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Platon a-t-il distingué différents emplois du verbe « être » ?. Note sur un passage controversé du Sophiste (255c-d)

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Problèmes, Renaissances, Usages

 

8 | 2008

Les anciens sophistes

Platon a-t-il distingué différents emplois du verbe

« être » ?

Note sur un passage controversé du Sophiste (255c-d) Fulcran Teisserenc

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/philosant/4643 DOI : 10.4000/philosant.4643

ISSN : 2648-2789 Éditeur

Éditions Vrin Édition imprimée

Date de publication : 3 décembre 2008 Pagination : 153-188

ISBN : 978-2-7574-0076-0 ISSN : 1634-4561 Référence électronique

Fulcran Teisserenc, « Platon a-t-il distingué différents emplois du verbe « être » ? », Philosophie antique [En ligne], 8 | 2008, mis en ligne le 01 juillet 2021, consulté le 01 juillet 2021. URL : http://

journals.openedition.org/philosant/4643 ; DOI : https://doi.org/10.4000/philosant.4643

La revue Philosophie antique est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Philosophie antique, n° 8 (2008), 153-188 PLATON A-T-IL DISTINGUÉ

DIFFÉRENTS EMPLOIS DU VERBE « ÊTRE » ? Note sur un passage controversé du So p hist e (255c-d)* Fulcran TEISSERENC

GRAMATA (Groupe de Recherche Antiquité, Moyen Âge, Transmission Arabe), Université de Paris I Panthéon-Sorbonne

RÉSUMÉ. Contrairement à ce que présupposent certaines lectures contempo- raines du Sophiste, l’Étranger ne cherche pas à conférer au verbe « être » des sens différents selon le type d’énoncé dans lequel il figure, qu’il s’agisse d’un énoncé d’identité, prédicatif, ou encore existentiel. L’analyse précise d’un passage fré- quemment sollicité à cet effet (255c-d), analyse qui tient compte également de l’ensemble de la partie centrale du dialogue, fait apparaître que l’Étranger n’a pas un besoin crucial d’une telle distinction et qu’elle n’est pas non plus implicite- ment présente dans ses autres arguments. Quant au texte litigieux de 255c-d, il se lit bien mieux comme opérant une séparation quasi catégorielle entre termes absolus et termes relatifs. Cette dernière distinction, attestée par l’Ancienne Aca- démie comme authentiquement platonicienne, se trouve enrichir le tableau des relations entre genres que l’Étranger esquisse dans son exploration partielle de la sumplokh; tw'n eijdw'n.

SUMMARY. Contrary to what has been suggested by some contemporary readings of the Sophist, the Stranger does not give different meanings to the verb «be» in identity, predicative and existential statements. When analysing the crucial passage of 255c-d and the central part of the dialogue, it becomes clear that the Stranger does not fundamentally need this distinction, which is not implicit either to some of his arguments. A correct reading of the problematic 255 c-d text points out a rather categorical distinction between absolute and relative terms. This last distinction, testified as a Platonic one by the Ancient Academy, enlarges the map of the rela- tionship between genres which the Stranger outlines in his partial exploration of the sum- plokh; tw'n eijdw'n.

* Nous remercions L. Brisson, M. Dixsaut, M.-A. Gavray et M. Narcy pour leur lec- ture attentive d’esquisses du présent essai. Ils nous ont évité bien des erreurs. Un rappor- teur anonyme nous a suggéré d’excellentes corrections. Les fautes qui restent nous sont bien sûr imputables.

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Philosophie antique, n° 8 (2008), 153-188

Dans la partie centrale du Sophiste, l’Étranger cherche à identifier les très grands genres qui méritent l’attention du dialecticien. Après avoir montré que l’Être est différent du Repos et du Mouvement, ainsi que du Même, il se demande s’il est légitime de considérer l’Autre comme un genre à part. Pour établir l’originalité de ce dernier, il doit montrer qu’il est distinct non seulement du Mouvement et du Repos, mais aussi de l’Être. C’est l’objectif de l’argument qui suit (255c8-255e1) :

— L’Étr. : Nous faut-il dire de l’Autre que c’est un cinquième genre ? Ou bien doit-on reconnaître que c’est là, avec l’Être, deux noms portés sur un seul genre ?

— Théét. : Peut-être.

— L’Étr. : Mais je crois que tu conviendras de ceci : parmi les êtres (tw'n o[ntwn), les uns se disent eux-mêmes en eux-mêmes (ta; me;n aujta; kaq auJtav), et les autres se disent toujours relativement à d’autres (ta; de;

pro;" a[lla ajei; levgesqai).

— Théét. : Comment ne serait-ce pas le cas ?

— L’Étr. : Or l’Autre se dit toujours par rapport à un autre (pro;" e{te- ron), n’est-ce pas ?

— Théét. : En effet.

— L’Étr. : Ce ne serait pas le cas si l’Être et l’Autre ne différaient à beaucoup d’égards ; mais si l’Autre participait aux deux formes1 (ajmfoi'n

1. Pourquoi choisir « forme » plutôt que « espèce » ou « classe » pour rendre ei\do" ? D’abord parce que c’est le sens du terme dans le contexte immédiat. En 255c5, l’Étranger demande : « allons-nous poser comme quatrième forme (tevtarton ei\do") le Même en plus des trois formes (pro;" toi'" trisi;n ei[desin) ? ». Dans cette question, ce sont les formes elles-mêmes qui comptent, pas les classes qui leur sont associées (point de vue de l’intension, non de l’extension, cette dernière étant exactement la même – universelle – pour l’Autre, le Même et l’Être). En 255e1, l’Autre est un cinquième ei\do" (voir aussi 254e5) ; il ne peut s’agir ici ni de classe ni d’espèce, puisque ce qui permet à l’Autre d’être compté comme cinquième, c’est sa fuvsi". La deuxième raison qui nous fait préférer la traduction par « forme » est la présence du verbe metevcein. Dans un contexte où il s’agirait de diviser, de séparer, ou de couper, l’objet de telles opérations peut bien être une espèce. Mais ici, il s’agit de « participer », terme utilisé pour décrire le fondement

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metei'ce toi'n eijdoi'n) comme le fait l’Être (w{sper to; o[n), il y aurait alors un moment où l’un des autres serait autre sans l’être par rapport à un autre (h\n a[n potev ti kai; tw'n eJtevrwn e{teron ouj pro;" e{teron) ; or, en réalité, pour nous, ce qui est autre se trouve tout simplement être nécessairement cela même qu’il est relativement à un autre2 (nu'n de;

ajtecnw'" hJmi'n o{tiper a]n e{teron h\/, sumbevbhken ejx ajnavgkh" eJtevrou tou'to o{per ejsti;n ei\nai).

— Théét. : Tu dis les choses comme elles sont.

— L’Étr. : Il faut donc dire que la nature de l’Autre est cinquième parmi les formes que nous avons choisies.

Ce passage a suscité trois types d’interprétations, qui ont en commun de déceler dans le texte la mobilisation de concepts dont la portée excède le résultat particulier auquel l’Étranger les fait servir. La plus ancienne, dont les origines remontent sans doute à l’Ancienne Académie, attribue à Platon une distinction entre types ou catégories d’êtres, les « relatifs » d’une part (comme l’inégal, le double, le plus chaud), les « absolus » de l’autre (comme le lit, le rouge, le doigt). Mais la plupart des interprètes modernes s’accordent à voir ici un texte qui élabore une distinction des sens, ou du moins des emplois du verbe ei\nai. Les uns veulent y trouver une distinction entre l’emploi existentiel et l’emploi prédicatif, les autres entre l’emploi prédicatif et l’emploi dans les énoncés d’identité. Monique Dixsaut a récemment offert pour sa part une lecture originale de ce pas- sage, d’après laquelle ce serait notamment la contrariété du Même et de l’Autre que l’Étranger mettrait ici en lumière.

L’importance de ces lignes tient à ce qu’en elles se décide le sens général que l’on reconnaît à la partie centrale du Sophiste. Ou bien on

ontologique d’une prédication. Quand l’Étranger déclare quelques lignes plus loin (255e3- 4) que « chacune (des formes) est autre que les autres non pas en vertu de sa propre nature, mais par le fait qu’elle participe à l’ijdeva de l’Autre », il est impossible d’assimiler l’ijdeva à une classe ou à une espèce : outre l’incongruité terminologique, le contraste avec ce qu’une chose pourrait être en vertu de sa propre nature perdrait en ce cas sa pertinence. De plus, si l’on rend ei\do" par espèce ou classe en 255d4, il faudrait alors comprendre que metevcein signifie l’inclusion (en vertu de l’asymétrie de son usage, bien établie par Ackrill 1997, p. 87 sq.). Ce qui rendrait l’argument obscur : car comment l’Être peut-il être inclus dans l’une ou l’autre de ces classes et même dans les deux à la fois (!) alors qu’à l’évidence ces classes sont incluses dans l’être ? Cela dit, nous utiliserons les termes de « catégorie » ou de « classe » pour désigner non pas l’ei\do" lui-même, mais le groupe constitué par les êtres participant à l’un ou l’autre ei\do".

2. Comme nous l’a signalé M. Narcy, il y a sans doute quelque ironie à introduire cette expression pour le moins artificielle par l’adverbe ajtecnw'" (« simplement »). L’É- tranger aurait pu dire, pour le coup plus simplement, o{tiper a]n e{teron h\/ sumbevbhken ejx ajnavgkh" eJtevrou e{teron ei\nai. Toutefois, mettre comme il le fait tou'to o{per ejsti;n à la place de e{teron permet de signaler le caractère constitutif de la relation : un autre est précisément ce qu’il est, comme autre, dans sa relation à un autre.

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estime, avec la majeure partie des commentateurs, que pour sauver la possibilité de la négation et de la fausseté menacée par les attaques sophistiques, il faut et il suffit de dissiper certaines ambiguïtés de langage en distinguant la copule dans son usage prédicatif du signe de l’identité ou encore de l’existence, et les lignes 255c-d s’avèrent alors cruciales dans cette perspective. Ou bien on considère que l’Étranger n’a que faire de ces distinctions pour atteindre son but ; lui attribuer qui plus est l’in- tention théorique d’isoler les uns des autres les sens du verbe « être » pourrait faire perdre de vue le point essentiel dans l’affaire, qui est que chacun d’entre ces sens n’exprime qu’un aspect partiel et non exclusif d’une seule et même activité de la Forme Être.

C’est à ce second horizon interprétatif que se rattache notre lecture.

Nous estimons que les lignes 255c-d doivent être lues sans préjuger de leur fonction dans l’économie d’ensemble de l’argumentation de l’Étran- ger, c’est-à-dire sans forcer leur signification pour les faire cadrer avec une certaine interprétation de la partie centrale du dialogue. Nous pro- céderons donc à front renversé. Nous examinerons d’abord le contexte qu’évoquent à l’appui de leur thèse les tenants d’une distinction des sens ou des emplois de « être » en 255c-d. Nous discuterons ensuite les diverses analyses qu’on a pu proposer de ce passage. Nous exposerons enfin notre propre compréhension du texte ; tout en étant autonome, elle s’accorde, verrons-nous, avec des remarques et des observations faites par certains disciples de Platon, dont les témoignages n’ont pas toujours été correctement rapportés aux sources écrites de la philosophie du maître.

1. Le contexte (250b-e et 256a)

En 250e, l’Étranger fait état à propos de l’Être d’une aporie similaire dans son ampleur à celle que lui-même et Théétète ont précédemment rencontrée à propos du Non-Être. Comment concilier, demande-t-il, la proposition pour laquelle ils viennent de batailler, que l’Être, distinct du Repos et du Mouvement (250c3), « n’est en vertu de sa propre nature ni en mouvement ni en repos » (250c6-7), avec la proposition évidente selon laquelle « tout ce qui n’est pas en mouvement est en repos » (250d1-2) ?

Comme le dit G.E.L. Owen, « this section of the dialogue is designated to culminate in a paradox (the aporia of 250e1-2) whose diagnosis is generally agreed. It depends on confusing identity-statements with predications. This is why the ES moves at once to the opsimaths (251a5-c6) »3. Il en résulterait que la conclusion

« l’Être ni ne change ni n’est en repos » est en réalité fausse : elle serait

3. Owen 1970, p. 261.

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vicieusement inférée de la prémisse selon laquelle l’Être n’est identique ni au Repos ni au Mouvement. La discussion des « tard venus », dont la position revient à n’autoriser que les énoncés d’identité, servirait à faire sentir quelle distinction dans la syntaxe du verbe « être » est nécessaire pour corriger l’inférence illégitime précédente ; en indiquant deux emplois incomplets4 pour ejsti en 255c-d, l’Étranger résoudrait du même coup l’aporie concernant l’Être.

Une autre façon de lire l’aporie est suggérée par Michael Frede5. La conclusion du raisonnement, « l’Être ni ne change ni n’est en repos », est ambiguë ; comprise comme un énoncé sur l’Être comme l’Être qu’il est (sa nature propre), elle est vraie. Mais prise en dehors de cette condition particulière, elle est fausse, parce qu’elle ignore la possibilité qu’en un certain sens l’Être soit au repos : en tant que Forme. Il faudrait donc dis- tinguer deux emplois de ejsti, l’un permettant d’élucider une chose en sa nature propre, l’autre permettant de définir ce qu’elle est « prédicative- ment » (notamment en tant que Forme), distinction opérée justement par l’Étranger en 255c-d.

Le premier scénario (celui de G. Owen) n’est guère crédible. À supposer qu’il fût vrai, il faudrait que l’Étranger revienne sur ses pas et se dégage du dilemme de 250e en abandonnant l’idée d’un Être qui ne serait ni au repos ni en mouvement. Or il ne fait rien de tel. Certes on trouve la proposition que le Repos et le Mouvement se mêlent à l’Être, car tous les deux sont (254d10). Mais la relation de participation n’est pas symétrique et la réciproque n’est pas vraie. Puisque jamais postérieurement à 250e l’Étranger n’affirme de l’Être qu’il se meut ou qu’il est au repos, le plus sûr est de considérer que la thèse selon laquelle il ne fait ni l’un ni l’autre est bien le dernier mot de l’Étranger sur le sujet6. Mais comment alors échapper à l’alternative que tout ce qui n’est pas au repos se meut et que tout ce qui n’est pas en mouvement est au repos ?

La solution réside dans la prise en considération de « la nature propre » de l’Être. M. Frede a, sur ce point, raison de souligner que tout dépend de cette qualification. Il s’agit dans ce cas de ce que l’Être est immédiatement selon sa propre essence d’Être ; celle-ci ne contient ni n’implique le repos ou le mouvement ; considéré en lui-même, on peut dire qu’il est, mais non point qu’il se meut ou qu’il reste en repos (sinon,

4. Un usage incomplet du verbe « être » détermine un prédicat à deux places ; autre- ment dit, c’est un usage dans lequel le sujet et le verbe requièrent un complément afin de pouvoir constituer une phrase complète, bien que ce complément puisse être omis dans des tournures elliptiques.

5. Frede 1967, p. 67 sq.

6. Voir Roberts 1986.

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cela signifierait ou que tous les êtres sont en mouvement ou qu’ils sont tous en repos).

Mais il est également possible d’envisager ce qu’est ou ce que n’est pas une forme en tant qu’elle se lie à d’autres formes, en tant qu’elle

« communique ». Par exemple, l’Être tolère que les choses qui participent de lui participent au Mouvement et/ou au Repos ; de même, comme Forme (et non par nécessité de sa propre nature), l’Être participe au Repos et exclut le Mouvement (alors que les particuliers sensibles parti- cipent aux deux, et l’âme au seul Mouvement). La prise en compte de la combinaison des formes conduit donc à diversifier les types de prédica- tions et permet de résoudre le dilemme, sans qu’il y ait à s’enquérir des fonctions susceptibles d’être remplies par le verbe ei\nai. Il est d’ailleurs frappant de constater que dans la formulation de l’aporie, ejsti n’apparaît pas ; ce sont les formes verbales intransitives kinei'tai et e{sthken qui sont utilisées pour qualifier l’état supposé de l’Être. En somme, chaque forme peut et doit être envisagée sous un double point de vue, décrit dans les deux cas par des énoncés prédicatifs : selon sa nature propre, selon l’ensemble de ses participations. C’est la possibilité de ce second point de vue que viennent ouvrir et légitimer la défense et l’illustration de l’hypothèse d’un mélange sélectif des genres.

Dès lors, il n’y a pas de nécessité contextuelle à rechercher dans le texte de 255c-d une distinction entre les emplois (incomplets) d’ejsti, puisqu’elle n’est pas indispensable pour résoudre la difficulté qui embar- rasse l’Étranger à propos de l’Être en 250c.

Mais, objectera-t-on encore, la difficulté que soulèvent les opsimathes en 251a5-c2 n’est-elle pas à son tour une variation sur le thème de l’iden- tité et de la prédication7 ? Ces tard venus dénient qu’une même chose puisse être appelée par plusieurs noms, en dépit de la pratique courante d’appeler quelque chose « homme », et de lui attribuer couleur, forme, taille, bonté, méchanceté, etc., pratique insensée à leurs yeux, puisqu’elle revient à permettre que l’un soit multiple et que le multiple soit un. On ne pourrait donc dire d’un homme qu’il est bon, on doit seulement dire que le bon est bon et que l’homme est homme.

Sans doute ce refus des prédications ordinaires peut-il être motivé chez les opsimathes par l’idée que la copule « est » sert exclusivement à formuler des énoncés d’identité. Mais remarquons à nouveau que l’É- tranger n’insiste guère sur celle-ci quand il expose leur opinion (il en fait même l’économie). L’interprétation avancée par Julius Moravcsik paraît plus probable8 : la thèse des opsimathes serait que la fonction des mots

7. Voir, par exemple, Ackrill 1997, p. 84 sq., et Owen 1970, p. 261.

8. Moravcsik 1962, p. 57-59.

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se réduit à la nomination : « bon » nomme bon et non homme,

« homme » nomme homme et non bon. L’Étranger critique leur doctrine en deux temps : il souligne d’abord qu’en refusant les liaisons séman- tiques opérées par le discours, l’énonciation même de leur thèse implique sa propre réfutation ; il dévoile ensuite (261d1-262e2) l’origine de leur méprise : prédiquer et nommer sont deux opérations différentes et com- plémentaires qui se combinent nécessairement dans tout énoncé. Aussi le problème posé par les tard venus ne procède pas de l’ignorance d’un double emploi attaché à la copule et sa solution ne réclame pas sa mise en lumière.

Peut-être cependant pourrions-nous trouver en aval des lignes 255c- d, et non plus en amont, une analyse de l’Étranger présupposant une telle distinction ? Si tel était le cas, nous serions conduits à penser qu’il a dû l’énoncer antérieurement, pressant à nouveau ce passage de 255c-d pour qu’il délivre la leçon attendue.

C’est la stratégie qui s’est imposée à beaucoup d’interprètes confron- tés au texte de 256a11-b4 :

Quand nous le (le Mouvement) disons le même et pas le même (ei[pwmen aujth;n taujto;n kai; mh; taujtovn), ce n’est pas de façon semblable (oJmoivw") ; quand nous le disons le même (oJpovtan me;n taujtovn), c’est en raison de sa participation au Même par rapport à lui-même que nous nous exprimons ainsi, et quand nous disons qu’il n’est pas le même (o{tan de; mh; taujtovn), c’est en raison de sa communication avec l’Autre, par laquelle il s’est séparé du Même et est devenu non celui-ci mais autre, de sorte que, cette fois, nous le disons à rebours et correctement, pas le même.

Difficile en effet de ne pas considérer qu’il y a dans ces lignes un effort pour démêler, grâce à la machinerie ontologique des très grands genres, un énoncé d’identité (entre le Mouvement et le Même), incontes- tablement faux, et un énoncé prédicatif (affirmant le même du Mouve- ment), tout aussi incontestablement vrai9. L’Étranger ne désigne-t-il pas clairement deux façons de comprendre qu’« une chose est le même », de sorte que la négation de la première est indépendante de la négation de la seconde ?

Cette interprétation, plausible de prime abord, soulève néanmoins plusieurs problèmes :

(1) La distinction des emplois incomplets d’ei\nai est (au mieux) infé- rée du texte, elle n’est pas formulée par l’Étranger. En particulier, ni ejsti 9. Voir Ackrill 1997, p. 83 ; Moravcsik 1962, p. 51 ; Vlastos 1981a, p. 288-290 et n. 44 ; Vlastos 1981b, p. 336 n. 5.

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ni ei\nai ne figurent dans la phrase grecque que scrutent Théétète et l’Étranger.

(2) Il est impossible de considérer, comme le font John Ackrill et Gregory Vlastos, que Platon avance la paraphrase « participe au Même relativement à … » pour démarquer les énoncés d’identité des autres énoncés de type prédicatif. Car dans l’expression apparemment contra- dictoire « le Mouvement est le même et n’est pas le même », la première partie (« le Mouvement est le même ») est précisément un énoncé prédicatif, s’il faut pouvoir le concilier avec la seconde partie, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle exprime une négation d’identité10.

(3) Si l’Étranger avait réellement isolé un emploi de ejsti comme signe de l’identité, impliquant une participation au Même, pourquoi alors n’a-t-il pas fait du Même une sous-espèce de l’Être ?

Par chance, il est possible de proposer de ce passage une lecture alter- native qui évite ces questions embarrassantes et offre un sens tout aussi satisfaisant11. L’ambiguïté dont l’Étranger fait état ne vient point du verbe « être » mais de la négation dont il est flanqué, surtout lorsque le prédicat nié incorpore l’article : mh; taujtovn peut vouloir dire « n’est pas le même (que…) », ou bien « n’est pas le Même »12. Dans le premier cas, la phrase signifierait l’absence de participation au Même (relativement à soi-même) et elle contredirait alors le sens obvie de la proposition « est le même (que…) » (« participe au Même relativement à soi-même ») ; dans le second cas, elle signifierait la non-identité (« participe de l’Autre relati- vement au Même »), ce qui ne contredirait pas la proposition affirmative susdite (impliquant une participation au Même). C’est ce deuxième sens véhiculé par la négation que notre texte mettrait en évidence. Cette hypo- thèse de lecture dédouane le verbe ei\nai de toute équivocité, puisqu’il signifierait toujours dans les énoncés affirmatifs la participation (donc la prédication, l’« identité » n’étant à cet égard qu’une forme particulière de prédication exprimant la participation au Même relativement à soi- même) ; c’est seulement la négation qui ouvrirait une double possibilité, qu’on la comprenne comme absence d’identité au terme nié ou qu’on la comprenne comme absence de participation à ce même terme.

Voilà qui explique que par la suite l’Étranger ne juge pas utile de faire un sort à la négation d’identité et ne s’intéresse qu’aux prédications néga- tives. Le travail a déjà été fait : des deux niveaux de négation, le premier,

10. Un corollaire de cet argument est développé plus loin, dans notre discussion de la lecture de 255c-d par G.E.L. Owen.

11. Voir la discussion de Lewis 1975, p. 127-136, et celle de Bostock 1984, p. 95-98.

12. La présence de l’article renforce d’ailleurs l’équivoque, car, liée à un adjectif non substantivé par l’article, la négation s’entend ordinairement dans le premier sens que nous avons mentionné.

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qui est absence d’identité, a été reconnu dès 256a-b. Pour reconnaître le second, il suffira de sélectionner parmi les fonctions de l’Autre celle qui, outre la différenciation entre deux formes, empêche également la partici- pation de l’une à l’autre (F ou T), participation qu’exprime ordinairement l’être tel ou tel (f ou t). Ce deuxième sens est explicité par l’introduction de la notion d’opposition (ajntivqesi") et l’analyse des formes du Non- Beau, du Non-Grand et finalement du Non-Être13. Ne pas être x, ce n’est pas seulement être différent de X mais n’y avoir point de part en raison d’une participation au Non-Être relativement à X.

Cet examen du contexte libère l’approche des lignes 255c-d. Nous ne croyons plus que l’Étranger ait besoin pour les fins qui sont les siennes de diagnostiquer une ambiguïté relative au verbe ei\nai, en particulier qu’il y ait nécessité pour lui de reconnaître deux usages incomplets du verbe. Naturellement, cela n’exclut pas que les lignes 255c-d développent une telle distinction ; seul l’examen du texte lui-même pourra le dire.

2. L’argument

Rappelons que l’argument proposé en 255c-e formule une disjonction exclusive : parmi les êtres, les uns (ta; mevn) se disent d’une façon, aujta;

kaq auJtav, les autres (ta; dev) toujours14 d’une autre, pro;" a[lla. Deux manières, donc, de dire les êtres, rendues possibles par une participation de l’Être à deux formes. Mais si l’Être consent à ces deux communica- tions, il ne les impose pas simultanément à toute chose participant de lui.

Sinon, il ne pourrait y avoir de moment où la caractéristique d’une parti- cipation – être aujto; kaq auJtov – pourrait être donnée en l’absence de la caractéristique de l’autre – être pro;" a[llo –, comme le suppose pourtant l’Étranger.

13. Nous nous sommes expliqué ailleurs sur cette question difficile. Voir Langage et image chez Platon, 2e partie, à paraître.

14. Nous comprenons ajeiv comme se rapportant à la manière de dire la seconde caté- gorie d’êtres. Dans la réplique suivante, il est en effet question de l’ajei; pro;" e{teron. Il semble donc qu’il y ait en réalité une division entre d’une part (1) des êtres qui peuvent être dits pour certains aujta; kaq auJtav et pour d’autre(s) aujta; kaq auJtav et pro;" a[lla, et d’autre part (2) des êtres qui doivent toujours être dits, exclusivement, pro;" a[lla. La ligne de partage passant au sein des êtres (pluriel), la division concerne les items qui participent à l’Être, qui se distribuent du fait que l’Être auquel ils participent participe lui- même (en un sens que nous préciserons plus loin) à deux formes. À l’intérieur de la pre- mière catégorie, l’être qui pourrait faire l’objet d’une double prédication nous semble être le Même : il a cette particularité qu’il impose bien une relation, sans être un relatif au sens strict, dans la mesure où cette relation est toujours pro;" eJautovn (256b1 ; 254d15 : aujto;

d eJautw'/ taujtovn ; cf. 257a5, 259b3-4). Il se situe à la frontière des deux catégories et, de manière un peu lâche, on peut le dire appartenir aux deux à la fois (parce que réflexif, au genre des aujta; kaq auJtav, parce que relatif, au genre des pro;" a[lla).

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Pour conserver son intelligibilité à ce texte, deux choses sont néces- saires :

(1) Que les deux formes qui servent de discriminants entre l’Être et l’Autre ne soient naturellement identiques à aucune des formes discrimi- nées.

(2) Que l’on explique comment l’Être peut participer aux deux, et comment seule la participation à l’une des deux est nécessaire pour l’Autre, en même temps qu’exclusive de toute participation à la seconde.

Après avoir passé en revue les interprétations nombreuses et variées qu’a reçues ce passage au XXe siècle, nous montrerons l’intérêt d’une lecture que recoupent certains témoignages de l’Ancienne Académie et qui manifeste sa pertinence dès lors qu’on l’articule précisément à l’onto- logie du Sophiste.

3. Interprétations modernes

Proposées, entre autres, par J. Moravcsik15 et D. Bostock16 d’une part, par G.E.L. Owen17 et M. Frede18 d’autre part, elles sont toutes à la recherche d’indices en faveur d’une démarcation platonicienne des em- plois du verbe « être »19. Les uns veulent trouver dans ce texte la dis- tinction explicite entre l’emploi existentiel et l’emploi prédicatif de ejsti, les autres entre l’emploi prédicatif et l’emploi dans les énoncés d’identité.

Avant d’entrer dans le détail de leur analyse, signalons d’abord que ces lectures, par-delà leurs divergences, sont d’une commune discrétion sur les ei[dh à la participation desquelles les êtres doivent leur division en deux groupes et l’Autre sa constitution pro;" a[llo. L’arrière-plan eidé- tique, qui chez Platon est au fondement des usages légitimes du langage, n’intéresse guère ces approches, qui privilégient la dimension linguistique de l’argument avancé par l’Étranger. David Bostock, sur ce point, a le mérite de mettre les choses au clair en refusant de prendre le texte dans ses affirmations littérales : « Despite its surface grammar, this sentence (ajll oi\maiv se sugcwrei'n tw'n o[ntwn ta; me;n aujta; kaq auJtav, ta; de;

pro;" a[lla ajei; levgesqai, 255c12-13) presumably does not really mean to distinguish the items which are in one of these ways from the others which are in the

15. Moravcsik 1962.

16. Bostock 1984.

17. Owen 1970.

18. Frede 1967.

19. Précédant pour l’un et prolongeant pour l’autre la lecture de G.E.L Owen, on peut ajouter les deux articles de Malcolm (1967 et 1985b). Plutôt favorable aux analyses de J. Moravcsik et de D. Bostock, Brown 1999 propose une interprétation nuancée de ce texte, bien que toujours inscrite dans la perspective d’une distinction des emplois du verbe être.

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other way, for exactly the same items are in both ways (namely, all items). Its point must indeed be to distinguish two ways of using the verb ‘be’, only one of which imports a reference ‘to something else’20. » C’est que les affirmations et prédica- tions suivantes sont, d’après D. Bostock, toutes également légitimes à propos du même Socrate : il existe, il est homme, il est autre que Sim- mias et plus petit que lui. Il en irait de même si l’on examinait les Formes comme sujets de prédication : le Mouvement existe, il est différent de tous les autres genres, il est plus important que certains autres, il est même que lui-même ; on en dirait autant de l’Être. Aucun terme, soit particulier sensible, soit Forme, ne pourrait être rangé de manière exclu- sive sous une catégorie, celle des aujta; kaq auJtav, ou sous une autre, celle des pro;" a[lla.

Mais il en irait tout autrement si l’Étranger ne demandait pas de prendre en considération les sujets, empiriques ou transcendants, de prédication, mais, comme nous le croyons plutôt, les réalités que l’on prédique d’eux21, réalités que l’on doit examiner dans leur teneur ou leur contenu propre. Auquel cas, la distinction entre deux sortes de réalités serait parfaitement recevable comme nous le montrerons plus ample- ment tout à l’heure : d’un côté, celles qui peuvent être affirmées (d’un sujet quelconque) de manière autonome, de l’autre, celles qui requièrent que ce soit relativement ou comparativement à un tiers. La différence se loge alors non point dans la polyadicité du verbe « être » (le nombre de termes par lequel il doit être complété pour former une phrase), mais dans la nature des termes prédiqués.

Examinons maintenant les difficultés spécifiques à chacune des deux variantes modernes et d’abord celles que rencontre l’hypothèse selon laquelle l’Étranger distinguerait ici entre les emplois du verbe « être » dans les énoncés d’identité d’une part, dans les énoncés prédicatifs d’autre part.

Qu’il s’agisse, dans ce passage, d’opérer un tel partage, c’est la thèse, on le sait, défendue principalement par G.E.L. Owen22. Il s’autorise de la présence inhabituelle de l’expression pro;" a[lla (suivie par pro;" e{te- ron), en place de l’expression plus familière prov" ti, pour écarter l’idée avancée par certains selon laquelle un être serait dit aujto; kaq auJtov quand on se contenterait de dire qu’il est (« il existe », emploi « complet » ou « monadique » de ejsti), par opposition à un être qui serait dit pro;"

a[llo quand on dirait qu’il est tel ou tel (emploi « incomplet » ou

« dyadique » de ejsti). Car, fait-il observer, dans le cas d’un énoncé

20. Bostock 1984, p. 93.

21. Voir 256e5, où polu; to; o[n s’applique manifestement aux prédicats, ou plutôt aux formes participées, en rapport avec une forme participante, sujet de la prédication.

22. Owen 1970, p. 256-257.

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d’identité (usage incomplet de ejsti), le complément de ejsti est le même que le sujet de l’énoncé. Tous les usages incomplets de ejsti ne peuvent donc être regroupés sous la rubrique pro;" a[lla. C’est pourquoi l’Étran- ger réserverait en fait l’expression aujto; kaq auJtov à l’usage du verbe

« être » dans les énoncés d’identité, en les opposant aux énoncés prédica- tifs où l’usage du verbe « être » est pro;" e{teron.

Cette interprétation a fait l’objet de vigoureuses critiques, auxquelles nous renvoyons23. Signalons seulement quelques objections supplé- mentaires.

G.E.L. Owen concède que le projet de Platon n’est pas de distinguer deux sens de « être » (mais seulement de démarquer ses emplois), puis- que, si tel avait été le cas, il aurait dû conclure que son argument n’a mis en lumière que la différence de l’Autre « from only one of the concepts falling under that name, i.e. from the sort of being which is not pros allo ». Mais c’est là, à notre sens, attribuer une sorte d’inconséquence et de pusillanimité à Platon qui est loin de faire disparaître la difficulté. S’il s’agit ici de deux emplois distincts (ce que soutient G.E.L. Owen), et qu’ils reposent sur une participation à deux formes différentes (ce que dit le texte), c’est bien, en fait, la division du genre Être qui devrait en découler (et proba- blement l’identification d’une des espèces avec le Même24). Cette conclu- sion n’étant pas tirée, la prémisse prêtée à Platon n’est probablement pas la bonne.

Il est pour le moins frappant de constater que le cas paradigmatique de ce qui semble être un énoncé d’identité (« le Mouvement est le même parce qu’il participe au Même relativement à lui-même ») est justement un énoncé dans lequel l’Étranger fournit au verbe « être » un complé- ment distinct du sujet, paraphrasé en termes de participation à une forme autre que celle désignée par le sujet25. Cette objection peut être dévelop- pée plus largement. Pour justifier le sens dans lequel il entend sa distinc- tion, G.E.L. Owen avance en effet une série d’arguments fondés sur l’idée que le Même fonctionne comme un « révélateur ontologique » d’identité26. Ce serait donc dans les termes du Même que l’on pourrait

23. (i) L’emploi de pro;" e{teron de préférence à prov" ti n’est pas en lui-même un signe décisif ; voir Bostock 1984, p. 93, n. 6, et Brown 1999, p. 476, n. 36. (ii) La distinction que G.E.L. Owen a à l’esprit serait mieux rendue en grec par les expressions pro;" a[lla / aujta; pro;" auJtav (au lieu de aujta; kaq auJtav) ; voir Bostock 1984, p. 93.

(iii) Le sens donné par G.E.L. Owen à l’expression aujta; kaq auJtav n’a pas de parallèle chez Platon ; voir Brown 1999, p. 476, n. 36*.

24. Cf. Bostock 1984, p. 91.

25. Cf. De Vries 1988, p. 388-389.

26. À titre d’exemple d’énoncés d’identité, G.E.L. Owen cite la phrase « le mouve- ment est le même » (254d15), que l’Étranger justifie plus loin en disant que c’est parce qu’il participe à la forme du Même. Pour G.E.L. Owen, dans un énoncé d’identité, « the

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reformuler pour l’Étranger un énoncé d’identité. Or l’Étranger, s’il peut à bon droit rechercher une façon de rendre compte de l’absence d’identité (d’une négation d’identité) par référence à une participation à l’Autre, n’est nullement soucieux de rendre compte de supposés énoncés positifs d’identité. Il ne cherche ni à les isoler comme une classe particulière d’énoncés, ni à produire à leur intention une paraphrase qui en révèle le soubassement ontologique. En effet, le rôle du Même est toujours évoqué, nous l’avons déjà dit, à propos de prédications, et non d’identités.

Quand est analysé « le Mouvement est le même et n’est pas le même », la première proposition, qui est une prédication (ne serait-ce que parce qu’il faut qu’elle soit compatible avec la seconde proposition, qui est une né- gation d’identité), est ainsi explicitée : « le Mouvement participe au Même relativement à lui-même ». Ainsi, « être même que soi » n’est pas pour l’Étranger synonyme d’une tautologie de la forme « a est a », mais ex- prime une propriété résultant d’une participation à un genre différent de la forme participante, dont l’effet est de la confirmer dans son identité en dépit des multiples communications dans lesquelles elle se trouve prise27 (cf. 257a5, 259b3-4). Loin de circonscrire un supposé rôle identifiant pour ejsti28, la paraphrase de la proposition « le mouvement est le même » est de structure comparable à celle d’autres propositions comme

« le mouvement est autre » (256c5-10) ou « le mouvement est être » (256c11-d10) ; dans tous ces exemples, la copule possède une valeur pré- dicative.

M. Frede développe une idée voisine de celle de G.E.L. Owen. Tou- tefois, à la différence de ce que suppose ce dernier, la distinction que dé-

expressions which flank the verb cannot designate different things ». Or, précisément, G.E.L. Owen traduit « to;taujtovn » par « identity » et explique qu’à la différence du prédicat (incomplet)

« different », le prédicat (incomplet) « same » « cannot be supposed to mark a relation between different things » (Owen 1970, p. 256-257). Autrement dit, un tel prédicat, puisqu’il est tou- jours employé pro;"eJautovn, permettrait, à l’en croire, de paraphraser les énoncés d’iden- tité : « It seems reasonable to infer that Plato regards the verb in its copulative use as requiring the ana- lysis ‘partaking of…’, but in its identifying use as requiring the analysis ‘partaking of identity to…’. » (Owen 1970, p. 251.)

27. « What enables each Form to have its own nature yet also partake of other Forms, without doing violence to their nature or its own, is its partaking of Sameness with respect to itself and Difference with respect to other Forms. » (Moravcsik 1992, p. 183.)

28. Rôle qu’il pourrait avoir, par délégation en quelque sorte, lorsque la moitié droite de la proposition avec laquelle il est couplé est une expression nominale singulière définie :

« Jean est l’homme du casse de Monte Carlo ». Il y a une diversité de marqueurs pour les phrases d’identité, indépendants de la valeur du « est » : lexicaux (« autre que » indique par exemple une absence d’identité), syntactiques (l’emploi dans la fonction prédicat de l’article défini, d’un nom propre, d’un pronom personnel ou démonstratif, ou encore d’un superlatif), et même morphologiques (la forme nominale dans le prédicat contras- tant avec la forme adjective). Voir Lewis 1975, p. 125, Dancy 1999, p. 66 n. 43.

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velopperait ici Platon ne concernerait pas les tautologies, ou les énoncés stricts d’identité, mais opposerait (1) les prédications essentielles, le pré- dicat étant un élément de la définition ou de l’essence du sujet, et (2) les prédications dans lesquelles le prédicat serait différent du sujet (de sa nature propre)29, ce qui correspondrait intuitivement à l’usage copulatif du verbe « être ». Cette interprétation aurait en outre l’avantage de rendre raison de la division des êtres en deux classes (ta; mevn, ta; dev). Ou bien donc, commente-t-il, les êtres se diraient aujta; kaq auJtav, et aussi pro;"

a[lla, ce qui veut dire qu’on énoncerait ce qu’ils sont essentiellement et aussi ce qu’ils sont en vertu de leur nature générique de Forme, ou bien on ne les dirait que pro;" a[lla, c’est-à-dire prédicativement, sans jamais pouvoir les énoncer essentiellement, et cela correspondrait à l’ensemble des particuliers sensibles.

Cette interprétation est cependant difficilement recevable : si le pro- pos de l’Étranger était d’élaborer une distinction qui puisse conduire à séparer les Formes des particuliers qui en participent, il serait alors pour le moins malvenu de sa part de dire, comme il le fait pourtant (255d1), que l’Autre (to; e{teron) est ajei; pro;" e{teron, alors qu’en raison de son essence, il devrait aussi, selon les principes de l’analyse de M. Frede, pouvoir être considéré aujto; kaq auJtov. De plus, l’argument platonicien repose sur une dissymétrie : du fait que l’Être participe à deux formes, il pourrait se produire un moment où un des êtres serait tel sans l’être rela- tivement ; il faut donc comprendre qu’il serait aujto; kaq auJtov sans être pro;" a[llo, situation qui est, en revanche, tout à fait impossible pour les autres, qui sont toujours pro;" a[lla. Mais, d’après M. Frede, tout ce qui est aujto; kaq auJtov devrait aussi être dit pro;" a[lla, dans la mesure où cette dernière formule se rapporterait à tous les attributs qui caractérisent non plus sa nature spécifique, mais son être générique de forme, attributs qui résultent de la participation à des essences différentes (le Repos, le Même, l’Autre, etc.).

Passons maintenant aux analyses qui prétendent lire dans ce passage une distinction entre le sens existentiel, complet, et le sens attributif, incomplet, du verbe « être »30. Les êtres seraient dits aujta; kaq auJtav quand on veut dire qu’ils existent, et ils seraient dits pro;" a[lla quand on leur reconnaît telle ou telle propriété (procurée par participation à la forme correspondante, autre que le sujet). Cette thèse soulève à son tour une série de problèmes.

29. Frede 1967, p. 12-37. Voir aussi le traitement plus bref de cette question dans Frede 1992, p. 400-402. Meinwald 1992, p. 381, suit M. Frede sur ce point.

30. Parmi ceux qui défendent cette thèse, J. Moravcsik 1962, p. 53-55, Moravcsik 1992, p. 185, D. Bostock 1984, p. 89-93 ; et, avec des nuances, L. Brown 1999, p. 477.

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Tout d’abord, le texte établit une distinction tranchée, qui répartit les êtres en deux catégories. L’interprétation considérée rend compte malaisément de cette distribution. Si l’argument platonicien consistait à contraster l’attribution de l’Être susceptible de se faire en deux sens (sans implication mutuelle) avec celle de l’Autre, qui se fait toujours d’une seule et unique façon, alors il aurait dû mettre en regard deux prédica- tions de l’Être, chacune au singulier, celle impliquant l’existence (to; o[n aujto; kaq auJtov) et celle impliquant une ou des propriétés (to; o[n pro;"

a[lla), au lieu d’opposer, comme il le fait, parmi les êtres (tw'n o[ntwn), ceux (ta; mevn) qui se disent aujta; kaq auJtav, et ceux (ta; dev) qui se disent toujours pro;" a[lla.

Lorsque l’Étranger veut indiquer quelque chose qui ressemble à l’exis- tence, il précise que « x est (existe) parce qu’il participe à l’Être »31 (254 d10, 256a1, 256e3-4, 259a6). Or cette participation à l’Être est évidem- ment pour le sujet en question une participation pro;" a[llo (256d5-9, cf.

259a8), qui n’est pas, du point de vue de sa structure, différente des autres participations. De même qu’une réalité est autre non par elle- même (du fait de sa propre nature, 255e5-6), mais par participation à l’Autre, de même une réalité n’existe pas par elle-même mais par participa- tion à l’Être. L’analyse ontologique que permet le scalpel du dialecticien décèle, dans une affirmation d’existence, la présence élidée d’une autre forme par rapport à laquelle la première est dite. Il est donc peu probable que pour l’Étranger une réalité quelconque soit dite aujto; kaq auJtov quand elle est sujet du verbe « être » employé de façon complète.

Toujours en vertu de l’interprétation que nous discutons, il serait pos- sible, si l’on tient compte de 255d5-6, de dire d’une chose qu’elle existe (donc de la dire aujto; kaq auJtov) sans impliquer ipso facto ce qu’elle est ou ce qu’elle a (autrement dit, son aspect pro;" a[llo)32. Or une telle abstraction de l’existence, susceptible d’être posée indépendamment de certains, voire de l’ensemble des attributs nécessaires à l’essence de la chose affirmée (attributs qui relèvent immédiatement de sa nature ou qui sont acquis par participation), est très contestable. On ne voit pas chez Platon que la mention de l’existence puisse être désolidarisée en droit de celle de tous les prédicats qui appartiennent à l’essence de la chose. Telle est, à notre sens, la leçon qui se dégage du passage (255b8-c7) qui précède notre texte et dont la logique semble avoir échappé à beaucoup d’interprètes.

31. Que cette participation à l’Être ne limite pas ses effets à la seule existence, c’est hautement probable ; ce point est examiné dans la question suivante.

32. Un travers auquel ne s’expose pas Brown 1999, p. 477, mais voir plus loin la discussion de sa position.

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— L’Étr. : Faut-il alors que nous concevions comme une seule chose l’Être et le Même ?

— Théét. : Peut-être.

— L’Étr. : Mais si l’Être et le Même ne doivent signifier rien de différent, alors à nouveau, en déclarant que le Mouvement et le Repos sont tous les deux, nous les dirons ainsi tous deux identiques en tant qu’êtres (ajmfov- tera ou{tw" aujta; taujto;n wJ" o[nta proserou'men).

— Théét. : Mais cela est vraiment impossible.

— L’Étr. : Impossible donc que le Même et l’Être soient une seule chose.

— Théét. : Sans doute.

— L’Étr. : Nous faut-il alors poser le Même comme quatrième en plus des trois autres formes ?

— Théét. : Tout à fait.

D’aucuns33 prennent cet argument pour « a fallacy » car il jouerait subrepticement sur l’incomplétude de « même ». Si Mouvement et Repos sont, et qu’alors, compte tenu des hypothèses de départ, ils soient le même, la conséquence est certes absurde, mais à condition de complé- ter : « sont le même l’un que l’autre » ; elle ne l’est plus, si l’on complète :

« sont le même qu’eux-mêmes » ; la réfutation serait alors inopérante. Il est toutefois possible de défendre la validité de ce raisonnement par l’absurde : même en complétant de la manière que nous venons d’indi- quer, l’Étranger trouverait la conséquence rédhibitoire – et donc la pré- misse fausse –, parce que, en tant qu’êtres, Mouvement et Repos ne sont précisément aucune détermination commune. Il ne s’agit pas de nier que chacun est le même que lui-même ; mais cette qualité – d’être même que soi – ne peut constituer le fond de ce que chacun est, sinon ils ne se dis- tingueraient pas l’un de l’autre : en tant qu’êtres, ils sont la réalité qu’ils sont, le Mouvement ou le Repos. L’argument n’exclut pas une signi- fication générique pour l’Être, il exclut qu’elle l’épuise : même si l’Être implique pour ce qui participe de lui quelque chose comme une exis- tence, il se détermine aussi à chaque fois dans l’espèce qui participe de lui comme singularité, nature unique en son genre34.

Ajoutons enfin un dernier argument en faveur de la solidarité de l’être existentiel et prédicatif. Quand l’Étranger formule la condition nécessaire de ce qui est autre, il déclare : o{tiper a]n e{teron h\/, sumbevbhken ejx ajnavgkh" eJtevrou tou'to o{per ejsti;n ei\nai, « tout ce qui est autre, cela

33. Bostock 1984, p. 91 ; Vlastos 1981a, p. 286 sq., n. 42 ; et avant eux, Peck 1952, p. 46 ; cf. Van Eck 2000, p. 67 sq. et n. 27.

34. Que l’être entendu comme existence ne se ramène pas à un prédicat commun, c’est aussi ce que démontre à sa manière E. Kant, Critique de la Raison Pure, Postulats de la pensée empirique en général, A 225-226 ; B 272-273.

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se trouve de toute nécessité être d’un autre cela même qu’il est ». Si nous essayons d’appliquer, moyennant les modifications nécessaires, la même formule à l’Être quand il participe de la forme aujto; kaq auJtov, nous obtenons : o{tiper a]n o]n (aujto; kaq auJto;) h\/, sumbevbhken ejx ajnavgkh" kaq auJto; tou'to o{per ejsti;n ei\nai. Or l’expression tou'to o{per ejsti;n ei\nai (« être cela précisément qu’il est ») ne peut clairement signifier l’existence, mais plutôt l’essence, le caractère ou la nature de l’être en question.

On pourrait juger que la position défendue récemment par Lesley Brown est à l’abri de ces critiques, puisqu’elle considère précisément que l’emploi complet de ejsti qui serait mis en évidence dans le Sophiste cou- vrirait le sens existentiel sans s’y limiter : s’il n’a pas besoin de complé- ment, il ne l’interdirait pas non plus (« a C2 use », par opposition à « a C1 use », qui ne l’autorise pas). La suggestion est excellente pour la plupart des cas où elle identifie un tel emploi. Mais il est pour le moins discutable que le texte de 255c-d puisse se laisser lire comme formulant une opposi- tion entre cet emploi (C2) et un emploi pro;" e{teron (supposant qu’on joigne nécessairement un prédicat à ejsti)35. L’Étranger stipule en effet qu’il peut arriver qu’un des êtres soit (être) sans être en même temps pro;"

e{teron : il est purement et simplement aujto; kaq auJtov (le propos est de re et ne se rapporte nullement à la description plus ou moins elliptique d’une situation). Or ce cas, jugé sans parallèle pour l’Autre et les autres, exclut qu’il soit fait allusion ici à un usage de ejsti au sens où le prend L. Brown, lequel ne défendrait nullement à un être dit aujto; kaq auJtov d’être aussi dit pro;" e{teron. Et il en va de même pour les autres emplois de ejsti imaginés par les commentateurs : on ne voit pas pourquoi le fait que cet être existe, ou qu’il soit identique à lui-même, si c’est de cela qu’il s’agit par un emploi aujto; kaq auJtov d’ejsti, l’empêcherait de recevoir tel ou tel prédicat, si c’est là encore ce qu’il faut comprendre par être pro;" e{teron.

Devant les difficultés accumulées par ces diverses interprétations, le plus sage est d’y renoncer. Avant toutefois d’engager la nôtre, il convient d’examiner celle qu’a proposée dernièrement Monique Dixsaut, qui a l’avantage de prendre au sérieux la teneur eidétique de l’argument et de ne pas chercher à le faire rentrer de force dans un cadre linguistique et syntaxique. M. Dixsaut procède dans sa lecture du passage 255c-d à une série d’identifications audacieuses : (1) les deux formes auxquelles l’Être participe sont le Même et l’Autre ; (2) les êtres ou bien participent au Même (ce qui, en soi, n’exclurait pas leur participation à l’Autre) ou bien participent à l’Autre (ce qui, en tant que participation principale, exclurait

35. Brown 1999, p. 477.

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la participation au Même36) ; (3) l’Autre, en revanche, ne participe pas aux deux formes, mais seulement à l’Être37. Or ces propositions ne peu- vent trouver à notre sens un appui suffisant dans le texte.

Tout d’abord, l’objectif de l’Étranger est ici de montrer que l’Autre et l’Être sont des réalités distinctes. Si l’Étranger pose comme prémisse que l’Être participe à deux formes, et que ces deux formes sont, d’après M. Dixsaut, le Même et l’Autre, il aurait alors déjà postulé ce qu’il voulait démontrer, puisqu’il ne peut y avoir de participation qu’entre réalités distinctes (point que souligne, par ailleurs, M. Dixsaut : « il est impossible que cette affirmation – cette Forme est X – exprime une identité, s’il y a deux formes, elles sont forcément essentiellement différentes »38).

Ensuite, M. Dixsaut change par mégarde le couple de formes dis- criminantes quand il s’agit d’examiner la situation de l’Autre : il n’est plus question d’examiner son rapport au Même et à l’Autre, comme c’était le cas d’après elle à propos de l’Être, mais son rapport à l’Être et au Même.

Ce changement inopiné n’est pas sans explication ; car à conserver le couple initial, il aurait fallu conclure que si l’Autre ne participe pas au Même, il participe seulement à l’Autre ; nous serions alors face à un exemple manifeste, non pas même d’auto-prédication, mais d’auto- participation. Sauf à soutenir que la logique de l’argument n’est pas d’éta- blir une différence entre participations, mais entre un terme qui participe (à deux formes) et un autre qui ne participe à aucune des deux. Pourtant, l’Étranger ne dit pas que l’Autre ne participe pas, mais que s’il participait aux deux, alors il pourrait être autre sans l’être par rapport à un autre ; ce qui veut dire que le cas qui est jugé impossible, c’est seulement la parti- cipation à cette forme que M. Dixsaut identifie comme celle du Même.

Une autre objection vise l’idée selon laquelle l’Autre serait le contraire du Même (selon un rapport unilatéral, puisque, d’après M. Dixsaut, on ne peut dire du Même qu’il est le contraire de l’Autre, dans la mesure où il y

36. Un corollaire de cette thèse est que l’image se laisse déterminer par l’Autre en tant qu’il exclut le Même : « Posséder une manière d’être qui n’est que celle de l’autre, c’est n’avoir d’autre être que d’être autre relativement à un autre : tel est l’être de l’image et du simulacre, et tel est aussi celui du sophiste. » (Dixsaut 2000b, p. 268.) « L’image ne participe essentiellement qu’à deux de ces genres : l’Être et l’Autre, et elle ne participe à l’Être que médiatement, dans la mesure où l’Autre en participe. » (Dixsaut 2000a, p. 278.)

37. « Les deux Formes auxquelles participe l’Être sont le Même et l’Autre, d’où il découle que parmi les êtres, les uns sont “eux-mêmes en eux-mêmes” et aussi autres que les autres, et d’autres n’existent que relativement à d’autres. Mais l’Autre ne participe qu’à l’Être et non au Même (à une seule Forme et non pas à deux, comme fait l’Être), car il n’est jamais même que lui-même, il n’est “lui-même” qu’en étant autre qu’un autre, et non pas en étant “lui-même” autre. » (Dixsaut 2000b, p. 267-268.)

38. Dixsaut 2000b, p. 257.

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participe39). Mais alors, comment expliquer qu’une partie de l’Autre, le Non-être, puisse participer au Même, point difficilement contestable dans la mesure où il est possesseur à titre stable de sa propre nature (258b11) et compte comme une unité parmi les formes, ei[dh (258c4, d6)40 ?

Pour conclure ce relevé, il est pour le moins douteux que Platon cherche à établir en 255c-d, directement ou indirectement, la contrariété de certains très grands genres. Il est tout aussi douteux que la distinction opérée dans ce texte soit celle entre différents emplois de « est ». Elle s’établit bien plutôt entre types de prédicats, et donc types de réalités cor- respondantes. Tantôt l’être attribué se suffit à lui-même, tantôt il im- plique une relation à un tiers. En revanche, quand c’est l’« autre » qui est attribué, l’alternative n’existe pas, il faut toujours mentionner le tiers par rapport auquel il y a altérité. En aucun cas n’est impliqué quoi que ce soit du fonctionnement du verbe « être », en aucun cas le texte n’interroge la syntaxe des phrases prédicatives ou existentielles. Seul est concerné le contenu sémantique des prédicats.

4. Une autre interprétation

Nous suggérons donc41 que l’Étranger distingue dans notre texte termes relatifs et termes non relatifs. Nous ne prétendons pas de ce point de vue à l’originalité : certains des Anciens tenaient déjà cette distinction pour bien établie chez Platon, encore qu’ils ne la référassent à aucun pas- sage particulier de l’œuvre. Aussi croyons-nous utile de rappeler dans un premier temps leurs témoignages, que nous mettrons en rapport avec certaines analyses du corpus, dont, bien sûr, celle de Sophiste 255c-d. Puis nous proposerons une analyse interne de l’argumentation avancée par l’Étranger et de son apport à la réflexion sur les très grands genres, qui confirmera le bien-fondé du rapprochement opéré avec l’Ancienne Aca- démie.

Que disent les Anciens ?

(1) Diogène Laërce rapporte qu’Aristote attribuait à Platon une divi- sion des êtres en deux,

39. « Platon nous met donc en présence d’une curieuse relation asymétrique : la nature de l’Autre exclut le Même, dont la nature n’exclut pas l’Autre. Je peux donc, en ce sens unilatéral, conserver le terme “contraire”. » (Dixsaut 2000b, p. 268.)

40. Autre argument textuel : l’Étranger déclare que tout participe au Même (256a7). Il suggère une symétrie (au\) entre la participation universelle au Même, et la distribution universelle de l’Autre qu’il vient de dégager (255d12). On voit mal dans ces conditions pourquoi l’Autre lui-même serait exclu d’une participation au Même.

41. À la suite de quelques autres : voir Cornford 1935, p. 282-285, Vlastos 1981a, p. 289 sq. n. 44 (in fine), Heinaman 1983, p. 13-17, Dancy 1999, p. 56-70.

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