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Étude du spectre de bruit d’un diélectrique polaire liquide
J.F. Le Men, G. Grosvald
To cite this version:
J.F. Le Men, G. Grosvald. Étude du spectre de bruit d’un diélectrique polaire liquide. Journal de
Physique, 1970, 31 (2-3), pp.207-211. �10.1051/jphys:01970003102-3020700�. �jpa-00206893�
ÉTUDE DU SPECTRE DE BRUIT
D’UN DIÉLECTRIQUE POLAIRE LIQUIDE
J. F. LE MEN et G. GROSVALD
(*)
Groupe
dePhysique Moléculaire,
Faculté desSciences, 25, Besançon,
France(Reçu
le 19 mai1969)
Résumé. - On
exprime
la densitéspectrale énergétique
des fluctuations au sein d’undiélectrique liquide
en utilisant un modèlestatistique
danslequel
les molécules actives effectuent un mouvement de libration amorti autour d’uneposition
moyenne qui varie defaçon
aléatoire au cours d’un pro-cessus
ponctuel poissonnien
stationnaire. Le résultat comporte, outre une formule obtenue anté- rieurement et confirmée par l’expérience, unepartie
résonnante, due au mouvement librationnel des moléculespolaires,
située dans un domaine defréquences plus
élevées.Abstract. 2014 The
energetic
spectraldensity
of aliquid
dielectric is calculatedusing
a statistical model in which thepolar
moleculesperform
weakened librations, their meanposition varying
sto-chastically
in a stationnary Poisson process. The result has, besides a term previously obtained andexperimentally
confirmed, a resonnant part, due to the librations of the polar molecules, and affectinghigher frequencies.
1. Introduction. - On sait que l’étude du bruit d’un
diélectrique polaire
consiste à mesurer la valeur qua-dratique
moyenne du courantapparaissant
dans cemilieu par suite des mouvements des
charges
consti-tuant les
dipôles
des moléculespolaires,
mouvementsrésultant eux-mêmes de
l’action,
sur cesmolécules,
du milieuqui
les entoure. De cefait,
l’étude du bruitapparaît
comme un moyend’investigation
dans ledomaine des forces intermoléculaires. Divers travaux ont
déjà porté
sur l’étude dediélectriques polaires liquides,
dans un domaine defréquences
assez restreintcependant
etréparti
autour de lafréquence
deDebye
de ces matériaux. Les résultats
expérimentaux [1]
montrent un excellent accord avec les formules théo-
riques proposées
dans le cadre d’une schématisation des actions intermoléculaires par un ensemble d’inter-actions,
trèsintenses,
de caractère discret et aléatoire dans letemps [2] [3] [4]. Cependant,
devant le déve-loppement
actuel destechniques
de mesure, il appa- raît souhaitable d’étendre le domaine de l’étudethéorique
duspectre
de bruit vers desfréquences plus élevées ;
c’est ce que l’on se propose de faire ici en utilisant unereprésentation plus
détaillée des inter- actions moléculaires en milieuliquide.
Après
avoiradopté
unereprésentation particulière
des actions intermoléculaires en milieu
liquide,
onétudiera la
réponse
en courant d’une moléculepolaire
de l’échantillon de
diélectrique.
On calculera ensuitel’expression
de la densitéspectrale énergétique
dontla forme sera alors discutée.
A
partir
de cetteexpression
on retrouve, comme casparticulier,
la forme dérivée en[2], [3]
et[4],
maiscelle-ci
n’apparaît plus
ici comme la limite d’un modèle résonnant pour unefréquence
de rotation faible devant lafréquence caractéristique
des inter- actions.Par ailleurs on constate la
présence
d’unepartie
résonnante intervenant pour des
fréquences proches
de la
fréquence
propre de libration de la moléculepolaire.
II.
Description
des interactions moléculaires. - Soit N le nombre de moléculespolaires
contenues dansl’échantillon de
diélectrique
étudié. On supposera le bruitcorrespondant égal
à N fois la contribution dusystème
constitué par une moléculepolaire perturbée
par l’ensemble des autres molécules de
l’échantillon ;
ces molécules sont
polaires
ou nonpolaires
selon que lediélectrique
est unliquide polaire
pur ou lemélange
d’un soluté
polaire
dans un solvant nonpolaire.
Cettehypothèse
revient enfait,
ànégliger
les corrélations entre les mouvements des molécules actives.La détermination du bruit d’un tel
système
est liéeà la connaissance des forces
s’exerçant
entre la molé- culepolaire
et le milieuqui
l’entoure. Onconsidérera,
à cet
effet,
le modèle d’interaction en milieuliquide
introduit par Rice et Alnatt
[5] [6],
modèle danslequel
l’interaction totale V subie par unemolécule,
de la part de ses
voisines,
peut sedécomposer
en deuxparties.
La
première partie, correspondant
à des fluctuations peuimportantes
de l’interaction V autour de la valeur moyenneV,
estdue, d’après
ces auteurs, aux forces d’attractionintermoléculaire ;
elle estresponsable
d’unArticle published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphys:01970003102-3020700
208
mouvement à caractère brownien de la molécule. On
dira,
par lasuite,
que cettepremière partie, représente
des « interactions faibles » subies par la molécule étu- diée. La seconde
partie
de V est relative au contraireaux fluctuations
importantes
del’interaction,
autourde
V,
ces fluctuations traduisant l’effet des forcesrépulsives intermoléculaires ;
onparlera
ici « d’inter-actions fortes ».
A ce modèle des interactions
moléculaires,
onpeut
fairecorrespondre
uncomportement dynamique
sché-matique
de la moléculepolaire [7] [8].
Seplaçant
icidu
point
de vue de larotation,
on considéreraqu’entre
deux interactions
fortes,
la molécule étudiée resteapproximativement
fixée dansl’espace.
On dira ainsi que la molécule se trouve dans un site du
liquide.
Deplus,
on supposera que l’interactionmoyenne V
est tellequ’elle
contraint la molécule à effectuer un mouvement de libration au lieu du mouve- ment de rotation uniformequ’elle possède
en l’absencede
perturbation.
Les interactions dites faibles ont alors pour effet d’amortir ce mouvement delibration ;
seplaçant
ici dans le cadre d’uncomportement
marko- vien de la moléculepolaire [9],
onpeut
alors caracté- riser cet amortissement par la constante detemps
i2.Enfin,
pour la conduite des calculsultérieurs, l’ampli-
tude du mouvement de libration sera
supposée
peu élevée.Par ailleurs les interactions fortes entraîneront un
changement
de site de la moléculepolaire
étudiée. On supposera ici que ces dernièresinteractions,
sontréparties
dans letemps
suivant une distribution de Poisson de densité po =1/zi (zl
est l’intervalle moyen entre lesinteractions).
Elles ont pour effet de modifier defaçon
aléatoire l’orientation moyenneprise
par la molécule danschaque site,
leplan
delibration,
et laphase
àl’origine
du mouvement de libration.Il convient de
signaler
ici que la validité du modèlereprésentatif
des interactions repose surl’inégalité
zl > z2, discutée par Rice et
Alnatt, qui
se traduitdans notre modèle
dynamique,
par le fait que le mou- vement de libration créé par une interaction forte doit être amorti avantqu’intervienne
une nouvelle inter- action forte[5] [6].
Par ailleurs le modèleproposé, qui
schématise le comportement d’une molécule dissoute par une libration amortie dans un
site,
avecchangement
de
site,
semble avoirpermis
uneinterprétation
satis-faisante des
phénomènes d’absorption [7] [8].
Ilpeut
d’ailleurs être
interprété
dans le cadre d’unereprésen-
tation de la structure interne du
liquide
par un réseauquasi
cristallin[3].
Dans ce cas, où la moléculepolaire
se trouve
emprisonnée
dans une cage formée par sesvoisines,
les « interactions faibles »représentent
lesfluctuations de l’interaction
molécule-entourage
duesaux
déplacements
des moléculesperturbatrices
parrapport
à leurposition d’équilibre.
Les « interactions fortes » au contraire traduisent la modification de la structure même de la cage, enparticulier
sa destruc-tion lors de la diffusion de l’une des molécules
qui
laconstituent.
Le
comportement dynamique
d’une molécule enmilieu
liquide
étant ainsidéfini,
il convientd’exprimer
maintenant la densité
spectrale
en courant d’une molé- culepolaire perturbée
par l’ensemble dudiélectrique.
III. Calcul de la densité
spectrale
en courantT(w).
-
a)
COORDONNÉES REPÉRANT LA MOLÉCULE POLAIRE.- On
représente
les mouvements de la moléculepolaire, supposée rigide,
par larotation,
dans unplan P,
d’unecharge négative - q
située à la distance 1 d’unecharge positive
+ q fixée en unpoint
0. Leplan
P estrepéré
par deuxangles d’Euler ~
et 17(Fig. 1)
FIG. 1.
dans un trièdre de référence OXYZ choisi de telle manière que l’axe OZ soit
perpendiculaire
aux arma-tures du condensateur contenant le
diélectrique : - ç angle
entre OZ et le momentcinétique
OMperpendiculaire
à P.angle
entre OX et laligne
nodale ON(intersec-
tion de P avec le
plan OXY).
On
repère
laposition
moyenne dudipôle
dans sonplan
parl’angle # ;
la libration autour de cetteposition
moyenne est elle-même définie par
où 9
représente l’amplitude maximum,
wo la fré- quence moyenne de libration(supposée
commune danstous les
sites)
et u laphase
àl’origine
du mouvementde libration.
L’exponentielle e-1/12
traduit l’amortisse- ment de la libration sous l’influence des interactions faibles.b)
RÉPONSE EN COURANT. - On considère que les interactions fortes entre la moléculepolaire
et le milieuqui
l’entoureprovoquent :
- la modification de l’orientation du
plan
de libra-tion de telle sorte que les
angles ~
et 17 soient desvariables aléatoires
indépendantes
et de densités deprobabilité respectives
- la modification de l’orientation
moyenne ~
de lamolécule dans le
plan
P et de saphase
àl’origine
u, de telle sorteque #
et u soient des variables aléatoiresindépendantes
et de densités deprobabilité respectives
La contribution
i(t)
de la molécule considérée au cou- rant total est donnée par[4] :
où
Vz(t)
est laprojection
de la vitesse linéaire V de lacharge - q
sur l’axeOZ,
L la distance entre les arma- tures du condensateur et laprojection
sur OZdu moment
Jt(1 Jt 1
=qj)
dudipôle représentant
lamolécule
polaire.
La densitéspectrale
en courantrecherchée :
T(w), qui s’exprime
à l’aide de la trans- formée de Fourier de la fonction de corrélation dei(t) [10], peut
alors s’obtenirsimplement, compte
tenu de la relation(5)
ci-dessus entrei(t)
et en multi-pliant
par la densitéspectrale
enpolarisation y(w)
calculable àpartir
de la fonction de corrélation dec)
FONCTION DE CORRÉLATION DE - Laréponse percussionnelle
enpolarisation
dusystème (cf. Fig. 2) s’écrit, compte
tenu des formules de tri-gonométrie sphérique :
FIG. 2.
Dans cette formule
0(t)
est l’instant de la dernière interaction forteprécédant
t. Parailleurs,
on remarque quel’expression
ainsi obtenue estindépendante
del’angle 17,
cettepropriété
découlant de lasymétrie
dusystème
autour de l’axe OZ.Si l’on pose : x = t -
0,
la fonction de corrélation de s’écrit :La moyenne
symbolisée
par > doit alors êtreprise
sur lestemps
xl et x2 et sur les variablest/1, ç
et u.La loi de distribution associée aux deux variables xl et x2, intervenant pour le calcul de la moyenne sur le
temps
et relative au processus aléatoireconsidéré,
est étudiée en
[11].
Elle comporte deuxparties
dis-tinctes
(cf. Fig. 3).
FIG. 3. - Loi de distribution à deux variables.
(xi, x2)
(cf.
[lla] p.42).
La
première partie dépendant
simultanément de xi et donne une contribution nulle àF(xi, X2)
car elle conduitaprès intégration
à un résul-tat
proportionnel
àpz(t)
>qui
est nul pour le pro-cessus aléatoire étudié.
La seconde
partie, linéique (Po e-po(-t+xd)
conduità :
F ne
dépend plus
alors que de 7: = t2 - t 1 ; cette pro-priété caractérise,
en fait la stationarité du processus utilisé.Après
le calcul de la moyennesur g/ et ~,
onobtient pour
F(1) :
L’amplitude
maximale de libration cp restant faible devant1,
ondéveloppe
cos~~p(...))
enpuissance
de 9jusqu’à
l’ordre deux.L’intégration
sur les variables210
u et xi étant
effectuée,
la fonction de corrélation de lapolarisation
s’écrit :d)
DENSITÉ SPECTRALE EN COURANT. - La densitéspectrale
enpolarisation y(w) s’exprime
àpartir
deF(z)
sous la forme[3] :
(Re symbolise
lapartie réelle).
D’où pour la densité
spectrale
en courant,après intégration
sur T :avec
Pour obtenir le résultat
désiré,
onmultiplie
d’abordpar .N
l’expression (12), puis
onremplace M2
par sa valeur tirée de la relation[12] [13] :
dans
laquelle k
est la constante deBoltzmann,
T latempérature absolue,
eo la constantediélectrique
duvide,
ss et 800 les constantesdiélectriques
relatives de l’échantillon pour desfréquences
nulle etinfinie,
et n le nombre dedipôles
par unité de volume du dié-lectrique.
Par
ailleurs,
on obtientl’expression
del’amplitude
maximale de libration po en
égalant
àkT12 l’énergie cinétique
moyenne du librateur. Il vient :Enfin,
on tient compte del’inégalité
z 1 > z2qui
traduitle fait que la libration est totalement amortie avant
qu’intervienne
une interaction forte.D’où: =
avec
Co
= 80S/L, capacité
à vide du condensateur contenant lediélectrique.
Il convient maintenant de discuter de la forme de cette
expression
et de sa validité. ,IV. Discussion. -
a)
FORME DET (w).
- Onpeut
remarquer immédiatement que dans la limite ~ ~ 0
ou z2 -
0,
limitescorrespondant
à une absence demouvement de
libration,
la formule(15)
se ramène à :Cette
expression
estl’analogue
de celle obtenue en[2] [3] [4]
pour la densitéspectrale
en tension et elleest vérifiée
expérimentalement [1] ]
pour w suffisam- ment faible.Le cas limite 9 _> 0
kT)
définici-dessus
correspond
à l’éventualité d’une interactionmoyenne P
très élevée
qui
tend à conserver le momentdipolaire
mdans une direction fixe
(ç
=0).
Le second cas, z2 =0,
est relatif à un amortissement instantané du mouvement de libration.En
général
il est nécessaire de faire intervenir l’amortissement de ce mouvement. On obtient alors dansl’expression
deT(w),
un termesupplémentaire T2(w)
résonnantpuisqu’il
intervientprincipalement
pour des
fréquences plus élevées,
situées depart
et d’autre de lafréquence
propre de libration wo(Fig. 4).
C’est cette
caractéristique
de la densitéspectrale
éner-gétique
que l’onpeut
s’attendre à voirapparaître
lorsque
lesdéveloppements
destechniques
de mesurepermettront l’exploration
de domaines defréquences
plus
étendus.b)
DiscussloN. - La validité du résultat obtenudépend
de celle du modèle considéré. Or on sait tout d’abord que la schématisation des interactions molé- culaires introduite par Rice et Alnatt a étéjustifiée
par les résultats satisfaisantsqu’elle
donne en théorie desphénomènes
detransport [14].
Parailleurs,
le modèlereprésentatif
ducomportement dynamique
de la molé- culepolaire (libration
dans un site avecchangement
de
site)
aégalement permis d’interpréter
lesphéno-
mènes
d’absorption
en milieuliquide [3] [7] [8].
Endéfinitive la validité du résultat
proposé
repose essen- tiellement sur lajustification
du mouvement libra-tionnel de la molécule
polaire
etplus particulièrement
du cas où
l’amplitude
de libration reste faible. Ce caslimite
intervient lorsque
lepotentiel
d’orientationmoyen V
subi par la moléculepolaire
de la part de l’ensemble de ses voisines est trèssupérieur
à sonénergie cinétique
de rotation. Cette éventualité est directement liée à la nature et àl’importance
des forcesd’interaction
s’exerçant
entre la molécule considéréeet ses voisines
qui dépendent
elles-mêmes del’espèce
de molécules considérée et des conditions dans les-
quelles
elles sont étudiées.Le résultat obtenu
s’appliquera
donc aux diélec-triques liquides
caractérisés par des interactions molé- culairesimportantes.
Par
ailleurs,
dans cetravail,
on n’a pas tenucompte
ducomportement
inerte de la moléculepolaire ;
eneffet on a
supposé
que celle-ci se réorientait instantané- mentaprès
une « interaction forte ». En réalité il est nécessaire de tenir compte du temps mis par la molé- cule pour se réorienter et, pour cefaire,
d’introduireune constante de
temps
caractérisant soncomporte-
ment inerte. Ceci a
déjà
été effectué par Constant etses collaborateurs
[15]
dans le cadre desphénomènes d’absorption.
Les auteurs remercient Monsieur le Professeur Gala- try pour l’intérêt constant
qu’il
aporté
à ce travailet Monsieur le Professeur
Blanc-Lapierre
pour lesremarques constructives
qu’il
a bien voulu leur faire.Bibliographie [1] LE BOT
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