THÉRAPEUTIQUE /THERAPEUTICS
Ténosynovite tuberculeuse de la gaine des tendons fibulaires
Tuberculosis tenosynovitis of the fibular sheath
A. Messoudi · Y. Benjeddi · S. Ghrib · M.A. Benhima · S. Fnini · A. Largab
© Springer-Verlag France 2009
Résumé La ténosynovite tuberculeuse de la gaine des ten- dons fibulaires est une localisation inhabituelle de la tuber- culose ostéoarticulaire, son diagnostic est souvent méconnu en raison de la pauvreté des manifestations cliniques et de leur ressemblance à d ’ autres pathologies rendant la décou- verte de la maladie, parfois, une surprise opératoire ; le trai- tement est bien codifié et est, dans la majorité des cas, efficace. Nous rapportons, à travers ce travail, un cas d ’ une patiente atteinte d ’ une ténosynovite tuberculeuse de la gaine des tendons fibulaires ; étudié à la lumière d ’ une revue de littérature.
Mots clés Tuberculose · Ténosynovite · Gaine des péroniers
Abstract Tuberculosis Tenosynovitis of the fibular sheath is an uncommon localization of skeletal tuberculosis. The diagnosis is often underestimated because of the poor clinical symptoms and their resemblance with other patho- logical conditions. The treatment is codified and is effec- tive in the majority of cases. We report a case of Moroccan woman who presented a tuberculosis tenosynovitis of the fibular sheath; we studied this case in the light of a review of literature.
Keywords Tuberculosis · Tenosynovitis · Peroneus sheath
Introduction
La ténosynovite tuberculeuse est une localisation rare de la tuberculose ostéoarticulaire, en particulier lorsqu ’ elle atteint la gaine des tendons fibulaires latéraux. Son diagnostic est souvent méconnu en raison de la pauvreté des signes clini- ques et de leur évolution sur un mode chronique, et nécessite
une confirmation histologique. Le traitement est fondé sur l ’ association de la chimiothérapie antibacillaire et de la chi- rurgie et donne après rééducation de très bons résultats fonctionnels.
Observation
Madame W.F., âgée de 66 ans, était originaire d ’ un milieu rural et issue d ’ un bas niveau socioéconomique ; elle ne rapportait aucune notion de contage tuberculeux ni d ’ antécédent d ’ atteinte tuberculeuse ou d ’ immunodé- pression. Cette patiente accusait, depuis quatre mois, des douleurs de type inflammatoire de la région malléo- laire latérale de la cheville droite. L ’ examen clinique retrouvait une tuméfaction de la région rétro- et sous- malléolaire latérale de la cheville droite de forme ova- laire, à grand axe mesurant 3 cm, de consistance ferme, mobile par rapport au plan superficiel, sans signes inflammatoires en regard ni de fistules (Fig. 1). La mobi- lité de la cheville, bien qu ’ étant conservée, provoque une douleur de la région rétromalléolaire latérale à la flexion dorsale et au mouvement de valgus contrarié du pied. Il n ’ y avait pas d ’ adénopathies satellites, et le reste de l ’ examen somatique, notamment pleuropulmonaire, était strictement normal. Les radiographies standard de la che- ville de face et de profil étaient sans particularités, le scanner de la cheville objectivait une masse des parties molles sans anomalies osseuses en regard ni épanche- ment articulaire (Fig. 2). L ’ indication d ’ une biopsie exé- rèse a été posée pour étude diagnostique. L ’ exploration chirurgicale par voie rétromalléolaire a objectivé une ténosynovite localisée avec épaississement de la gaine des tendons fibulaires et un dépôt de grains riziformes sans extension musculaire ni osseuse. Une synovectomie totale a été pratiquée, associée à un lavage abondant et à un drainage chirurgical. L ’ étude histologique a confirmé la nature tuberculeuse de la ténosynovite en objectivant des granulomes épithéliogigantocellulaires centrés de nécrose caséeuse (Fig. 3). La patiente fut adressée par
A. Messoudi (*) · Y. Benjeddi · S. Ghrib · M.A. Benhima · S. Fnini · A. Largab
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique (P32), CHU Ibn-Rochd de Casablanca, Casablanca, Maroc e-mail : abdljbbar@yahoo.fr
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la suite vers un centre spécialisé de lutte antitubercu- leuse, où une chimiothérapie antibacillaire a été instaurée à base d ’ isoniazide, de rifampicine et de pyrazinamide pendant deux mois, et d ’ isoniazide et de rifampicine pen- dant sept mois avec rééducation de la cheville.
Discussion
L ’ atteinte tuberculeuse des gaines synoviales est une localisation inhabituelle et trompeuse de la tuberculose ostéoarticulaire. Sa rareté et sa capacité à mimer d ’ autres maladies musculosquelettiques en font une pathologie sous-diagnostiquée [1]. Selon Hooker et al. [2], elle atteint principalement le poignet et la main qui représen- tent 5 % des localisations tuberculeuses. Sa localisation au niveau du membre inférieur, et en particulier la gaine des tendons fibulaires, est exceptionnelle [3,4]. La dissé- mination du Mycobacterium tuberculosis peut se faire soit par voie hématogène à partir d ’ un foyer de tuberculose primitif soit par infestation directe lors d ’ un traumatisme ou d ’ une infiltration locale de corticoïdes en particulier sur un terrain immunodéprimé (VIH) [5 – 7]. Le diagnostic de la ténosynovite tuberculeuse est souvent difficile, le début est généralement insidieux, la tuméfaction peu ou pas douloureuse et non inflammatoire apparaît après plu- sieurs mois d ’ évolution avec une tendance vers la fistuli- sation ; une impotence fonctionnelle partielle, voire une rupture tendineuse peuvent être notées [5,7]. L ’ examen ganglionnaire peut objectiver des adénopathies satellites, et l ’ état général reste longtemps conservé [5]. Enfin, les manifestations cliniques peuvent prendre l ’ aspect de lésions traumatiques, de lésions malignes ou d ’ autres maladies inflammatoires conduisant à des diagnostics erronés [3]. Les radiographies standard visualisent une augmentation du volume des parties molles avec ou sans image de calcification, une ostéoporose peut être notée, et à un stade chronique, un pincement de l ’ interligne articu- laire ou une érosion osseuse peut se manifester [8].
L ’ IRM, qui n ’ a malheureusement pas été pratiquée chez notre patiente, reste l ’ examen le plus performant pour l ’ analyse des parties molles ; elle offre une analyse com- plète du tendon et de sa gaine selon le stade évolutif de la maladie [4]. Toutefois, ni les radiographies ni l ’ IRM ne prouvent la nature tuberculeuse de la ténosynovite, et seule une étude histologique après biopsie chirurgicale apporte la certitude diagnostique en montrant les trois types d ’ atteinte [5,6] :
• une forme exsudative avec épaississement des gaines et épanchement liquidien ;
• une forme proliférative avec un épaississement de la gaine et dépôt de fibrine et de grains riziformes ;
• une forme caséeuse avec nécrose et rupture tendineuse.
Le traitement de la ténosynovite tuberculeuse repose sur l ’ association de la chimiothérapie antibacillaire et la chirurgie. Le Centre national marocain de lutte antituber- culeuse recommande un traitement de neuf mois fondé sur l ’ isoniazide, la rifampicine, le pyrazinamide et l ’ éthambutol [5,6].
Fig. 1 Tuméfaction de la région malléolaire latérale de la cheville
Fig. 2 Scanner de la cheville montrant une tumeur des parties molles de la région rétro- et sous-malléolaire latérale respectant l’os et l’articulation
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Le traitement chirurgical consiste en un lavage, un drai- nage, une excision des lésions nécrosées et une synovecto- mie [1]. Cette association chirurgie – chimiothérapie semble diminuer les risques de récidive de l ’ infection qui restent élevés pour certains auteurs (50 % selon Tavakkolizadeh et al.) [1]. Néanmoins, le pronostic reste favorable si le trai- tement est efficace associé à une rééducation précoce et prolongée [5,6].
Conclusion
La ténosynovite tuberculeuse, en particulier de la gaine des tendons fibulaires, est une localisation exceptionnelle de la tuberculose. Son diagnostic, rarement fait à l ’ étape clinique, reste, parfois, une surprise opératoire confirmée par une étude anatomopathologique. Le traitement médicochirurgical effi- cace, dans la majorité des cas, permet une récupération fonc- tionnelle satisfaisante et nécessite toutefois une surveillance au long cours, vu le risque de récidive toujours présent.
Références
1. Tavakkolizadeh A, Klinke M, Davies MS (2004)Tuberculous teno- synovitisof the anterior compartment of the leg. Foot Ankle Surg 10:221–4
2. Hooker MS, Schaefer RA, Fishbain JT, Belnap CM (2002)Tuber- culous tenosynovitis of the tibial anterior tendon. A case report.
Foot Ankle Int 23:1131–4
3. Kumar VM, Trikha V, Gupta V (2007) Atteinte tuberculeuse isolée du tendon d’Achille. Rev Rhum 74:113–6
4. Abdelwahab IF, Bianchi S, Martinoli C, et al (2006) Atypical extraspinal Musculoskeletal tuberculosis in immunocompetent patients: Part II, Tuberculous myositis, Tuberculous bursitis, and Tuberculous tenosynovites. Can Assoc Radiol J 57:278–86 5. Amine B, Benbouazza K, Bahiri R, et al (2006) Ténosynovite
tuberculeuse à localisation multiple. Rev Rhum 73:776–89 6. Fnini S, Ouarab M, Rafai M, et al (1999) Accident de travail inha-
bituel : ténosynovite tuberculeuse des tendons extenseurs de la main. Ann Chir Main 18:309–12
7. Regnard PJ, Barry P, Isselin J (1996)Mycobacterial tenosynovitis of the flexor tendons of the hand: a report of five cases. J Hand Surg 21:351–4
8. Sanders CJ, Schucany WG (2008) Tuberculous tenosynovitis. Proc (Bayl Univ Med Cent) 21(1):71–2
Fig. 3 Abord chirurgical permettant la synovectomie totale et l’ablation de grains riziformes en faveur d’une tuberculose de la gaine des péroniers
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