Croissance et développement
du système racinaire de semis de trois espèces de conifères :
Pseudotsuga menziesii,
Pseudotsuga macrocarpa et Cedrus atlantica
Ph.
GRIEU,
G. AUSSENACPh.
GRIEU,
, Station de
Sy
G. AUSSENAC viculture et de Produ INRA, Station de
Sylviculture
et de ProductionCentre de Recherches de
Nancy, Champenoux,
F 54280Seichamps
Résumé
Cette étude a pour
objectif
de comparer la croissance racinaire en minirhizotrons, de troisespèces
de conifères,Pseudotsuga
menziesii,Pseudotsuga
macrocarpa et le Cedrus atlanlica, durant lespremiers
mois de leur existence. Pour ce faire, lesallongements
et le nombre de racines encroissance ont été mesurés et dénombrés. De
plus,
ces deuxparamètres
ont étéanalysés
par tranche deprofondeurs
de sol.Les résultats obtenus montrent que pour
Pseudotsuga
macrocarpa,espèce adaptée
aux zonesde sécheresses estivales
prononcées,
lesystème
racinaire atteintplus rapidement
les horizonsprofonds
du sol. Par contre, la provenance Ashford del’espèce Pseudotsuga
menziesü, issue desrégions
côtières de l’ouest del’Amérique
du Nord,présente
undéveloppement
racinaire moinsrapide
et moinsprofond.
La troisièmeespèce
étudiée, Cedrus atlantica,originaire
des montagnes del’Afrique
du Nord,possède
un comportement racinaire intermédiaire.Il
apparaitrait
donc, sachant quePseudotsuga
macrocarpa nepossède
pas unerégulation stomatique
efficace(G RIEU
et al.,1988),
que cetteespèce
estadaptée
auxrégions
arides, au moinsen
partie, grâce
audéveloppement rapide
etprofond
de son système racinaire.Mots clés : Croi.ssance racinaire,
Pseudotsuga
menziesii,Pseudotsuga
macrocarpa, Cedrus atlantica.1. Introduction
Le fonctionnement des
végétaux,
et enparticulier
des arbresforestiers,
en situationde
sécheresse, dépend
en dehors des facteurs dumilieu,
de différentsparamètres qui
relèvent de
caractéristiques morphologiques, anatomiques, biochimiques
etphysiologi-
ques. Aussi
l’appréciation
dudegré d’adaptation
desespèces
ouécotypes
au déficithydrique
doitprendre
en considération l’ensemble descomposantes
de l’arbrequi
sontconcernées par la circulation de l’eau dans le
système sol-plante-atmosphère.
Si des travaux relativement nombreux ont
porté
sur lesystème
racinaire desvégétaux
desrégions
arides(OrreNrtetMEx, 1961),
peu d’études ont été faites sur les arbres forestiers desrégions
à sécheresses modérées. Très souvent dans ces cas,l’explication
de résistancesplus
ou moinsimportantes
aux déficitshydriques
a étérecherchée dans les
phénomènes
derégulation stomatique
ou,plus
récemment, d’osmo-régulation.
En relation avec lesproblèmes
dereboisement,
laplupart
des études sur lessystèmes
racinaires ont concerné lesrythmes
et lespotentialités
derégénération
desracines.
Cependant,
HEINER et LAVENDER(1972)
ont montré que le taux de survie de semis enphase
de dessèchementdépendait
très fortement de leurcapacité
àproduire
un
système
racinairecapable d’explorer
les horizonsprofonds
du sol.C’est en raison des difficultés
techniques
rencontrées pour effectuer cetype
d’étude quel’appréciation
de la contribution dusystème
racinaire au fonctionnement(perfor- mance)
d’ensemble desespèces
forestières a été peuabordée,
bien que ces recherches soient essentielles pour bien caractériserl’écophysiologie
desarbres,
notamment àl’égard
desproblèmes d’adéquation espèce (provenance, écotype)
- milieuauxquels
sont confrontés les reboiseurs.
La
présente
étude a étéentreprise
afin de comparer ledéveloppement racinaire,
etpar là même de
préciser l’écophysiologie
de troisespèces
de conifèresd’écologie
trèsdifférente :
-
Pseudotsuga
menziesü(Mirb.)
Franco var. menziesü Franco(douglas vert), espèce originaire
de zones à climat maritime de l’ouest del’Amérique
du Nord.-
Pseudotsuga
macrocarpa(Torr.) Mayr., espèce originaire
d’une zone demoyenne
altitude,
à climataride,
du sud de la Californie.- Cedrus atlantica Manetti
(cèdre
del’Atlas),
essenceoriginaire
desmontagnes
del’Afrique
duNord,
à climat méditerranéen avec des sécheresses estivalesmarquées.
2. Matériels et méthodes
L’expérimentation
a été réalisée dans 9 minirhizotronsayant
les dimensions sui- vantes :longueur
150 cm,largeur
30 cm,épaisseur 1,5
cm. Ces minirhizotrons ont étéremplis
d’une terreprovenant
d’un sol brun ocreux humifère. Ils ont été installés dans des étuisétanches,
avec une inclinaison de45°,
dans le sol d’une clairière forestière àproximité
du laboratoire.Dans
chaque
minirhizotron ont étéplantés,
côte àcôte,
un semis de chacune des troisespèces
étudiées :Pseudotsuga
menziesii(Mirb.)
Franco var. menziesü Franco provenanceAshford, Pseudotsuga
macrocarpa(Torr.) Mayr.
provenance Californie, Cedrus atlantica Manetti provenance Ventoux. Les semis sontâgés
de 3 mois. Laplantation
a été faite en août 1983 en transférant la motted’origine
pour éviter toutrisque
de crise detransplantation.
Les
plants
ont été maintenus à lacapacité
auchamp
par des arrosagesréguliers.
L’étude de la croissance du
système
racinaire a été effectuée d’octobre 1983 à août 1984.Mensuellement,
les minirhizotrons ont été extraits de leurs étuis pour effectuer un suivi dudéveloppement
racinaire(réalisé
sur des filmstransparents
depolyéthylène
àl’aide de crayons marqueurs de couleurs
différentes).
Lesparamètres
suivants ont étémesurés ou calculés :
-
l’allongement
dusystème
racinaire :-
allongement longitudinal (AL),
somme desallongements
de toutes les racinesexistantes ;
-
allongement
latéral(AI),
somme desallongements
des nouvelles racines latérales.- le nombre de racines en croissance
longitudinales (NL),
et le nombre de racinesen croissance latérales
(NI).
Les différents
allongements
et nombres de racines ont été étudiés par tranches deprofondeurs
de sol(de
10 en 10cm)
dans les minirhizotrons. Cette mesure apermis
d’avoir une information sur la
répartition spatiale (stratigraphie)
de la croissance racinaire.Les données
thermiques
pour lapériode
d’observation sontprésentées
dans letableau I.
TABLEAU 1
3. Résultats
3.1. Croissance des
systèmes
racinairesLa
figure
1représente
l’évolutioncomparée
de la croissance dessystèmes
raci-naires des trois
espèces.
Globalement,
la croissance racinaire pour les troisespèces présente
2phases :
unepremière phase
auprintemps (avril
etmai)
suivie d’unimportant
ralentissement(mi-mai
et
juin) puis
d’une nouvellephase
de croissance dejuillet
à novembre. Ces résultats sont en accord avec ceux de KRUECEU et TRAPPE(1967)
et de WiLLM(1985)
pour ledouglas,
et de RIEDACKER(1978)
et EL NouR(1984)
pour le cèdre.L’examen des différents
paramètres
mesurés faitapparaître cependant
des diffé-rences : en ce
qui
concernel’allongement
des racinespréexistantes (AL),
les valeursobtenues sont
plus
élevées pour P. macrocarpa enoctobre, novembre, mai, juillet
etaoût,
que pour les 2 autresespèces (différences
trèssignificatives
entre P. macrocarpa et P. menziesü enoctobre, novembre,
mai etjuillet,
etsignificatives
enaoût).
Ledouglas
vertprésente
la croissance laplus
faible. Sa croissance racinaire est nulle entre décembre et mars alors que les deux autresespèces présentent
unallongement
enfévrier et en mars.
L’allongement
des racines du cèdre estintermédiaire
entre celui des 2espèces
dedouglas.
La
comparaison
desallongements
des nouvelles racines(AI)
ne fait pasapparaître
les mêmes différences : les valeurs obtenues sont voisines pour les deux
espèces
dedouglas,
et restent nettement inférieures à celles du cèdre(différences significatives
enjuillet
et trèssignificatives
enaoût).
L’évolution du nombre de racines
préexistantes
en croissance(NL)
est différenteentre le
douglas
vert et le P. macrocarpa. Particulièrement enjuillet
etaoût,
le nombrede racines
préexistantes
en croissance est nettementplus
élevé pour ledouglas
vert que pourPseudotsuga
macrocarpa. Le cèdre sedistingue
nettement des deux autresespèces
par l’existence d’un nombre
important
de racinespréexistantes
en croissance de février àjuin,
suivi d’unedépression
enjuillet, puis
d’uneréaugmentation
en août.Le nombre de nouvelles racines
(NI)
évolue sensiblement de la même manière pour les deuxespèces
dedouglas,
avec un maximum en mai. Le cèdreprésente
aussiun maximum en
mai,
mais le nombre de nouvelles racines en croissance estbeaucoup plus important (différence
trèssignificative
avec les 2espèces
dedouglas).
3.2.
Stratigraphie
de la croissance dessystèmes
racinairesL’examen des niveaux de
profondeur (strates)
danslesquels
une croissance raci- nairelongitudinale
et/ou latérale peut être observée révèle un certain nombre de faitssignificatifs (fig. 2).
on
En
particulier,
ilapparait
que c’est P. macrocarpaqui prospecte
leplus rapidement
les horizons
prodonds
du sol. Son enracinement estdéjà,
dès le moisd’octobre,
dans latranche des 20 à 30 cm de
profondeur,
et enaoût,
il atteint la tranche des 70 à 80 cm.En
quatre
mois devégétation,
lesystème
racinaire de cetteespèce
aprogressé
de50 cm.
Pseudotsuga
menziesüexplore
le sol nettement moinsrapidement,
aussi bien en automneaprès plantation,
quependant
la saison devégétation.
En fin d’étude(août),
son
système
racinaire n’atteint que 30-40 cm deprofondeur.
Le cèdre est intermédiaire entre les deux
espèces précédentes.
Sonsystème
racinaire atteint la tranche de 20-30 cm de
profondeur
en automne, et la tranche des 50-60 cm en août.Ainsi, comparé
àPseudotsuga
menziesii et Cedrusatlantica, Pseudotsuga
macro-carpa est caractérisé par une
plus grande aptitude
àexplorer
les couches lesplus
profondes
du sol.4. Discussion
Les résultats obtenus dans cette étude font
apparaître
des différences fondamen- tales dans lescinétiques
de croissance et dans lesstratégies d’occupation
des sols par les racines des 3espèces comparées.
Pseudotsuga
macrocarpa se caractérise par une croissance racinaire trèsrapide permettant
uneexploration
des horizonsprofonds
du sol. Aucontraire, Pseudotsuga
menziesü a un enracinement moins
rapide,
la croissance des nouvelles racinesrepré-
sente une part
plus importante
del’allongement
racinaire total.Cedrus atlantica occupe une
position
intermédiaire entre ces deuxespèces.
Si l’on se réfère maintenant aux informations
disponibles
surl’écologie
de ces troisespèces,
on constate que :-
Pseudotsuga
macrocarpa;espèce
sedéveloppant
naturellement dans des condi- tionsclimatiques
de sécheresses estivalesimportantes,
n’a pas, sur leplan
de larégulation
deséchanges
gazeux, uncomportement particulièrement performant (G RIEU
et
al., 1988).
Il en résultequ’il
semble que ce soit dans cettespécificité
de sondéveloppement racinaire, qui
luipermet
d’atteindrerapidement
les horizonsprofonds
du sol mieux alimentés en eau, que réside le niveau
d’adaptation écophysiologique
decette
espèce.
-
Pseudotsuga
menzieçii var.Ashford, espèce
et provenance sedéveloppant
dansdes
régions
à climatplus
humide où l’existence de sécheresses estivales même modérées est peufréquente
encomparaison
des stations où poussel’espèce précédente, possède
un
développement
racinairebeaucoup
moinsperformant.
Cephénomène pourrait
êtremis en relation avec le fait que le
système
racinaire dudouglas
vert n’ait atteintqu’une profondeur
de 15 cm contre 25 cm pour les 2 autresespèces.
Eneffet,
enjanvier,
février et mars, le sol dans les 15
premiers
cm était à unetempérature
voisineprobable
de 0 °C
(tabl. 1),
alorsqu’en profondeur,
latempérature
étaitplus
élevée. On sait eneffet que les seuils de
températures
pour la croissance racinaire se situent entre 2°C et(L
AVENDER
&O VERTON , 1972 ; R IEDACKER , 1976). Cependant, lorsqu’au printemps
la
température
du sol remonte, la croissance racinaire de P. menziesü restetoujours
inférieure à celle des deux autres. Il semble alors que l’essentiel des
possibilités
derésistance à d’éventuels déficits
hydriques
de cette provenance dedouglas
vert consistedans un
système
efficace derégulation stomatique (G RIEU et al., 1988).
- Cedrus
atlantica, espèce
sedéveloppant
dans des conditions de sécheresse trèsmarquées
des zonesméditerranéennes,
a une croissance racinairequi
se situe enposition
intermédiaire parrapport
aux deuxespèces
dedouglas.
Sescapacités
derégulation stomatique
sont faiblescomparées
à celles dePseudotsuga
menziesü etquasi- équivalentes
à celles dePseudotsuga
macrocarpa(G R tEU et al., 1988).
Au moins dans lespremiers
mois de la vie del’arbre,
sonsystème
racinairepénètre
moins vite enprofondeur
dans le sol que celui dePseudotsuga
macrocarpa, et il semble sur ceplan
moins
performant.
Ces résultats
soulignent
toutel’importance
de lacompréhension
et de la détermina- tionprécises
descomposantes
du fonctionnement del’arbre,
enparticulier
de lacomposante racinaire,
pourexpliquer
laréponse
etl’adaptation
desespèces
auxphéno-
mènes de sécheresse. D’un
point
de vuesylvicole,
il convient aussi de remarquer que l’utilisation desespèces, qui,
commePseudotsuga
macrocarpa, tirent leursperformances
du
développement
de leursystème racinaire,
doit êtreenvisagée
avecprécaution ;
leurintroduction sur des sols
superficiels,
sanspossibilité
depénétration
desracines,
sesolderait par des échecs. A cet
égard,
il fautsouligner
tout l’intérêt destechniques
depréparation
dusol,
notamment dusoussolage
en zone méditerranéenne.Reçu
le 25 mai 1987.Accepté le
24 novembre 1987.c..---&dquo;,_....
Summary
Growth and
development of
root system in threeconifer species Pseudotsuga menziesii, Pseudotsuga
macrocarpa and Cedrus atlanticaThis
study
was aimed atcomparing
rootgrowth
in minirhizotrons of three conifers : Pseudot- suga menziesii,Pseudotsaga
macrocarpa and Cedrus atlanticaduring
their first few months of existance. Rootlength
and number of roots ingrowth
have been studied. Moreover, these two parameters have beenanalysed.
withdepth
of soilprofile.
R6sults obtained show that for
Pseudotsuga
macrocarpa,species adapted
to the zones ofhigh
summer
drought,
the root system reachesrapidly
indeep
soil horizons, asagainst
the ASHFORD provenance ofPseudotsuga
menziesii,indigeneous
to west coastalregions
of North America, which presents slow rootdevelopment having
shallowdepths.
Thirdspecies
studied, Cedrus atlantica,coming
from the mountains of North Africa presents an intermediate root system.It appears, therefore, that
Pseudotsuga
macrocarpa isadapted
to aridregions,
at leastpartially,
because of itsdeep
andrapid
root systemdevelopment
as it does not possess an efficient stomatalregulation (G RIEU
et al.,1988).
Key
words : rootgrowth, Pseudotsuga
menziesii,Pseudotsuga
macrocarpa, Cedrus atlantica.Références
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