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qu'ils en sortirent enfin, un autre jour se levait. Sur la montagne entière, l'herbe humide et hérissée frémissait comme une nouvelle

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Academic year: 2022

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L A CORNE DE BELIER

ostadine était berger communal. 11 surveillait, trayait et tondait les moutons du village. Après avoir cédé sa part au bey, les paysans se parta- geaient le maigre rapport de leur troupeau. Mais, que les temps

tussent durs ou cléments, chaque année, pour la fête de saint Georges, ils tuaient quelques agneaux mâles et les mangeaient tous ensemble dans les pâturages. Cette tradition préservait le troupeau des bêtes sauvages, des intempéries et des dragons.

Kostadine préparait seul les festivités de la saint Georges.

Il en choisissait l'emplacement et le nettoyait des orties, des ronces et des chardons. Il tuait les agneaux et faisait mariner leurs gigots avec de l'huile, du sel, du paprika et de l'origan.

Ensuite il les farcissait de riz et de rognons, les enveloppait dans des feuilles de vigne et les cousait dans des vessies. Il les plaçait au fond d'un trou plein de braises qu'il recouvrait de pierres plates, chauffées à blanc. Les gigots cuisaient ainsi toute la nuit.

Pendant ce temps Kostadine embrochait les agneaux nettoyés et, sous chaque broche suspendue à quatre bâtons plantés en croix, il dressait des bûchers. Les bûchers s'embrasaient à l'aube. Du village, on les voyait pâlir peu à peu sous la lumière qui, à l'horizon, se concentrait en un dernier feu éclatant. Puis le soleil montait aussi, laissant sur le flanc de la montagne ces cônes rouges, brûlants, et qui paraissaient tombés de ses premiers rayons.

Vers midi tous les villageois se trouvaient rassemblés pour la fête. Chaque famille étendait une nappe neuve sur l'herbe, non loin d'un bûcher ou d'un trou où cuisait un gigot. Le pope, balançant son encensoir, allait de feu en feu et de nappe en

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nappe pour bénir agneaux et humains. Il recevait le premier morceau, une part découpée dans le gigot le plus tendre, et le dégustait assis sur une pierre encore chaude. Ensuite les jeunes tilles de chaque famille venaient chercher la viande savoureuse et l'emportaient dans de grands plateaux. Kostadine les servait, et les regardait. Il officiait ainsi depuis l'âge de quinze ans.

Chaque année, le jour de la saint Georges, il caressait du regard les visages offerts de toutes ces femmes, qui rougissaient à la chaleur des feux, et de ses yeux. Chaque année il attendait celle qui, à son tour, l'embraserait aussi. Il la vit au bout de sept ans.

Au lieu d'un plateau, elle tenait une simple assiette en fer blanc. Ses mains, rouges et gercées, étaient jeunes par la vigueur, non par la beauté. Les bouts dénoués d'un fichu noir pendaient de chaque côté de sa tête en signe de deuil. Elle avait des che- veux blonds, des yeux noirs, et elle ne souriait pas.

Etait-ce la tendresse humide de ses yeux qui l'émouvait à ce point ? Kostadine la connaissait, mais il lui semblait qu'il la voyait pour la première fois. Le malheur — sa famille avait été décimée par les Turcs parce qu'elle cachait des résistants — l'avait grandie, mûrie, durcie. Elle travaillait maintenant chez les autres, pour le pain et quelques vieux vêtements. Mais, dans son corps râblé, sa natte épaisse et ses dents qui déchiraient la peau croustillante de l'agneau avec volupté, Kostadine devina une plénitude qui le comblait, qui le nourrissait...

Il dansa pour elle ce jour-là. Il l'aborda très lentement, sans un mot. Les pipeaux sifflaient dans le pâturage, les feux crépi- taient, les aiguilles des sapins se redressaient en une myriade de piqûres sonores, les herbes crissaient et, sur chaque feuille à peine ouverte de ce nouveau printemps, les nervures vibraient comme des cordes de violon. Par moments les cloches des béliers ponctuaient la fête de leur battement grave et ardent. Alors le cœur de Kostadine cognait en écho. Il se rapprochait de la fille d'un autre pas. Tel un bélier qui voulait fléchir sa brebis, il la cernait du chant de ses sabots. La fille l'entendait, elle l'écoutait et, comme la brebis sous la langue du bélier, elle se mettait à trembler. Kostadine la pénétrait alors de son regard. Dans sa gorge coulait la virginité amère du printemps. Ses pieds ruaient sous les rythmes du « choro ». Peu à peu, tout en dansant, ils s'éloignèrent du pâturage. Ils s'accouplèrent dans la grotte du berger et cette nuit précoce dura pour eux un temps infini. Lors-

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qu'ils en sortirent enfin, un autre jour se levait. Sur la montagne entière, l'herbe humide et hérissée frémissait comme une nou- velle vie...

En deux ans, la jeune femme donna à Kostadine deux enfants : une fille et un garçon. Il bâtit pour sa famille une cabane en bois avec un âtre accolé au mur du levant, pour la chance. Il la meubla avec une table basse, quatre trépieds et un grand divan pour leur repos commun. Dès que sa petite fille sut marcher, il l'emmena avec lui dans les pâturages. Elle s'ébattait librement parmi les moutons. Sa voix tintait avec la fraîcheur d'une cloche de brebis. Lorsqu'elle s'éloignait trop, Kostadine l'appelait :

— Luba... Luba...

Elle revenait alors vers lui et se jetait dans ses bras. Il caressait ses cheveux blonds et son regard se mirait dans les yeux noirs de l'enfant, si semblables à ceux de sa mère. Une onde sombre inondait alors le corps du berger. Il se levait et, tout en serrant Luba contre sa poitrine, il contemplait la fumée qui s'éle- vait au-dessus de sa cabane, entre les troncs des sapins. Il ne connaissait pas de promesse plus vulnérable et plus tendre, pas de serment plus fidèle que ce feu constant dans sa cheminée.

Mais, un jour, les trois Turcs envoyés par le bey pour sur- veiller la tonte du troupeau, passèrent en rentrant devant la cabane de Kostadine. Ils virent sa femme sur le seuil. Assise sur une pierre, elle allaitait son petit garçon. Le soleil faisait briller ses cheveux dorés, son visage lisse et blanc. La lumière caressait ses seins tendus. Elle n'eut pas le temps de refermer son corsage, ni de poser son enfant. Les Turcs l'assaillirent avec leurs regards brouillés, leurs bouches ouvertes et leurs mains avides.

Lorsqu'elle essaya de hurler, ils l'étouffèrent lentement, tout en la violant. Puis ils traînèrent son corps à l'intérieur, avec le bébé, fermèrent la porte et mirent le feu à la cabane. Du pâtu- rage, Kostadine vit le nuage noir monter au-dessus de la forêt.

Il courut, emportant Luba. Il arriva devant sa maison pour la voir s'écrouler. Il n'y avait plus rien à faire, et rien d'autre à sauver que cette fillette gémissante, enroulée autour de ses jambes comme un arbrisseau déraciné...

Cette nuit-là Kostadine, Luba, trois béliers et les plus belles brebis du troupeau disparurent dans la montagne. Pendant des années, les villageois ne surent rien d'eux. Ceux qui, l'hiver,

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chassaient l'ours et les loups racontèrent qu'ils entendaient par- fois, toujours au-dessus de la même gorge, une voix lointaine comme un écho. Voix d'homme ou d'esprit, elle chantait en pleu- rant et rien, ni le froid, ni les tempêtes, ni les bêtes sauvages n'effrayait les chasseurs autant. Le soir, au coin du feu, ils répé- taient la menace de cette plainte profonde.

« Que tu es belle, ma forêt, Comme tu sens la jeunesse ! Une corne de bélier

Pour chaque Turc en liesse... »

U

ne dizaine d'années passèrent ainsi. Luba grandis- sait au fond d'une caverne, élevée par son père comme un être androgyne, ni fille, ni garçon, mais force agile, regard précis, confiance absolue dans sa voca- tion. Elle ne parlait presque pas. Elle apprenait à imiter les sons, les voix, les cris des animaux, et Kostadine lui enseignait les paroles de son chant. Mais pour le reste, il l'éduquait par les actes, sans un mot. Elle devait se baigner en plein hiver dans des torrents glacés, trouver seule sa nourriture, piéger et abattre des centaines de renards et de loups avec une corne de bélier.

Quand elle rapportait à son père la dépouille sanglante de ses victimes, il hochait la tête, et c'était tout. Mais quelque chose dans son regard assurait Luba que ce tout était l'ordre naturel des choses, que là se trouvait son but dans la vie, qu'elle gran- dissait en force et en adresse pour servir cette unique loi.

Lorsqu'elle eut seize ans, Kostadine se joignit un jour à une troupe de Tziganes nomades et, inaperçu, vola dans les cours du village, parmi les lessives qui séchaient, des habits pour lui- même et pour Luba. Ensuite, déguisé en colporteur, il promena sa fille pendant plusieurs semaines le long des routes, dans les villes avoisinantes et dans les hameaux. Peu à peu, sans paroles, Luba apprit à identifier les Turcs avec les loups. Elle les vit fouetter, piller, tuer des paysans ; voler des filles ; pendre des

« haïdouks » ; brûler des maisons. Bêtes fauves ou Turcs, elle comprit que l'enjeu était le même : sa vie à elle, contre leur vie à eux..."

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A cette époque-là, le joug ottoman se resserrait de plus en plus autour des Balkans. Provoqués par les « haïdouks », des foyers de rébellion éclataient ici et là, de plus en plus souvent.

Cette résistance affolait les Turcs et exacerbait leur cruauté. Vint le temps noir où les rassemblements furent interdits ; où il n'y eut plus de fêtes, plus de traditions ; où les églises chrétiennes furent décapitées afin de ne jamais dépasser la taille d'une mosquée.

Peu de foyers échappèrent à la torture. Dans la région de Kosta- dine, il n'y eut guère de famille qui ne pleurât soit une fille volée, soit une femme violée, soit un fils ou un mari tué, rendu infirme ou emprisonné.

Alors un été, au mois d'août, le jour de la Sainte Vierge, les chrétiens qui sortaient de l'église du village trouvèrent Osman Aga mort, étendu sur le dos à côté de la fontaine, une corne de bélier fichée dans le cœur. Osman Aga gardait huit filles bulgares dans son harem. Il fouettait les paysans avec des lanières tressées et n'importe lequel d'entre eux aurait pu être son meur- trier.

Cette même année, sur la route qui menait à la ville, les deux gardes d'Ali Bey furent abattus au fusil et Ali lui-même exécuté avec une corne de bélier. Dans un village voisin Eraphim Aga fut tué de la même manière à l'heure de la sieste, alors qu'il dormait sous sa treille.

Le massacre continua pendant deux ans de suite, à la belle saison. L'assassin faisait preuve d'imagination et d'adresse : per- sonne ne l'aperçut jamais. Il ne volait rien, et attaquait toujours les Turcs les plus cruels. A deux reprises il revint même mettre le feu à la maison où agonisait une de ses victimes blessées.

Des dizaines de Turcs en armes occupèrent la région. Ils cherchèrent dans la montagne et la forêt. Un groupe d'entre eux trouva la tanière de Kostadine. Kostadine lui-même se tenait sur une pierre, la barbe et les cheveux hérissés de courtes mèches blanches, comme un houx d'hiver. Il ricanait. Ses yeux étaient injectés de sang. De vieilles peaux de mouton recouvraient sa nudité. Sous cet habit grossier son corps frissonnait, parcouru de spasmes déments...

Préoccupés par leur recherche, les Turcs l'abandonnèrent à sa folie après avoir constaté qu'il était trop faible et trop trem- blant pour tenir une arme quelconque. Mais, cette même nuit, la voix que les chasseurs avaient entendue jadis, l'hiver, dans la

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montagne, et qui les avait effrayés, revint dans le village et par- courut ses rues. Elle pleurait toujours en chantant. Les hommes qui s'en souvenaient se dressèrent dans leurs lits, reconnaissant les paroles, et ces mêmes modulations ni d'homme ni de femme, mais si jeunes encore, alors qu'eux-mêmes avaient vieilli...

« Que tu es belle ma forêt, Comme tu sens la jeunesse ! »

Dans toutes les maisons les femmes sanglotaient. Les vieilles se signaient, et les hommes attendaient la suite, immobiles, les yeux fixés sur la nuit...

« Une corne de bélier

Pour chaque Turc en liesse... »

Personne n'osa ouvrir une porte ou une fenêtre, allumer une chandelle, abriter et consoler ce revenant solitaire et meurtri. La voix s'éloigna, levant sur son passage le hurlement des chiens et le chaos meurtrier des volailles dans les poulaillers. Puis le silence retomba sur le village, un silence total sans menaces turques, sans représailles, sans chevauchées vers les prisons. Alors, pour la première fois, les paysans comprirent que les Ottomans avaient peur...

Et c'était bien cela que Kostadine avait voulu. Rien ne pouvait, mieux que la peur, protéger sa vengeance. Cette peur était le meilleur bouclier de Luba qui, à présent, se suffisait à elle-même. Elle aiguisait ses cornes de bélier mieux que Kosta- dine, épiait les Turcs pour choisir ses victimes avec une patience inépuisable et frappait sans erreur, sans hésitation. Même son père n'arrivait plus à prévoir tous ses coups. Elle passait parfois plusieurs jours et plusieurs nuits assise sur le seuil de leur caverne, dans une immobilité de pierre lissée par les intempéries. Elle ressemblait beaucoup à sa mère, mais ses traits n'étaient pas aussi vivants. Dans son visage bruni par le soleil, dans ses yeux noirs, luisait une vacuité sombre, quelque chose d'inachevé, et qui la retenait pour toujours à l'aube du temps.

Puis Luba se levait, et s'étirait voluptueusement. Son corps ondulait dans la lumière de l'été. Quand elle se mettait à chan- ter, son visage s'animait. Elle s'éloignait alors, comme si toute la

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tristesse, la solitude et la cruauté du monde l'appelaient au loin.

Elle rôdait autour des hameaux, choisissait une nouvelle victime et tuait pour assouvir, tout au fond d'elle-même, un désir de plus en plus fort, de plus en plus frustrant...

"n matin, déguisée en bergère, elle pénétra dans la ferme de Suléïman Arap Aga. Elle posa ses pots de lait et, profitant de la négligence ensommeillée des gardes, se glissa dans la tour du maître. Un escalier en spirale la mena à une pièce ronde, sous le toit. Des tentures servaient de porte, et Luba pénétra dans la chambre sans faire de bruit. Mais là, elle s'arrêta, la main crispée sur sa corne de bélier. Elle entrait dans une maison humaine pour la première fois. Ce fut comme si elle découvrait soudain son propre cœur bariolé et rond ; avec ses lucarnes ouvertes sur les montagnes, la forêt, les champs de blé et le soleil levant ; avec le silence de ses tapis, le fouillis de ses coussins et, dans leur creux le plus subtil, ce visage d'homme si jeune et si beau, qu'il lui donnait envie de hurler son chant...

Luba le fixait, prisonnière, pendant quelques secondes, de sa toute première pensée qui l'aveuglait douloureusement. Pour la première fois aussi, sa haine la faisait souffrir, comme si l'ennemi à détruire avait quitté le corps du Turc, pour venir habiter le sien. Lorsque, probablement réveillé par l'intensité de son regard, Suléïman ouvrit les yeux, elle se jeta sur lui et planta la corne de bélier dans son cœur avec plus de force et de pré- cision que jamais. Mais, juste avant cela, elle ne put l'empêcher de crier.

Elle entendit la ruée des gardes dans les escaliers. Elle regarda par la lucarne la splendeur vallonnée du monde qui sem- blait rouler sur lui-même. Elle arracha la corne de la blessure et celle-ci se mit à saigner. Luba sentit le sang chaud adhérer à sa main, lécher sa peau à sa manière gluante et intime. Comme toujours à ce contact, l'apaisement la submergea. Le silence envahit sa tête de nouveau, et l'absence éteignit ses yeux.

Les gardes la trouvèrent ainsi. Ils la décapitèrent, piquèrent sa tête sur un pieu et la promenèrent toute la journée à travers les villages, dans le triomphe assourdissant de leurs tambours,

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de leurs clarinettes et de leurs coups de feu. De sa tanière dans la montagne, Kostadine les écouta. Plus tard, il vit au-dessus de la place du village les cercles noirs des corbeaux. Pendant la nuit, il alla voler la tête de sa fille. Il l'emmena dans sa caverne et l'éclaira avec un feu.

Alors, pour la première fois depuis tant d'années, il se rap- pela son enfant : telle qu'elle avait été avant le meurtre de sa femme, telle qu'elle aurait pu devenir s'il l'avait laissée vivre malgré sa haine, s'il n'avait pas obéi à son désir de vengeance, et à son défi au temps. Et il pleura. Ses larmes tombaient une à une sur le visage mort de Luba. Kostadine les regardait. Une à une aussi, les paroles que le pope prononçait toujours avant la bénédiction de la saint Georges, lui revenaient comme d'une autre vie.

« Nous avons beaucoup d'ennemis. Mais le pire de tous est celui que nous haïssons, pas celui qui nous hait... »

LILIANE GUIGNABODET Grand Prix du roman de l'Académie française 1983

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