Callas mourut le 16 septembre 1977 d’une embolie pulmonaire. Elle consommait à l’époque des diurétiques pour recouvrer la ligne avec du Mandrax médicament interdit en France mais qu’elle se procurait par un réseau grecque et notamment par sa sœur à laquelle elle faisait « des petits cadeaux » lui adressant des chèques.

Tandis qu’un jour à bord du Christina la sœur d’Onassis : Mérope qui n’aimait pas Maria lui dit : « Quelle chance vous avez Maria, qu’un homme d’une telle envergure (Onassis) tombe amoureux de vous, nous vous envions toutes ». Laissons le mot de la fin à Konialides le mari de Mérope qui répondit alors « en l’occurrence c’est aristo qui a de la chance. Dans 50 ans, personne ne se souviendra d’Onassis.

Mais personne n’oubliera jamais le nom de Maria, Et si une part d’immortalité de celle-ci déteint sur lui, ce sera grâce à cette histoire d’amour »

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