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Transformer la conduite du changement : les apports des nouvelles approches managériales et des dispositifs d intelligence collective

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Academic year: 2022

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Transformer la conduite du changement : les apports des nouvelles approches managériales et des dispositifs d’intelligence collective

Reshaping of change management : the valuable contributions of managerial innovation and collective intelligence approaches

Laurence HIRBEC

Résumé A l’ère de la transformation digitale et du monde « VUCA », la capacité à se transformer est l’un des enjeux clés des organisations. Dans cette

perspective, les processus de conduite du changement sont appelés à se renforcer et à tirer profit des concepts, méthodes et outils émergents dans les sphères de l’innovation managériale, de l’accompagnement systémique des organisations, de l’intelligence

collective ou des technologies digitales. Cet article vise à offrir une vision élargie et renouvelée des différents champs conceptuels ou méthodologiques dont l’utilisation dans le cadre des transformations serait à étendre. Loin d’une approche

mécaniste de la conduite du changement, il s’agit d’opérer une salutaire synthèse de ces différentes approches, afin qu’elles puissent toutes contribuer à aborder les

transformations, tout en réenchantant l’entreprise.

Mots-clefs : changement, transformation, approche

systémique, intelligence collective

Summary

In the era of digital transformation and

« VUCA » world, the ability to transform is one of the key issues organizations are facing. In that respect, the change management processes need to be reinforced and to take benefit from emerging concepts, methods and tools from multiple areas such as managerial innovation,

systemic organization, collective

intelligence or digital technologies. This article aims at providing an enlarged and renewed vision of the various conceptual or methodological fields whose use in the framework of

transformations should be expanded.

Far from a mechanistic view of change management, it consists of a salutary interplay and combination of those different approaches, so that they all contribute to tackling transformations, while reenchanting the workplace.

Key words : change,

transformation, systemic approach,

collective intelligence

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2 INTRODUCTION

Le terme transformation supplante de plus en plus celui de changement. Il semble en être une sorte de superlatif : il s’agit de signifier que les

changements qui s’opèrent aujourd’hui sont d’une autre ampleur, d’une autre intensité, d’une autre profondeur, d’un autre rythme. Adopter un autre terme nous permet de prendre acte de cette mutation. Nous changeons de mot car nous avons changé d’échelle.

Si l’on considère que le mot transformation sous-entend une dimension holistique, une magnitude du changement, dans sa profondeur et dans la surface du périmètre impacté, pilote-on la transformation comme l’on pilote le changement ?

Il est une autre caractéristique de plus en plus marquée : toute transformation s’opère désormais au sein d’un

environnement lui-même mouvant.

Dans ce monde « VUCA » (Volatility, Uncertainty, Complexity et Ambiguity), comment acquiert-on la souplesse requise, tout en identifiant les ressources stables sur lesquelles l’organisation doit continuer à

s’appuyer pour consolider et optimiser, tout en innovant ? Quels

fondamentaux de la conduite du changement restent plus que jamais valides ? Comment les nouvelles approches d’intelligence collective et d’agilité, les technologies digitales ou les modes managériaux innovants peuvent-ils renforcer ces

fondamentaux, afin d’en maximiser et d’en pérenniser les effets ?

Quel sens donner au terme même de pérennité ou d’ancrage, alors que l’environnement nous intimera très vite une nouvelle mise en mouvement ? Quelles sont alors les implications sur la posture et les compétences des acteurs de la transformation ? Et que

doivent mettre en place les organisations pour permettre l’émergence des pratiques et comportements propices au changement ?

J’ai souhaité adresser ces questions en utilisant de multiples angles d’attaque et en faisant dialoguer plusieurs disciplines, modèles,

méthodologies, provenant de champs théoriques connexes (systémique des organisations, Spirale Dynamique, théorie U, Appreciative Inquiry, Design Thinking, agilité, organisation

apprenante, codéveloppement…). Ce dialogue est lui-même une illustration concrète de la puissance des

fertilisations croisées et du recours conscient à la diversité. La multiplicité des regards et l’écho des messages croisés ont vocation à enrichir l’environnement systémique et

méthodologique attaché à la conduite de la transformation.

Il s’agit de créer des liens, de favoriser l’interdisciplinarité (Bournois & Tissot, 2018), de faire des correspondances, de tracer des parallèles, de découvrir la variété des apports potentiels, de mettre au jour les points de

convergence, cela dans un parti pris résolument optimiste et intégratif.

A travers ce double mouvement de synthèse et d’ouverture, qui

s’apparente à une respiration, l’on perçoit un flux essentiel, qui n’est autre que celui de la vie.

Interroger la conduite de la transformation à l’aune des

caractéristiques du vivant, c’est déjà voir la transformation non pas comme une rupture, mais comme une danse (Senge, 1999) qui serait le symbole même de la vie, dans ses perpétuelles remaniements, morts et renaissances.

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3 Finalement, la rupture majeure ne

consiste-t-elle pas à libérer les talents et les forces vives de l’organisation (Cable, 2018), afin que, au-delà de la conduite de la transformation, et grâce à elle, l’engagement des acteurs se trouve décuplé ?

Se gréer pour aborder la permanence des changements, serait non

seulement une nécessité mais aussi une belle occasion de développer de nouvelles façons d’interagir et de collaborer, plus ouvertes et inclusives, plus inspirantes et résilientes ? Une occasion aussi de réinsuffler de la vie au cœur des organisations ?

Le changement dans le monde

« VUCA »

Les changements d’aujourd’hui sont aussi caractérisés par leur aspect plus diffus : il est moins aisé d’en saisir les limites, les frontières. Leurs impacts sont plus étendus, voire mondialisés.

Leur rythme est effréné et leurs intersections sont inattendues.

Chercher à les prédire est louable et utile. Y parvenir est un objectif rarement atteint.

Dans notre monde « VUCA » (Mackey, 1992), il n’est d’autre attitude valide que celle de s’adapter avec agilité et une belle dose de clairvoyance. Si cela semble aller de soi sur le plan logique, il n’en est pas de même sur le plan psychologique. En effet, l’un des besoins humains, d’après Maslow (1943), est le besoin de sécurité.

Comment continuer à se sentir en sécurité alors même que l’incertain semble teinter plus nettement tous les aspects de notre vie ? Ce point

spécifique mérite la plus grande attention lorsque l’on prétend aborder efficacement une transformation. Et nous verrons plus loin l’importance d’identifier les zones de continuité qui

existent toujours, même dans un contexte de profond changement. Il s’agit de développer la confiance pour mieux vivre la rupture d’équilibre…

Or, dans un contexte de

transformation, l’on oublie souvent de mettre en lumière et de valoriser les domaines de continuité et de stabilité.

La focalisation sur ce qui bouge étant anxiogène par nature, il est essentiel de porter aussi le regard sur les domaines qui demeurent inchangés.

Ce sont en général des domaines qui fonctionnent bien et sur lesquels l’on peut se reposer en confiance et en fierté.

Pour transformer l’entreprise, il est crucial de porter son attention sur ces 2 axes : celui de la continuation et celui de la modification (Oddoux et al,

2017).

Dans ce monde « VUCA », il s’agit aussi de développer la vision et la compréhension globale, ainsi que l’agilité nécessaire pour continuer à tirer parti des acquis et des processus sur lesquels repose l’organisation, tout en la mettant en mouvement vers les innovations qui la propulseront vers l’avenir. Ceci appelle une stratégie de transformation à la fois ambitieuse et respectueuse des fondations de l’organisation.

Par analogie, comment appliquer cette dualité, non plus à l’entreprise, mais au processus même de conduite du

changement ? C’est-à-dire tendre vers une approche plus intégrative et

holistique (transformation), tout en continuant à s’appuyer sur certains fondamentaux de la conduite du changement qui restent plus que jamais valides ?

Cet écosystème propice à la

transformation opérerait une sorte de synthèse entre la conduite du

changement instrumentale et la conduite du changement managériale (Autissier et al, 2018). Loin de se

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4 remplacer, ces approches se

complètent en se renforçant.

Pour aborder cette vision de niveau système, portons d’abord notre regard sur une théorie qui a pour ambition d’éclairer les interactions au sein d’un système : la systémique. Issue des réflexions du groupe de Palo-Alto, la systémique affirme la nécessité d’élargir sa vision au système dans lequel un changement a lieu, et non seulement au strict périmètre

concerné.

L’approche systémique, alliée des transformations

L'approche systémique vise à comprendre la complexité d’une organisation en termes d’entrées et sorties du système considéré, des interactions entre les acteurs, et des impacts induits sur l'ensemble du système. Cette vision holistique permet alors d’aborder le changement en prenant en compte les spécificités de l’organisation.

Gregory Bateson, membre fondateur de l’Ecole de Palo Alto, a défini deux types de changement dans les

systèmes humains : le changement qui intervient à l’intérieur d'un système, qu'il nomme le changement 1, et le changement qui affecte et modifie le système lui-même, qu'il appelle le changement 2. Le principe systémique de l’homéostasie (tout système tend à réduire les variations qu’il connaît) explique la tendance des systèmes à éviter le changement ou à en réduire la portée.

Alors, comment permettre l’avènement de changements de type 2 plus

profonds et durables ?

Selon Michel Giffard (2010), « le changement de type 2 passe souvent par une crise permettant de changer les représentations mentales et de

bousculer le niveau d’homéostasie. ».

Or, le mot transformation renvoie bien sûr à cette notion de changement de type 2, au regard de la portée

systémique de la plupart des

transformations, mais aussi compte- tenu de la profondeur des

changements escomptés, et de leur ancrage espéré.

Ainsi, l’une des questions centrales dans l’optique d’une transformation est probablement de s’interroger sur la manière de permettre le changement des représentations mentales

attachées au contexte.

Parmi les modèles sociologiques et systémiques, la théorie

organisationnelle de Berne (TOB), père de l’Analyse Transactionnelle (AT), est particulièrement éclairante dans l’accompagnement du

changement au sein d’une

organisation (Vergonjeanne 2010).

Elle comporte des outils d’analyse du système organisationnel (leadership, culture, activités, règles, processus relationnels, interfaces internes et externes…), synthétisés dans le tableau de Fox (1978). Certains praticiens (Laugeri, 2006) y ont ajouté la notion de changement émergent (adaptation de l’activité aux besoins de l’environnement) et de constructivisme (changement coconstruit par les flux d’énergie provenant à la fois de l’environnement et de l’activité). Cette coconstruction implique que le collectif soit pleinement partie prenante.

Nous verrons ainsi plus loin les apports de plusieurs pratiques collaboratives qui, à condition d’être correctement facilitées, sont de nature à

accompagner le changement (Appreciative Inquiry, World Café, Future Search, codéveloppement professionnel…). Mais il apparaît d’emblée un point commun : elles reposent toutes sur la puissance du collectif, plutôt que sur une approche

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5 descendante. Et il est notable que ces pratiques nécessitent moins un

manager qu’un facilitateur…

Ce point n’est pas anodin : les démarches collaboratives ont fait irruption sur le champ de l’innovation managériale, parce qu’elles sont clés dès qu’il s’agit d’innovation, d’efficacité d’équipe, d’organisation apprenante et de conduite de la transformation. Le collectif est de plus en plus détenteur du savoir, de la puissance

d’innovation, de la faculté de mise en mouvement. Le rôle majeur du

manager consiste alors à libérer l’énergie du collectif pour mettre en mouvement l’organisation puisque la dynamique de transformation requiert la mobilisation des énergies de

l’organisation.

Pour convoquer de nouveau le

vocabulaire systémique, tout système ayant tendance à l’homéostasie, sa transformation nécessite une

importante dépense d’énergie en vue de la mise en mouvement. Les

approches qui sont décrites un peu plus loin se distinguent par la manière dont cette énergie est appelée à émerger.

La Spirale Dynamique éclaire la capacité de transformation de l’organisation

Tout d’abord, dans le cadre d’une vision holistique et intégrative des transformations, une théorie s’avère particulièrement éclairante pour comprendre les comportements

individuels, de groupes ou de sociétés complètes : la Spirale Dynamique (Graves et Beck). Huit niveaux

d’évolution de la conscience humaine y sont décrits. A une même époque, plusieurs niveaux cohabitent, mais un niveau prédomine jusqu’à une crise qui provoque un point de basculement

vers l’émergence plus nette du niveau suivant.

Décrypter le niveau de conscience de l’organisation à l’aide du modèle de la Spirale Dynamique permettra d’évaluer les capacités de transformation d’une organisation.

Autrement dit, une transformation qui aurait l’ambition de faire passer une organisation d’un niveau donné au niveau non immédiatement supérieur serait vouée à l’échec, ces 2 niveaux n’étant pas adjacents. L’entreprise devrait d’abord mener des actions apparentées au niveau intermédiaire.

Beaucoup d’entreprises et d’institutions sont régies par la strate « Bleue » dans laquelle ordre, méthode et discipline sont les fondamentaux culturels, ou bien la strate « Orange », qui valorise la performance individuelle.

Or, les transformations globales du monde VUCA appellent sans doute les comportements et valeurs

caractéristiques du niveau « Vert » de la Spirale Dynamique, et encore plus du niveau « Jaune », intégratif et réconciliateur, caractérisé par la vision holistique, la pensée systémique et la prise de responsabilité vis-à-vis des autres.

Aujourd’hui, le niveau « Vert » est assez présent : communautaire et antihiérarchique, prônant la vertu du dialogue et du consensus, le souci de l'autre, la défense des minorités, la sensibilité écologique, le féminisme, le multiculturalisme et le retour à la spiritualité. Quant au niveau « Jaune » qui permettra une vision intégrative des forces des autres niveaux, il est encore minoritaire. L’enjeu est de mieux faire face à la complexité en intégrant des pensées différentes. Ceci fait d’ailleurs écho à la récente

émergence du principe de « Diversité et Inclusion » que les entreprises s’attellent à déployer. Le mouvement

(6)

6 viendra peut-être de la génération Z,

également nommée Génération C (pour Communication, Collaboration, Connexion et Créativité).

N’oublions pas que les facteurs multigénérationnels ont une

importance notoire dans les processus de changement. Les générations X, Y et Z ont un rapport différent à la collaboration, la créativité,

l’adaptabilité, le multi-tâches, l’autorité, le digital, l’autonomie…Un enjeu clé des transformations concerne l’intégration harmonieuse des différentes générations dans la démarche de changement.

A cet égard, certaines innovations managériales telles le Shadow Comex ou le reverse mentoring, pourraient trouver leur déclinaison dans la dynamique de transformation. De même, les réseaux apprenants, les ateliers participatifs, les hackathons ou le codéveloppement professionnel, sont de nature à permettre les échanges inter-générationnels.

Frédéric Laloux (2015) a baptisé

« stade Evolutif Opale » le niveau

« Jaune » de la Spirale Dynamique, et étudié les caractéristiques et les conditions d’émergence des

entreprises Evolutives Opale. Il note 3 avancées majeures de ces entreprises pionnières : « l’autogouvernance, l’affirmation de soi » puis « la raison d’être Evolutive : au lieu d’essayer de prévoir et de maîtriser l’avenir, elles invitent leurs collaborateurs à écouter et à comprendre ce qu’elles veulent devenir, et à quelle finalité elles entendent répondre ». Dans cette optique, la conduite du changement est vue comme l’adaptation

permanente du système vivant qu’est l’organisation.

Nous voyons en quoi le concept de Spirale Dynamique enrichit la vision

systémique nécessaire lorsque l’on aborde une transformation.

Citons aussi l’apport de la marguerite sociologique, développée par Johnson et Scholes (2000) pour rendre compte du système culturel à l’œuvre dans une organisation.

Il nous faut bien sûr aussi mentionner l’importance des aspects interculturels, puisque, dans nos entreprises

globalisées, les transformations et leurs impacts sont rarement

circonscrits à un pays particulier. A cet égard, les théories des dimensions culturelles mettent en évidence des axes de différences culturelles qui ont une grande influence sur le rapport des individus au changement. Ainsi, le modèle de Hofstede (2010) identifie les axes suivants : la distance

hiérarchique, la tolérance à l'incertitude, l'individualisme et le collectivisme, la dimension

masculine/féminine, l'orientation court terme/long terme. Certaines

dimensions ont un lien direct avec le comportement face au changement, en particulier le niveau de tolérance à l’incertitude. En effet, dans les cultures ayant une faible tolérance à

l’incertitude, il existe une tendance au conservatisme (Grèce, Portugal), tandis que dans les cultures ayant une forte tolérance à l’incertitude, le

changement, la prise de risque et l’innovation sont valorisés (Inde, Chine).

De la gestion des résistances à la mobilisation des énergies de transformation avec la théorie U Aujourd’hui encore, les stratégies traditionnelles de conduite du

changement reposent sur un concept central : celui de la résistance au changement. Les méthodes de

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7 pilotage du changement font donc la

part belle aux manières d’adresser les multiples manifestations de la

résistance au changement. Ainsi, la sociodynamique et son concept central de « stratégie des alliés » (Fauvet 2004) ou encore l’équation du changement (Beckhard 1975), ont constitué un fondement théorique largement appliqué.

Lewin (1951) insistait sur l’attention privilégiée à porter à la diminution d’intensité des forces restrictives.

Il a aussi expérimenté la puissance des « focus groupes » qui, en permettant l’interaction sociale et cognitive, entraîne une réduction des résistances et l’émergence de

solutions nouvelles (Autissier & Moutot 2013). Il est notoire que ces « focus groupes » n’ont pas vocation à

stigmatiser les résistances, mais à leur donner un terrain d’expression, ceci permettant une salutaire analyse des risques liés au changement. En effet, les résistances sont souvent la

manifestation d’une légitime inquiétude quant aux potentiels effets négatifs induits par un changement (Crozier &

Friedberg 1977).

La démarche la plus complète consiste probablement à combiner les deux approches : à la fois réduire les forces antagonistes qui veillent à

l’homéostasie du système, et

intensifier les forces propulsives qui impulsent la dynamique de

changement.

Et si, dans notre monde mouvant et relié, le collectif était l’acteur principal du pilotage de la transformation ? Il est frappant, mais non surprenant, de constater la similitude avec les

courants actuels dans le domaine de l’innovation managériale, dans lequel le collectif devient central.

D’après Robbins et al (2017), une culture innovante présente souvent les 7 caractéristiques suivantes :

acceptation de l’ambiguïté, tolérance au risque, tolérance au conflit, faibles contrôles externes, priorité à la fin plutôt qu’aux moyens, feed-back positif et approche de système ouvert (c’est- à-dire interagissant en permanence avec son environnement). Il est

probable que ces conditions favorables à l’innovation soient aussi favorables au changement.

Il est alors question de rendre possible l’émergence du changement, puis de co-créer, plus que de piloter d’en haut.

L’enjeu est de passer du contrôle à l’accueil de ce qui émerge, pour laisser naître le mouvement de la

transformation.

C’est d‘ailleurs le sens de la théorie U d’Otto Scharmer. Le titre de son livre est évocateur de ce mouvement : « La Théorie U : Diriger à partir du futur émergent ». Ce processus de changement transformationnel ne présume pas de l’aboutissement du changement. Le but poursuivi est lui- même un produit du processus en U.

L’issue n’est pas préétablie. Elle fait partie de la co-construction

collaborative.

Le modèle de Scharmer encourage pleinement les pratiques participatives qui sont à la base des apprentissages collectifs, par les prises de conscience qu’elles génèrent.

Ces prises de conscience ont une composante collective et individuelle.

Car chaque acteur de la communauté de changement a un chemin personnel à parcourir…

Einstein disait qu’«aucun problème ne peut être résolu sans changer le niveau de conscience qui l'a

engendré.». C’est pourquoi l’ambition de la théorie U de Scharmer est justement de provoquer une

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8 conscience accrue, source de lâcher- prise et d’innovation. Le

« presencing », notion centrale du modèle, rend compte de cet état de présence intensifié qui nous permet le

« pas de côté » et nous ouvre à un espace de création. Les 5 étapes du processus (Initier, Percevoir, Etre présent, Créer, Déployer) rappellent le modèle de Kurt Lewin (décristallisation, déplacement et recristallisation). Mais le mouvement ne provient pas des mêmes stimulis. Le stimuli est plutôt interne chez Scharmer, plutôt externe chez Lewin.

L’Appreciative Inquiry pour libérer les énergies positives de

changement

Comment mettre en mouvement ? Comment trouver les énergies

collectives pour lancer et maintenir une dynamique de changement ?

A ces questions, l’Appreciate Inquiry (démarche appréciative en français) apporte des réponses limpides (Cooperrider 1999). Cette démarche positive de conduite du changement est largement utilisée dans les pays anglo-saxons, où la psychologie positive a pris son essor. Elle prend à contre-pied les approches de

changement qui focalisent sur les problèmes et leur résolution (Pagès, 2017). David Cooperrider, créateur de l’Appreciative Inquiry, définit le

changement positif de la manière suivante : « il s’agit de toute forme de changement organisationnel, de réorganisation ou de planification stratégique qui commence par une exploration complète, une analyse du noyau positif de l’organisation dans un dialogue incluant de nombreuses parties prenantes. La connaissance ainsi acquise est ensuite reliée aux plans de changement stratégique de l’organisation et à ses priorités.»

Avec l’Appreciative Inquiry, il s’agit donc de porter son regard sur les forces, les fiertés, les ressources, les bénéfices attendus et de tirer parti de l’énergie positive générée par ces prises de conscience.

Le processus en 5 phases (Définition, Découverte, Devenir, Décision,

Déploiement) convient particulièrement bien à l’animation de séminaires de réflexion en équipe. La méthode convoque l’optimisme et la confiance des participants, et est source de cohésion d’équipe, notamment par la reconnaissance explicite des talents, des potentiels et des ressources de chacun. Elle invite le groupe à se projeter ensemble vers un avenir désiré, en s’appuyant sur les succès passés, les forces et les opportunités.

Cette démarche ne prétend pas

annihiler totalement les résistances au changement, mais nourrir

suffisamment le désir d’un futur

différent pour déclencher une mise en mouvement, malgré les freins.

L’Appreciative Inquiry, en identifiant les aspects de l’organisation qui

fonctionnent bien, permet de porter un regard sur les choses que l’on souhaite garder sans les changer, et non

seulement sur des choses nouvelles à cocréer. Cette attitude est de nature à rassurer les acteurs, en leur montrant qu’il existe des zones de stabilité malgré une transformation qui est à l’œuvre. Cette perspective tempère l’anxiété relative à l’idée du

changement, qui évoque souvent la perte. Ce point est loin d’être anodin dans la mesure où les principaux freins au changement proviennent d’une authentique émotion de peur.

L’Appreciative Inquiry est donc une approche collaborative de

coconstruction, de copilotage du changement. Sa philosophie peut aussi être utilisée dans le cadre

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9 d’autres outils collaboratifs. Par

exemple, il est possible et très

intéressant d’animer un World Café en utilisant des questions éminemment positives, afin que les réflexions et les fertilisations croisées entre groupes puissent bénéficier de cet élan généré par les projections vers le positif.

Le Design Thinking pour concevoir le changement

Le Design Thinking (Faste 1994, Brown 2009), outil au service de

l’innovation et de la transformation des organisations, est né à Stanford, en Californie, dans les années 1980. C’est un processus de conception centré sur les besoins des utilisateurs. A cet égard, il trouve naturellement sa place au sein de la boîte à outils de la

conduite du changement, dans la mesure où cette focalisation sur le client interne est un facteur majeur d’ancrage du changement, puisqu’il induit la réduction des résistances et favorise l’appropriation. Cela est en cohérence avec l’émergence du concept d’«expérience salarié», en écho à celui d’«expérience utilisateur»

ou d’«expérience client», par le biais de la notion de «symétrie des

attentions» (Meyronin & Ditandy 2007).

En d’autres termes, l’entreprise est appelée à prêter autant d’attention à la relation avec ses collaborateurs qu’à la relation avec ses clients, dans la

mesure où la qualité de la première est une condition de la qualité de la

deuxième.

Une autre caractéristique du Design Thinking : les itérations des

prototypages successifs facilitent le maintien de la motivation à changer, par la concrétisation visible de

bénéfices, même intermédiaires. Cela est cohérent avec la 6ème étape du modèle de Kotter (1996) intitulée

« générer des victoires à court terme »,

ainsi que la 6ème marche des 7

marches du changement (Autissier &

Moutot 2013) : « le changement par petits pas ». Ces prototypages itératifs permettent aussi la réduction des risques, par la validation de la viabilité du « design » auprès des utilisateurs.

Leur feedback permet l’amélioration des solutions avant leur

implémentation finale. Le Design Thinking est aussi un outil

d’intelligence collective (Arnaud 2016), promouvant le travail en équipes pluridisciplinaires.

Cette approche d’innovation, destinée initialement à concevoir de nouveaux produits, est de plus en plus utilisée pour concevoir des changements de processus, de services ou

d’organisations.

L’agilité dans la conduite des transformations

Notre monde « VUCA » appelle à l’agilité. Celle-ci a inondé les champs du « software development » avec le large déploiement des méthodes agiles. Elle s’invite aussi dans de nombreux autres domaines. Nous avons vu que le Design Thinking est un processus d’innovation en mode

« agile », où l’un des principes est de produire rapidement des prototypes que l’utilisateur puisse tester, de manière itérative.

Que signifie l’agilité dans le domaine de la conduite du changement ? Déjà, J. Kotter (1996) mettait en avant la nécessité de communiquer sur des

« quick wins » (résultats intermédiaires visibles et rapidement atteignables) afin de soutenir la motivation pour le changement engagé. Cependant, les modèles classiques de conduite du changement ne mettent pas

véritablement l’accent sur la notion de test-erreur, ou de petits changements

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10 itératifs. L’approche classique prône

plutôt une démarche mécaniste et séquentielle.

A l’ère des transformations plus transversales et holistiques, il serait sans doute opportun d’intégrer plus d’agilité dans les plans de

transformations, notamment par l’identification et la délégation de micro-changements, en s’inspirant par exemple de la notion agile de

« sprint », item d’itération de quelques semaines.

Il est à noter que les résultats intermédiaires ne sont pas définis précisément à l’avance, puisque les résultats d’une itération sont analysés pour définir plus précisément l’itération suivante.

Ces pratiques collaboratives sont propices à l’émergence de solutions adaptées, au fil de l’avancée du groupe. Ainsi, pourquoi ne pas piloter un projet de changement en utilisant des préceptes similaires aux méthodes agile ?

Les hackathons sont aussi basés sur les notions de temps restreint, de collectif et de haut niveau d’énergie positive orientée vers un but.

Même si le hackathon est initialement un dispositif destiné à développer un logiciel rapidement et en équipe, il peut trouver sa place dans un processus de transformation d’une autre nature : par exemple la mobilisation d’un collectif pour faire émerger des solutions

pouvant répondre à une problématique de changement.

Un autre dispositif se révèle particulièrement intéressant pour construire collectivement le futur : le Future Search (Weisborg 1999). Il consiste à organiser une conversation collective et structurée autour d’une problématique, afin de définir le futur désiré.

L’intelligence collective est au cœur d’une multitude de dispositifs au service des transformations.

Par ailleurs, dans notre contexte global de transformation digitale, les

technologies digitales s’invitent de plus en plus à la table de la conduite du changement. Et le concept de

« Change digital » recouvre à la fois la conduite du changement pour les projets digitaux et l’utilisation du digital pour faciliter les actions de la conduite du changement (Autissier et al 2014).

En particulier, les outils collaboratifs digitaux sont de plus en plus

plébiscités, qu’ils permettent de faciliter la collaboration en distanciel (équipes internationales par exemple) ou qu’ils soient un élément de « gamification » au service d’ateliers collaboratifs.

En des termes plus systémiques, la magnitude de l’impact et des

implications de la transformation digitale conduit à parler de

transformation de l’entreprise tout entière. Elle induit des mutations fondamentales des processus, des métiers, des modes de travail, des postures managériales, des produits, de la relation client…En cela, la

transformation digitale rend la conduite du changement encore plus cruciale, visible et centrale. Et elle appelle à questionner les approches de conduite du changement, afin qu’elles soient à la hauteur des profonds remaniements qui sont à l’œuvre.

Ainsi, le monde « VUCA » et la transformation digitale servent la réflexion sur le pilotage du changement en questionnant de

nouveau les méthodes éprouvées, afin de les rendre encore plus efficaces et robustes face aux enjeux d’aujourd’hui.

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11 SYNTHESE DES APPORTS DES

APPROCHES ABORDEES

Il est un point remarquable : la plupart des approches abordées ci-dessus sont compatibles entre elles et peuvent aisément se compléter tout en

renforçant leurs effets.

Approches abordées

Apports à la conduite du changement Systémique des

organisations

Vision holistique du système dans lequel le changement s’opère

Spirale Dynamique

Eclairage sur la capacité de changement de l’organisation Théorie U Coconstruction du

futur émergent Appreciative

Inquiry

Conduire le changement en s’appuyant sur les réussites

Design Thinking Expérience utilisateur, prototypage et itérations pour concevoir le changement

Agilité Adaptation réactive permanente

Le manager au service de la transformation

Alors que le collaboratif apparaît comme le levier essentiel dans les nouvelles approches transformatives, comme dans le champ de l’innovation managériale, les managers sont de plus en plus attendus dans un rôle de catalyseur de l’intelligence collective au cœur des transformations.

Quant aux outils collaboratifs, ils sont innombrables. Ils trouvent leur place

indifféremment dans les ouvrages de management, de conduite du

changement (Tonnelé 2011, Autissier

& Moutot 2013) ou bien dans ceux consacrés aux moyens d’animation de séminaires et de facilitation d’ateliers (Moutot, Autissier, 2016).

Au-delà des outils et méthodes, l’animation du collectif exige des qualités humaines et des

comportements adaptés, souvent dénommés « soft skills » dans l’entreprise.

C’est pourquoi les dispositifs de développement du leadership ont une place fondamentale dans l’aptitude à la transformation, car les styles de

leadership et les comportements des managers ont un effet direct sur le climat des équipes, et par conséquent, sur leur implication dans le

changement (Goleman 2000). Ainsi, le style « manager-coach » est de nature à développer la culture de

l’apprentissage, tandis que le manager

« participatif » permet l’émergence et la confrontation des idées, source de créativité et d’innovation. Le manager

« directif » apportera de la structure mais dégradera progressivement le climat d’équipe s’il ne varie pas son style de leadership en élargissant sa palette de styles.

Cela illustre que, d’une certaine façon, le manager d’aujourd’hui est très attendu sur son animation du collectif, et que, par conséquent, sa posture tend à se rapprocher de la posture de l’animateur-facilitateur. En d’autres termes, il est urgent pour les managers de se former aux outils et techniques d’animation et de facilitation, avec lesquels ils sont en général peu

familiarisés. Ils sont souvent contraints de solliciter des consultants externes pour ces prestations de facilitation.

De plus en plus, certains managers montrent leur intérêt pour ces

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12 dispositifs, et expriment le souhait de

se former à certaines des techniques.

D’ailleurs, pilotage et facilitation ne sont pas antinomiques. Car, selon Vergonjeanne (2010), « Quoi qu’il arrive, les changements suivent toujours deux mouvements : un mouvement de concentration où l’énergie du changement est consacrée au recentrage, à la

structuration ou aux procédures dans les relations, et un mouvement

d’expansion où l’énergie est consacrée à explorer les enjeux, le sens des actions, l’ouverture des frontières et la spontanéité des relations entre les membres.» : serait-ce la respiration du changement ?

Finalement, l’engouement actuel pour les innovations managériales alimente le désir des managers de prendre le train en marche, parfois par crainte d’être rapidement dépassé et d’incarner un management désuet, mais souvent par intérêt authentique pour ces méthodes innovantes et ludiques.

Force est de constater que l’offre de formation n’est pas encore au niveau des besoins considérables des

managers apprentis facilitateurs. Cette lacune mériterait probablement d’être adressée par les chantiers de

transformation organisationnelle et managériale, ainsi que par les

politiques de gestion des talents. Cet axe de développement aurait sans doute des répercussions sur plusieurs plans, dont l’innovation, l’engagement des collaborateurs et la conduite du changement. Cependant, la

conscience de ce besoin n’est que débutante. Il s’agirait sans doute d’une innovation managériale de premier ordre.

De même, la formation des managers à la conduite du changement reste à développer beaucoup plus largement.

Un frein notable est la fréquente méconnaissance des spécificités de la conduite du changement. Nombreux sont les managers qui assimilent la conduite d’un projet de changement à la conduite d’un projet de

développement logiciel par exemple.

Cette erreur rend très probable l’échec du projet de changement. Il s’agit donc aussi d’un axe stratégique de

développement du leadership.

En attendant, une mutation s’opère au sein des équipes RH des grosses structures : elles renforcent leurs compétences dans l’accompagnement du changement, au service des lignes managériales. Un ouvrage collectif récent décrit ce rôle des RH au cœur de la dynamique collective de

Groupama (Cornuau, Derumez, 2018).

Assurément, l’urgence consiste à porter la plus grande attention au potentiel humain, aux forces vives qui n’attendent qu’un signal favorable pour émerger et donner le meilleur d’elles- mêmes.

Il est question de mobiliser le capital humain, au lieu de laminer les talents (Rolland &Sérieyx 1994). Les chiffres désastreux de l’engagement des salariés (Gallup report 2017) montrent le gisement d’énergie qui reste

inutilisé, et dont les transformations se privent (Dugois 2016). Accéder à ces énergies nécessite de réenchanter les organisations en encourageant chacun à exprimer le meilleur de soi, à

expérimenter, à se tromper, à innover (Cable 2018, Deprez 2018).

Pour y parvenir, l’attitude des dirigeants et managers est fondamentale. Il est d’ailleurs intéressant de découvrir les 7

marqueurs de compétences pour les leaders à l’ère de la transformation digitale : interdisciplinarité, imagination et créativité, approche systémique et

(13)

13 singularité, focus et persévérance,

partage et coalescence, sens, confiance et libération (Bournois &

Tissot 2018).

Ces compétences confirment, s’il en était besoin, l’importance primordiale de la vision systémique et des qualités d’animation du collectif.

D’une organisation apprenante à une organisation auto-

transformante ?

Le concept d’« organisation apprenante » (Senge 1990) est indissociable de la notion de transformation. Se transformer nécessite d’apprendre de nouvelles manières de procéder,

individuellement et en équipe.

Changement et apprentissage sont intimement liés.

Peter Senge définit les organisations apprenantes comme « des

organisations où les gens développent sans cesse leur capacité à produire les résultats qu’ils souhaitent, où des façons de penser nouvelles et expansives sont favorisées, où

l’aspiration collective est libérée et où les gens apprennent continuellement à apprendre ensemble ».

Ici encore, il s’agit pour l’entreprise de créer le terreau favorable à

l’apprentissage individuel et collectif plutôt que de l’imposer, par exemple en déployant ou facilitant la mise en place de modalités d’apprentissages variées, qu’elles soient digitales (digital learning), présentielles ou collectives (codéveloppement, réseaux

apprenants, communautés de pratiques…).

Comment transformer les processus de conduite du changement de manière à ce que les entreprises pilotent efficacement les

transformations, jusqu’à devenir des

organisations auto-transformantes ? C’est-à-dire, comment permettre à l’entreprise d’acquérir une autonomie dans son propre processus de

transformation ?

Si l’on fait le parallèle avec la

démarche de coaching individuel, le but d’un coaching est non seulement de permettre au coaché de travailler sur certaines problématiques, mais aussi de le rendre plus autonome pour avancer seul, une fois que les séances de coaching auront pris fin. En effet, le coaché élabore lui-même ses propres solutions, avec l’aide du

questionnement du coach.

L’analogie pourrait se poursuivre sur le coaching d’équipe, ou le coaching d’organisation. Ce dispositif a aussi pour ambition de permettre à l’équipe, voire à l’organisation, de grandir et de développer sa propre capacité à traiter ses problèmes et à évoluer.

Hors du champ du coaching à proprement parler, l’on retrouve en partie ce levier du questionnement puissant dans le processus de codéveloppement professionnel (Payette & Champagne 1997) qui connait un succès persistant et croissant dans le monde de

l’entreprise. Le dispositif est collectif et repose sur un processus cadré ainsi que la posture mi-coach, mi-

consultant, adoptée par les membres du groupe de codéveloppement, pour aider l’un des membres à résoudre une problématique.

Il est notable que les apprentissages sont aussi riches pour le « client » que pour les participants qui jouent le rôle de consultants, tant il est fréquent que la problématique proposée par le

« client » interpelle les autres participants sur leurs expériences passées ou leurs préoccupations actuelles.

Par ailleurs, les réseaux apprenants procèdent d’une logique plus orientée

(14)

14 vers l’échange visant à libérer la parole et induire des fertilisations croisées au sein d’un collectif a-hiérarchique.

Ces dispositifs ont ceci en commun : l’organisation les rend possible mais ne contrôle pas les résultats. Elle les rend possible en formant des

facilitateurs et en diffusant la méthode, mais le choix des sujets et l’utilisation des apprentissages est laissé à

l’appréciation des participants. Il s’agit d’une posture de confiance dans le collectif.

Cela nous rappelle l’un des principes fondamentaux du coaching : le coaché dispose de toutes les ressources pour atteindre son objectif. Le coaching consiste à l’aider à se connecter à ses ressources, en vue de l’objectif désiré.

Pour convoquer de nouveau une analogie systémique, une organisation auto-transformante repose sur le développement de la capacité de changement de 3 niveaux

interconnectés : individuel, équipe et organisation. Le changement

organisationnel implique et nécessite le changement aux niveaux équipe et individuel. Les impacts sont d’ailleurs bidirectionnels. La stratégie de

transformation adresse différemment chaque niveau. Et l’évaluation de l’ancrage métier ou du déploiement de la transformation est à mener à chaque niveau.

Une organisation auto-transformante doit aussi savoir adresser les routines défensives qui sont au cœur des résistances au changement, en particulier en promouvant l’écoute, la confiance, la valeur de la diversité, le droit à l’erreur, l’expression des besoins et des émotions.

En mettant en place les conditions saines de développement des dispositifs mobilisant le collectif,

l’organisation fait sienne ce principe de confiance et d’autonomisation des individus et des équipes.

Dupuy (2004) présente cette démarche comme l’organisation du débat entre les parties, « en postulant que

l’intelligence des acteurs leur permet à la fois d’avoir une stratégie adaptée à leur contexte et de comprendre la nature réelle des problèmes posés, pourvu qu’on leur fasse suffisamment confiance pour les partager avec eux ». C’est aussi le message porté par le concept d’ «entreprise libérée»

(Getz, Carney 2012) ou «Evolutive Opale » (Laloux 2015).

Ainsi, deux visions de la conduite du changement cohabitent, voire

s’opposent : l’approche managériale, fondée sur l’autorité des dirigeants pour impulser un changement, et l’approche endogène, dans laquelle le changement peut trouver son origine dans le collectif (Alexandre-Bailly 2013).

Dans cette perspective, l’on est amené à questionner la pertinence de mettre en place une direction de la

transformation. Car le message sous- jacent peut être perçu en interne comme déresponsabilisant : la transformation des métiers et

processus va provenir d’une instance extérieure, et non des personnes concernées. Les managers peuvent se sentir dessaisis de leur responsabilité en matière de changement, et, par extension, dessaisis d’une facette significative de leur responsabilité managériale.

A l’heure où une organisation souhaite évoluer vers un management plus collaboratif et inclusif, la création d’une telle direction de la transformation peut sembler une incongruence, voire une dissonance, de nature à élever le niveau de résistance au changement.

Le cas échéant, la posture adoptée par une telle équipe est fondamentale et se doit d’être exemplaire.

(15)

15 CONCLUSION

Il semble que le collaboratif soit la pierre angulaire des nouvelles

pratiques managériales, tout comme des nouvelles manières de conduire les transformations.

Il s’agit d’une évolution aussi significative que rapide, dans nos univers mouvants et innovants.

Permettre l’émergence de la puissance du groupe pour initier et soutenir la mise en mouvement devient la compétence clé des leaders. Cela exige d’eux un changement de posture radical, ainsi que l’acquisition de

nouvelles techniques d’animation et de facilitation de groupes.

Les modèles de leadership intègrent progressivement ces notions mais cette mutation nécessite une prise de conscience plus claire des besoins de formation et un investissement

important pour que ce changement majeur soit suffisamment au cœur de la gestion des talents.

C’est l’un des leviers essentiels pour que les innovations managériales et collaboratives puissent bénéficier pleinement aux transformations, en renforçant l’action des fondamentaux de la conduite du changement.

Loin d’être obsolètes, les méthodes et outils traditionnellement utilisés

gardent leur intérêt, mais leurs effets sont démultipliés par leurs

instanciations et développements collectifs et digitaux.

Par exemple, les 8 étapes (non

forcément séquentielles) du modèle de Kotter gardent toute leur pertinence, mais pourront bénéficier chacune des apports appropriés provenant de champs méthodologiques qui n’étaient que peu associés jusqu’à présent, qu’ils soient collaboratifs, digitaux, systémiques, ou tout cela à la fois.

Dans une perspective holistique, l’enjeu consiste donc à effectuer la

synthèse des acquis et des nouveaux apports, afin d’en conjuguer les effets.

De cette combinaison pourrait résulter un formidable progrès, non seulement du point de vue de la performance économique, mais aussi sur le plan humain, en réveillant les talents et les énergies positives que renferment toutes les organisations.

Finalement, cette concomitance de l’accélération des changements, de la transformation digitale et de

l’émergence des modes collaboratifs est une formidable opportunité pour mieux conduire les transformations, mais aussi pour réenchanter les organisations en y instillant un climat plus collaboratif et stimulant.

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