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Marchés et nouveaux territoires de l’art dans les villes du Sud. Une introduction

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97 | 2016

Marchés et nouveaux territoires de l'art dans le villes du Sud

Marchés et nouveaux territoires de l’art dans les villes du Sud

Une introduction

Sophie Brones et Amin Moghadam

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/4257 DOI : 10.4000/gc.4257

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 1 octobre 2016 Pagination : 5-14

ISBN : 978-2343-12698-2 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Sophie Brones et Amin Moghadam, « Marchés et nouveaux territoires de l’art dans les villes du Sud », Géographie et cultures [En ligne], 97 | 2016, mis en ligne le 05 décembre 2017, consulté le 21 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/gc/4257 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.4257 Ce document a été généré automatiquement le 21 janvier 2021.

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Marchés et nouveaux territoires de l’art dans les villes du Sud

Une introduction

Sophie Brones et Amin Moghadam

1 Il y a cinq ans paraissait un numéro de la revue Transcontinentales consacré aux

« marchés de l’art émergents » (Choron-Baix, Mermier 2012). Il réunissait des articles portant sur différents pays comme l’Inde, la Chine, la Turquie, les Émirats Arabes Unis et le Brésil, leurs marchés et les redéfinitions du statut de l’artiste. Dans la lignée des travaux d’Ulf Hannerz et de Sharon Zukin sur la globalisation de l’économie symbolique de la culture, ce travail, à travers l’analyse des marchés émergents, s’attachait à repérer la reconfiguration à l’œuvre des centralités culturelles à l’échelle du monde. La question du renforcement de la dimension transnationale des espaces urbains y était soulignée, et indirectement abordée (Choron-Baix, Mermier 2012). C’est à cette question, précisément, que s’attache le présent numéro de Géographies et Cultures. Le rapport entre des dynamiques marchandes régionales ou internationales et des reconfigurations urbaines y est interrogé au prisme du développement urbain et de l’investissement foncier, de la promotion de l’image des villes et d’une revendication affichée de rayonnement culturel qui en même temps participe aux projets de construction nationale. Il s’agit aussi, ce faisant, de poursuivre des réflexions développées dans le cadre d’un récent programme de recherche consacré aux enjeux sociaux, économiques et culturels de l’intégration régionale, observés en particulier au Moyen-Orient dans une acception qui va au-delà de celle, purement économique, généralement privilégiée par les organisations internationales (Vignal 2017)1.

2 Du fait de leur dimension cosmopolite, de la concentration d’activités et de ressources qui les caractérisent, les villes constituent des espaces propices pour saisir les effets de la globalisation. Elles sont à la fois des foyers d’innovation, des lieux de circulation et de diffusion des flux culturels et à ce titre elles captent des flux transnationaux en les intégrant à leur développement, donnant lieu à des configurations toujours singulières mais néanmoins comparables, à bien des égards (Puig, Mermier, 2007). Elles s’inscrivent, d’une part, dans une tension entre ce qu’Hannerz, citant Redfield et

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Singer, appelait le caractère « hétérogénétique » des processus culturels, c’est-à-dire la façon dont l’urbain génère, à partir d’une pluralité de traditions, de constantes innovations culturelles (Hannerz, 2010) et, d’autre part, l’idée selon laquelle la globalisation produit une forme d’homogénéisation des espaces à travers la diffusion de formes de communication, de modèles de consommation (y compris de la ville elle- même), de nouvelles ségrégations sociales et spatiales. Dans le contexte de globalisation se pose aussi la question des modalités d’accès et de partage des ressources qui rend problématique la renégociation des rôles et des pouvoirs des individus sur la ville (Drieskens, Mermier, 2007). Celle-ci se fonde souvent sur l’affirmation, voire la revendication d’un sentiment d’appartenance (Boullata, 2008), l’affirmation d’une autochtonie et d’un « droit à la ville » relevant comme l’explique David Harvey « du pedigree et de l’adhésion à des valeurs et à des espaces particuliers » (Harvey, 2008, p. 49). Ces expressions s’accrochent à une urbanité bien souvent fragmentée du fait des formes de la ségrégation urbaine mais aussi en raison des compétences propres aux citadins à se situer et à naviguer entre différentes sphères marquées par leurs propres codes et normes. Des circulations intra et interurbaines forment des réseaux traversant différents styles de vie, des usages et des pratiques souvent décalées par rapport à la norme dominante et organisent des rapports distincts aux temporalités et rythmes urbains (Drieskens, Mermier, 2007, p. 13).

3 Ainsi l’apparente déterritorialisation des réseaux et des flux culturels renforce la prégnance d’un constat, celui d’un nécessaire questionnement sur les formes et persistances de la localité (Appadurai, 2001 ; Raulin, 2009 ; Abélès, 2008). C’est pourquoi la question territoriale est abordée ici au prisme d’enquêtes de terrain dans les villes des pays dits du « Sud », à propos de phénomènes qui touchent aujourd’hui indistinctement différentes aires culturelles, ce qui souligne l’importance de chercher à redéfinir la catégorie « Sud » compte tenu des différentes situations et en fonction des contextes historiques et socio-économiques. Des distinctions relatives, par exemple, au rôle plus ou moins présent et autoritaire de l’État mais aussi au degré d’institutionnalisation des domaines artistiques sont repérables, quand bien même les différentes situations renvoient à une géographie d’identifications et d’opportunités liées à des histoires locales décolonisées (Levander, Mignolo, 2011). En outre, et bien qu’une approche postcoloniale remette en cause l’usage pour les pays du Sud de concepts développés pour la compréhension des phénomènes urbains des pays du Nord (López-Morales, 2015), force est de constater que ces derniers voient l’émergence d’objets urbains comparables, aussi bien dans leur forme que dans les significations qui leur sont localement attribuées. L’apport des différentes contributions permettra sans doute de reconsidérer la pertinence de cette catégorie de « Sud », puisque si elle apparaît comme un espace-temps qui offre à l’examen des processus déjà étudiés ailleurs dans le monde, elle participe aussi de la structuration de nouvelles géographies, voire de nouvelles topographies, qui restent largement à décrire.

Envisager ces processus dans un rapport de continuité et de correspondance entre divers contextes (abordant les relations sud-nord et sud-sud) devrait nous permettre de contribuer à la construction d’une pensée urbaine globale, qui saisit le changement dans la continuité.

4 Il s’agit donc de mener une réflexion sur le rôle que peuvent jouer les marchés émergents de et dans les villes, sur la relation centre-périphérie, à différentes échelles.

L’observation de leur ancrage territorial permet de repérer tant des milieux d’acteurs fortement impliqués dans les pratiques culturelles et artistiques, en lien avec le

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marché, que des systèmes de gouvernance interdépendants. La compréhension de la géographie (souvent urbaine) des lieux de l’art suppose donc d’articuler des échelles variées dans l’analyse d’un ensemble de processus de globalisation, régionalisation, urbanisation, et de formation de l’État, ce que l’historien Cyrus Schayegh définit par la

« trans-spatialisation » (Schayegh, 2017). Les villes représenteraient « la troisième force », un espace de connexion entre les individus et les États-nations (Lynn Hollen et Lees, 2007 ; Schayegh, 2017).

5 L’interaction entre la formation de l’État, « en tant que processus historique conflictuel, involontaire et largement inconscient » (en opposition à la construction de l’État en tant que création délibérée – voir Berman, Lonsdale, 1992, cité par Bayart, 1996) et le développement de la scène artistique est notamment étudiée dans les contributions de Marilena Vecco et Anahi Alviso. Les instances publiques tout comme les élites transnationales qui s’impliquent dans des projets de développement des scènes artistiques locales et des marchés adoptent souvent des rhétoriques nationalistes et développementalistes. En cela, les efforts entrepris pour l’internationalisation des scènes locales s’inscrivent tout autant dans des logiques de construction nationale que dans celles du marché, suivant des dynamiques d’expansion capitalistique. Si ce

« national-libéralisme », pour reprendre l’expression de Jean-François Bayart (2012), s’attache au domaine culturel considéré comme un lieu d’expression idéal en affectant le développement urbain, il informe aussi la connexion des États-nations à des réseaux transnationaux et translocaux (Schayegh, 2017) par l’entremise des pratiques et productions artistiques. Cela explique que, dans ce cadre, des acteurs des milieux culturels et artistiques acquièrent leur légitimité parfois d’abord en dehors des frontières nationales, avant de pouvoir s’imposer sur la scène locale. C’est en ce sens que l’analyse des pratiques artistiques et culturelles transnationales et globalisées nous renseigne aussi sur l’État en tant qu’acteur et résultat des pratiques transnationales (Bayart, 2004 ; Portes et Kelly, 2015 ; Vignal, 2017). Dans ce système néolibéral généralisé (notamment dans les contextes étudiés dans ce numéro), l’État favorise le développement des pratiques transnationales liées aux pratiques culturelles en les sous-traitant aux secteurs privé et/ou semi privé (Harris, 2013). À cet égard, l’entrepreneurialisme urbain (Harvey, 2001), qui utilise le domaine culturel comme élément principal de son développement, reconfigure aussi le rôle des acteurs publics et privés dans la définition des politiques culturelles et dans la gestion des espaces urbains concernés, jusqu’à légitimer son rôle dans l’aménagement du territoire. La légitimité de l’action privée se fonde souvent sur ses possibilités d’accès à des sphères d’influence variées aux échelles régionales et internationales ainsi que sur des contraintes moins importantes que celles auxquelles les acteurs publics sont souvent confrontés. En outre, la sous-traitance du domaine culturel coïncide avec l’ambition (non dénuée d’une forme d’anxiété) d’individus soucieux de se constituer un nouveau capital symbolique et financier à travers des pratiques de collection ou un rapprochement stratégique avec des milieux artistiques. La constitution de ces nouvelles élites urbaines correspond ainsi à l’émergence de nouvelles « sphères d’influence », dont l’art est un instrument efficace (voir les contributions de Sophie Brones et Amin Moghadam et de Gilles Martinet). Cette dérégulation du domaine culturel favorise aussi le développement d’une économie informelle, désormais constitutive du marché de la culture. De ce point de vue, le champ de la production artistique interroge au premier chef les rapports entre public et privé et entre économies formelle et informelle. Plusieurs articles de ce numéro s’intéressent à ces

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rapports au prisme des travailleurs indiens employés dans les ateliers de fabrication d’œuvres monumentales (Christine Ithurbide), ou encore de l’évolution d’institutions culturelles officiellement non lucratives – les fameux non-profit « Art Spaces » – en lieux de lobbying potentiel (Sophie Brones et Amin Moghadam).

6 Le développement des espaces urbains associés aux pratiques artistiques participe aussi au positionnement des villes dans les territoires nationaux et au sein des relations transnationales (voir notamment la contribution de Marilena Vecco). Force est de constater, lorsque l’on s’intéresse à « l’armature urbaine de la production culturelle » (Mermier, Puig, 2007), que les villes sont engagées dans un processus commun de promotion de leur image, d’affirmation de leur visibilité et du capital symbolique attaché à leur nom (Harvey, 2008). David Harvey y voit une intégration à l’économie capitaliste fondée sur l’exploitation des « avantages de monopole » propres à chaque ville, leur permettant de valoriser ce qui les distingue des autres, et d’en tirer profit. Il estime même que si la rente de monopole est toujours l’« objet du désir capitaliste, alors les moyens d’en acquérir (en s’immisçant dans le champ de la culture, de l’histoire, du patrimoine, de l’esthétique et du sens) doivent être particulièrement précieux aux yeux des capitalistes de tous poils. » (Harvey, 2008, p. 52). Ces phénomènes d’investissement du domaine culturel, que ce soit à travers le développement de « quartiers d’art » ou de la « gentrification » des centres historiques, comme des périphéries urbaines, ont abondamment été étudiés dans les villes du Nord dans les domaines de la géographie (Florida, 2002 ; Clerval, 2013 ; Grésillon, 2014), de la sociologie et de l’anthropologie (Zukin, 1987 ; Bourdin, 2008) ainsi que des études urbaines (Lextrait, Kahn, 2005 ; Charmes, 2005 ; Charmes et Vivant, 2008 ; Vivant, 2009 ; Pacquot, 2010). À propos de Montevideo en Uruguay, Gilles Martinet montre la façon dont promoteurs et investisseurs privés font des activités culturelles et artistiques un

« levier des transformations urbaines, leurs stratégies coïncidant parfois avec des politiques publiques ».

7 L’observation de ces « interférences » entre domaines privé et public pose aussi la question de l’effet des transformations urbaines induites par les processus que certains décrivent en termes de « gentrification » ou de création d’îlots urbains dédiés à la culture, sur les dynamiques urbaines globales à l’échelle des villes envisagées. Le modèle centre-périphérie est-il encore pertinent dans le contexte de la ville globale où des lieux sont interconnectés, au-delà des frontières nationales, où circulations culturelles régionales et internationales au sein du marché de l’art renforcent la structuration des champs culturels nationaux, où des réseaux d’artistes et d’acteurs participant des « mondes de l’art » se constituent à travers différents milieux sociaux, quartiers d’appartenance, et modes de communication dématérialisés ? Dans le cas d’une comparaison entre Beyrouth et Dubaï, il apparaît en effet que les modalités translocales de production du lieu en lien avec les marchés de l’art révèlent un faible effet du développement ponctuel de quartiers d’art sur le reste du développement urbain, tandis que ces domaines apparaissent plus étroitement connectés dans le cas de Montevideo en raison, certainement, de l’impact plus fort des politiques publiques (Gilles Martinet).

8 Mais interroger les marchés de l’art, c’est aussi tenter de comprendre la façon dont se font les circulations aux échelles régionales et globales, et ainsi suivre la continuité des influences et des modèles qui emboîtent le pas aux mobilités humaines. S’il semble insuffisant de ne mettre l’accent que sur l’influence de modèles dominants dans les

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transformations socio-spatiales qui voient le jour dans les contextes urbains postcoloniaux, ne considérer que des processus originaux d’appropriation locale conduit aussi à un exceptionnalisme non justifié. Au lieu de les penser en termes d’opposition, les différentes contributions envisagent des situations où apparaissent des phénomènes récurrents et l’invention de nouvelles règles en fonction de situations définies à la fois par le contexte local, national et global. C’est le cas notamment des pratiques d’Art Walk présentes dans de très nombreux pays du Nord comme du Sud.

Jéremy Molho montre, à travers une enquête menée à Istanbul qu’elles donnent lieu à des arrangements locaux liés à une topographie singulière, à l’offre culturelle locale et à sa territorialisation, mais aussi aux besoins des artistes, des galeristes qui sont liés au marché régional et global. Dans le cas du marché chinois qui a connu, comme les marchés de l’Inde, du Mexique, du Moyen-Orient et du Brésil bien qu’à des échelles différentes, une croissance spectaculaire au cours de la dernière décennie (Choron- Baix, Mermier, 2012), Franz Schultheis et Thomas Mazzurana montrent comment le cas de Hong Kong se démarque de la situation de la Chine continentale. En dépit de l’intégration fulgurante de la métropole au marché mondial, l’absence de structures publiques d’enseignement et de diffusion des productions et pratiques artistiques y freine, d’après les auteurs, la constitution d’un capital culturel susceptible de pérenniser et de renforcer cette intégration au marché.

9 Enfin, si la multiplication des nœuds dans le réseau du marché de l’art global témoigne de l’émergence de nouvelles centralités régionales, des modèles dominants issus de quelques grandes métropoles mondiales telles que New York, Paris et Londres continuent d’être actifs et structurants. De plus, les marchés de l’art contemporain sont marqués par une complexité, une interconnexion, une stratification et une différenciation dont notre compréhension et notre connaissance sont encore très partielles (Baia Curioni, Velthuis, 2015). Une « entrée » possible dans l’appréhension de ces phénomènes est celle qu’autorise la prise en considération des trajectoires d’artistes. En effet, en lien avec la globalisation des pratiques artistiques et le rôle précisément joué par les villes du Sud dans un ordre global, se pose aussi la question de la visibilité et de l’extraversion des artistes. Écrivant sur l’artiste Anish Kapoor, Denis Vidal indique que « la conséquence de la mondialisation a moins été, jusqu’à présent, de promouvoir de nouvelles figures de l’artiste universel que d’universaliser la figure de l’artiste. » (Vidal, 2009, p. 79). Il apparaît en effet que l’on assiste avec la structuration des marchés à une professionnalisation croissante au sein des « mondes de l’art » (Becker, 1998), la référence à cette notion reposant sur l’idée de la nécessaire intégration dans ce champ d’acteurs de ceux qui relèvent spécifiquement des milieux artistiques, mais aussi de leurs marges (entrepreneurs culturels exceptionnels, urbanistes, et autres acteurs qui s’y inscrivent de façon plus ou moins durable mais contribuent à un moment donné à la structuration du champ de la production culturelle). Outre la participation d’une grande diversité d’acteurs plus ou moins autodidactes à ces milieux, les artistes des villes du Sud restent tributaires d’un paradoxe selon lequel ce qui est valorisé dans le marché global des arts visuels contemporains tient à leurs origines, autrement dit au critère de l’ethnicité, quand précisément une partie d’entre eux cherche à s’en démarquer. C’est, comme le note encore Denis Vidal « une époque où “mondialisation” et “identité” semblent faire paradoxalement bon ménage » (Vidal, 2009, p. 79). Aussi, de ce point de vue, les trajectoires d’artistes redéfinissent ces rapports entre centres et périphéries, l’intérêt est ici de les considérer tant du point de vue de l’ancrage des processus créatifs

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(Christine Ithurbide) que de celui des conditions d’émergence d’artistes contemporains (Anahi Alviso), sans oublier le rôle joué par les institutions – galeries, musées, foires – (Brones, Moghadam) dans l’intégration des artistes aux réseaux de l’art. Ces approches, centrées sur des situations singulières, traversent différents domaines de compréhension des dynamiques du marché de l’art contemporain telles que les exposent Olav Velthuis et Stefano Baia Curioni à travers l’idée de tissage (Velthuis, Baia Curioni, 2015). Ils distinguent trois domaines liés entre eux : l’émergence de marchés de l’art contemporain à l’échelle globale et le développement de réseaux institutionnels et d’infrastructures lui permettant de fonctionner ; les ventes transnationales d’art contemporain entre galeries commerciales et collectionneurs ; enfin, l’intégration des marchés locaux d’art contemporain à un marché global unique fondé sur le partage et la mise en réseau d’institutions et d’organisations fondamentales.

10 L’attention à des situations et à des terrains fort divers du point de vue des régions considérées invite en outre à historiciser de tels phénomènes, puisque l’élargissement du marché de l’art et la circulation des œuvres et des artistes ne sont pas des phénomènes nouveaux. La littérature existant sur la constitution du marché de l’art pendant la période victorienne en Angleterre (Codell, 2003), voire celle portant sur la circulation des artistes au Moyen-Âge (Recht, 1998), nous montre des phénomènes comparables à ceux abordés ici. L’existence d’institutions culturelles à vocation commerciale n’est pas non plus récente dans la plupart des régions considérées, mais c’est leur structuration en réseaux aux échelles locale comme internationale qui apparaît comme un phénomène nouveau. C’est en ce sens que l’on peut dire qu’aujourd’hui Dubaï, aux Émirats Arabes Unis, fait partie de l’environnement régional d’un artiste iranien, la ville constituant une première étape dans l’accès à d’autres polarités – notamment occidentales – de l’art. La diversification des lieux de production, de commercialisation et de représentation de l’art permet de caractériser un aspect de la globalisation tout autant qu’elle autorise une étude historique et sociologique sur la formation de ces nouvelles géographies. En effet la dimension unificatrice du marché de l’art ne saurait masquer la diversité des paysages et de pratiques qui s’enracinent dans des contextes locaux fort distincts, ni les fortes inégalités entre pays du Nord et pays du Sud, en termes d’accès à l’offre culturelle et de diffusion locale, voire d’éducation aux pratiques artistiques. En ce sens, plusieurs contributions à ce numéro contredisent l’idée d’un développement du marché de l’art comme force d’émancipation des pratiques artistiques, du fait de leur inscription dans une logique spéculative.

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NOTES

1. Recherches menées dans le cadre du programme SYSREMO (Rennes 2, ESO-Rennes), dirigé par Leïla Vignal, entre 2010 et 2015.

AUTEURS

SOPHIE BRONES

École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles LéaV / LAUM (IIAC, Ehess-Cnrs

sophie.brones@versailles.archi.fr

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AMIN MOGHADAM

Sharmin and Bijan Mossavar-Rahmani Center for Iran and Persian Gulf Studies Princeton University

aminm@princeton.edu

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