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L'alimentation des villes du sud : l'aventure des saveurs

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

Crédit photos et illustrations (de gauche à droite et de haut en bas)

L’explosion urbaine de la planète (pp. 2 et 3) : Fresque urbaine. N. Le Gall – Deux jeunes filles. P. Bonnet © Cirad – Wei Ji. M Yamamoto – Carte du monde. J.C. Lorente – Montevideo. D. Wirrmann © IRD – Quito. B. Lortic © IRD - Le Caire. A. Sierra © IRD.

Dakar. Un port au bout de l’Afrique (pp. 4 et 5) : Vendeuse de poisson. A. Fossi – Jeune au bord de la mer. N. Bricas – Boutique à Castors ; Enfants lavant un mouton. ASC 2 Dieuppeul © Cirad – Femmes séchant du

bissap. DR – Maraîcher consultant son portable. Manobi – Transformatice poisson séché. A. Fossi – Dakar vu du satellite. Spot Image – Pirogues de pêcheurs. A. Fossi – Tangana. ASC 2 Dieuppeul © Cirad – Vendeuses de couscous de mil. N. Bricas – Ceebu jën dans la marmite. ASC 2 Dieuppeul © Cirad – Parcelles dans les Niayes. I.

Vagneron. Repas familal. ASC 2 Dieuppeul © Cirad – Panneau biscuits. N. Bricas © Cirad – Compte l’argent. E. Daou – Sept mains autour du ceeb. ASC 2 Dieuppeul © Cirad – Dibiterie Mor Fall. Mohiss.

Hanoi. Fleuve Rouge et ceinture verte (pp. 6-7) : Toutes photos : D. Hong © Cirad sauf : Femme arrosant. P. Moustier © Cirad – Plan de Hanoi en 1873.© CAOM. Aix-en-Provence (A.N. France), 1 PL 1722. Tous droits réservés– Vendeuses d’oies endormie. A.V. Bernus © Cirad – Livraison de porcs à moto. G. Mandret © Cirad –Hanoi vu du

satellite. Spot Image – Champs péri-urbains. G. Mandret © Cirad – Enquête au marché. N. Bricas © Cirad – Affiche propagande. I. Vagneron © Cirad.

Addis Abeba. Le merkato, centre de l’Ethiopie (pp. 8-9) : Toutes photos : P. Bonnet sauf : Addis vu du satellite. Spot image –

Manuscrit des miracles de Marie © Bibliothèque nationale de France.

Belém. À l’embouchure de l’Amazone (pp. 10-11) : Porteur de paniers. J.A. Lima dos Santos – Naufragés. Gravure Ed. Hetzel –

Femmes égrappant l’acaì. J.A. Lima dos Santos – Belém vu de l’autre rive. R. Poccard-Chapuis © Cirad – Les deux mangeurs ; Rayons supermarché ; Vendeurs de fruits. J.A. Lima dos Santos – Séchage amidon de manioc. D. Dufour © Cirad – Troupeau vers Belém. R. Poccard-Chapuis © Cirad – Casa de farinha. J. Muchnik © Cirad – Belém vu du satellite.

SPOT Image – Presse à manioc. J. Muchnik © Cirad – Viande au supermarché. M.G. Piketty © Cirad – Trois

pêcheurs. Dabbadie © Cirad – Ver-o-peso. J.A. Lima dos Santos – Plantation palmiers à huile. B. Dubos – Femme cuisinant. Etal de fruits. J.A. Lima dos Santos – Centre commercial. P. Sist © Cirad – Artisan fromager. J. Muchnik

© Cirad – Canettes guarana. M.G. Piketty © Cirad.

Yaoundé. Une capitale dans la forêt (pp. 12-13) : Mangeur de spaghettis ; « Pousse » P. Tabou – Champ dans

la ville. E. Temple-Boyer – Marché avec tomates. P. Tabou – Fabricants de bâtons de manioc. S. Dury © Cirad – Marchande de feuilles d’emballage ; Plantains sur le marché de Mfoundi ; Minibus chargé de vivres. P. Tabou – Femmes grillant le maïs. © G. Pirozzi/Panos Pictures – Aide maman. P. Tabou – Yaoundé vu du satellite. Spot Image – Cartes des temps d’accès. V. Robiglio et F. Isseri – Okok ingrédients ; Cueillette okok dans la jachère ; Découpage okok ; Repas ; Femmes qui cuisinent. – Igname sur le marché. P. Tabou – Champs d’igname à Mbé. N. Bricas © Cirad – Route dans la forêt. L. Temple © Cirad – Huile de palme rouge. C. Lamine © Cirad – Taro. D. Dufour © Cirad – Manioc. B. Marin © IRD – Noix de cola. B. Favre – Aulacode. © Cirad – Dégustation de vin de palme. O. Bedu.

Face à l’urbanisation, quelle recherche agronomique ? (pp. 14-15) : Test dégustation foutou. P. Vernier

© Cirad. – Enquête vendeuse légumes. I. Vagneron © Cirad – Bacs de rouissage manioc J. Muchnik © Cirad

– Légumes. I. Vagneron © Cirad – Femmes cultivant. G. Trebuil © Cirad – Agricuture péri-urbaine Hanoï. P. Moustier © Cirad – Illustration N. Le Gall. Trois femmes ASC 2 Dieuppeul © Cirad

Coordination : Anne Hébert, Cirad, Communication événementielle Nicolas Bricas, Cirad, Programme Agro-alimentaire Création et mise en page : Denis Delebecque ; Bernard Favre, Louma productions Textes : Bernard Favre et Nicolas Bricas avec la collaboration de Pascal Bonnet et Bernard Faye (Addis), Sandrine Dury (Yaoundé), Isabelle Vagneron et Muriel

Figuié (Hanoi).

Illustrations originales : Nathalie Le Gall (couverture, cercle p. 2 et illustration p. 15), Michiyo Yamamoto (idéogramme Wei Ji p. 2), Terri Andon et Jean-Claude Lorente (cartes pp. 2-3), Valentina Robiglio et Fernand Isseri (cartes p. 13), Jacques Lucchino (Les aventures de K). Remerciements :

Véronique Ancey, Pascal Bonnet, Frederique Causse, J. Roberto Dias de Oliveira, Sandrine Dury, Guillaume Duteurtre, Marie Essomba, Bernard Faye, Muriel Figuié, Remi Kahane, Jean-Claude Lorente, Jacques Mercier, Paule Moustier, Marie-Gabrielle Piketty, Plinio Sist, Isabelle Vagneron. Spot Image commercialise depuis 1986 dans le monde entier les informations géographiques issues des satellites d’observation de la terre Spot. Avec le dernier satellite, Spot 5, la gamme de produits Spot comprend maintenant des images avec des résolutions allant de 2,5 m à 20 m.

© Cirad 2004

Le Cirad, Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, est un organisme scientifique spécialisé en agriculture des régions tropicales et subtropicales. Sa mission est de contribuer au développement de ces régions par des recherches, des réalisations expérimentales, la formation, l’information scientifique et technique. Il emploie 1 850 personnes, dont 950 cadres, qui interviennent dans l’outre-mer français et dans une cinquantaine de pays. Son budget s’élève à près de 180 millions d’euros.

Le Cirad comprend sept départements de recherche : cultures annuelles ; cultures pérennes ; productions

fruitières et horticoles ; élevage et médecine vétérinaire ; forêts ; territoires, environnement et acteurs ; amélioration des méthodes pour l’innovation scientifique. Le Cirad travaille dans ses propres centres de recherche, au sein des structures nationales de recherche agronomique des pays partenaires, des universités et centres internationaux, ou en appui à des opérations de développement.

42, rue Scheffer 75016 Paris Tél. : +33 (0) 1 53 70 20 00 Fax : +33 (0) 1 53 70 21 00 www.cirad.fr

Institut des Sciences et des Techniques de l’Équipement et de l’Environnement pour le Développement

Association à but non lucratif, l’Institut des Sciences et des Techniques de l’Équipement et de l’Environnement pour le Développement est une plate-forme de réflexion, d’information et d’action au service de ses membres publics et privés dans les secteurs de l’équipement, des transports, de l’aménagement et de l’environnement. Il contribue à leur action internationale — prioritairement dans les pays hors OCDE — à la valorisation du savoir-faire français dans le monde et à la mise en œuvre de programmes internationaux avec les responsables des pays tiers.

La Grande Arche Paroi Nord 92055 La Défense Cedex France Tél. : 33 (0)1 40 81 24 06 Fax : 33 (0)1 40 81 23 31 www.isted.com

L

’A

LIMENTATION

DES

V

ILLES

DU

S

UD

L’

AVENTURE DES SAVEURS

L

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LIMENTATION

DES

V

ILLES

DU

S

UD

(2)

Pourquoi une telle vitesse d’urbanisation ?

En Europe, l’urbanisation – qui s’est déroulée tout au long du XIXesiècle – était liée à l’industrialisation et à la croissance économique. Elle a donné lieu à une structure urbaine relativement équilibrée : il y a assez peu de disparités entre les villes principales et les villes secondaires. À l’inverse, dans les pays en développement, l’urbanisation se traduit souvent par un grossissement d’une ou deux villes principales au détriment des villes moyennes. Ce phénomène s’explique en grande partie par le passé des villes principales. Souvent d’anciens comptoirs coloniaux par lesquels transitaient les produits d’exportation et d’importation, elles se sont constituées en véritables enclaves dans des territoires encore très peu ouverts aux échanges lointains. Elles ont ainsi bénéficié les premières des acquis des autres pays en matière de santé, d’éducation, d’équipements. Ces villes ont également concentré les services et les marchés, et donc les opportunités d’emplois. Elles ont ainsi attiré les populations rurales, à la fois poussées hors de leurs terres par les tensions foncières ou la pauvreté économique et séduites par

les opportunités qu’offraient les villes.

alimentaires aux citadins. Certains se sont spécialisés dans des

productions à haute valeur ajoutée. Les femmes se sont lancées

dans la production pour la vente de produits transformés.

Un tel développement agricole, qui avait pris deux cents ans

en Europe, a dû s’opérer en un quart de siècle dans de

nombreux pays du Sud. Ce bouleversement ne s’est pas fait sans

heurts. Mais qui eût cru, il y a cinquante ans,

que des paysans équipés de sarcleuses à main,

pratiquement sans aucun moyen

d’investissement, parviendraient à nourrir trois

fois plus de personnes dans un délai aussi court ?

2

L’explosion

urbaine

de la planète

19

50

2000

Le début du nouveau

millénaire correspond à

un grand bouleversement

historique : il y a désormais

plus de citadins que de ruraux

sur la terre. L’urbanisation est

pourtant un processus ancien.

Ce qui est nouveau, c’est la

vitesse particulièrement rapide

de la croissance des villes du

Sud depuis un quart de siècle.

Ce rythme d’explosion urbaine

est en effet sans précédent,

largement supérieur à celui

qu’a connu l’Europe en pleine

révolution industrielle.

C’est pourquoi la recherche

se mobilise pour relever

le défi de nourrir des citadins

dont le nombre double tous les

dix à quinze ans !

D

emandez à un

voyageur qui aurait

traversé l’Afrique, l’Asie ou

l’Amérique latine dans les années 1950, à quoi

ressemblaient les capitales visitées alors. Dans bien des

cas, il s’agissait de gros bourgs dont on faisait vite le

tour, où les paysans des alentours venaient livrer leurs

produits sur le marché du centre-ville, où l’on trouvait

encore des champs et des animaux. Proposez-lui de

revenir sur ses traces aujourd’hui. Il ne reconnaîtra

en rien ces villes dont la taille a explosé.

Mais les campagnes, elles aussi, se sont

transformées ! Elles étaient initialement

assez enclavées, l’agriculture fournissant

essentiellement de quoi nourrir les paysans.

Avec la création des comptoirs commerciaux et

les premières routes, les paysans ont commencé

à cultiver des produits destinés aux marchés

internationaux : arachide, coton, café, cacao,

etc. Puis, progressivement, ils ont complété

leurs revenus en vendant aussi des produits

La production agricole peut-elle s’adapter à ce rythme

de croissance urbaine ?

Dans de nombreux pays où les terres sont fragiles, où le climat est capricieux, où les agriculteurs ne disposent que de moyens très limités, on a longtemps cru que l’agriculture ne parviendrait pas à nourrir le nombre croissant de citadins. Or, malgré le rythme de croissance de la population urbaine, très peu de villes ont souffert de problèmes de ravitaillement. L’agriculture est en effet parvenue à s’adapter à cette situation, même s’il a fallu, dans certains cas, recourir à des importations complémentaires. En revanche, on constate que les citadins mangent beaucoup plus de produits animaux que les ruraux. Aussi, l’agriculture ne doit-elle plus seulement nourrir ruraux et urbains, mais également un nombre croissant d’animaux. L’augmentation de la production végétale doit donc suivre un rythme supérieur à celui de la population. C’est ce qui rend nécessaire un accroissement considérable de la production.

Va-t-on vers une uniformisation de l’alimentation ?

La ville est un lieu de brassage de populations d’origines diverses. C’est aussi un lieu d’ouverture vers le reste du monde, où s’exerce l’influence de modèles extérieurs, véhiculés par les médias et la publicité. Ainsi, la famille, la communauté sont-elles moins présentes, les libertés individuelles plus grandes. La ville est-elle pour autant un lieu d’acculturation où s’effacerait tout ce qui faisait l’originalité des cultures alimentaires traditionnelles ? L’analyse des changements liés à l’urbanisation révèle une forte tendance à la diversification alimentaire. En ville, on mange des aliments et des cuisines plus variés, on ne mange plus seulement à domicile, mais aussi dans les restaurants ou dans la rue. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces changements ne conduisent pas à marginaliser les produits traditionnels au profit de la nourriture industrielle, même si celle-ci se diffuse. Les consommateurs combinent en effet différentes références alimentaires où alternent les recettes traditionnelles et celles issues d’autres cultures. Mais ils inventent aussi une nouvelle cuisine empreinte de toutes ces références. Celle-ci est désormais le support de nouvelles identités urbaines.

Comment assurer l’accès pour tous aux services de base?

Les conditions de vie du plus grand nombre des citadins des pays du Sud sont difficiles. Leurs ressources monétaires sont limitées et fractionnées. L’insuffisance des infrastructures et des services publics ne permet pas à tous d’accéder aux biens essentiels – eau, propreté, énergie, transport, télécommunications… Cette situation a un impact direct sur la santé publique, la sécurité et le bien-être des citadins, mais aussi sur l’environnement. Trois difficultés majeures se conjuguent : la faiblesse des ressources, des problèmes de gestion conduisant à la détérioration de la qualité de service et parfois l’absence d’opérateurs locaux détenteurs de la maîtrise technique nécessaire pour mener à bien des opérations d’envergure. Afin de mieux garantir l’accès aux services essentiels, de nouvelles formes d’organisation se développent qui reposent sur le partenariat public-privé. Des expériences de ce type existent déjà, dans des domaines et des contextes très différents : électricité au Brésil, eau à Buenos Aires (Argentine) et à Chengdu (Chine), déchets à Hong Kong, eau et électricité à Abidjan (Côte d’Ivoire)…

La ville génère-t-elle de la pauvreté ?

Jusqu’à une période récente, la plupart des indicateurs révélaient une pauvreté plus importante en milieu rural qu’en milieu urbain. C’est d’ailleurs cette pauvreté qui accélère les migrations vers les villes. Les nouveaux arrivants sont accueillis au sein de réseaux familiaux et sociaux où ils bénéficient d’une redistribution qui facilite leur insertion dans la ville. Ils s’orientent pour la plupart vers des emplois à faible niveau de qualification et ne nécessitant pas d’investissements élevés – chauffeurs de taxi, restaurateurs de rue, petite métallurgie ou confection, etc. Ce système de multiplication de micro-activités et de redistribution élargie a permis d’absorber très rapidement la plupart des migrants en leur fournissant des revenus de survie. Mais il semble atteindre ses limites. On constate en effet depuis quelques années une augmentation de la population en situation de grande précarité dans les villes du Sud.

Se nourrit-on

mieux en ville

qu’à la campagne ?

Oui, l’alimentation est plus variée dans les villes, mieux équipées en services de santé et d’éducation, et les “riches” sont plus souvent citadins que paysans. Mais les moyennes ne doivent pas cacher de fortes disparités. Dans les quartiers défavorisés, la pauvreté empêche d’accéder à une alimentation équilibrée et les carences en vitamines ou minéraux sont fréquentes. Mais, et c’est nouveau, les villes concentrent aussi une population soumise à de nouveaux risques, dus notamment à une activité physique réduite et une alimentation trop riche. C’est pourquoi, dans certaines villes, de nouvelles maladies qui jusqu’à présent affectaient surtout les pays industrialisés se développent très rapidement: obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires, cancers, etc. Cette “transition nutritionnelle” rend nécessaire de repenser très vite et conjointement les systèmes agroalimentaires et les systèmes de santé. Là encore un défi pour la recherche !

En 1950, sur les 30 premières

villes du monde, dix étaient situées dans les pays du sud. Près de 60 % de la population urbaine mondiale était concentrée dans les pays développés.

En 2000, 23 des 30 plus grandes

villes du monde se trouvent dans les pays du sud et les villes des pays développés ne représentent plus que 29 % des trois milliards d’urbains que compte la planète !

3

Dakar 3,5 M hab. p. 4-5 Yaoundé 2,3 M hab. p. 12-13 Hanoi 5,2 M hab. p. 6-7 Addis-Abeba 4,9 M hab. p. 8-9 Dangers et opportunités. L’urbanisation

effraie d’autant plus que son rythme est rapide et qu’elle semble non maîtrisable. Mais elle crée aussi de nouvelles opportunités et pousse les sociétés à innover. En ce sens, on peut la résumer par le terme de crise, tel que l’entendent les Chinois : c’est à dire comme la combinaison de danger (wei) et

d’opportunité ou de chance (ji),

ainsi que le représente l’idéogramme du mot. Belém 2,2 M hab. p. 10-11

20

15

En 2015, la planète comptera

54% de citadins soit 3,9 milliards de personnes. Villes en millions d'habitants (2015) 25 à 30 20 à 25 15 à 20 10 à 15 5 à 10 3 à 5 L’Afrique urbaine L’Afrique comptait 27 villes de plus de 500 000 habitants en 1975. Elle en compte aujourd’hui 86, dont 31 de plus d’un million d’habitants.

(3)

Dakar

St Louis

Velingara

5

4

D

akar est bien ce

port cosmopolite,

tourné vers le large.

Oui, les bateaux

y débarquent le blé

canadien, argentin ou français dont on

fait des baguettes croustillantes. Oui,

les Dakarois se régalent de brisures de riz…

qui viennent souvent de Thaïlande ou

du Vietnam ! Et les pommes de terre

de Hollande, l’huile de soja du Brésil,

le thé de Chine… Dakar

échappe pourtant à la

mondialisation du goût :

une culture alimentaire

tout à fait originale

y est née.

Une culture

qui fait la

synthèse

entre

l’ouverture

sur le monde et les apports des populations

du Sénégal. Wolofs, Sérers, Lébous, Peuls

et Toucouleurs, Soninkés, Diolas de la

Casamance et Mandingues sont venus

avec les traditions de leurs villages, et avec

les produits de leurs régions. De la côte et de l’intérieur

arrivent tous les jours sur les marchés le poisson et les légumes

– tomates, aubergines, oignons, choux, manioc, courges –

nécessaires au plat national, le ceebu jën (thiéboudiène). Avec

le mil on fait un couscous, le cere, et toutes sortes de bouillies:

fonde, laax, caakry, ngalax. On grille à tous les coins de rue,

sur les braseros et dans les dibiteries, le mouton, le bœuf et les

poulets locaux. Les sauces sont incroyablement variées : à la

tomate, à l’arachide, au niébé, mais aussi au

“pain de singe”, fruit du baobab, au nététou,

aux graines de jujubier… Pour faire descendre

tout cela, un jus de bissap, de gingembre,

de tamarin, ou une “Gazelle”, la bière locale.

Bienvenue à Dakar, où les régions du Sénégal

rencontrent le monde entier!

Tabaski. Dans les quartiers populaires de Dakar,

chaque cour abrite au moins un mouton, souvent nourri avec les déchets de la maison et des fanes (tiges et feuilles) d’arachide. Il y en a des centaines de milliers, disséminés dans les quartiers. Le jour de la fête de la Tabaski — l’équivalent de l’Aïd-el-Kebir — est une occasion joyeuse de manger beaucoup de viande, et un moment important de retrouvailles et de partage pour les familles dakaroises.

Produits et informations : ça circule !

De bonnes routes permettent maintenant d’acheminer rapidement le poisson depuis les villes côtières vers Dakar. Mais les bancs de poissons se déplacent : tel jour les pêcheurs de Kayar, au nord, reviennent bredouilles, tandis que ceux de Mbour ou Joal, au sud, ont leurs pirogues pleines; le lendemain, ce peut être l’inverse. Les mareyeurs répartissent leurs

véhicules sur les principaux lieux de débarquement. Dès que les premières pirogues arrivent, ils se précipitent pour évaluer les prises, appellent immédiatement leurs chauffeurs par téléphone mobile et réajustent la répartition des camions. Cette utilisation inventive des nouvelles techniques de l’information va même plus loin. Manobi, une société française implantée au Sénégal, propose aux pêcheurs, aux agriculteurs et aux commerçants des services en temps réel sur leur téléphone mobile : météo personnalisée, cours du jour, état des transactions, etc.

Connecté. M. Ndoye,

producteur de tomates, vérifie les prix et la demande des différents marchés avant de négocier avec les grossistes qui viendront collecter ses produits.

Poisson séché. Sur la Petite

Côte sénégalaise et à Dakar, des dizaines de milliers de femmes spécialisées transforment les produits de la pêche. Le keccax (sardinelle braisée, salée et séchée) est utilisé dans de nombreux plats, dont le ceebu keccax. Le yeet, mollusque fermenté et séché, relève le goût du ceebu jën. Le geej, un poisson fermenté, salé et séché, est utilisé en petites quantités comme condiment dans les plats à base de poisson frais.

Spot. Dakar a été fondée en 1857

par un capitaine de vaisseau français. Capitale de l’Afrique-Occidentale française (AOF), la ville a paradoxalement longtemps vécu en dehors de l’Afrique, isolée sur la presqu’île du Cap-Vert, à gauche de l’image. Elle se développe désormais de plus en plus hors de la presqu’île, vers l’intérieur.

Tangana. Le matin, les Dakarois

prennent volontiers le petit déjeuner dans un tangana (“c’est chaud”). Asseyez-vous et faites donc comme votre voisin : tartinez de mayonnaise des tranches de baguette de pain et trempez-les dans un café instantané au lait concentré sucré. Ça cale !

Petites entreprises agroalimentaires

Les ménagères urbaines ne savent pas ou n’ont plus le temps de piler les céréales, extraire l’huile d’arachide, fumer le poisson... Aussi, la transformation agroalimentaire artisanale est devenue un secteur dynamique. Il représente un nombre considérable d’emplois et de revenus accessibles avec des investissements limités. Les femmes travaillent seules ou en groupement et on voit se multiplier depuis peu des PME mécanisées. La qualité des produits est variable et les artisanes sont demandeuses de formations. Avec des ONG sénégalaise et française (Enda-Graf et le Gret), le Cirad a développé des formations adaptées et aidé à leur structuration en organisations professionnelles. Un vaste programme d’échange d’expériences entre artisanes de plusieurs pays d’Afrique a été ainsi mis en place. Avec les centres de recherche technologique africains, le Cirad travaille à résoudre les problèmes de mécanisation des procédés et à améliorer la qualité des produits.

Les céréales

locales à la

reconquête du

marché urbain

En dehors de la Casamance au sud du Sénégal qui est traditionnellement cultivatrice et consommatrice de riz, le reste du pays se nourrissait essentiellement de mil avant la colonisation. Au début du siècle dernier, les Français ont commencé à importer de la brisure de riz, produit des rizeries d'Indochine, afin de nourrir à faible coût les citadins et les paysans sénégalais qui cultivaient de l'arachide pour l'exportation vers la métropole. Progressivement, la brisure de riz s'est imposée partout et est même devenue le support du plat national, le ceebu jën. Depuis les années 1980, le gouvernement a décidé de reconquérir les marchés urbains avec les céréales sénégalaises. Il a relancé la production de riz sur les périmètres irrigués du fleuve Sénégal par la construction de barrages. Il a lancé un vaste projet de promotion du mil sur le marché dakarois et a encouragé la production locale de maïs.

Regardez une carte :

tout à l’ouest de l’Afrique

de l’Ouest, à l’extrémité du

Sénégal, Dakar pointe son nez vers l’océan

Atlantique. On dirait qu’il hume les odeurs des

cargaisons du monde entier ! La mondialisation

a-t-elle gagné les Sénégalais ?

Un port au bout

de l’Afrique

Le Cirad au Sénégal

Le Cirad contribue à la sécurité alimentaire et au développement de nouvelles activités en milieu rural et périurbain. Il inscrit ses activités dans le cadre d’une coopération avec la recherche, l’enseignement, les organismes de développement et les organisations de producteurs du Sénégal.

Quelques actions phares

• Meilleure intégration des systèmes pastoraux en zone sèche dans les politiques nationales.

• Appui aux filières agricoles pour des productions de qualité performantes et durables : légumineuses, céréales, cultures maraîchères, viandes bovines, ovines et poulets de chair. • Participation dans les formations diplômantes de l’université de Dakar en amélioration des plantes et de l’université de Saint-Louis pour l’appui au processus de décentralisation.

Pêche miraculeuse. Les eaux

sénégalaises sont parmi les plus poissonneuses du globe en raison d’un phénomène appelé “upwelling”. C’est une remontée d’eaux froides, riches en sels nutritifs, le long de la pente du plateau continental sous-marin. L’action du soleil provoque alors une importante production de plancton, base de la chaîne alimentaire.

Maraîchage. La population de Dakar

augmente continuellement et consomme toujours plus de tomates, de haricots verts, de courges, de manioc, d’oignons, de choux, etc. Un maraîchage intensif, recourant souvent à des variétés performantes sélectionnées par la recherche, s’est développé en périphérie de la ville. Il est cependant menacé par la spéculation foncière et par la baisse de la nappe phréatique. Dans le passé, l’eau était à deux ou trois mètres sous la surface du sol ; il faut parfois maintenant la puiser jusqu’à sept ou huit mètres de profondeur.

Soir. Les nuits de Dakar sentent les

effluves des rôtisseries populaires ouvertes la nuit et qui servent du mouton grillé. Les morceaux de viande choisis par le client sont débités devant lui, d'où le nom dibiteries.

Dévaluation. En janvier 1994,

le franc CFA a perdu 50 % de sa valeur par rapport aux autres monnaies. Cette dévaluation a rendu les produits d’exportations (coton, arachide, etc.) plus compétitifs. Elle s’est aussi traduite par une diminution du pouvoir d’achat et de la qualité de la vie des urbains. Les citadins — particulièrement à Dakar — consomment beaucoup de produits importés et sont rarement impliqués dans les activités d’exportation. Le gouvernement du Sénégal a lancé, en 1995, un Projet de nutrition communautaire (Pnc) pour empêcher une plus grande détérioration de la situation nutritionnelle dans les quartiers pauvres des cités. Il s’agissait notamment d’éduquer les mères et de repérer et prendre en charge les enfants à risque en leur fournissant une alimentation de complément. L’Institut de recherche pour le développement (Ird) a participé à l’évaluation de ce projet. Sur cette base, le Sénégal a décidé, en 2002, de généraliser ces activités dans le cadre d’une véritable politique de nutrition.

Bissap. Le bissap, ou oseille de

Guinée, est une variété d’hibiscus à fleurs rouges — Hibiscus sabdariffa — dont on utilise le calice pour faire une boisson. Ce jus rouge et désaltérant est vendu à tous les coins de rue de Dakar.

Dakar

• Petites entreprises agroalimentaires et cuisine urbaine

Une seule marmite pour le thieboudiène

Comme beaucoup de plats sénégalais, le ceebu jën (riz au poisson) est une création, une véritable invention à partir d’ingrédients d’origines très diverses. C’est un plat dit “une marmite” où le riz, le poisson et les ingrédients de la sauce mêlent leurs parfums lors de la cuisson, alors que la plupart des plats africains à base de céréales sont dits “deux marmites” : la sauce cuit à part.

Repas. On mange rarement seul à Dakar. Le repas est un moment de partage et la politesse veut que quiconque passe au moment du repas est invité à le partager avec les convives. C’est pourquoi on prépare toujours un peu plus que pour le nombre prévu de convives. Dans les villages mais aussi encore à Dakar, le repas se prend accroupi par terre ou assis sur un petit tabouret, les convives étant disposés autour d’un plat commun, le “bol” posé sur une natte. On se déchausse avant de marcher sur la natte, puis on se lave les mains en versant de l’eau au-dessus d’une bassine qui circule entre les convives. Le maître ou la maîtresse de maison rend grâce à Dieu, invitant par là à commencer à manger. On n’utilise

que la main droite, la gauche étant réservée à d’autres usages. On mange souvent directement avec la main ou avec une cuillère, plus rarement avec une fourchette. Pour ses hôtes, la maîtresse de maison enlève les arêtes du poisson ou place devant eux les meilleurs morceaux. On ne boit qu’une fois le plat principal fini. C’est plus au moment du rituel du thé qui suit le repas que se délient les langues . Quotidien. “Un Sénégalais ne peut pas se passer du ceebu jën de midi. Les femmes préparent pendant trois ou quatre jours dans la semaine rien que du ceebu

jën, ce n’est que durant le

week-end qu’elles songent à faire du

yassa ou du mafe pour diversifier

un peu et amener les enfants à s’habituer à d’autres plats.”

Témoignage de Y. Diop, du quartier populaire de Guediawaye.

Ingrédients 500 g de riz • 500 g de poisson • 100 g de poisson séché • 1 chou vert • 1 carotte • 1 racine de manioc • 1 oignon • 1 aubergine • 2 citrons • 1/4 l d’huile • 100 g de tomate concentrée • Sel, ail (1/4 de gousse), piment (sec) Préparation 1. Piler la gousse d’ail, un

demi-paquet de persil, du sel, du poivre, un peu de piment (sec). 2. Nettoyer le poisson, le piquer en trois ou quatre endroits et introduire dans les trous la farce préparée.

3. Faire chauffer l’huile dans une cocotte, y jeter les oignons, le sel, la tomate délayée dans un peu d’eau ; 2 minutes après, mettre le poisson et laisser mijoter un peu (environ 5 min.). 4. Ajouter un litre et demi d’eau et les légumes pelés, laisser cuire pendant une heure. 5. Quand les légumes sont cuits, les

retirer ainsi que le poisson et un peu de sauce. 6. Dans le bouillon qui reste, jeter

le riz lavé, couvrir, laisser cuire 15 minutes. 7. Servir le riz dans un plat chaud,

(4)

On mange tout le temps à Hanoi ! Dans l’ancienne ville

marchande des “trente-six rues” comme dans les faubourgs

modernes de cette agglomération de trois millions d’habitants,

tout le monde s’affaire, produit, transporte, prépare… et déguste

l’une des meilleures cuisines du monde, et l’une des plus variées.

H

anoi est une ville délicieuse dans la

lumière du petit matin, avant que la

foule ne s’anime, quand les toits de tuiles de

la vieille ville craquent au soleil, quand les

façades jaune sombre se décomposent en

différents tons d’orange ou de rouge fané.

Hanoi est verte, aussi, comme ses parcs,

comme les grands arbres plantés autrefois sur ses boulevards

par les Français ; aujourd’hui immenses, ils donnent à la ville

sa fraîcheur.

Les gens s’assoient pour boire un thé sur le trottoir, un thé vert

merveilleusement amer, et fument du tabac dans de longues pipes

de bambou. Et ils mangent : à la maison, au fond de l’atelier ou

sur le trottoir devant le magasin, à une table de restaurant ou

à croupetons près des paniers

d’une cuisinière ambulante,

manger est presque toujours une

occasion de partager, de rire ou

simplement d’être ensemble.

On mange donc rarement seul

à Hanoi, et on y mange de tout :

du riz sous toutes les formes

possibles, tous les légumes de

la Terre et quelques autres, la

viande de tout ce qui bouge,

la chair de tout ce qui nage.

De tout, mais pas n’importe

comment : en pâtés, en soupes,

en nems, en beignets, en

Hanoi

• Agriculture périurbaine et qualité sanitaire des aliments

Marchés.Il ya plus de 300 marchés à Hanoi, simples marchés de rue pour la plupart. C’est là que les habitants de Hanoi trouvent les produits venus directement de la campagne environnante.

Une planification urbaine qui intègre l’agriculture

Les instances politiques locales ont défini les orientations du développement de l’agriculture périurbaine à Hanoi, et souhaitent : • développer l’agriculture, avec un souci d’amélioration de la qualité

des produits et de respect de l’environnement ; • poursuivre la spécialisation des villages périphériques : légumes,

élevage laitier, production de fleurs, vergers… ; • encourager la pratique de toutes les formes de pisciculture ; • organiser la distribution : marchés de gros et marchés spécialisés. Cette planification s’appuie entre autres sur un travail de cartographie mené par une équipe franco-vietnamienne de recherche (Vtgeo/Cnrs). Un Atlas infographique de la province de Ha Noi, publié en 2003, rassemble ces cartes et données.

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Les “légumes propres”

À Hanoi, la plupart des légumes périssables sont produits dans la “ceinture verte”. Chaque village a sa spécialité : à Yen My la tomate, à Tuu Liêt le liseron d’eau, à Thach Bàn le chou… autant de cultures intensives dans des zones souvent polluées par la ville. La presse révèle régulièrement des cas d'intoxications alimentaires, souvent liés à l'utilisation excessive de pesticides, et les consommateurs sont devenus très sensibles à la qualité des légumes. Le gouvernement a lancé il y a quelques années le programme “légumes propres” qui concerne 19 communes de la province. Ils sont cultivés selon un cahier des charges prévoyant une utilisation raisonnée d'engrais et de produits de traitement. Les terres choisies sont bien drainées, elles sont irriguées par forage ou par l'eau du fleuve Rouge et de l'un de ses affluents. Les “légumes propres” se trouvent dans toutes les cantines scolaires de Hanoi et dans de nombreux restaurants, marchés et boutiques. Ils ne représentent encore pourtant que 5 % de la consommation de la ville. Il reste donc beaucoup à faire pour mieux les promouvoir et leur faire gagner la confiance des consommateurs. Une équipe franco-vietnamienne de chercheurs étudie les conditions de production, la qualité de ces légumes, leur commercialisation et leur consommation.

Canards.Comme les oies, les canards jouent un rôle important dans l’agriculture vietnamienne : ils nettoient les cultures des mauvaises herbes, mangent toutes sortes de déchets… et chassent les intrus !

Supermarchés. Il y a déjà une trentaine de supermarchés à Hanoi. Très exigeants sur la qualité, ils incitent leurs fournisseurs à de gros efforts, c'est ce qui fait leur réputation. Ils peuvent donc jouer un rôle d'entraînement pour améliorer la qualité des produits.

Motos.Les motos Minsk, de fabrication biélorusse, sont très utilisées sur les pistes des montagnes du nord du Vietnam, parce qu’elles sont puissantes et qu’elles peuvent être réparées facilement. À Hanoi, en revanche, les scooters à grandes roues Honda Dream se comptent par milliers : on n’a pas peur de les charger, comme tout ce qui roule au Vietnam. Riz.Il n'y a pas un riz mais

plusieurs et un grand nombre de mots pour les nommer : le com (prononcer queum) est le riz de tous les jours servi avec un bouillon de légumes ; le gao thom est un riz extraordinairement parfumé qui embaume toute la maison pendant sa cuisson ; le xoi (prononcer soye) est le riz gluant plutôt consommé au petit déjeuner ou utilisé pour la confection de gâteaux de fête ; le côm (prononcer quôm) est le jeune riz gluant conservé dans des feuilles de lotus qui le parfument, mangé avec des bananes ou du kaki à l'automne au moment des récoltes.

Pho.Au petit déjeuner et à toute heure, on déguste un bol de pho (prononcer feu) comme on irait chez nous boire un café. Cette soupe est considérée comme l'âme de la cuisine de Hanoi. C'est un bouillon de bœuf parfumé à l'anis étoilé et au gingembre versé sur des lamelles de viande et des nouilles de riz.

Repas.La famille de Doan Vu Luu Hong réunie pour le repas de midi : son épouse donne à manger à leur fils. C’est sa mère, au fond avec son mari, qui a préparé le repas que partagent également la femme de ménage et sa fille. Au

menu ce midi : du tofu (pâte de soja fermenté) avec des feuilles d’échalote,

de la viande hachée de porc, des crevettes sautées dans l'huile et le nuoc mam, des lamelles de viande de porc, une soupe très relevée à la viande et aux légumes, du poisson frit que l’on trempe dans une sauce au nuoc mam et à l’ail, des légumes bouillis, un bouquet aromatique de persil, coriandre, laitue, perilla (une espèce de sésame qui n'existe pas en France) et tiges d'échalote et du bouillon de légumes. Le riz reste au chaud dans l’autocuiseur.

Ingrédients Poitrine de porc : 500 g Épaule de porc : 500 g Échalotes : 50 g Ciboulette : 50 g Nuoc mam : 10 cl Sucre : 50 g Poivre moulu : 2 cuillers à café 1 litre de “sauce universelle” préparée avec : nuoc mam (3 cuillers à soupe), vinaigre (2 cuillers à soupe), eau (300 ml), 1 piment rouge, sucre (2 cuillers à soupe), jeune carotte et papaye (100 g), ail (3 gousses) et poivre moulu (1/2 cuiller à café) Salade mesclun aux herbes Préparation • Émincer la poitrine de porc

et hacher l’épaule de porc. • Faire une sauce caramel avec les deux tiers du sucre. • Mariner pendant

quelques heures les deux viandes de porc séparément avec le nuoc mam, les échalotes hachées, la ciboulette ciselée, la sauce caramel, le sucre, le poivre moulu. • Ranger le porc émincé et les boulettes

aplaties de porc haché en couches minces sur des grilles et poser sur la braise. • Servir chaud avec la sauce universelle,

la salade mesclun et des nouilles bun.

Très ancienne spécialité des rues de Hanoi, cette grillade se mange le plus souvent dans la rue. On remplit son bol de sauce, on ajoute les petits morceaux de porc croustillants, un peu de mesclun d'herbes et on trempe les nouilles fraîches. On mange le tout avec des baguettes. Le bún cha, une petite grillade de porc

Chaud.Traditionnellement, on cuisine à Hanoi sur des braseros au charbon “nid d’abeille”, des cylindres moulés d’anthracite avec des alvéoles pour l’aération. Le Cirad au Vietnam

Le Cirad a 18 agents au Vietnam et mobilise une cinquantaine de chercheurs vietnamiens. C’est le plus gros intervenant français dans le domaine de la recherche de ce pays. Il intervient dans le cadre des grands enjeux nationaux : intensification des productions, accès aux marchés et organisation de filières de qualité, agriculture durable et environnement, biodiversité. Il répond au besoin essentiel d’une agriculture de qualité, qui commence au champet intègre des critères environnementaux jusqu’à la consommation (2 pôles de compétences en partenariat Malica et Prise) y compris biodiversité. Deux actions de coopération répondent directement à la réduction de la pauvreté : Agroécologie et Biodiversité animale. LES PARTENAIRES

• Le partenaire principal du Cirad au Vietnam est le Mard ministère de l’agriculture et du développement rural. • Les principaux instituts qui dépendent du Mard : Vasi (sciences

agronomiques), Sofri (recherche sur les fruits), Rifav (recherche sur les fruits et légumes), Ircv (caoutchouc), Niah (élevage), Nivr (vétérinaire), Nipp (protection des plantes), institut de génétique, Nisf (sols et fertilisants), Isa (sciences agronomiques du sud Vietnam), Clrri (riz). L’institut de sociologie IOS comme celui de biotechnologie qui dépendent du Centre national de la recherche vietnamien. • Les universités de Ho Chi Minh, de Can Tho, d’Angiang, l’université

agricole de Hanoi.

• Les sociétés vietnamiennes Aagifish (aquaculture), Quang Ngai Sugar Corporation, Vietnam Cotton corporation, Jeruco (hévéa), Vinacafe (café) et françaises : Proconco (alimentation animale), Ledun (traçabilité des poissons), Gyuomar’c (alimentation du bétail).

Maraîchage. Avec l’élargissement des limites de la ville, des zones agricoles se retrouvent entourées par le tissu urbain et deviennent l’objet

de spéculations. Spot.La ville de Hanoi photographiée par le satellite Spot. On distingue nettement la vieille ville sur la rive droite du fleuve Rouge

(à gauche sur la photo, avec les lacs en noir) et les nouveaux quartiers urbains du district de Gia Lam sur la rive opposée. Le fleuve Rouge tire son nom des alluvions rougeâtres qu’il charrie, mais c’est invisible à cette distance !

Légumes propres. Les recherches sur la filière maraîchère passent par des enquêtes de terrain, dans les champs ou ici dans un marché. Ci-contre, une affiche de publicité pour une utilisation raisonnée des pesticides.

À découvrir.Quelques légumes vietnamiens peu ou pas connus en France (de gauche à droite et de haut en bas) : choy sum ou cai ngot (Brassica rapa var.

parachinensis) • christophine ou xu xu (Sechium edule [Jacq.] Swartz) • courge

amère ou muop dang (Momordica charantia L.) • épinard de Ceylan ou mông toi

(Basella alba, B. rubra) • haricot kilomètre ou dau dua (Vigna sesquipedalis)

• liseron d'eau ou rau muang (Ipomoea aquatica Forsskal). Au restaurant,pas question de

commander chacun son plat ! On choisit ensemble divers mets à base de viande, de poisson, d'escargots, accompagnés de légumes que l'on trempe dans diverses sauces: de nuoc mam (poisson fermenté), de soja (tuong), de piment, le tout agrémenté de bouquets d'herbes aromatiques. Le riz est toujours présent à la fin du repas. On boit de la bière pendant le repas : Bia Hanoi, Tiger,

Halida… les marques sont nombreuses.

À la fin du repas, quelques verres d'alcool de riz, dans lequel on peut avoir fait macérer des serpents.

fondues. Mille préparations sophistiquées,

merveilleusement parfumées et délicatement

présentées, avec un souci permanent de la

fraîcheur et de la propreté des ingrédients. Les

couleurs des plats répondent aux couleurs de

la ville, et leur disposition élégante au souci

d’harmonie de ses habitants.

Nutrition. L'anémie par carence en fer affecte beaucoup les femmes, les nourrissons et les jeunes enfants des pays en voie de développement, notamment au Vietnam. Le déficit d'origine alimentaire peut être comblé par un supplément en fer. Une équipe de chercheurs franco-vietnamiens a comparé l'efficacité des modes de supplémentation chez des nourrissons vietnamiens en milieu rural. Cet essai, le premier réalisé chez les tout-petits, permet d'envisager un meilleur traitement de l'anémie ferriprive dans les pays en voie de développement.

Fleuve Rouge

et ceinture verte

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Addis Abeba

Addis-Abeba

• Produits de terroir et métiers de l’alimentation

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L

’Éthiopie, le pays le plus rural d’Afrique, apparaît au

voyageur surpris comme une mosaïque de champs colorés

mêlant le jaune du noug (une plante oléagineuse ressemblant au

colza), le vert sombre du messer (lentille rouge), l’ocre du teff,

le vert tendre des pâturages et le noir des terres en jachère.

Située au centre du pays, à 2 400 mètres d’altitude, la ville

reflète ce mélange de paysages. Patchwork de toutes les

ethnies, Addis-Abeba est un agglomérat de quartiers ou

“villages” qui peuvent presque se reconnaître à l’odeur de leur

cuisine. Ils ont en commun l’injera (une sorte de grande crêpe

élaborée à partir de farine de teff), le berberi (piment rouge très

puissant) et le shuro (purée de pois cassés) qui constituent la

base des repas quotidiens. Dans les quartiers Gouragué ou

Sidamo, les senteurs aigres du kotcho (pulpe fermentée de

bananier), mêlées à celles du beurre rance, imprègnent

jusqu’aux vêtements des passants. Le soir, les fumées

d’eucalyptus s’échappent des cuisines et se

joignent à l’odeur piquante des sauces épicées.

Dans tous les débits de boisson de la capitale,

les bounabet (maison du café), tedjbet (maison

de l’hydromel), tchaïbet (maison de thé)

et arekebet (maison de l’areke), les effluves sont masqués au

petit matin par les fumées de l’encens et de la myrrhe qui

envahissent les locaux.

Ces activités de service, de transport, de transformation et de

commerce font vivre des milliers de personnes, des portefaix

aux gros négociants, des petites employées de maison aux

camionneurs. Au centre d’une toile vibrante d’échanges et

de richesses, Addis-Abeba alimente ainsi elle-même sa propre

activité, comme si le reste du monde n’avait jamais existé,

comme si la mondialisation des cultures alimentaires ne devait

jamais atteindre les frontières de l’ancien empire abyssin.

Voyez s’avancer, sur les routes en étoile de l’Éthiopie, les camions, les ânes et

les mules, et le bétail au pas lent des plateaux abyssins, et les femmes courbées à s’en

casser sous le poids des fagots. C’est tout un peuple qui converge vers Addis-Abeba,

vers le merkato, l’immense

marché. C’est tout un pays qui

perpétue la plus extraordinaire

des cultures alimentaires.

Le Cirad en Éthiopie

L’Éthiopie étant d’abord un pays d’élevage, les activités de recherche du Cirad s’y sont essentiellement développées depuis 1961 dans le domaine de l’élevage et de la médecine vétérinaire. Cette coopération de longue date s’est appuyée sur des partenariats solides, notamment avec le Laboratoire national vétérinaire (Nvi) et l’International Livestock

Research Institute (Ilri). Ces travaux ont donné lieu à la mise au point de vaccins et de

nouvelles méthodes de diagnostic, à une meilleure connaissance de la dynamique des pâturages naturels et à l’amélioration des systèmes d’élevage. Plusieurs études ont aussi été réalisées pour le compte d’ONG comme Vétérinaires sans frontières ou Action contre la faim. Un grand nombre d’étudiants et de chercheurs éthiopiens ont été formés. Actuellement, les thèmes prioritaires de l’action du Cirad en Ethiopie concernent le développement des filières laitières périurbaines et l’identification des mécanismes épidémiologiques qui affectent la santé des animaux. Les liens avec les partenaires traditionnels sont renforcés tout en s’ouvrant à d’autres institutions nationales comme l’École nationale vétérinaire de Debré Zeit. En raison de la richesse de l’agriculture éthiopienne, plusieurs actions sont envisagées dans le domaine de l’agronomie.

Le merkato,

centre de l’Éthiopie

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1. Teff (Eragrostis teff ou

E. abyssinica, famille des Poacées).

Son goût est différent selon les variétés et les terroirs. Le teff de Debre Zeyt ou teff du roi, de couleur blanche, est le plus réputé et le plus cher. Sa culture est complexe : il faut longtemps travailler la terre avant le semis — à l’araire, et par le pétinement des bœufs — jusqu'à la réduire en poudre. 2. Lin (Linum usitatissinum, famille des Linacées). On extrait de cette plante oléagineuse une huile consommée en période de jeûne à la place du beurre. Le tourteau sert à l'alimentation des bovins et participe donc à l'intensification de l'élevage laitier. 3. Lentille (famille des Lotoïdées). Les lentilles sont riches en protéines végétales et servent à la préparation du shuro, une purée qui est la base de l'alimentation en période de jeûne, et même hors jeûne pour les familles urbaines peu aisées. 4. Pois(Pisum, famille des Lotoïdées). Différentes sortes de pois sont utilisées dans la cuisine éthiopienne pour préparer le shuro ou l’alitcha, une autre purée épicée. 5. Sésame (Sesamum indicumde, famille des Pédaliacées). Les graines de sésame agrémentent le pain, et servent à fabriquer de l'huile. 6. Tournesol (Helianthus

annuus, famille des Astéracées). C’est

la plante oléagineuse bien connue en Europe, mais en Éthiopie elle sert aussi à fabriquer une boisson rafraîchissante. 7. Noug(Guizotia abyssinica famille des Compositées). C’est une plante oléagineuse particulière à l’Éthiopie. L’huile de noug a plus ou moins les mêmes usages que l’huile de lin. 1 2 3 4 5 6 7

Le merkato, une ville dans la ville

Créé par les Italiens, le merkato est le cœur marchand d’Addis-Abeba, dont il occupe plusieurs centaines d’hectares. C’est le plus grand marché d’Afrique. Il emploie près de 15 000 personnes dans 7 000 entreprises : détaillants, grossistes, fournisseurs associés, etc. En plus d’approvisionner la ville, il sert aussi, d’une certaine manière, de port à l’Éthiopie : les produits agricoles de tout le pays – notamment le café, la principale marchandise d’exportation – passent par là avant d’être exportés par la voie de chemin de fer vers le port de Djibouti. Le merkato concentre tout ce que le peuple de la capitale mange et boit, par rues spécialisées : la rue du beurre rance en mottes entourées de feuilles d’enset, le quartier du kotcho, les ruelles aux épices où les passants éternuent, les passages où s’entassent les sacs de teff, les marchands de café du Harrague ou du Sidamo, le quartier de l’huile de

noug où même les femmes apparaissent brillantes d’huile sur leur

corps et leurs vêtements, la rue des lentilles, celle des oignons et les étals de bouchers où les amateurs de viande crue viennent se servir à même la carcasse, le quartier des œufs et des poulets pour la préparation du doro wot. On est ici dans le “ventre d’Addis“ comme les Halles étaient autrefois le ventre de Paris.

Les noms et les terroirs du beurre

Il n’y a pas un beurre à Addis-Abeba, mais des beurres. Le lega est un beurre frais des régions proches d’Addis-Abeba où se développe la production laitière périurbaine. On le mélange à un tartare épicé, le ketfo, et on en met dans le café, qui est alors servi salé. Autres beurres, autres terroirs, autres usages. Les beurres rances des provinces plus lointaines – du Gojjam, du Wellega à l’ouest – sont réputés pour leur qualité. Le mekakelegna (demi-rance) sert à préparer le gemfo, la bouillie de céréales bien

riche des marathoniens éthiopiens. Le bessal (rance) relève les wot, ces sauces si spécifiques de la cuisine éthiopienne. Ces beurres lointains et estimés sont manipulés, mélangés et transférés, depuis le collecteur local qui entasse les petits cônes achetés aux paysannes dans des grands sacs, jusqu’aux négociants qui vendent le beurre en motte. Ces commerçants, riches et influents, sont les maîtres incontestés du

merkato dont ils ont assuré le développement, faisant vivre des milliers

d’intermédiaires, employés et dépendants.

Le Cirad accompagne les filières de production animale, se concentrant sur la santé animale, source de pertes de production dramatiques pour le pays. Avec le développement de l’urbanisation, l’agriculture intra- et périurbaine et les problèmes de qualité des filières laitières sont étudiés avec une attention croissante par la recherche.

Miel.Dès que l’on franchit les limites de la ville, on peut voir les grandes ruches placées en hauteur dans les arbres. Le miel récolté est vendu en grandes quantités au

merkato, souvent dans les mêmes

étals que le beurre, mais pas par les mêmes marchands.

Hydromel.Le tedj, l’hydromel traditionnel éthiopien, s’obtient en mélangeant du miel et de l’eau et en y ajoutant du geisho, une plante qui accélère la fermentation. Chaque débit de tedj a sa recette et prétend offrir le meilleur de la ville. Un sujet de conversation inépuisable pendant qu’on le boit dans de petites fioles en fin d’après-midi… Kotcho.L’enset est un cousin

éthiopien du bananier. La pulpe de son tronc est râpée et fermentée. Au marché, la vendeuse râpe le kotcho. À la maison, on l’humecte d’eau ; il gonfle, est retravaillé et cuit entouré de feuilles de bananier. Découpé en carrés souples et gélifiés, il accompagne la viande crue au beurre rance. C’est une assurance contre la faim en cas de pénurie de céréales. Au nord de la ville (gris-bleu) on

voit sur cette image Spot les collines d’Entoto, contrefort des hauts plateaux (rouge sombre) au climat propice à l’élevage et à la production laitière. Le développement urbain — industrie et services — s’effectue au sud, suivant la route de Debre Zeyt vers la Rift Valley. Les taches bleu foncé au sud sont des réservoirs d’eau entourés de végétation rouge.

Cafés. L’Éthiopie a presque inventé le café, qui fait toujours l’objet d’une consommation où les rites tiennent autant de place que la boisson elle-même. De la brève occupation italienne, Addis-Abeba a pourtant gardé le goût de l’expresso et des percolateurs.

Cène. La Cène, représentée ici par un illustrateur anonyme du

Manuscrit des miracles de Marie

au XVIesiècle, montre le Christ mangeant seul, pendant qu’une partie des apôtres partage l’injera (en haut à droite) et que les autres boivent de l’hydromel. Jeûne. La religion orthodoxe,

majoritaire à Addis-Abeba, rythme la vie quotidienne. Il y a sept périodes de jeûne dans l’année – en plus du mercredi et du vendredi jeûnés toutes les semaines – dont les très longues périodes de maigre de Pâques et de Noël. En revanche, la rupture du jeûne et les fêtes religieuses ou familiales (ci-dessous, un mariage) sont l’occasion d’agapes mémorables ! De ce fait, la capacité de reporter la consommation de produits agricoles par le stockage est essentielle pour assurer une continuité de l’approvisionnement malgré ces ruptures.

L’injera, socle de la cuisine éthiopienne

Même si le pain de type occidental commence à rencontrer un certain succès, l’injera reste un élément fondamental de la cuisine éthiopienne. C’est une galette de

teff, une céréale

spécifique – endémique – des hauts plateaux abyssins.

Injera.L’injera sert de plateau, d’assiette et d’aliment. On y dispose des purées de pois, de haricots ou de lentilles savamment épicées et pimentées, de l’épinard éthiopien (gomen) et du poivron vert. Pour manger, on prend avec les doigts un petit morceau d’injera et on s’en sert pour attraper une portion de purée, de légumes ou de viande.

Beurre.Stocké dans des sacs de jute ou de plastique au

merkato, le beurre est souvent

vendu emballé dans une feuille d’enset dans les marchés secondaires de la ville.

Doro wot.On trouve souvent du doro wot sur l’injera, sauf en période de jeûne. C’est de la viande de poulet ou de jeune coq longuement cuite avec des œufs durs dans une sauce épicée.

Gurcha.Soyez aimable et polis : à la fin du repas, offrez une bouchée d’injera à votre voisin, et acceptez de bonne grâce celle qu’il vous met en bouche !

Crêpe.La fabrication de l’injera est simple : c’est une crêpe épaisse, que l’on prépare sur un four spécifique, le

metad. Il faut graisser le

support de cuisson avec un peu d’huile et étaler la pâte liquide, refermer le plateau en terre cuite et contrôler le feu pendant la cuisson. Quand l’injera est cuite, la décoller avec un tapis de paille tressée et stocker les crêpes dans des paniers tressés pour les trois jours de consommation prévus.

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Belem BRASILIA Rio de Janeiro São Paulo Salvador de Bahia

Belém

• Industrialisation de l’agroalimentaire

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Du tucupi dans la mare

aux canards

Le tucupi est une sauce à base de jus de manioc qui accompagne de nombreuses spécialités de Belém. Outre le

pato (canard) no tucupi, il y a

le peixe (poisson) no tucupi, le

camarão (crevette) no tucupi,

le leitão (cochon de lait) no

tucupi…

P

endant des siècles, le bois, le cacao, les épices et le

caoutchouc arrivaient par le fleuve au port de Belém, pour

être aussitôt embarqués vers l’Europe et l’Amérique du Nord.

Les maisons de commerce y prospéraient, les intermédiaires

s’enrichissaient. À la fin du

XIXe

siècle, un chemin de fer reliait

déjà la ville à la région agricole de Bragança et, le soir venu, les

élégantes foulaient à la lumière des becs de gaz les pavés

apportés d’Europe.

Aujourd’hui, un réseau de plusieurs milliers de kilomètres de

routes a placé Belém à la charnière d’un espace amazonien en

plein bouleversement. Dans la ville, l’électricité a remplacé le

gaz — sauf dans les invasões, ces pauvres “quartiers d’occupation

informelle” dont les habitants

sans titre sont les laissés pour

compte de la conquête des

terres vierges. Belém est donc

bien devenue une ville brésilienne comme les

autres. Avec le même dynamisme, la même

fierté d’appartenir à un grand pays; avec des

riches parfois très riches, avec des pauvres

souvent très pauvres, mais aussi avec une classe

moyenne qui est déjà le vrai moteur de

l’économie. Des consommateurs urbains qui

prennent de plus en plus le chemin des

supermarchés — tout en étant

toujours attachés à leur cuisine

métisse. Des petits

entrepreneurs qui se lancent

dans la transformation industrielle des produits de la

forêt, de l’agriculture locale, de l’élevage et de la pêche,

créant des produits modernes pour

le marché intérieur. C’est là,

peut-être, que se trouve

la vraie richesse du Belém

de demain — à condition de

ne pas y perdre son âme !

Pato no tucupi pour 4 personnes

1 canard • 1 litre de tucupi (jus de manioc bouilli avec de l’ail et de la chicorée) • 2 oignons émincés • 4 gousses d’ail • 4 feuilles de jambu • 2 feuilles de laurier • 4 tasses à café de vinaigre • 1 cuillère à soupe de beurre • 1⁄2 cuillère à soupe de poivre • sel Faites macérer toute une nuit le canard dans une marinade composée de vinaigre, d’oignon, d’ail, de laurier, de poivre et de sel. Frottez bien le canard avec

la marinade. Le lendemain, faites rôtir le canard au four en l’arrosant de marinade jusqu’à ce qu’il soit cuit. Coupez-le ensuite en morceaux, mettez-les dans une casserole et versez le tucupi. Laissez revenir pendant 20 minutes environ puis ajoutez les feuilles de jambu cuites. Au moment de servir, versez dans chaque assiette deux cuillères de farinha de manioc, disposez sur le dessus un ou deux morceaux de canard et arrosez avec beaucoup de sauce.

Des vaches de l’Amazonie aux steaks de Belém

Les Brésiliens sont de grands amateurs de viande, en particulier de

churrasco, le bœuf grillé. A Belém, cette viande vient de plus en plus

souvent de l'Amazonie, où d'immenses fazendas pratiquent l'élevage extensif. Plus récemment, des petits colons et pionniers se sont tournés vers l'élevage sur des parcelles beaucoup plus petites. Ils pratiquent des rotations, et laissent parfois la forêt repousser. Ce recru offre alors de nouvelles ressources intéressantes comme le bois, les fruits, le miel ou les plantes médicinales. Ces deux types d'élevage ne structurent donc pas le paysage de la même façon. La recherche évalue l'intérêt et les limites de chacun de ces systèmes, à la fois du point de vue environnemental et du point de vue de la compétitivité pour ravitailler les marchés urbains. Les petites exploitations apparaissent de ce dernier point de vue plus fragiles.

Pão de queijo. Le pão de queijo

est fabriqué avec de l’amidon aigre de manioc, du fromage et des œufs. Il est tellement apprécié au Brésil qu’une chaîne de 400 restaurants franchisés vend depuis 1967 le fameux pão de queijo de Dona Arthêmia, la mère du fondateur.

Poison. Le manioc contient de l’acide cyanhydrique. Les Indiens

d’Amazonie savent depuis des siècles éliminer ce poison qui peut être mortel. On voit ici une casa de farinha traditionnelle où le manioc est successivement roui (trempé dans l’eau), découpé, fermenté, râpé, séché et cuit.

Marajó. Le fromage de Marajó

est un fromage de bufflonne auquel les consommateurs de Belém sont attachés car il est bon marché et vendu de la main à la main dans tous les quartiers populaires. Il était, depuis plus d’un siècle, uniquement produit dans l’île de Marajó par des toutes petites fermes familiales. Une petite entreprise agroalimentaire brésilienne a breveté la formule d’un fromage similaire, pasteurisé, et en lance la production dans une laiterie ultramoderne. Il est plus sain, d’un goût plus constant, certains diraient plus fade…

L’avenir des fruits de l’Amazonie

Comment mettre en place un commerce durable des fruits de l’Amazonie ? C’est la question que se pose le Cirad, en partenariat avec la recherche brésilienne. Un inventaire est en cours, qui recense les espèces, leurs qualités nutritionnelles et leurs mode de transformation, conservation et consommation. L’açai, la noix du Brésil (Bertholletia excelsa), le buriti (Mauritia

flexuosa) et le camucamu (Myrciaria sp.) sont

très riches en micronutriments (anthocyanines, caroténoïdes, sélénium...) et en vitamines (acide ascorbique) et ont été identifiés comme pouvant rentrer dans une logique de certification commerciale.

Poisson. Les eaux de l’Amazone

sont riches, mais il a fallu interdire temporairement la pêche au pirarucu et au piramutaba (poisson-chat), dont la survie était menacée par la surpêche. De petits entrepreneurs se lancent avec succès dans l’élevage de tortues ou de tambaqui ou proposent de nouveaux produits, comme le poisson fumé au bois d’açai.

Obésité. Une étude récente a montré

que près d’un tiers des citadines brésiliennes sont en surpoids ou obèses à cause du manque d’activité physique et d’une alimentation devenue trop riche en graisses, sucre et sel. Pourtant, les services de santé de Belém ont encore à gérer des cas de malnutrition par carence, notamment dans les quartiers défavorisés.

Supermarchés. Comme toutes

les villes brésiliennes, Belém a vu se multiplier les supermarchés : les trois-quarts des achats de détail se font maintenant dans ce type de commerce ! Mais les normes de qualité imposées par la grande distribution marginalisent les plus petits producteurs. Ils doivent respecter des cahiers des charges de plus en plus contraignants : qualité des produits, conditions de livraison, paiement… Le résultat est qu’un nombre croissant de petits producteurs n’a plus accès à ce débouché qui prend chaque année une place croissante.

Prenez une forêt tropicale humide de la taille de

l’Europe, imaginez les pluies diluviennes qui s’y

abattent en permanence ; rassemblez toute cette eau

pour en faire le fleuve le plus puissant du monde.

À son embouchure, près de l’océan, posez un port.

Ce fleuve, c’est l’Amazone, ce port, c’est Belém,

une métropole moderne, active, où passent toutes

les richesses de la forêt amazonienne. Bom apetite !

Jambu. Appelé en français cresson de Pará ou spilanthe des potagers, le jambu do rio est une astéracée, comme le dahlia ou le tournesol. Ses feuilles développent un arôme puissant et piquant en bouche qui rappelle celui du poivre du Sichuan. Tucupi. Lorsque l’on écrase le manioc, il s’en

dégage deux composants distincts : l’un liquide (le

tucupi), l’autre qui se dépose au fond du récipient, la goma. À partir la goma on fabrique du tapioca que

l’on prépare en crêpes fines, les tapioquinhas. Quant au tucupi, il est longuement bouilli à plusieurs reprises pour le débarrasser de l’acide cyanhydrique.

On se lève tous pour le pain de manioc !

Le manioc est surtout cultivé pour ses racines, et le Brésil en est l’un des plus gros producteurs mondiaux. En principe, on ne peut pas faire de pain avec le manioc, car il ne contient pas de gluten et ne “lève” pas. Sauf en utilisant de l’amidon fermenté ! Traditionnellement, dans le Sud-Est du Brésil, on extrait l’amidon du manioc, on le fait fermenter et on le sèche au soleil. C’est l’ingrédient principal du fameux pão de queijo. Si on essaye de le sécher autrement, ça ne marche pas : sans l’action des rayons UV, l’amidon ne gonfle pas, et on ne comprend encore que partiellement pourquoi. Le Cirad, avec des partenaires colombiens et brésiliens, tente de percer ce mystère. Cela aiderait les industriels à mieux maîtriser la fabrication et ouvrirait des horizons nouveaux pour d’autres plantes tropicales riches en amidon, comme le taro, l’igname et la patate douce ou des céréales comme le maïs, le mil ou le sorgho.

Guaraná. Considéré comme le

fruit national par excellence, le guaraná est le fruit d’une liane d’Amazonie, Paullinia cupana. Les boissons commerciales au guaraná — qui n’en contiennent en fait que très peu — rivalisent au Brésil avec les sodas américains.

Le Cirad au Brésil Le Brésil est un partenaire incontournable du Cirad depuis près de 25 ans. Le Cirad y intervient sur de nombreuses filières (ananas, palmier à huile, hévéa, manguier, cotonnier, riz, agrumes, caféier, cacaoyer, pisciculture, eucalyptus, canne à sucre, etc.) et problématiques (fronts pionniers amazoniens, systèmes de cultures, agriculture familiale dans le nordeste, transformations agro-alimentaires).

Parmi les actions phares

• Elaboration d’outils de gestion de la qualité dans les filières agroalimentaires garantissant authenticité et sécurité des produits (Prosper).

• Adoption des nouvelles techniques de semis direct sur couvertures végétales, mises au point par le Cirad, sur plusieurs millions d’hectares du Cerrados. • Création de 5 variétés de coton Coodetec / Cirad couvrant près de 20 % des surfaces

brésiliennes.

• Mise en réseau d’équipes brésiliennes, équatoriennes, péruviennes, américaines et européennes travaillant sur les fronts pionniers amazoniens. • Recherche et formation sur les nouvelles approches liées à l’agriculture familiale :

territorialité, multifonctionnalité, agro-écologie, certification des produits, systèmes agro-alimentaires localisés.

Açaí. L’açaí est un palmier de la forêt qui produit des fruits

énergisants consommés en jus (vinho de açaí) que vendent les marchands ambulants. Mélangée à du manioc, sa pulpe est très appréciée par les populations du bord du fleuve. La teneur exceptionnelle en calcium de son jus fait qu’il est souvent donné à la place du lait dans le petit déjeuner des enfants. En général, les étrangers trouvent le goût de l’açaí un peu déroutant. Soyez patient et essayez au moins trois fois !

Farinha. Pour beaucoup de Brésiliens, s’il n’y a pas de farinha

(semoule grillée), il n’y a rien à manger ! Elle se présente sous deux formes, la farinha seca et la farinha d’água qui est, elle, préparée à partir de racines rouies (trempées) pendant plusieurs jours.

Eaux et forêts.

À son embouchure, l’Amazone se ramifie en fleuves puissants. On voit bien sur cette image Spot à quel point ils entourent Belém, dont les bas quartiers de la zone du port (à la pointe de la ville) sont régulièrement inondés. À gauche et en bas de l’image commence l’île de Marajó. Elle est grande comme la Suisse!

Ver-o-peso. Le marché du

Ver-o-peso existe depuis le

XVIIesiècle. Les marchandises y étaient taxées selon leur poids, d’où son nom : “voir le poids”. C’est un bâtiment métallique anglais qui a été transporté et reconstruit à Belém au début du XXesiècle. Il abrite le marché aux poissons et des centaines d’étals colorés, mais s’enfonce inexorablement dans les limons du fleuve.

Dendê. Les premières

graines de palmier à huile (Elaeis guineensis) ont été introduites au Brésil à partir de l’Afrique de

l’Ouest au moment de la traite esclavagiste. À Bahia, des ateliers artisanaux, les roldões, produisent traditionnellement l’huile rouge de dendê, indispensable à la cuisine créole. La culture du palmier a été introduite dans l’État du Pará il y a une cinquantaine d’années. Palmiers améliorés, stations de recherche et plantations pilotes ont été mis en place par l’Embrapa (l’organisme de recherche agronomique brésilien) et l’Irho (aujourd’hui département des cultures pérennes du Cirad). Les fruits de ces nouvelles palmeraies sont aujourd’hui transformés industriellement en huile raffinée et en margarine.

Humide.

On dit à Belém : “en saison sèche il pleut tous les jours ; en saison humide il pleut toute la journée”.

À l’embouchure

de l’Amazone

Le Chancellor.

Les naufragés du Chancellor errent depuis des semaines sur l’océan. “Dieu éternel ! Cette eau est douce! Mais où sommes-nous ?” me suis-je écrié. — A moins de vingt milles de terre ! répond Robert Kurtis. — Quelle terre ? demande le bosseman. “La terre d’Amérique, la terre où coule l’Amazone, le seul fleuve qui ait un courant assez fort pour dessaler l’Océan à vingt milles de son embouchure !” Les naufragés du Chancellor, Jules Verne, Éditions Hetzel

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