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LES SALMONIDÉS DES EAUX DE LA PLAINE DE MONTRÉAL

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Texte intégral

(1)

mouche MONTRÉAL

Gouvernement du Québec Ministère du Loisir,

de la Chasse et de la Pêche Service de l'aménagement et de l'exploitation de la faune

VIANNEY LEGENDRE JEAN-RENÉ MONGEAU JEAN LECLERC

JOCELYNE BRISEBOIS

LES SALMONIDÉS DES EAUX DE LA PLAINE DE MONTRÉAL

1. HISTORIQUE, 1534-1977

RAPPQRT TECHNIQUE Ne) 06-27 1980

ISSN 0704 - 4577

(2)

1. Chez les spécimens frais :

a. coloris général, surtout vers les côtés inférieurs du corps : olive, vert olive, jaune olive, jaune vert, vert brun, d'où le nom de truite brune.

b. sur les côtés du corps, de la tête à la queue, pas de barre rose, pourpre, violette, rouge, ainsi qu'en ont la truite arc-en-ciel, et divers individus de la truite fardée.

c. sur les côtés de la tête en arrière des yeux, pas de barre ou plage rose, pourpre, violette, rouge, ainsi qu'en ont la truite arc-en-ciel et la truite fardée.

d. chez les jeunes, les côtés du corps sont avec points rouges, parfois entourés du halo bleu pâle (comme chez l'omble de fontaine ou "truite" mouchetée); chez les gros individus, surtout à la fraye, taches rouges ou rouge brique grandes, plus grandes que la pupille, pouvant être sur tout le côté du corps et même presque sur le dos, et ces taches souvent entourées de brun ou de noir; lorsqu'en mer, ces taches rouges sont généralement absentes ou peu visibles (chez l'omble de fontaine, les points rouges, toujours présents, sont plus petits que la pupille; truite arc-en-ciel et truite fardée jamais avec points ou taches rouges sur les côtés du corps).

e. chez les gros surtout, nageoire adipeuse (sur le dos, située en arrière de la nageoire dorsale, près de la nageoire caudale) avec bordure rougeâtre ou orangée.

f marge antérieure des nageoires pectorales, pelviennes et anale, et marge inférieure de la nageoire caudale à peu près de même couleur que le reste de ces nageoires (de même chez le saumon atlantique, la truite arc-en-ciel, la truite fardée; aussi, en dehors du temps de fraye chez l'omble chevalier et le touladi; mais, en tout temps et à toute grosseur, l'omble de fontaine ou "truite" mouchetée a la marge antérieure des nageoires pectorales, pelviennes et anale et, à la fraye, la marge inférieure de la nageoire caudale, bordée de blanc laiteux ou blanc de neige, suivi d'une ligne noire; à la fraye, l'omble chevalier a ces bordures blanche, et noire ou grise, le blanc étant même avec du rose ou du rouge; parfois môme, le touladi, au nord, tend à prendre ces bordures, à la fraye).

2. Chez tous les spécimens, frais ou conservés :

a. sur les côtés du tronc, vers le dos surtout, taches brunes, souvent de grandeur variée, certaines presque aussi grandes que l'oeil, d'autres aussi petites que la pupille (omble de fontaine ou "truite" mouchetée, omble chevalier ou "truite" rouge ou "truite" arctique, et touladi ou "truite" grise, jamais avec taches noires ou brunes sur les côtés du tronc; truite arc-en-ciel et truite fardée toujours avec taches noires sur le tronc, à peu près toutes de même grandeur).

b. chez les gros, individus, nageoire caudale ayant sa marge postérieure droite ou presque; chez les petits, cette marge est à peine fourchue (elle est comme chez l'omble de fontaine ou "truite" mouchetée); chez les gros individus à la fraye, cette marge peut même être arrondie vers l'arrière, convexe.

c. sur la nageoire caudale, pas de taches noires, ou, chez quelques individus, il peut y avoir de ces taches seulement le long du haut de la nageoire caudale (l'omble de fontaine ou "truite" mouchetée a, sur la nageoire caudale, des barres verticales ou des vermiculures noires, ou une ligne noire le long du haut et du bas de cette nageoire; la truite arc-en-ciel et la truite fardée ont, sur toute la nageoire caudale, des taches noires).

d. nageoire adipeuse de couleur à peu près unie, sans taches, ou avec une ou deux taches foncées (truite arc-en-ciel avec cette nageoire ayant plusieurs taches noires).

e. les pointes supérieure et inférieure de la nageoire caudale, à tous les âges, tendant à être arrondies, non pointues (comme chez l'omble de fontaine ou "truite" mouchetée; par contre, chez tous les autres Salmonidae trouvés au Québec, omble chevalier, touladi, saumon atlantique, truite arc-en-ciel, truite fardée, ces deux pointes sont aiguës ou bien près de l'êtfe).

f . à la fraye, chez les mâles, les gros surtout, pointe de la mandibule (mâchoire inférieure) devenue recourbée vers le haut en un croc qui s'enchasse, la bouche étant fermée, dans une cavité vers le haut, dans le devant du palais, en arrière des os portant les dents à la mâchoire supérieure (propriété de toutes les espèces du genre Salmo : saumon atlantique, truite arc-en-ciel, truite fardée, et autres; mais, chez toutes les espèces du genre Salvelinus, les ombles -- en anglais, "charrs" -- ce croc à la mandibule du mâle, à la fraye, s'applique dans une encoche faite dans le devant du bord lui-même des os de la mâchoire supérieure, de sorte que vu d'en avant, le bout du museau y est échancré vers le haut). Chez les femelles de tous ces groupes, le croc peut être absent, mais certaines, de grande taille surtout, peuvent avoir un croc peu élevé, avec cavités répondantes à la mâchoire supérieure.

Vianney LEGENDRE, ichthyologiste.

(3)
(4)

1. Historique, 1534-1977

par

Vianney Legendre, biologiste Jean -René Mongeau, biologiste Jean Leclerc, technicien de la Faune Jocelyne Brisebois, technicienne de la Faune

avec la collaboration de

Josaphat Guindon, Albert Courtemanche, Lucien Elliott

Région administrative de Montréal

Service de l'Aménagement et de l'Exploitation de la Faune Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche

Province de Québec

5075, rue Fullum, MONTRÉAL, Québec, Canada H2H 2K3 Lo 2 septembre 1980

(5)

NOTRE. FRONTISPICE :

Richard-L. Seguin, -biologiste-, mesurant, une truite.. brune (Salmo trutta), longueur totale 560 mm. (22 pouces)., prise le 8 juin. 1957 dans le fleuve

Saint-Laurent, au pied du, barrage des. Cèdres, comté de•Soulanges, Québec.

Pêcheur, Rorna-Cyr, Ville: La_Salle.: Spécimen cité. page 174.

ISSN 0704-4577 ISBN a;-550- 00631.73

Dépôt légal - 4e trimestre:1979 Bibliothèque nationale. du: Québec

(6)

Ah! fleuve Saint-Laurent, que ton onde était pure Sous la nef des Hurons!

François-Xavier GARNEAU 1840

Le dernier Huron

Épigraphe tiré du

Journal de l'Instruction publique février 1866, volume X, N° 2, pages 17-18 :

Poésie. Le dernier Huron.

F . X. Garneau

Répertoire national.

(7)

Whereas it is shown, based on historical texts, that the anadromous Atlantic salmon was not ascending the St. Lawrence River much further up than Québec City, and was not found either at Montréal or in the Richelieu River to replenish Lake Ontario and Lake Champlain stocks respectively.

Whereas it is shown, based on physico-chemical data sets, that the anadromous Atlantic salmon cannot now, and could not formerly inhabit or pass through these St. Lawrence River waters due to their temperature being too high, i.e., above 21°C (70°F), during the very migratory days annually.

Values provided by the scientific literature, give that salmon parr cease feeding when water temperatures rise to 21°C, and that salmon adults cease their upstream migration at 21°C these observations provide the two- point barrier precluding by itself frequentation of the Upper St. Lawrence waters by the Atlantic salmon in a body:

The natural void in Salmo species extant in these waters favoured the introductions of two exotic trouts, the rainbow trout, Salmo gairdneri and the brown trout, Salmo trutta, both of which show the success of their implan- tations, by their very numerous reappearances as adults, of weights up to 4-5 kg in the creel.

By the same general inventory, all other specimens on band in collections or data available for the other Salmonidae species, natural or introduced are culled and cited when they originated from waters of the "Plaine de Montréal", otherwise called by geomorphologists, the Saint Lawrence Lowlands.

(8)

Table des matières

English summary 4

Liste des figures 10

Liste des tableaux 10

INTRODUCTION 11

CHAPITRE I : LES ABSENCES : UN VIDE ÉCOLOGIQUE 15 1.1 Absence du saumon marin entre la ville de Québec

et le lac Ontario 15

1.2 Montaison du saumon marin jusqu'aux environs de

la ville de Québec 15

1.3 Le saumon dulcicole ou ouananiche dans les eaux

supérieures du fleuve Saint-Laurent 25 1.3.1 Le lac Ontario abritait la ouananiche 26 1.3.2 Les "premières" citations mondiales de la

ouananiche 28

1.3.2.1 Au lac Saint-Jean 28

1.3.2.2 Au lac Ontario 30

1.3.2.3 Au lac Champlain 43

1.3.2.4 En Europe, en Suède, au lac Véner 44

1.4 Le vide écologique en Salmo 44

1.4.1 Le vide laissé par le saumon atlantique,

Salmo salar 45

1.4.1.1 Dans le tronc du fleuve Saint-

Laurent 45

1.4.1.2 Dans la rivière Richelieu 47 1.4.2 Le vide sera artificiellement occupé par

d'autres Salmo 50

(9)

CHAPITRE II : LES PRÉSENCES : LES OMBLES INDIGÈNES

ET LE SAUMON 51

2.1 L'omble de fontaine ou la "truite mouchetée",

Salvelinus fontinalis 54

2.2 Le touladi ou la "truite" grise, Salvelinus

namaycush 56

2.3 Le saumon atlantique, Salmo salar 57 2.3.1 La rivière Saint-François 57

2.3.2 La rivière Châteauguay 61

CHAPITRE III : LES ESPOIRS DÉÇUS 65

3.1 Le saumon atlantique : tentatives d'introduc-

tions 66

3.1.1 Dans la rivière des Outaouais et

tributaires 67

3.1.2 Dans le rapide de Lachine - 69 3.1.3 Dans la rivière Saint-François et

tributaires 71

3.2 Le saumon atlantique et la température des eaux 72 3.2.1 Exigences thermiques du saumon

atlantique selon ses stades 73 3.2.2 Conditions thermiques générales des

eaux du fleuve Saint-Laurent 77 3.2.3 Hydroclimat d'été du tronc du fleuve

Saint-Laurent et de ses tributaires 79 3.2.3.1 Dans l'eau : mesures physico-

chimiques d'été 80

3.2.3.1.1 Fleuve Saint-Laurent :

en général 80

3.2.3.1.2 Fleuve Saint-Laurent : de la ville de Québec

au lac Saint-Pierre 81

(10)

3.2.3.1.3 Fleuve Saint-Laurent :

lac Saint-Pierre 92

3.2.3.1.4 Fleuve Saint-Laurent : du lac Saint-Pierre

au lac Saint-Louis 94 3.2.3.1.5 Fleuve Saint-Laurent :

lac Saint-Louis 97

3.2.3.1.6 Rivière Châteauguay 101 3.2.3.1.7 Fleuve Saint-Laurent :

du lac Saint-Louis au

lac Saint-François 105 3.2.3.1.8 Fleuve Saint-Laurent :

lac Saint-François 107 3.2.3.1.9 Rivière des Outaouais.:

rivière des Prairies 109 3.2.3.1.10 Rivière des Outaouais :

rivière des Mille-Îles 109 3.2.3.1.11 Rivière des Outaouais :

lac des Deux-Montagnes 110 3.2.3.1.12 Rivière du Nord 112 3.2.3.1.13 Rivière des Outaouais :

amont du lac des Deux-

Montagnes 112

3.2.3.1.14 "Rivière au Saumon" ou

Kinongé 119

3.2.3.1.15 Rivière des Outaouais :

à la ville d'Ottawa 120 3.2.3.2 Dans l'atmosphère : annotations

météorologiques anciennes d'été 120 3.2.4 Conclusions ichthyogéographiques sur les

possibilités de passage et de survie du saumon atlantique dans les eaux de la

Plaine de Montréal 125

3.2.4.1 Aspect thermique 125

3.2.4.1.1 Fleuve Saint-Laurent :

température de l'eau 125

(11)

3.2.4.1.2 Lac Saint-Pierre :

étalement des eaux 126 3.2.4.2 Aspect respiratoire 129

3.2.4.2.1 Le saumon marin et la

teneur de l'eau en oxygène

dissous 129

3.2.4.2.2 Le saumon dulcicole et le pouvoir oxyphorique du

sang 135

3.2.4.3 Aspects historique et administra-

tif 136

CHAPITRE IV : CHARMANTS VOISINS 139

4.1 Le saumon coho, Oncorhynchus kisutch 141 4.2 La truite arc-en-ciel, Salmo gairdneri 142 4.2.1 Dans la rivière Châteauguay 143 4.2.2 Dans la rivière Richelieu et les eaux de

l'Estrie 143

4.3 Le saumon atlantique, Salmo salar 145 4.3.1 Dans le fleuve Saint-Laurent 145

4.3.2 Dans le lac Champlain 157

4.4 La truite brune, Salmo trutta 158

4.4.1 Dans la rivière du Nord 161

4.4.2 Dans la rivière Rouge 163

4.4.3 Dans la rivière Châteauguay 165 4.4.4 Dans la rivière Richelieu 166 4.4.5 Dans la rivière Saint-François 171 44,e 6 Dans le fleuve Saint-Laurent : rapide de

Lachine 172

4.5 Salvelinus fontinalis x Salvelinus

namaycpe 180

(12)

CHAPITRE V : LES RÉUSSITES 183 5.1 La truite brune, Salmo trutta, et la truite

arc-en-ciel, Salmo gairdneri 5.2 La truite fardée, Salmo clarki CONCLUSIONS

Annexe 1. Truites élevées et captures signalées à la Pisciculture de Lachine, 1951-1963, par Josaphat Guindon

Annexe 2. L'implantation de la truite brune et de la truite arc-en-ciel dans les eaux fluviales de la région de Montréal. Les indices qui, à l'origine, nous ont incités à tenter cette implantation, par Albert Courtemanche

Annexe 3. La truite fardée, Salmo clarki, ses intro- ductions au Québec, sa pêche par Lucien

Elliott 209

REMERCIEMENTS 217

BIBLIOGRAPHIE 225

INDEX DES NOMS D'ESPÈCES OU DE GROUPES D'ANIMAUX 257 INDEX DES NOMS DE PERSONNES OU D'INSTITUTIONS 261 INDEX DES NOMS DE LIEUX OU D'ÈRES 267 183 185 191

197

203

(13)

Liste des figures

1 - Un encouragement donné aux opérations piscicoles du Gouvernement du Québec. (La fig. 2, p. 21, est le témoin de l'une des deux prises du 14

juillet 1969). 14

2 - Truite brune, Salmo trutta, 14 juillet 1969, fleuve Saint-Laurent, dans le rapide de Lachine, à Côte-Sainte-Catherine, prise à la mouche sèche;

longueur, 56 cm (22 pouces); poids, 1,8 kg (4 livres). Pêcheur : Jean-Claude Desbiens, Saint-Basile-le-Grand. (Cette truite appartient

à la série du tableau, p. 14). 21

3 - La première pisciculture au Canada. 22 4 - Raccourcissement en un siècle du glacier

d'Argentières, près de Chamonix, au mont Blanc, France. En haut, vers 1850, gravure; en bas, photo récente (Closets 1978 Sciences & Avenir

(378) : 68-69). 64

5 - Rivière Châteauguay. Numéros des stations d'inventaire, parmi lesquelles, du 17 au 26 juillet 1975, mesures de la température et de la teneur en oxygène de l'eau. L'aire hors

les zones pointillées est la superficie déboisée. 104 6 - Un endroit de pèche de la truite fardée, Salmo

clarki : la rivière du Loup, comté de Maskinongé, région de Saint-Paulin et de Saint-Alexis-des- Monts, vieux barrage de moulin à scie, le 12

septembre 1967. Photo Albert Courtemanche. 190 Liste des tableaux

1 - Fleuves et rivières de la France avec ou sans montaison du saumon atlantique (Salmo salar) selon la teneur (en % de saturation) de leurs eaux en oxygène pendant les mois de l'été

(Roule 1920, 1929). 132

2 - Saumons atlantiques (Salmo salar) pris dans le fleuve Saint-Laurent U-71Pgbec, 1945-1955 : provenances possibles, par rapport à des

ensemencements faits en amont. 150

(14)

INTRODUCTION

Résumé. Le "fleuve géant" a des truites, des saumons : à Montréal.

Le "fleuve géant" à Montréal est une merveilleuse centrale d'énergie biologique, non pas seulement un grand moteur potentiel d'énergies physiques. Il donne des truites et des saumons de grande taille, à la pêche sportive, à

Montréal même : c'est un fait actuel. Qui aurait cru, avec toutes les critiques sur sa pollution par l'industrie et par les municipalités, et qui est réelle, que, dans la Plaine de Montréal, l'eau du fleuve Saint-Laurent, vu par certains com- me un titan inabordable, puisse rendre aux pêcheurs sportifs truites et saumons énormes?

Des gens lointains ont toujours cru que c'était un défi insurmontable, que de parler de Salmonidae pour les eaux de la Plaine de Montréal : les rendements actuels à la pêche sportive en Salmonidae dans ces eaux planirégiennes* étaient vus comme impossibles; de fait, ils étaient potentiellement imprévisibles. Aux yeux de ces gens, le fleuve à Montréal était un "fleuve mort" -- ils nous l'ont dit -- ruiné par la pollution, par l'industrie, la canalisation, etc. Le fait est qu'en réalité il y a toujours eu des Salmonidae dans les eaux montréalaises du bassin du fleuve Saint-Laurent, quoique pour sûr en petits nombres, aux périodes ayant précédé les in- troductions récentes et massives des truites arc-en-ciel et des truites brunes, sauf, faisons exception, dans le cours supé- rieur de la rivière Châteauguay où il y a toujours eu des Sal- monidae en abondance à l'état naturel. Exemples supportant cette thèse : voir dans la seconde partie du présent ouvrage la relation détaillée des prises de truites brunes (Salmo trutta) et de truites arc-en-ciel (Salmo gairdneri) surtout, et aussi d'ombles de fontaine (Salvelinus fontinalis) -- la

"truite" au Québec de Monsieur Tout-le-Monde -- de touladis ou "truites" grises ou "truites" de lacs (Salvelinus namay- cush), et même de saumons cohos (Oncorhynchus kisutch), venus des Grands Lacs, et de truites fardées (Salmo clarki), intro- duites par inadvertance dans les eaux du Québec.

L'implantation des truites brunes et arc-en-ciel dans les eaux planirégiennes du fleuve Saint-Laurent et dans le cours inférieur de ses grands tributaires -- une initiati- ve des opérateurs scientifiques du District'de l'Aménagement de Montréal -- a demandé, comme preuve de son exaltante réus- site, la cueillette et l'accumulation, pendant quatorze ans

(depuis 1963), de la statistique des prises réelles de poissons,

* Néologisme qualificatif, planirégien, signifiant : de la Plaine de Montréal. Nous utiliserons aussi le nom : la Planirégie.

(15)

des prises vues, à la pêche d'hiver à travers la glace d'a- bord, puis, aux divers endroits de pêche d'été en eau libre dans la région. Ces opérations ont mis peu à peu scientifi- ques et techniciens du Gouvernement du Québec en confiance auprès de milliers de pêcheurs, dont des centaines chaque an- née insistent si aimablement maintenant auprès de nous, pour que nous cataloguions leurs prises, si petites soient-elles.

Par son volume numérique, pour son intérêt halieutique, cette statistique se voit maintenant ici remise aux mains de la po- pulation, qui ne pourra qu'en profiter : ces données sont uni- ques au Québec, rassemblées pour la première fois en une syn- thèse générale. Elles aideront aux pêcheurs, les novices sur- tout, à se diriger.

Dans la partie présente, la première, nous traite- rons, entre autres, de plusieurs cas particuliers intéressant la pêche sportive, dans les eaux de la Plaine de Montréal.

Ainsi, on y trouvera les citations des spécimens en collection de tous ces Salmonidae -- ils sont donc des témoignages palpa- bles -- de même que les citations particulières de plusieurs d'entre eux, telles que relevées dans nos dossiers historiques et statistiques. Notons que tous les spécimens de Salmonidae, choisis pour être traités plus particulièrement dans le texte de cette première partie, se retrouvent englobés dans la masse des spécimens rassemblés à l'Annexe 3, dans la deuxième partie du présent ouvrage, sous les auteurs Jean-René MONGEAU, Vianney LEGENDRE, Jean LECLERC et Jocelyne BRISEBOIS.

Tout au long de la première partie, nous mettons un fort accent sur le saumon atlantique (Salmo salar) quant aux limitations de la présence locale de ses populations migratri- ces marines -- qui est alors le saumon ordinaire des gens, ache- té sur le marché ou pris à la pêche sportive -- et de ses popu- lations résidentes de façon continue en eau douce, connues des gens sous le nom de ouananiches (nommées en Nouvelle-Angleterre,

"sebago" et "landlocked salmon") : il sera donc question du sau- mon altantique marin, et du saumon atlantique dulcicole c'est-à- dire des eaux douces -- d'aucuns ont ailleurs utilisé le mot plus long : dulçaquicole, qui veut dire la même chose. Ce trai- tement de nos deux grandes populations du saumon atlantique sur- vient ici, car, un problème revient souvent sur la table, dans le concert de plus en plus fréquent des conciliabules, de nos jours; il s'énonce comme suit : y avait-il, oui ou non, du sau- mon atlantique marin à l'état indigène dans le fleuve Saint- Laurentdélbbis. la ville de Québec jusqu'au lac Ontario? Or, cela:se situe justement en plein dans notre secteur planirégien du fleuve Saint-laurent. Nos recherches historiques, faites dans les écrits depuis les débuts européens du pays, permettent de'donner, une répk)nse à cette question, réponse appuyée sur des obServatidiis métébrologiques, ainsi que sur des mesures physi- queset_obimiqueS faites expressément, aux fins présentes, dans

(16)

nos eaux, par nos propres équipes de techniciens du Ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, dans la rivière des Outaouais, et dans les lacs Saint-François, Saint-Louis et Saint-Pierre, et dans la grande fosse du fleuve Saint-Laurent entre les villes de Québec et de Lévis, et aussi sur d'autres séries de mesures physiques et chimiques faites par divers ministères dans le fleuve Saint-Laurent, depuis les limites entre les provinces d'Ontario et de Québec, jusqu'à la ville même de Québec.

Les inventaires soutenus, effectués par le personnel scientifique et technique du Ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, ont permis l'accumulation de bien des données sur l'Histoire naturelle de ces poissons, les

Salmonidae, recherchés par le public, et elles sont présentées dans les textes qui précèdent les tableaux. Les faits et les chiffres sur l'Histoire naturelle des poissons et pêcheries du Québec sont courus par les pêcheurs de talent, par les chroniqueurs, par les étudiants et par beaucoup d'autres, qui n'arrêtent pas de nous questionner à leur effet : une adminis- tration consciente et avant-gardiste se prête volontiers à satisfaire à ce besoin et intellectuel et pratique du public ce qui, heureusement, est le cas chez nous. Les renseigne- ments corrects, vrais, sur l'Histoire naturelle des poissons constituent la seule base fiable.de toute activité -- science, et récréation -- halieutique.

Notre récit sera une synthèse historique colorée, de relations, et d'efforts souvent tout à fait décousus quant à leurs motivations d'origine, ainsi qu'on le verra.

(17)

Cette année ma saison de pêche a débuté le 25 Mai dans les Rapide de Chambly en aval du barrage; par la capture de deux TruitesBrune de 13 et 15 pouces avec un lancer léger et un Rapala comme leurre.

Deux jouis après j'y retournais avec un ami que je fis pêcher au même endroit et il captura deux truites Brune de 15 et 18 pouces avec le même sorte d'équipement.

Au début de Juin j'y retournais et capturais une Brune de 16 pouces.

A la deuxieme fin de semaine de Juin je me rendis à C6te-Ste.-Cathe- rine dans les Rapides de Lachine. A mon premier lancer je capturais une Brune de 221/2 pouces. Deux jours plus tard je caoturais une au- tre Brune de 19 pouces(mileiavec étiquette portant le No. 6299 Le vendredi de la semaine suivante, lorsque je pêchais avec un autre pêcheur;nous eelmes aucun succès, mais que ne'fut pas notre surprise de voir les truites gober les éclosion de May Fly à quelque deux ou trois pieds du rivage. C'est a ce moment-la que j'ai utiliser ma ca- ne à moucher jusqu'à l'automne.

Voici une liste, avec date, longeur, poids, etc

Dans la liste ci-jointe, il y a une moyenne par truite de 17.3 pouce de long è 2.59 lbs.

Date Heure Long. Poid Espèce. Appât Temps

16 8.00."-20 "- 31/2 #-T.B.(m)- "

16- 8.30"-211/2- 31/2 #-T.B.(:)- "

16Juin 69-8.30PM-191/1- 31/2 19 9.15 "-15 "-.2 30 11.0AM-151/2- 2 30 12.0 "- " - 13/4

3Jui1.69-8.00PM-141/2-

*10 9.15 "-181/2- 21/2 14-- 6.30 "-151/2- 2 14 9.15 "-22 "- 4 5Aofit 69-9.15 "-151/2- 2 5- 9.30 "-141/4- 13/4 8 9.15 "-16 "- 2 8 9.30 "-18 "- 21/4 14 9.30 "-20 "- 4

9 #-T.B.(m)- "

10 #-T.A.(m)- "

"-18 "- 3

"-191/2- 31/2

"-1434- 2 141/2- 2

"-18 "- 23/4

Esoleillé Nuageux

Nuageux avec risque de pluie Aprs Pluie& ciel ensoleillé Ensoleillé

Nuageux avec risque de pluie Ensoleillé(aucun nuage) Nuageux

Ciel clair

Nuageux & sans vent Nuageux & venteux Nuageux & vent léger Ciel clair & vent léger Nuageux & venteux

Ciel ensoleollé & sans vent e-T.B.(m)-M.S.

#-T.B.(f)-

#-T.B.(f)- "

#-T.B.(f)-

#-T.B.( )- "

#-T.B.(f)- "

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#-T.B.( )-M.M.

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#-T.B.(f)-

#-T.A.(f)- "

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#-T.B.(m)- "

#-T.B.(f)-

60ct.b9 4.00 "-171/2- 23/4 #-T.B.(m)- "

Légende

T:B.: Truite Brune T.A.: Truite Arc-en-ciel

m Mâle f :Femelle

* 2.Etiqueter No. 6271 5Sept.69-7.30

6- 8.00

8 - - - -8.00 8.00 7.45

°Fig. 1. Un encouragement donné aux opérations piscicoles du Gouvernement du Québec. (La fig. 2, p. 21, est le témoin de l'une des deux prises du 14 juillet 1969).

(18)

CHAPITRE I

LES ABSENCES : UN VIDE ÉCOLOGIQUE

Résumé. Il n'y a jamais eu, de mémoire d'homme, du saumon atlantique, le Salmo salar, dans le fleuve Saint-Laurent, depuis les environs de la ville de Québec, jusqu'au lac Ontario.

1.1 Absence du saumon marin entre la ville de Québec et le lac Ontario

En 1664, Pierre Boucher écrivait: "Il y a quantité de saulmons [saumon atlantique, Salmo salar] & truites [omble de fontaine, Salvelinus fontinalis],* depuis l'entrée du golfe jusques à Québec: il ne s'en trouue [trouve] point aux Trois- Riuieres, ny au Mont-Royal [à Montréal] : mais quantité dans le pays des Iroquois [au lac Ontario] " [Boucher 1664 (1964):

75] . Les Iroquois de l'époque habitaient le sud du lac Onta- rio et la rivière Mohawk, tous dans l'actuel État de New York.

Cela veut dire que dans le fleuve Saint-Laurent, depuis la ré- gion générale des environs de la ville de Québec, jusqu'aux abords du lac Ontario, il n'y avait pas de saumon atlantique, à l'état naturel d'alors des choses. C'est simple et net.

Les relations des pêches d'époque, et les rapports ultérieurs officiels ou autres, jusqu'à nos jours, n'ont d'ailleurs jamais signalé de pêcherie de saumon dans ce tronc du fleuve: il y a eu des dires d'amateurs, d'aventuriers, jamais de preuves ou de contre-épreuves. Notons tout de suite qu'il y avait de la ouana- niche (population dulcicole du saumon) dans le lac Ontario, à l'état indigène: c'est là le saumon du "pays des Iroquois" de Pierre Boucher; on en reparle ci-dessous.

1.2 Montaison du saumon marin jusqu'aux environs de la ville de Québec

Précisons d'abord les limites supérieures connues d'ac- cès du saumon marin dans le Saint-Laurent aux alentours de la ville de Québec, ce qui en fera voir le tronc du fleuve, plus haut encore, sans saumon.

Samuel de Champlain, en 1608 même, dans l'approche qui devait le mener quelques jours plus tard à fonder la ville de Québec (pour la discussion et l'établissement exact des lieux et dates de citations de poissons dans Champlain, voir Legendre 1970: 49-52), écrivait: "Je party de Tadoussac le dernier du

* Ces interprétations de noms vernaculaires anciens, au moyen de noms scientifiques (latins) actuels, sont celles de l'un (V. L.) des auteurs du présent travail.

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mois [30 juin] pour aller à Quebecq... De l'isle aux lieures [île aux Lièvres] , nous fusmes à vne petite riuiere,... Nous la nommasmes la riuiere aux Saulmons, à cause que nous y en prismes" {Champlain 1613: 292-293): dans sa relation de 1632, il nomme l'endroit "port aux saumons" (Champlain 1632: 1098L 1099). À titre d'exemple, choisi au hasard, de la continuité de fréquentation de l'endroit par le saumon, on trouve dans les rapports annuels du gouvernement 20 saumons pris en 1874 à Port-au-Saumon (Whitcher 1875: 93). Encore en la présente année (1977), nous apprenons, par voies souterraines de l'ad- ministration, qu'il s'y est pris du saumon.

En 1646, les Jésuites reçurent de l'île aux Oies un saumon de la part du gouverneur, Charles Huault de Montmagny (Journal des Jésuites 1871 : 60; répété, Roy 1948 : 188).

On n'imaginerait pas aujourd'hui du saumon dans cet endroit avec force dépôts delta/ques récents. En 1646, 1647, 1648, 1660, les Jésuites citent les apports d'une pêcherie de sau- mon qu'ils possédaient quelque part tout près de la ville de Québec (Journal des Jésuites 1871 : 60, 85, 114, 286). Dans cette pêcherie, on n'y parle pas de truites -- sans doute vues comme menu fretin, si présentes -- mais on cite d'autres gros- ses espèces de poissons: bar, esturgeon, et même "carpes"

(Catostomidae).

L'île d'Orléans a aussi des récoltes de saumon, tel, exemple choisi parmi bien d'autres, au village de Saint-Laurent, sis sur la rive sud-ouest de l'île, alors qu'il se prit 114

saumons en 1874 (Whitcher 1875 : 92). Toujours dans la même continuité de pensée, le 24 août 1973, J. B. S. Huard, profes- seur et journaliste à Sherbrooke, visitait une autre pêcherie, plantée elle aussi sur la rive sud-ouest de l'île, quelque peu en aval du village de Saint-Jean, et y prit lui-même un petit saumon qui nous est parvenu pour identification (Huard 1973).

Dans sa lettre, J. B. S. Huard nous écrivait: "Un saumon de 22 pouces [56 cm] a été capturé dans cette même pêche plus tôt dans la saison. La capture de petits saumons qu'ils appellent là-bas truites grises pouvait atteindre trois douzaines au cours de la saison [d'après les propriétaires de la pêche, du nom de]

Blouin".

Sur la rive nord du fleuve, à l'aval et à l'amont de la ville de Québec, des rivières tributaires du Saint-Laurent ont, ou ont eu, de même, leurs habitués saumons:

1) rivière Saint-Anne-de-Beaupré (Nettle 1860 : 91), avec une chute infranchissable au saumon à peu de distance du fleuve; "la Sainte-Anne -- jolie rivière: depuis quelque temps on pêche du saumon plus bas que la chûte" (Le Moine 1863 : 44);

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2) rivière Montmorency, 3 saumons pris en 1976 à l'aval de la chute (Côté et Babos 1976); la nappe de sa cé- lèbre cataracte tombe à 650 m environ du fleuve; un saumon y avait été pris en 1949 (note reçue en 1972 de Julien Ber- geron, biologiste, Québec); depuis combien de temps est-ce que ça dure?

3) rivière Saint-Charles (Nettle 1860 : 91; Cham- bers 1912: 174-175), au sujet de laquelle Chambers écrit:

"Le Huron Tahourhenché raconta à M. Nettle que, durant la saison de pêche sur la rivière Saint-Charles, son grand-père prenait généralement, à la mouche, de 150 à 200 saumons; de son côté, un vieil habitant du voisinage de cette rivière pré- tendait en avoir pris une moyenne de soixante-dix par saison.

Depuis cette époque, il semblait que le saumon eût déserté la rivière, mais il n'avait pas été complètement détruit, puis- qu'il y parut de nouveau en 1850, quoique bien loin d'être

aussi abondant que jadis; et le plus grand nombre que M. Nettle captura, au cours d'un seul été, en pêchant trois soirs par semaine pendant un mois, ou un peu moins, fut de quinze à dix- huit"; l'un de ces saumons pris là par Nettle pesait 19 livres (9 kg) (Chambers 1912 : 181); la légende actuelle, qui court dans la ville de Québec, du saumon jadis présent dans la ri- vière Saint-Charles, et à laquelle les gens en général ne croient plus, est donc parfaitement attestée, en particulier par un connaisseur tel que Richard Nettle; quand le saumon a- t-il définitivement disparu de la rivière Saint-Charles? en 1863 (Nettle 1864 : 1, 3);

4) rivière Jacques-Cartier, proprement nommée la

"riuiere des Esturgeons & Saulmons" par Samuel de Champlain sur sa "Carte de la nouvelle france" de 1632, à l'item de lé- gende numéro 17 (Legendre 1970 : 101). La rivière s'insère dans l'histoire saumonnière du Québec, au moins sous les aspects sui- vants:

a) après un lourd silence de deux siècles depuis la déclaration lapidaire de Champlain, en 1632, voici que grâce à la consultation de deux ouvrages extrêmement rares, autorisée par la Bibliothèque nationale du Québec, à Montréal, le fil de citations de la présence du saumon dans la rivière Jacques- Cartier est repris par les auteurs sportifs, l'un originaire de l'Irlande, Frederic Tolfrey, l'autre, du même pays, Walter Henry (les données tirées de ce dernier sont recueillies à l'item suivant). Tolfrey fut d'un enthousiasme délirant pour la rivière Jacques-Cartier, ses paysages et ses saumons, et aussi ses "truites" ("trout", omble de fontaine, Salvelinus fontinalis). Membre du personnel de l'Ordonnance de l'armée (il n'a pas dit ses fonctions), et ayant ses bases dans la ville de Québec en 1816-1818, la rivière Jacques-Cartier et ses saumons se trouvaient ainsi à portée de... sa canne de pêche à la mouche qui avait 24 pieds de long! (Tolfrey 1845, 2 : 264). Le 21 juin 1816, du haut du pont -- "the Bridge" --

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situé à 9 milles (15 km) du fleuve Saint-Laurent, le pont

"Dayrée" (Déry) de l'auteur qui suit, Walter Henry, et semble-t-il au même endroit qu'au village actuel de Pont-

Rouge, et regardant en bas dans la fosse 'à saumons (traduit) :

"Les saumons y étaient vraiment en strates, des centaines et des centaines dans cette fosse profonde. La vue d'autant de saumons entassés dans un même recoin valait la traversée de l'Atlantique" (ibid. 1 : 73). Ce même jour, la pêche donna un saumon de 10 lb (4.5 kg) (p. 82), un de 16 lb 3 on (7.3 kg) (p. 84), et 3 autres saumons (p. 86). Le 22 juin 1816, on prit 3 saumons (p. 92); au 23 juin, le pêCheur cite les prises individuelles de 16 saumons, dont un de 7 ou 8 lb (3.2 à

3.8 kg), et de nombreux madeleineaux "peel" (s'écrit aussi : peal) -- puis, il ajoute : "Je ne détaillerai pas le nombre des saumons, madeleineaux et truites pris par notre parti en cette soirée mouvementée : la quantité en fut énorme. J'ai pris un nombre prodigieux de truites [ombles de fontaine], certaines de 2 à 3 lb [0.9-1.4 kg]" (ibid. 1 : 119). Excur- sion ultérieure en 1816, à ce qui paraît être maintenant le confluent de l'émissaire du lac Saint-Joseph et de la

Jacques-Cartier l'auteur y assiste à une pêche au saumon, par des Amérindiens, en canot, de nuit, au flambeau et dard (ibid. 1 : 184-185). Septembre 1816, un saumon pris de 16 lb et 1 ou 2 on (7.3 kg) (ibid. 1 : 244-245). Août 1817, 11

saumons pris, dont un de 10 lb (4.5 kg), un de 111 lb, (5.2 kg), deux de 12 lb (5.5 kg), et un de près de 14 lb (6.4 kg)

(ibid. 2 : 106,• 107, 110).

b) pour les années 1836, 1837 et 1839, le grand amateur des saumons, Walter Henry* -- chirurgien dans l'armée britannique -- publia, sous un quasi anonymat, un ouvrage qui fut au siècle dernier beaucoup lu : "Trifles from my port-folio", by a Staff Surgeon (Québec, 1839, 2 tomes). Après un stage à Toronto, c'est LUI qui, le premier, a écrit : "Le saumon remonte le Saint-Laurent jusqu'au lac Ontario" (traduit; Henry 1839, 2 : 113), phrase répétée par tous les intéressés ultérieurs, jusqu'à ce que le biologiste A. A. Blair "casse les reins" en 1938 à cette notion erronée : voir plus loin. Henry fit plu- sieurs voyages de pêche sportive à la mouche, au saumon, à la Jacques-Cartier (ibid. : 222). Ce qu'il en raconte montre que la pêche commerciale du saumon y était dès lors une pratique courante,' dans la rivière même, au "pont Déry" ("Dayrée's bridge"), à cette grande distance de l'embouchure au fleuve

* Homme au destin fantastique (comme Désirée Clary) : fut dans la guerre d'Espagne qui mena à l'abdication de Napoléon; fit aux Indes la guerre des Gurkas; assista en personne à l'autopsie de Napoléon, à Sainte-Hélène; au Canada de 1827 à 1839, fut au Québec et en Ontario dans les troubles de 1837-1839. Auteur à la plume alerte, et raconteur écouté; impérialiste d'époque.

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(ibid. : 67). En montaison, les saumons étaient pris à l'épui- sette dans des fosses à saumon, gardés vivants quelques jours dans un petit bassin artificiel alimenté par une source d'eau limpide (ibid. : 69), puis tués et envoyés par lots sur le marché de la ville de Québec, par Louis Déry, locataire d'une petite portion de la seigneurie, au loyer de £5 par année

(ibid. : 68). Pour des excursions où il fut présent, Henry vit là des nombres de ces saumons destinés au marché capitolin, tel, en 1836 (ibid. : 69, nombre non donné), puis, en 1839, 60 un certain jour d'août (ibid. : 219), et 45 trois ou quatre jours plus tard (ibid. : 222). Henry était natif de Donegal, traversé d'un petit fleuve saumonnier, l'Eask, dans le nord de l'Irlande, et, depuis sa jeunesse, y avait pratiqué la pêche à la mouche, du saumon et de la truite brune (ibid., 1 : 11-16) : c'est par cette sorte de gens, qui avaient la pêche à la mouche

"dans le sang", que cette pratique fut introduite au Canada et ailleurs en Amérique du Nord. Arrivés ici, ils en continuaient l'usage. En 1836, à la rivière Jacques-Cartier, Henry cite individuellement 8 saumons que lui et un compagnon prirent

(ibid., 2 : 70-78; mais sans en donner le total), dont un de 17 livres (8 kg), ainsi que ce qu'il appelle des grosses truites [ombles de fontaine. V. L.]. En 1837, il relate, dans un

poème, y avoir pris un saumon de 20 livres (9 kg) (ibid. :

250-251). En 1839, il déclare : "Cet été, l'auteur n'a capturé que 30 saumons, n'ayant pu visiter la rivière durant la meilleu- re semaine de la saison" (traduit; ibid. : 222); l'un d'eux pesait encore 17 livres (8 kg) (ibid. : 221). Dans ces pérégri- nations, l'auteur situe 7 fosses à saumon (ibid. : 68-70, 74, 220-221), notions utilisables par les biologistes actuels en vue de rétablir ces fosses, dans les travaux projetés de réaménage- ment de la pêche sportive du saumon de la rivière Jacques-Cartier.

c) au cours de l'été 1836, le salmonimane Walter Hen- ry trouvait des tacons ("Salmo Salmulus or Parr") dans la riviè- re Jacques-Cartier; pendant qu'ici même au Québec, il suivait les pistes de divers auteurs saumonniers, Turton, Couch, etc., disant que le tacon n'est pas le saumon (Henry 1840 : 361), son concitoyen expérimentateur, John Shaw, par des observations faites de,1833 à 1839, donc dans les mêmes années, à la rivière Nith, en Ecosse, prouvait que le tacon est le saumon (Shaw

1840 : 547-566, publication originale consultée et analysée, tâche que n'ont pas faite nombre d'auteurs ayant cité cet ouvrage; Günther 1880 : 639; Day 1887 : 85-86, notes infra- paginales avec bibliographie)•

d) pour l'année 1844, le voyageur Eliot Warburton écrivait : "Les saumons abondent dans la rivière Jacques- Cartier" (traduit; Warburton 1846, 1 : 62).

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e) lancement de la pisciculture au Canada : cet évè- nement historique se produisit en 1857, dans la ville même de Québec, lorsque Richard Nettle, désirant des oeufs des sau- mons, Salmo salar, de la rivière JacquesCartier, n'y obtint que des oeufs des ombles de fontaine, Salvelinus fontinalis;

lancement de la salmoniculture au Canada : ce fut en l'année 1858, alors que Richard Nettle réussit, aussi d'ailleurs du- rant quelques années' suivantes, à obtenir des oeufs des sau- mons atlantiques de la rivière Jacques-Cartier, saumons captu- rés là par un pêcheur local; l'installation d'éclosion de ces oeufs, l'"ovariùm", ainsi que Nettle le nommait, était à son bureau, à Québec, angle des rues Saint-Jean et Sainte-Ursule (Chambers 1912 : 172-181) (fig. 3).

f) "rivière Jacques Cartier -- station célèbre pour la pêche au saumon" (Le Moine 1863 : 44; 1887 : 291); "vers le pont Rouge, ces beaux saumons à écailles d'argent" (ibid. 1872:

119, 215).

g) sur la rive nord du fleuve, la rivière Jacques- Cartier est le lieu le plus haut, le plus en amont où, de tout temps, l'on sache que le saumon se rendait, et dans le bas de laquelle, nonobstant les méfaits industriels, il s'est pris jusqu'en ces dernières années (jusque vers 1965) quelques sau- mons par saison; il nous paraît de toute évidence que, la pol- lution et les barrages une fois éliminés du pied de la rivière, elle pourra être restaurée au saumon*.

Il est ainsi clair et net que, depuis le temps de

Samuel de Champlain (17e siècle) jusqu'à nos jours (20e siècle), la limite supérieure, limite d'ascension ou d'accession du Salmo salar à la rive nord du fleuve Saint-Laurent a toujours été la rivière Jacques-Cartier. C'est là une limite et une donnée historiques. Il est curieux qu'il semble n'exister aucune réfé- rence à des captures de saumons dans le tronçon de la rivière Chaudière à l'aval de sa chute située à peu de distance de son embouchure au fleuve Saint-Laurent.

Des deux rives du fleuve à Québec, les bureaux capito- lins de notre Ministère ont obtenu, par exemple de 1945 à 1955, de la part du public, des rapports de prises d'au moins 212 saumons et nous avons les écailles de 208 d'entre eux. La pê- cherie expérimentale du GouverneMent, implantée aux abords des ponts de Québec, a pris, aux dernières nouvelles, 1 saumon en 1975, 1 en 1976, 2 en 1977 (Bouchard 1977), et 7 en 1978

(Bouchard, communication personnelle).

[Suite du texte; page 241.

* Pour ceux que cela intéresse, le nom huron de la rivière Jacques-Cartier est Lahdaweoole, qui signifie : vient de loin (Adams & Baby 1831 : 36).

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Fig.

2. Truite brune, Salmo trutta, 14 juillet 1969, fleuve Saint-Laurent, dans le rapide de Lachine, à Côte-Sainte-Catherine, prise à la mouche sèche;

longueur, 56 cm (22 pouces); poids, 1.8 kg (4 livres). Pêcheur : Jean-Claude Desbiens, Saint-Basile-le-Grand. (Cette truite appartient à la série du tableau, p. 14).

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Fig. 3. La première pisciculture au Canada. L'endroit en est illustré ici pour la première fois, au

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moyen d'une photographie originale, appuyée de publications, et de documents inédits des Archives de la cité de Québec.

1. L'homme. Le créateur et opérateur de la pre- mière pisciculture au Canada fut Richard Nettle (Chambers 1912 : 172), Anglais d'origine, arrivé au Canada vers 1842, qui enseigna d'abord à Québec (Bouchard 1953 : 56).

2. Le lieu. Ce fut dans la Haute-Ville, à Québec, province de Québec, Canada, dans un édifice à l'angle des rues Saint-Jean et Sainte-Ursule (Chambers 1912 : 173). La rue Sainte-Ursule est la deuxième rue à l'est de la Porte Saint-Jean percée dans les Fortifications. Le logement oc- cupé par Nettle portait le numéro civique 4, de la rue Sainte- Ursule (numéro de l'époque); dans l'édifice, le local d'éle- vage était au sous-sol (Hugh R. Mac Crimmon, in litt., 31 juillet 1967), avait une superficie de 10 x 10 pieds (env.

3 x 3 m) (Bouchard, 1953 : 56), se trouvait ainsi à son bu- reau, et était nommé "ovarium", par Nettle (Nettle in Cham- bers 1912 : 175). Sur la photographie ci-jointe, l'édifice en question est celui qui a une vitrine au-dessus de laquel- le se lit l'enseigne "Les Voyages Juan-Demers"; la façade de cette vitrine, surmontée d'un mur de briques, donne vers le nord, sur la rue Saint-Jean. L'autre façade, d'aspect plus ancien, avec solage en pierres calcaires de taille rectangu- laire, surmonté jusqu'au toît d'un mur de bois fait de plan- ches à clin, donne vers l'est, sur la rue Sainte-Ursule. Au- trefois, l'édifice avait une longueur de 35 pieds (environ 10 m) de plus qu'aujourd'hui tel qu'illustré sur la photogra- phie: il a été coupé lors de l'élargissement de la rue Saint- Jean; c'est pourquoi le style des deux façades est si diffé- rent (renseignements de Monsieur Charles Vincent, archiviste de la cité de Québec, obtenus en 1966 par Monsieur Claude Minguy, directeur, Jardin zoologique de Québec, sur demande de Monsieur Louis-Philippe Gagnon, sous-ministre adjoint au Ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, Québec).

Photo par l'Office du Film de la Province de Québec, négatif 6741946, année 1966.

3. La durée. En ce lieu, Nettle installa des oeufs d'omble de fontaine (Salvelinus fontinalis) à l'automne 1857 et, après leur éclosion, les fit se rendre au stade de fretins d'une longueur de 31 - 4 pouces (9 - 10 cm), en 1858. De l'au- tomne 1858, jusqu'à une année ultérieure non précisée, peut- être jusqu'en 1864, en ce même lieu, Nettle fit éclore annuel- lement des oeufs de saumon atlantique (Salmo salar), et en éle- va les poissons nageants produits. Ombles et saumons venaient de la rivière Jacques-Cartier, et les oeufs fécondés des sau- mons étaient transportés par bateau depuis le village de Port- neuf jusqu'à la ville de Québec (Nettle in Chambers 1912 : 175- 181). Nettle occupa l'endroit jusqu'en 1864 (Mac Crimmon in litt., ibid.).

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Le lieu le plus haut, sur la rive sud du fleuve, où le saumon fut mentionné dans des pêches du Saint-Laurent même, est la seigneurie Bonsecours (Lotbinière), donnée par Gédéon de Catalogne sous le nom de l'un des propriétaires intermé- diaires, la "seigneurie de choret", dans le "Mémoire du S..de Catalogne sur les seigneuries et habitations des gouuernem

.s_

:s de quebec, Montreal et les Trois Riuiéres" (inédit, Catalogne 1715 éd. Legendre 1971 : 383a); la dite seigneurie de Choret se trouve presqu'en face de l'embouchure de la rivière Jacques- Cartier.

On a ainsi les poinl- s conjugués, nord et sud, atteints le plus haut, dans le fleuve Saint-Laurent, par le saumon

atlantique marin, historiquement parlant*. Plus en amont dans le fleuve même, à l'ouest de long. 71° 45' W., il n'y avait pas de saumon migrateur marin, à ce qu'on en sache.

* Chose curieuse,- pour nous aujourd'hui touristes de passage, et sur laquelle il vaut peut-être de prendre la peine de s'éton- ner, il y avait là, juste à l'amont de la grande pointe ou Pla- ton de Sainte-Croix de Lotbinière, en face du village de Des- chambault, barrant de ses eaux tumultueuses le fleuve au jusant, le rapide de Richelieu qui arrêtait, à marée basse, la navigation à voile d'époque, vers l'amont, et encore plus par vents défavo- rables. Dès la première montée qu'il fit jusqu'à Montréal, en 1603, Samuel Champlain "s'est cogné dessus"; il racontait:

"Le mercredy, 24. iour dudict mois, nous partismes du- dict Saincte Croix, où nous retardasmes vne marée & demye, pour le lendemain pouuoir passer de iour, à cause de la grande quan- tité de rochers qui sont au trauers de laditte riuiere, (chose estrange à veoir) qui asseiche presque toute de basse mer. Mais à demy flot, l'on peut commencer à passer librement; toutefois il faut y prendre bien garde, auec la sonde à la main. La mer y croist prés de trois brasses & demye" [Champlain (1598-1632) (1603) 1870 : (28) 92]

En 1608, après avoir jeté les premiers fondements de la ville de Québec le 3 juillet, Champlain ajoutait, à l'autom- ne :"...il y a vne pointe de sable qui aduance sur la riuiere, qui est remplie de rochers, parmy lesquels nous auons trouué depuis trois ans vn passage qui n'auoit point encore esté des- couuert : mais pour le passer il faut bien prendre son temps, à cause des pointes & dangers qui y sont. Ce lieu est à des- couuert des vents de Norouest, & la riuiere y court comme si c'estoit vn saut d'eau, & y pert de deux brasses & demie"

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1.3 Le saumon dulcicole ou ouananiche dans les eaux supérieures du fleuve Saint-Laurent

D'ici, on fait un bond, par trajet rivulaire, de 500 km (300 milles), pour se retrouver soudain devant les ouananiches (saumon atlantique dulcicole) du lac ontari6.

[Champlain (1598-1632) (1613) 1870 (157) 305]. La dévinel- lation y était donc dite être, en bette saison et à matée bas- se sans doute, d'environ 4 m (13 pieds anglais) -- l'ancienne brasse française de marine mesurait 5 pieds français (0.324 m), soit 1.62 m environ (les dictionnaires).

Bien des navigateurs par la suite ont signalé cet ac- cident géographique dans le fleuve. Aussi, sur les conséquences d'époque des effets hydrologiques locaux, voir par exemple Bou- chette (1815 : 47-48; 394-395), Silliman (1824 : 225-226, 339).

Rappelons que nos auteurs anciens, lorsqu'ils nomment

"le Richelieu", en particulier sous le Régime français, ne veu- lent pas indiquer la rivière Richelieu connue présentement (1978) sous ce nom, car, à l'époque, elle était dite rivière de Sorel (ou Saurel) ou de Chambly : elle était la "rivière des Iroquois"

de Samuel Champlain, et des anciens Jésuites, car c'était par elle que navigaient les Iroquois Agniers (Mohawks) -- dont le

"pays" était sur la rivière Mohawk, tributaire du fleuve Hudson, dans l'actuel État de New York -- pour venir au Canada, leur an- cien pays d'où ils s'étaient retirés.

Cet endroit, le rapide de Richelieu, sis dans le fleu- ve Saint-Laurent, pouvait être le point précis de modifications physico-chimiques momentanées ou localisées des propriétés de l'eau, qui empêchaient le saumon marin de progresser plus loin vers l'amont du fleuve : en tout cas, il peut y avoir eu là une coIncidence intéressante. Ces propriétés changeaient peut-être là de façon marquée, en la plupart des années -- au goût du sau- mon marin. Ce qui pouvait arrêter là le saumon, car, "il en a vu d'autres", ce n'était certainement pas la turbulence tempo- raire, biquotidienne, des eaux à la marée descendante ou basse : par contre, vers la fin du montant, ou à marée haute, "tout le monde" pouvait passer, et remonter le fleuve, les gens, les pois- sons et même les "marsouins" (bélugas).

Depuis, le rapide de Richelieu a vu son existence, et ses effets, éliminés par les travaux successifs de canalisation

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1.3.1 Le lac Ontario abritait la ouananiche

Réglons tout de suite cette question de la classifi- cation des saumons du lac Ontario, pour satisfaire la curiosité du public, des amateurs, des journalistes, des scientifiques, des enseignants, et des autres passionnés, mordus par la salmo- nite, et qui en parlent, qui aiment à discuter. À des écailles de ouananiche du lac Saint-Jean, et à des écailles de saumon ma- rin du golfe du Saint-Laurent, on a comparé les écailles de deux saumons (dès lors naturalisés, "empaillés", de la collection de l'Université de Toronto) pris au siècle dernier dans le lac On- tario: ces deux saumons ontariens avaient des écailles comme cel- les des ouananiches québecoises du lac Saint-Jean, et ils étaient donc ainsi eux-mêmes des ouananiches: ils n'étaient pas allés à la mer (Blair 1938 : 206). Les saumons du lac Ontario ne vo- yaient pas leur stock renouvelé par celui de la mer; ou, récipro- quement, les saumons marin ne se rendaient pas au lac Ontario.

De plus, tout comme au lac Saint-Jean où, en raison de la présen- ce du précipice de la chute à Caron, infranchissable au saumon en provenance de la mer, le stock dulcicole du saumon (ouananiche) n'est pas renouvelé dans le lac depuis le retrait de la dernière glaciation, par le saumon marin, de même en est-il dans le pays au sud du lac Ontario, "le pays des Iroquois" qui comprend les Finger Lakes, dans lesquels il y avait aussi des saumons, très forcément dulcicoles (ouananiches); à preuve: dans l'un des Fin- ger Lakes, le lac Seneca, il y avait des ouananiches (voir ci- dessous), et, dans la décharge du lac, la rivière Seneca, il y avait à l'état naturel, 7 km (4 milles) à l'aval du lac, une chu- te verticale de 12 m environ (40 pieds) (Braun 1978: 2), donc, du fleuve, en faveur de la navigation, de sorte qu'il est devenu presque invisible en tant que rapide. On le trouve encore

indiqué sur les cartes d'atlas vers la fin du siècle dernier, tel, dans Walling (1875 : 160). Sur les cartes hydrographiques (de Neuville à Leclercville, voir Canadian Hydrographic Service 1972a, n° 1334) , l'ancien rapide de Richelieu se trouve maintenant, à marée basse, dans un chenal de plus de 200 mètres (650 pieds) de largeur, mais qui a été dragué à plus de 10 mètres (35 pieds) de profondeur : il est donc domestiqué à une eau vive sans

brisants. Il n'apparaît plus sur les cartes topographiques actuelles, car il n'est plus un rapide moutonnant, mais, il se trouve toujours sur les cartes hydrographiques de navigation.

Sa position était de part et d'autre de long. 710 55' W., et de lat. 460 38' N., car il avait une longueur de près de 3 kilo- mètres (2 milles).

Chose plus étonnante encore, Jacques Cartier, en ses deux montaisons vers Montréal en 1535 et 1541, ne parle pas de l'existence de ce rapide : il l'aura peut-être passé à marée haute les quatre fois, ou encore, il n'était pas bien nerveux!

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infranchissable vers l'amont par les poissons*. Dans ces Finger Lakes et en d'autres lacs voisins, également d'origine glaciaire, il y avait des ouananiches citées sous le nom de

"saumons", dans les suivants, au moins :

1) lac Onondaga, cinq citations en juillet 1656, pour les rivières du lac, dont une, assurée, pour sa.déchar- ge [Relations des Jésuites, Anonyme 1658 (1858): 9, 12, 34;

lac alors nommé Gannentaa, p. 13,33] ; une citation, pour l'au- tomne 1657, "before ye winter... salmon" [Radisson (1657-1658) 1885, 1967 : 128; dates d'époque reconstituées d'après les Re- lations des Jésuites, Paul Ragueneau 1659 (1858) : 2-6, 6-8;

Pierre-Esprit Radisson fut de ce voyage] ;

2) lac Oneida, une citation en août 1669, "à dix lieu8s d'icy, où ils dardent le saulmon à coups d'espée, lors- qu'il nage dans l'eau", presque assurément dans un des tribu- taires du lac [Relations de Jésuites, Jacques Bruyas 1671 (1858) : 45; lac alors nommé Onneiout, pages 46, 47] ;

3) lac Cayuga, une citation en 1671, sans lieu dé- fini du lac [Relations des Jésuites, Pierre Raffeix 1671 (1858):

22, dans une lettre datée du 24 juin 1672; lac alors nommé Gotogotien, pages 22-23] ;

4) lac Seneca, le lac des Iroquois Tsonnontouans : voir ci-dessous citation du 19e siècle (Milbert 1828).

Ces quatre citations ne concernent donc pas le lac Ontario immédiatement, mais des lacs de bonne taille, peut-être tous oligotrophes, avec ouananiche, tous situés au sud du lac Ontario et y étant tributaires, dont deux appartiennent à la série des Finger Lakes, les lacs Cayuga et Seneca.

* Cependant, une telle hauteur peut être grimpée par les fre- tins de l'anguille, nommés les civelles : longues de 5 à 10 cm (2 à 4 pouces), filiformes, d'un diamètre de 2 à 4 mm (1/16 à 3/16 de pouce), de peau très muqueuse et collante, les civel- les montent le long de parois verticales mais humides, de bois, de roc ou de béton, dans des mouvements ondulants, alors que la tête se décolle de la paroi plus bas, pour se recoller à la paroi plus haut, entraînant ensuite le corps, puis la queue, ces derniers servant ensuite de points d'appuis pour la repta- tion verticale suivante : ces mouvements se font très vite, avec des phases ascensionnelles de repos... si le poisson ne retombe pas à l'eau, quitte à se reprendre aussitôt en alpi- nisme. L'anguille se trouvait dans le lac Seneca au siècle dernier (Milbert 1828, 1 : 168), et s'y trouve encore de nos jours (Greeley 1928 : 105) : elle ne peut y arriver que de la mer, par le truchement de ses civelles grimpantes, vues en telle

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La ouananiche n'apparaît nulle part dans les au- tres Grands Lacs, Érié, etc. --- ni d'ailleurs dans les lacs du système de la rivière des Outaouais. Puis, voir ci-dessous le lac Champlain qui fait aussi partie du même paysage post- glaciaire, à l'orient des Finger Lakes.

1.3.2 Les "premières" citations mondiales de la ouana- niche*

Chose remarquable au sujet de ces premiers "records"

historiques américains, rappelons, ainsi qu'on le verra ci- dessous, mais au lac Champlain excepté, qu'ils sont tous dûs à la plume d'Européens, à des Français de la France : aucun ne provient d'écrits par des Canadiens français.

1.3.2.1 Au lac Saint-Jean

La première citation mondiale sur l'existence du saumon d'eau douce ou ouananiche appartient au Québec, au lac Saint-Jean, et fut écrite pour l'année 1647, en juillet, par le Père Jésuite Jean De Quen: "... nous commançasmes icy à descendre dans le lac Piouagamik [lac Saint-Jean] ... on y pes- che des brochets, des perches, des SAUMONS, des truittes, des poissons dorés, des poissons blancs, des carpes et quantité

d'autres espèces" [Relations des Jésuites, De Quen 1648 (1858) : 65] (le souligné du mot SAUMON est le nôtre).

Joseph Laurent Normandin --- "arpenteur du Roy", du 13 mai au 18 août 1732, dans un voyage d'exploration de la contrée située à l'ouest et au sud du lac Saint-Jean en vue d'y déterminer la hauteur des terres (Normandin 1732 : 115-119), action ascensionnelle, et recueillies, par V. L., le 11 août 1945, à la- rivière Riverin, à l'est du village de Pentecôte, comté de Duplessis, %-‹raébec : spécimens en collection.

* Pour ceux que cela inquiéterait, la priorité de mention du saumon marin en Amérique, par un Européen, remonte à il y a un millénaire, et apparaît dans la saga de Leif Ericsson en l'an 1000 exactement :.pour s'en convaincre, on n'a qu'à lire les sagas écrites en islandais; une seule référence donnée ici parmi d'autres, Rafn 1838 : 6, 21. Le mot saga, du scan- dinave, veut simplement dire: récit écrit --- il ne veut pas dire: aventure, tel que d'aucuns le croiraient. Toute autre mention du saumon pour l'Amérique est ultérieure. Au Québec, il y a deux "premières" citations du saumon en 1534, et elles se firent par le découvreur français Jacques Cartier : le 12 juin, à la Côte-Nord du golfe du Saint-Laurent, probablement au fleuve Chécatica; et le 8 juillet, en ce qui paraît être le barachois du fleuve de Carleton à la baie de Chaleur [ Cartier (1534) in Pouliot 1934 : 18, 37].

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plus particulièrement vers l'ouest pour établir, semble-t-il, les limites entre le "domaine du Roy" et celui des Anglais à le baie d'Hudson --- les 10 juin et 1 juillet 1732, dans la montée, puis, dans la descente, respectivement, de la rivière Achouapmouchouane (Chamouchouane), mais sans mentionner aucu- ne espèce de poisson comme telle, cite trois fois la "Rivière au saumon" (noter: au singulier) (ibid.: 52, 151-152), et en donne le nom indien : "ChaChamingouche" (p. 52), "ChaChamin- gouechechipi" (p. 151) [-chipi = sipi = rivière. V. L.] : ce nom français devait exister depuis quelque temps dans le vo- cabulaire des quelque rares gens fréquentant alors le pays, coureurs de bois, etc., et vu que Normandin était étranger à cette région. Le poisson n'y est pas lui-même mentionné.

Il fallut attendre un siècle et trois quarts après la première citation mondiale, avant que la ouananiche reparaisse dans la littérature, cette fois pour de bon, et sous son nom ou plutôt sous des variantes graphiques tenant aux auteurs, tous dans des rapports officiels parus dans des Appendices des Journaux de la Chambre d'Assemblée de la Province du Bas-

Canada, dans les Sessions du Parlement provincial, et dus à des arpenteurs envoyés par le Gouvernement, ou à des agents aux postes des compagnies de fourrures:

1) James M'Kenzie, 1 citation, faite en 1823, appar- tenant au lac Saint-Jean: "Sur le Lac Saint-Jean l'on y prend le Poisson blanc, le Brochet, la Truite et une sorte de Pois- son nommée "Wimanish", qui je crois, ne se trouve que sur ce Lac. Il mesure de douze à dix-huit pouces de longueur, est de même forme que le petit Saumon, et sa peau ressemble en couleur celle du saumon, sinon qu'elle est, autant que je puis me res- souvenir, d'un rouge plus foncé; mais je n'en suis pas bien cer- tain: le goût en est beaucoup plus fin et délicat que celui du Saumon" [M'Kenzie (1823) 1824 : (8)] . La graphie "wimanish"

avec la consonne m, est une faute d'imprimerie pour NTinanish".

2) Paschal Taché, 1 citation, faite en 1824, apparte- nant au lac Saint-Jean: "Le lac St-Jean abonde en brochets de trois à cinq pieds de long, en barbottes, et en awenanish, poisson ressemblant au saumon, mais plus petit, et d'un goût bien supérieur" [Taché, Paschal (1824) 1824 : (19)] . Ces dé- clarations ayant été originellement toutes faites en anglais, il est évident que les "barbottes" sont une erreur du traduc- teur, pour l'anglais "burbot", qui est la lotte, Lota iota; au lac Saint-Jean, il n'y a pas de barbottes, Ictalurus sp., même encore aujourd'hui (1978), mais, il y a toujours eu la lotte.

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3) Charles Taché, père, 2 citations, faite en 1824, appartenant l'une au lac Saint-Jean, l'autre à l'un de ses tri- butaires, la rivière Achouapmouchouane : "Le lac Saint-Jean ...

abonde un [erreur pour: en] poisson de différentes espèces,

tels que brochet, poisson blanc, doré,"truite, awenanish, poisson le plus délicieux du monde; il y a aussi dans la rivière à l'ours qui se décharge dans la rivière Chuamushuane, du saumon" [Taché, Charles (1824) 1824: (23)] .

4) W. Nixon, 1 citation, écrite le 13 septembre 1828, appartenant au lac Saint-Jean : "La saison pour l'Awenanish commence vers le quinze mai et va jusque vers le vingt ou la fin de Juin. On le prend ordinairement à l'hameçon, et le poids en est de deux à trois livres" [Nixon 1829a : (317); 1829b : (374); 1829c : 74, erreur d'imprimerie: "Awenahish"] .

5) Alexander Murdoch, 1 citation, mentonnée dans Nixon ci-dessus, appartenant au lac Saint-Jean : "Le lac St.-Jean...

Les poissons qui y abondent sont le brochet, la carpe, le doré, le poisson blanc, l'awenanish, le chabot [erreur de traducteur pour : "chub"] , et un poisson appelé la munie [nom cri de la lotte, Lota iota. V. L.] ,... Je considère l'awenanish comme le meilleur poisson d'eau douce que j'aie jamais vu" [Murdoch in Nixon 1829a : (317); 1829b : (374); 1829c : 76] .

6) Joseph Bouchette, le jeune, les 28, 29 et 30 août 1829, à la rivière Achouapmouchouane, 2 citations du "Portage du Saumon", et 2 citations de la "rivière au Saumon" [Bouchette, Joseph, le jeune 1829a : (337); 1829b : (390-391); 1829c : 140- 142] . Puis : "Le lac St. Jean... Le lac abonde en plusieurs sortes de poissons, tels que le doré, la carpe, l'achigan [ce qui est faux : il n'y a jamais eu d'achigan, là. V. L.] , la truite, le poisson blanc, l'anguille [inconnue, là. V. L.] , le brochet, et un poisson particulier appelé wenanish" [ibid., 1829a : (339); 1829b : (392); 1829c : 148] .

Les autres "premières" citations de la ouananiche ap- partiennent aux tributaires du lac Ontario dans l'État de New York; puis, à la décharge du lac Ontario, qui ést le fleuve Saint-Laurent supérieur; puis, aux rives dulac Ontario dans la province d'Ontario; le tout, au 17e siècle. La ouananiche ap- paraît au lac Champlain, dans les citations, au 18e siècle.

En Europe, elle n'est citée la première fois qu'au 19e siècle, pour la Suède, au lac Véner, par un Anglais! Voici un aperçu de ces "records" historiques.

1.3.2.2 Au lac Ontario

Les confirmations intermédiaires ou ultérieures, his- toriques, de la présence de la ouananiche dans le lac. Ontario, se supportant les unes les autres, se sont accumulées dans les

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relations des voyageurs et des résidents, pour les deux rives nord et sud du lac, et d'un bout à l'autre du lac, ainsi que dans le secteur immédiat de sa décharge, le cours supérieur du fleuve Saint-Laurent.

La deuxième "première" mondiale se fit par nul autre que le vrai futur promoteur de la Compagnie de la Baie d'Hud- son, Pierre-Esprit Radisson*, pour l'année 1653, alors qu'il était un prisonnier mais un "adopté" des Iroquois : il cita le saumon --- et l'esturgeon --- pour un tributaire indéfini du lac Ontario, dans l'État de New York [Radisson (1652-1654) 1885, 1967 : 74] . Radisson a écrit les relations de ses premiers voyages dans un anglais effroyable, et, les faits se rapportant au temps où il était encore un adolescent, sa chronologie, sont vagues : c'est pourquoi l'on ne peut préciser.

La troisième des "premières" citations, encore pour l'État de New York, appartient à un tributaire méridional dé- fini du lac Ontario, la rivière au Saumon, encore aujourd'hui dite "Salmon River", se jettant dans le lac Ontario à Port On- tario, État de New York, à l'ouest de la ville de Pulaski, et fut écrite pour l'année 1655, fin d'octobre, par le Père Jésui- te Claude Dablon: "Le 29. [octobre] nous arrivasmes sur les 9 heures du matin à Otihatangué [rivière au Saumon] ... Otiha- tangué est vue riuiere qui se décharge dans le Lac Ontario...

Au printemps... Tous le reste de l'année iusques en hyuer, le saumon fournit de quoy viure [vivre] au Bourg d'Onontaé [Onon- daga, près de l'actuelle (1978) ville de Syracuse, État de New York] "**[Relations des Jésuites, Dablon 1657 (1858) : 9-10; ci- tation réitérée p. 11, sous un autre aspect].

Les cinq "premières" suivantes, de la quatrième à la huitième, pour l'année 1656, appartiennent au lac Onondaga:

déjà citées à l'item précédent.

* Pierre-Esprit Radisson n'était pas un Canadien, mais un Français. Il arriva au Canada le 24 mai 1651 [Radisson (1652-1654) 1885, 1967 : 25] .

** Pour ceux que cela intéresse, un autre nom indigène amérin- dien de la ouananiche, celui de la population dulcicole du lac Ontario, était, en iroquois du village des Onondaga:

otschiontAas (Zeisberger 1887 : 163). Ce terme paraît bien contenir la racine iroquoise, de même qu'huronne, du mot pois- son: entson [= otschiont-] [Potier 1745 (1920) : 455] , mais la signification du suffixe ici trouvé, -onas, reste à déter- miner.

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