TRAITÉ
D
ML’ O R I G I N E
««
DES ROMANS,
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/ --T R A
IT
U O R DE
»
I
G
IN E
'DES ROMANS,
PAR
%HUET,
ivÉQUE d’avranches;
Suivi d’observationsetdejugemenssurles
RomansFrançais; avec l’indication des meilleursRomansqui ontparu,sur-tout
,
pendant le dix-h.uitiemesiecle,jusqu’à
f
cejour. - .
A P
A-R
IS,ChezN.L.M.Desessarts,éditeur, imp.-Iib.,rue^
Théâtre- FrançaisIf ,**au coin delaPlace de l’Odéon.
’
An V 11"
PC-UjO V\
^ f-
DigilizedbyGoogle
PRÉFACE
DE L'ÉDITEUR.
• r
ar
J,
J.Rousseaua dit,quelesNationscorrompues
ont besoin deRomans
,
comme
lesmalades ont besoin de re- medes.Ilvaudraitbeaucoup mieux
,
sansdoute
, qu’ellespussentsepasser deces palliatifs
;mais
,puisqu’àla fin
du
dix-huitieme« sieclenoussommes
pourlemoins
aussi corrompusque
nos ancêtres; puisqu’il estnécessaire que nous ayonsdesRomans
,on
trou-' yeracertainementutile et
même
in-DigitizodbyGoogle
VJ
PREFACE
dispensable de connaître leur ori- gine.
Un
des écrivainslespluséclairésdu
*^ dix-septiemesiecle
(lecélébré
Huet
,
évéque d’Avranches
) nous a laissé
un
ouvrage précieux sur'cettema-
. .^iere, *
Des
censeurs atrabilaires osèrent dans le temsblâmer
ce savant pré- lat,d’avoir misau
j’our cet excellentr
traité. Les hypocrites de toutes les classes devaient,
en
effet , savoir mauvaisgré àun
évêque de faire l’élogedesromans,etsur-toutdeprou^.ver queles
hommes
lesplus gravesde l’antiquité,et
même
les pontifesles plus austèresdetoutes les religions,’"Digtîftecfby
î)E l’É
D
IT
ÉU
RV ViJ n’avaient pas dédaigné de s’occuperde
cegenre de littérature.Maisc’est envaih quelacritiqué avoulus’atta- cheràla savante production de l’é-véque
d’Avranches ; son traitéde V
Origine desRomans
passera àla postérité laplus reculée.J’ai
donc
cruque
lepublicaccueil- lerait favorablementune
nouvelle édition de cetouvrage, qui est de-
venu
très-rare. J’y aiajoutédes obser- vations et des jugemenssurlesRo- mans
français,
que
j’aipuisésdansles ouvragesd’unlittérateurquiadonné
dans cegenre l’exemple et le pré-;cepte.J’aienfinterminéce recueil
en
indiquantlesRomans
qui ont euleTiiJ I» » É T A c E,ect:
plusdesuccès,sur-toutdepuisledix»
huitièmesiecle.
J’aimeà croire
que
cetteréunion plaira, et qu’elle serautile à.ceux qui s’occupent de la lecture desRomans.
•»;
TRAITÉ
TRAITÉ
D E
U O R I G
IN E
DES ROMANS,
fV OTRE
curiosité est bien raison- nable, et il'sied bien de savoir l’Origine desRomans
à celui qui entend si bien Tart de les faire.Mais je ne sais, Monsieur(*) , s’il
me
sied bien aussi d’entreprendre de satisfairevotredésir.Je suissans; IWU I»
(*) Celte dissertation'fut adressée à Segrais, auteurdu
Roman
de Zayde.DigitizedbyGoogle
3 DE
l’ORIGINE
livres:j’aiprésentementla tête
rem-
plie de toute autre chose, et je
connais
combien
cetterechercheest embarrassante.Ce
n’est,nien
Pro- vence, nienEspagne
,comme
plu- sieurs le croyent, qu’ilfaut espérer de trouver les premiers
commence- mens
deceta^éable amusement
des honnêtesparesseux: il faut lesaller chercher dans des pays plus éloi- gnés, et dansl’antiquité la plusre- culée. Je ferai pourtantceque vous souhaitez; car ,
comme
notre an- cienne et étroite amitiévousdonne
droitdeme demander
touteschoses, elle m’ôte, aussi la liberté de vous rienrefuser.Autrefois, sousle
nom
de Romans,*on
comprenait, non-seulement ceux quiétaientécritsenprose,mais plusOigitiz«dbyGo
DES romans; Z
souvent encore ceuxquiétaient écrits isn vers.Le
Giialdi et lePigna, son disciple, dans leurs Traités deHo~
Tnanzi^ n’en reconnaissent presque pointd’autres,etdonnentleBoiardo’, et l’Arioste pour modèles. Maisaii- jourd’liuil’usagecontraireaprévalu,
etce que l’on appelle proprement Piomanssont desfictions d’aventures amoureuses, écrites en prose avec art, pour le plaisir et l’instruction deslecteui’s.Je disdes fictions
,pour
lesdistinguer deshistoires véritables.
J’ajoute
, d’aventures amoureuses^
parce que l’amourdoit être leprin- cipalsujet
du
Piomah. Ilfautqu’elles soient écrites en prose, pour être
conformesà l’usage de ce siecle. Il fautqu’ellessoientécritesavecart,et sous de certainesréglés; autrement
% CE
l’ORI
GIW
ifce sera
un amas
confus, sansordré etsans beauté. La^fin principale des« \
Romans
,ou du
moinscellequi doit rétre, et que se doivent proposerceux
quilescomposent
,est l’instruc- tiondes lecteurs,à qui il faut tou- joursfaire voirla vertu couronnée,et levicechâtié.Mais
comme
l’esprit deriiomme
est naturellement en-nemi
des enseignemens, et que son amour-proprelerévoltecontreles ins- tructions,ille fauttromper par hap- pasdu
plaisir,etadoucir la sévérité des préceptes, par l’agrément des exemples, etcorrigersesdéfautsen
les
condamnant
dansun
autre.Ainsile,divertissement
du
lecteur,queleRo-
mancier habile semble se proposer, pour but, n’estqu’unefinsubordon-n néeâlaprincipale,
quiest l’instruc«%
DigiflztiTwy
D
Es ROM
ÀN
s;' _5 tionde
l’esprit,et la correction desmœurs
;et lesRomans
sont plusou
moins réguliers, selon qu’ils s’éloi-gnentplusoumoins decettedéfinition et de cette fin. C’est seulement de ceux-làquejeprétendsvous entrete- nir:etjecrois aussi quec’est-làque sebornevotrecuriosité. *
Jeneparledoncpointicides
Ro- mans
en vers,et rnoins encore despoëmes
épiques, qui, outre qu’ils sonten vers
, ont encore des diffé- rencesessentiellesquilesdistinguent- des
Romans
:quoi qu’ilsaient d’ail- leursun
très-grand rapport,etque
Suivantlamaxime
d’Aristote,qui en- seignequelepoëteestpluspoëtepar les fictions qu’ilinvente,queparles versqu’il
compose
,on
puisse mettre les faiseursdeRomans
aunombre
de^0'
DE
l’ORIGINE
poètes.Pétrone dit
que
lespoëme»
doivents’expliquerparde grands dé- tours
,parleministère des
Dieux
,par des expressionslibres ethardies, de"sorte qu’onlesprenneplutôtpourdea oracles
,quipartentd’unespritplein de fureur,
que
pourune
narration- exacte et fidele : lesRomans
sont plus simples,moins élevés,moins
figurés dansl’inventionetdans l’ex- pression.Les
poëmes
ontplusde mer- veilleux,quoique toujours vraisem- blables;lesRomans
ontplusdu
vrai- semblable,quoiqu’ils aientquelque-• fois
du
merveilleux.Lespoëmes
sont plusréglés, etplus châtiésdansl’or-’.
donnance
,etreçoiventmoins dema-
tière, d’événemens, et d’Episodes :
les
Romans
enreçoiventdavantage,
parcequ’étant
moins
élevésetraoin»-DrgîtizdS'ïiÿ
DES ROMANS.'
figurés,ilsne tendentpas tant l’es- prit, et le laissentenétatdese char- ger d’un plusgrand
nombre
dediffé- rentesidées. Enfin, lespoèmes
ontpour
sujetune
action militaireou
politique,etnetraitentl’amour que paroccasion:les
Homans
aucontraire ont l’amour poursujetprincipal, etne
traitent la "politique et la guerreque
parincident. Je parle desRomans
réguliers,carlaplupart desvieux
Ro- mans
français,italiens,et espagnols sontbien moinsamoureux
quemili- taires. C’estce qui afaitcroireàGi- raldiquelenom
deRoman
vientd’un'mot gœc
,quisignifie laforceet lava- leur;parcequeces livresnesontfaitsque
pourvanterlaforceet lavaleur.des paladins:maisGiraldis’estabusé
en
cela,comme
yous verrez dansB v>E l’origine
la suite.Jene
comprends
pointicinolï plus ces histoires qui sontreconnuespour
avoirbeaucoup
de faussetés,
tellesquesontcelled’Hérodote, qui pourtantena bien
moins
quel’onne
croit,lanavigation
d’Hannon
,lavie d’Apolloniusécrite par Philostrate etplusieurssemblables.Ces ouvrages sont véritables dans le*gros,etfaux seulement dans quelquesparties.LesRomans au
contraire sont véritables dans quelques parties, faux dans le gros.Les unssont desvéritésmélées de quelquesfaussetés, lesautressont desfaussetésmélées de quelquesvé- rités.Jeveux
direquelavéritétient ledessusdansces histoires,etquela
fausseté
prédomine
tellementdanslesRomans
, qu’ils peuventmeme
être entièrement faux, etengros et eit
Î)ES
HOatAÏTSi
gfdétail.Aristote enseignequelatragé- die dont l’argument est
connu,
et prisdans l’histoire,est la plus par- faite;parce qu’elle estplusvraisem- blablequecelle dont l’argumentestnouveau
, etentièrementcontrouvé:et néanmoins il
ne condamné
pas cettederniere.Sa
raison est, qu’en- core que l’argument d’une tragédie soittiré del’histoire,ilestpourtant ignorédelaplupart des spectateurs,•
et
nouveau
à leurégard, etquece-• pendantil ne laisse pas de divertir- toutlemonde.
Ilfaut dire lameme
chosedes
Romans
,aveccette distinc-;tion toutefois,quela fiction totale de l’argumentestplus recevabledans les
Romans
dontlesacteurs sontde médiocre fortune,comme
dans les flomans comiques,que
dans letlo
D
E l’ORIGITfE grandsRomans
dont les princes et les conqiiérans sont les acteurs, et dont les aventures sont illustres etmémorables
; parce qu’il ne serait pas vraisemblableque de grandsévé-nemens
fussent demeurés cachésau mondej,etnégligés parleshistoriens:et lavraisemblance
,quinesetrouve pas toujoursdansl’histoire, estessen- tielle•au
Roman.
J’exclus aussidu nombre
desRomans
decertaineshis- toires entièrement controuvées, et dansletoutetdanslesparties, mais
inventéesseulement audéfautde la vérité.Tellessontlesoriginesimagi- nairesde laplupart des nations,et
meme
des plus barbares. Telles sont encoreces histoires si grossièrement supposées par lemoine Annius de
yiterbe,quiontmérité l’indignation
I DigitlzedbyGoogle
DES ROMANS.'
It"OU
le mépris de tous les savans.Jemets
lameme,
différence entre lesRomans
,et ces sortes d’ouvrages qu’entreceuxquiparun
artificein- nocentse travestissent et semasquent pour
se divertir en divertissant les autres;etcesscélératsqui,prennant le
nom
et l’habit de gens mortsou
absens,usurpentleursbiensàla fa- veur de quelqueressemblance.Enfin jemets aussi lesfables hors demon
sujet;caries
Romans
sont desfictionsde
choses quiontpu
être,etqui n’onC pointété:et les fables sont desfic- tions dechoses qui n’ont point étéj etn’ont
pu
être.Après être convenusdes
ouvrais
qui méritentproprement
lenom
deRomans
,je disquel’inventionenest• due
aux
Orientauxjjeveux
direaux.DigitizedbyGoogle
•ià E e’ORI
G
1W
Egyptiens,
aux
Arabes,aux
Perses etauxSyriens.Vous
l’avouerez,sans cloute,
quand
je vous auraimontré que
laplupartde grands Romanciers de l’antiquitésontsortisdeces peu-;pies.'Cléarque
, qui avaitfaitdesli-,
vresd’amour, étaitdeCilicie
, pro-
vince voisinedeSyrie.Imblique
,qui
aécrit les aventuresde R.hodanéset de Sinonis,était né de parens Sy- riens
,et futélevé àBabylone.Hélio-;
dore
,auteur
du R.oman
deThégène
etdeGhariclée,était d’Emese, ville de Phénicie. Lucien, qui a écritlamétamorphose
de Lecius en âne étaitdeSamosate,capitaledeGoma-
géne,provincedeSyrie.AchillésTa- tius, quinousa apprislesamours de Clitophonetde Leucippe
,étaitd’A- lexandrie d’Egypte. L’histoire fabiJt;
teE< ftO
M
AN
«; 15
leusedeBarlaametdeJosapliat a été composée' parSaint-Jean de
Damas
,capitale de Syrie. Damascius
, qui
avaitfait quatre livres de fictions, non-seulementincroyables
comme
il les avait intitulées, mais
même
gros- sières etéloignéesde tontesvraisem- blance,comme
l’assurePhotius,était aussideDamas. Des
troisXénophou
romanciers dont parle Suidas, l’uri étaitd’Antioche de Syrie, et l’autre de
Chypre
, île voisinede lamême
contrée.
De
sorte que tout ce pays»mérite bien
mieux
d’être appelé le pays des fables, que la Grèce,
où
ellesn’ontétéquetransplantées,mais
où
ellesonttrouvé leterroirsibon
,
qu’elles
y
orit admirablement bier^pris racine,
>Vussi à ppineest-il çroj^able
^4 de'l’origînk
bientous cespeuplesontl’esprit
poé-
tique, inventif, et amateur desfic- tions; tous leurs discours sont figu- rés,ilsnes’expliquent que parallé- gories; leur théologie, leur philo- sophie
,etprincipalementleurpoli- tique et leur morale , sont toutes enveloppées sous des fables et des paraboles.
•LesHyéroglyphes des‘Egyptiens font voir à quel point cette nation était mystérieuse.
Tout
s’exprimait^hez
eux par images, touty
était déguisé ; leur religion était toute voilée;on
ne la faisait connaîtreaux
profanes, que sous le
masque
<ies fables,et
on ne
levaitcemasque que
pour ceuxqu’ilsjugeaientdignes d’étre initiés dans leurs mystères.Hérôdote
dit que les grecsavaientDTgifizeâby’GôOgtc
î)Es
ROMANS.
15
pris d’eux leur théologie mytholo- gique,etil rapporte des contesqu’il avait appris des prêtresd’Egypte
, et
que
tout créduleetfabuleuxqu’il est lui-méme, il rapportecomme
des sornettes. Cessornettesne
laissaient pas d’étre agréables, et de toucher fort l’espritcurieuxdes grecs,comme
Héliodore le témoigne, gens dési-
reux
d’apprendre et amateurs des nouveautés.Et
cefut sans doute de ces prêtresque PythagoreetPlaton,
aux
voyages qu’ils firenten
Egypte, apprirentàtravestirleurphilosophie,
et àlacacherdans l’ombredes
mys-
tères etdesdéguisemens.
Pour
lesArabes,sivousconsultés leurs ouvrages, vous n’y trouverezque
métaphores tirées par les che-veux
,quesimilitudeset quefictions.DE
l’OEîGîN i Leur
Alcoranest decette sorte.Ma- homet
dit qu’ill’afaitainsi,afinque
les
hommes
pussent plus aisément l’apprendre , et plus difficilement - l’oublier. Ils ont traduit les fables d’Esope enleurlangue,etquelques- uns d’entr’eux en ont
composé de
semblables.Ce Locman
,sirenommé
dans toutl’orient,n’étaitautrequ’E- sope. Ses fables^que les Arabes ont ramasséesen
un volume
fortample
,
luiacquirent tant d’estimeparmi
eux
,
que
l’Alcoranvante son savoirdansun
chapitre, qui,pourcela, est in-
titulé
du nom
deLocman.
Lesvies de leurs patriarches, de leurs pro-.phetes
, et de leurs apôtres sont;
toutes fabuleuses.Ils font leurs dé-,
hcesdelapqësie, et c’cstl’étude la
^lus ordinaire
de
leursbeaux
esprits, Cette.\
i)Es -nO
M
AN
s.Cette inclination
ne
leurestpasnou-
velle:elle lespossédaitmeme
devantMahomet
,etils ontdespoèmes
de ce tems-là.Erpéniusassure que tout le restedu monde
ensemblen’apoint eu*tantdepoètesquelaseuleArabie;Ils
en
content soixante, qui sont
entr’eux
comme
les princes de la poésie,etquiontde grandestroupes de poètessous eux.Lesplus habiles ont traitél’amour en des églogues,
et quelques-uns de leurs livres sur cette matière,ontpassé enoccident.
Plusieurs de leurs califes n’ont pas tenu la poésie indigne de leur ap-*
plication. Abdalla,.l’un d’entr’eux
,
s’y signala, et ht
un
livre de simi- litudes,
comme
rapporte Elmacin;C’estdes Arabes, à
mon
avis,
que
îious teupus r^rt de rimer, et je
l8
DE li’oRIGÎÎfE
vois assez d’apparence que les vers Léonins ontétéfaitsà l’exemple des leurs:caril neparaît point que les rimes eussent cours dans l’Europe avant l’entrée de Tarie etde
Muca en
Espagne,et l’on çnvitquantité dans les siècles suivans, quoiqu’ilme
fut aisé de vous-fairevoir" d’ail- rleurs
, que lesvers rimés ne furent pas tout-à-faitinconnus
aux
anciens Romains.Les Perses n’ont point cédé
aux
Arabes enl’art de mentir agréable-ment
:carencore que lemensonge
leur fut autrefois fort odieux dans l’usagedelavie, et qu’ilsne défen- dissent rien à leurs enfànsavec tant desévérité;néanmoinsilleurplaisait infiniment dansleslivres et danslecommerce
deslettres,sitoutefois lesDigitiiêST*\rit)<•
DES R
OM
À S. tg fictions se doivent appellermen-
songe.Pour
entomber
d’accord,il
ne
faut que lire les aventures fa- buleuses de leur l’égislateurZo-
roastre. Strabon dit
que
lesmaîtres parmieux
donnaient àleursdisciples des préceptes de morale enveloppés defictions. Il diten un
autreendroitque
l’onn’ajoutepasbeaucoup
defoi-aux
anciennes histoires desPerses,
des
Medes
et des Syriens, à cause del’inclination que leurs écrivains avaient à conter des fables;car voyant que-ceuxquien
écrivaientde
profession étaienten estime,ilscru- rentqu’onprendiRitplaisiràliredes relations fausses et controuvées,si elles étaientécritesen
forme d’his- toires.Les fables.d’Esope ont étési fortàleui'goût,qu’ilssesoutappro-.prié Fauteur.C’estce
même Locman
de FAlcoran,dontje vous ai parlé, qui est sirenommé
parmi tous les peuplesdu
levant : ils ont voulu déroberàlaPlirygiel’honneurdesa naissance, et se l’attribuer:car les Arabesdisentqu’il étaitdelaracedesH
ébreux,et les Perses disent qu’il étaitArabe
noir,et qu’ilpassasa vie dans la ville de Caswin, qui était l’Arsacie des anciens.'D’autresau
contraire’, voyant que sa vie. écrite par
Mirkond
a beaucouff de rapport avec celle d’Esope, queMaximus
Planudes nous a laissée,et ayant remarqué quecomme
lesAnges
don- nentlasagesseàLocman
dansMir-»kond
,Mercure donne
la fable àEsope
dtms Philostrate, ilsse sont per£ti£tdé{»(jue les Çrecsavaientdé'»DtgiTlzGd-br^OMle
B
EsRomans.
21' robéLocman aux
orientaux,et
en
avaientfaitleur Esope.
Ce
n’estpas ici le lieu d’approfondircette ques- tion:je diraiseulement en passant,
qu’ilfautse souvenir de ce que dit Strabon
,
que
les histoires de ces peuplesd’orientsont pleinesdemen-
songes,qu’ilssont
peu
exactsetpeu
Jfideles,et qu’il est assez vraisem- blablequ’ilsontétéfabuleuxenpar- lantde l’auteur et del’origine des fables
,
comme en
toutlereste;que
les Grecs sont plus dibgens et de meilleurefoi dans lachronologie et dansl’histoire;et
que
laconformitédu Locman
deMirkond
avec l’Esopede
Planudés et de Philostrate,ne
/
prouvepas davantage qu’Esope soit
Locman
,qu’elleprouve que
Locman
soitEsope. Les Perses ont
donné
àDigitizedbyGoogle
22
UE
l’ORIGINE
Locman
-lesurnom
de Sage, parce qu’eneffet,Esopea étémis aunom-
bredes Sages:ils disent qu’il étaitprofondément
savant dans laméde-
cine, qu’ily
trouva des secretsad- mirables* etentr’autresceluidefaire revivrelesmorts.Ilsontsibienglosé, paraphrasé,etaugmenté
ses fables, qu’ilsen
ontfaitcomme
lesArabes un
très-grosvolume
,donton
voitun
exemplaire dansla bibliothèquedu
Vatican.
Sa
réputation a passé jus- qu’en Egypte et dans laNubie, où
sonnom
etsonsavoirsonten
grande vénération. Les turcs d’aujourd’hui n’en font pasmoins
de cas , et croyentcomme Mirkond,
qu’il a vécuaü
tems deDavid
:en quoi,s’il estvéritablement Esope,et s’ilfaut ajouterfoià lachronologie grecque,DFgitizedbÿ
DE» ROMAN
S3 25ilsse
trompent
d’environ quatre cens cinquante ans ; mais les Turcs n’y regardent pas de sipré». Cela con- viendraitmieux
à Hésiode,qui fut contemporain deSalomon
,etàqui,
suivantlerapportde Quintilien,
on
doitlagloiredelapremière invention desfables,que
l’ona attribuée àEsope..Iln’y a pointdepoètes qui égalentles Persesenlalicencequ’ilsse
donnent
de mentir danslesviesdeleurs Saints,
surl’originedeleur religion,etdans leurshistoires.Ilsonttellementdéfi- gurécellesdont nous savonslavérité parlesrelations desGrecset des.
Ro-
mains, qu’on ne les reconnaît pas.Et
meme
dégénérantdecettelouable aversionqu’ils avaient autrefoiscon- treceux
qui se servaientdu men-
songepour
«leurs intérést, ils s’en*4
LORIGINE
font aujourd’hui
un
honneur. Ils ai-ment
passionnémentlapoésie;c’est le divertissement des grands etdu
peuple:leprincipalmanqueraitàun
régal,silapoésiey manquait. Aussi tout
y
est plein de poètes, qui se fontremarquer parleurshabillemens extraordinaires. Leurs ouvrages de galanterie,et leurs histoiresamou-
reuses ont été célébrés, et décou- vrent l’espritRomancier
de cette nation.Les Indiens
même
j voisins des Perses, avaientl’espritportécomme eux
auxinventions fabuleules. San- dabet,indien,avait
composé
des pa- raboles,quiontététraduitesparlesHébreux,
et.quel’on trouveencore aujourd’hui dans les bibliothèques des curieux.Le
pere.Poussin, jé-I
./-
I
tiES
EOMANS<
a5 suite , a joint à sonPachymere
,
qu’il a fait imprimer depuis
peu
àRome
,un
dialogue entreAbsalom
, ,roidesIndes,et
un
Gymnosophiste, sur diverses questionsdemorale,où
cephilosophenes’explique que par paraboles et parfablesà lamaniéré d’Esope»
La
préface portequecelivre avait étécomposé
par lesplus sages et lesplus savans de cette nation,
et qu’il était soigneusement gardé dansle trésordes chartes
du royaume
;que
Perzoës,médecin
de Ghosroës,
roide Perse, le traduisitd’Indien
en
Persan,*un
autrede Persan enArabe
,
et
Siméon
Sethi, d’Arabeen
Grec.Ce
livre estsipeu
différentdesapo- logues qui portent lenom
de l’in-dien Pilpay, etquiont paru
en
fran^çaisdepuis quelques années
, qu’on
26
DEL* ORIGINE
ne
peut pas douter qu’il n’en soit l’originalou
lacopie;caron
ditque
ce Pilpay futun
Bramine, qui .eut partaux
grandes affaireset au gou- vernement de l’état des Indes sous le roi Dabchelin , qu’il renferma toutesapolitique et toute samorale dans ce livre qui fut conservé par•lesroisdesIndes,
comme un
trésor de sagesseet d’érudition; quelaré- putationde celivre étant allée jus- qu’àNouchiveron
,roi de Perse, ilen
eut, adroitementune
copie par lemoyen
de sonmédecin
, qui le traduisiten
Persan;
que
le calife Abujafar Alraansor le fit traduire de Persan enArabe
, etun
autre d’Arabeen Persan; etqu’apréstoutes> estraductions persiennes,
on
en'fitencore
une
nouvelle, différentedesDigitized By'tTî
des'romans. 27
précédentes,sur laquelleon
afaitla française. Certainement, qui lira
riiistoire des prétenduspatriarches, desindiens
Branimon
etBremmaw
,
deleursdescendans,etdeleurspeu- plades,
ne
cherchera point d’autre preuvede l’amour decepeuplepour
les fables. Je croirais
donc
volon- tiersquequand Horace
aappelléfa- buleux.le fleuveHydaspe
, qui a sa
source dansla\Perse, et soA
embou-
chure danslesIndes,ilavouludire qu’ilcommence
et qu’ilfinitsacourse parmides peuples fort adonnésaux
feintesetaux
déguisemens.Ces feintes et ces paraboles
.
que
vousavezvuesprofanesdans les
na
\tions dont je viensde vous parler
,
ont été sanctifiéesdans laSyrie. Les auteurs sacrés s’accommodant àl’és-.
aS
DE l’origine
prit des juifs, s’en sont servis
pour
exprimerles inspirations qu’ilsrece- vaientdu
ciel. L’écriture-sainte est toute mystique , toute allégorique,
toute énigmatique. Les Talmudistes ont cru que le livre de
Job
n’est^qu’une parabole de l’irivention des• Hébreux.
Ce
livre,celui deDavid
,
m lesproverbes, l’ecclésiaste, le can- tique des cantiques,ettouslesautres cantiques sacrés sont des ouvrages poétiques,pleinsdefigures
,qui pa- raîtraient hardies et violentes dans nosécrits,etqui sont ordinairesdans ceux de cette nation.
Le
livre des proverbes estautrement intitulé les paraboles, parce que les proverbesde
cette sorte,selon la définitionde
,Quintilien ,
ne
sontque
desfictionsOU
parabolesen
racourci.Le
can-V - 4 1
Digitizedby oogTc
DES HOMANS.
2Qtîqùe des cantiquesest
une
piece dra- matique,où
les sentimens passion- nés de l’époux et de l’épouse sont exprimésd’une maniéré sitendreet si touchante, que nous en serions charmés, si ces expressions et ces lîgurçs avaientun peu
plusderapport avec notre génie;ou
que nouspus- sions nous défaire de cette injuste préoccupation qui nous fait désap-- proftver tout ce qui s’éloigne tant soitpeu
de nos mœurs.En
quoinous nouscondamnons nous-mêmes
,sans nous en appercevoir; puisque notre légèreténe
nous permetpas de per-r sévérer long-tems dans,lesmêmes
coutumes. Notre Seigneur lui-mêmene donne
presquepointdepréceptesaux
juifsquesous le voile despara-»jjoles,
Le
TaUnucl çpnUentun
înilUftU3o"
DB
L*ORIGINE
de fables, toutes plusimpertinentes les unes que les autres: plusieurs rabbins les ont depuis expliquées, conciliées ,
ou
ramassées dans des ouvragesparticuliers,etontcomposé
d’ailleurs
beaucoup
de poésies,de
proverbes, et d’apologues. Les Cy- priots, et les Ciliciensvoisins de la Syrie ontinventédecertaines fables qui portaientlenom
decespeuples:et l’habitude que les Ciliciens«en leur particulier avaient
au mensonge
aété décriéeparun
des plus anciens proverbes qui aienteucoursdansla Grèce.Enfin,lesfablesétaientensi
grande vogue dans toutes ces con- trées
, que parmilesAssyrienset les Arabes, selonle témoignagede
Lu-
cien, ily
avait de certains person- nages, dontlaseuleprofessionétaitDigitizedlDy'Cj'n'’' ’f
D
ES' n OM
AN
5. 5l d’expliquerles fables;etcesgensme-
naientune* vie si réglée, qu’ils vi- vaient beaucoup pluslong-temsque les autres
hommes.
Mais
il ne suffit pas d’avoir dé- couvert^
source des Romtms', ilfaut voir par qu’elle
chemin
ils se sont répandus dansla Grèceetdans l’Italie; et s’ils ontpassé delà jus- qu’à nous,ou
si nous les tenons d’ailleurs. Les Ioniens, peuples de l’Asiemineure,s’étant élevés à
une
grandepuissance,etayantacquisbeau-coup
de richesses, s’étaient plongés dansleluxe,etdanslesvoluptés,com-
pagnes inséparables de l’abondance.Cyrus
lesaiantsubjugués parlaprisede
Crésus, et toute l’Asie mineure étanttombée
aveceux
souslapuis- sance des Perses,ils reçurent leursDigitizedbyGoogle
Sa
DE
l’ORIGINE
mœurs
avec leurs lois, etmêlant
leursdébauches avec cellesoù
leur inclination lesavaitdéjà portés, ils devinrentlaplusvoluptueuse nationdu monde.
Ils raffinèrent sur les plaisirs^e
la table, ilsy ajoutèrent les fleurs et les parfums; ils trou- vèrent denouveaux omemens pour
lesbâtimens;leslaineslesplusfines et lesplusbelles tapisseries
du monde
venaient de chez eux;ils furentau- teursd’une danse lascive
, quel’on
nomma
Ionique;etilssesignalèrent sibienpar leurmolesse,qu’ellepassaen
proverbe. Mais entreeuxlesMi-
lésiens l’emportèrent en la science des plaisirs, et en délicatesse ingé-r ' nieuse.
Ce
furent eux qui,lespre- miers,apprirent des Perses l’art de faire de fiopiaus, et Jtravaillèrent ai
bigitizedbyClOÔgl
DES
EOM
AN.S. 35éi heureusement que les fablesMilé- sieiines, c’est-à-dire leurs
Romans
,
pleines d’histoires amoureuseset de récitsdissolus
,furent enréputation.
Il
y
aassez d’apparenceque lesRo- mans
avaient été innocens jusqu’àeux
,etne
contenaientque desaven- tures singulières etmémorables
,
qu’ils les corrompirent les premiers et les remplirentde narrations las- cives, etd’événemensamoureux.
Le tems
aconsumé
tout ces ouvrages,
et à peine a-t-il conservé le
nom
d’Aristide,le plus célébré de leurs
Romanciers,
qui avaitécritplusieurs livres de fables,surnommées Mi-
lésiennes.Je trouve qu’unDenisMi-
lésien , qui vécut sous le premier Darius,avait écrit des histoires fa- buleusesJ mais n’étant pas certain3
54 l’
ORIGINE
que
cene
fût point quelquecom-
pilation de fables anciennes, et
ne
voyantpasassezdefondement pour
croireque ce fussent des fables pro-prement
appellées Milésiennes,jene
le mets point
au
rang des faiseurs deRomans.
Les Ioniens, qui étaient sortis
de
l’Attique' et
du
Péloponese,se sou- venaient de leur origine,et entrete- naientun
grandcommerce
avecles Grecs. Ils s’envoyaient réciproque-ment
leursenfanspourlesdépayser, etleur faire apprendre lesmœurs
lesuns des autres.
Dans
cettecom-
munication si fréquente,laGrèce
qui était assez portéeaux
fables' d’elle-même
, apprit aisément des Ioniensl’artdecomposer
lesRomans,
et lecultiva avec succès.
Mais pour
üigifi2é<rbr<r%Trw*le
•DES ROMANS. ZS ne
pointconfondre les choses,j’es- saierai derapporter selonl’ordredu
tems, ceux des écrivains Grecs,qui sesontsignalésdanscetart.Jen’en vois
aucun
devantAlexan-
dre-le-Grand ;et celame
persuadeque
la scienceromanesque
n’avait pas faitdegrands progrès parmiles Grecs,avant qu’ilsl’eussent apprise des Persesmeme
, lorsqu’ils les subjuguèrent,et qu’ilseussent puisé àlasource.Cléarque deSoli,villede
Cilicie
,qui vécut
du
tems d’Alexan- dre,et fut
comme
luidisciple d’A- ristote,est le premierqueje trouve avoirécritdeslivresd’amour.Encore
ne
sai-je pas bien sicen’étaitpointun
recueil de plusieursévénemens
amoureux,
tirés de l’histoireou de
la fablevulgaire,semblable à celui36 dE
l’ORIGINE
que
Parthénius fit depuis sousAu-
guste,et *qui«’est conservé jusqu’à nous.
Ce
quime donne
cesoupçon
,
est
une
historiette qu’Athénéerap- portedelui,
où
sont racontées quel- ques marquesd’estime et de passionque donna
Gygés,roi de Lydie, àune
courtisannequ’il aimait,Antonius Diogenés vécut
peu de
temsaprès Alexandre,selonlacon- jecture de Photius , et à limita- tion de l’Odyssée d’Homere,et des voyages aventureux d’Ulisse, fitun
véritable
Roman
des voyagesetdesamours
de DinasetdeDercyllis.Ce
^ t
Roman
bien que défectueux en plu^sieurs choses,et rempli defadaises, et de récits
peu
vraisemblables, et à peine excusablesmeme
dans,un
* poêle,se peut
néfmmojns
appelle^.^
Dtgitl2ed-by-<jTr>H»|lc
'•
«
DES romans;
37 régulier.Photiusenamisun
extrait dans sabibliothèque, et dit qu’il le cVoit lasourcede
ceque Lucien,Lu-
cius, lamblique, Achillés Tatius, Héliodore etDamascius
,ont écriten
ce genre.Cependant
ilajouteau même
lieu, qu’AntoniusDiogenés
fait
mention
d’uncertainAntiphanés plus ancien que lui, qu’il ditavoir écritdeshistoiresprodigieuses,sem- blablesaux
siennes:de sorte qu’il peutaussibienavoir fourni l’idée et^ la matière à ces Romanciers qu’ilnomme,
qu’Antonius Diogenés. Je croisqu’ilentend parler d’Antipha- nés,poëtecomique,
que le géogra-phe
Stephanus et ^d’autres, disent avoir faitun
livre de relations in- croyables, et
même
badines. Ilétaitde
Bergé, villede Thrace, maison
)
»
DiÿltiiûJbyGoogle
58 D
E l’ORIGITTEne
saitpointdequelpaysétaitAnto-'•
niusDiogenés.
Jenepuis vous dire'précisément
en
quelteinsavécuAristidedeMilet dont je vous ai parlé.Ce
qu’ilyà
d’assuré,c’est qu’ilavécu devantles guerres de Marius et de Sylla:car Sisenna, historien romain , qui étaitde ce tems*là,a traduitses fa- bles milésiennes. Cet ouvrage était pleinde beaucoup d’obscénités,etfit
f pourtant depuis les délices des ro- mains.
De
sorte que les surenas,on
lieutenant-général de l’étatdesPar-tlies,quitiéfrtl’arméeromaine
com- mandée
parCrassus;lesayant trou- véesdansl’équipagede Roscius,prit de là occasion d’insulter devant le sénatde Seieucie,à la molesse des romains,quimême
pendantlaguerreDigitizedS</
ne
pouvaientsepriverde semblables divertissemens.Lucius de Patras, Lucien de Sa- mosate et lamblique,furent à-peu- prèscontemporains
,etvécurentsous
Antonin
etMarc-Aurele.Le
premierne
doitpasêtrecompté
parmilesRo-
manciers;cariln’avaitfait qu’unre- cueildemétamorphoses
,etde chan-gemens
magiquesd'hommes
enbétes,
et de bétes
en hommes
,j allant à labonne
foi, et croyant les chosescomme
il les disait. Mais Lucien- plusfinque lui,en a rapportéune
partie pour s’enmocquer,
selon sacoutume,
dans lelivre qu’il a inti^tulél’âne de Lucius, pour
marquer que
cette* fiction était prise de luilEn
effet,c’est
un
abrégédesdeux
pre- miers livres,desmétamorphoses de
ilo
DB L’oRlGtîTE
Liicius, etcet échantillonnous fait voir
que
Photiusaeu
raison de se plaindre dessaletésdontilétaitrem-
pli.Cetâne si ingénieuxetsibien dressé, dont ces auteurs ont écrit rhistoire, aquelque rapport avec
un
autre de pareil mérite
, dont parle ailleurs le
même
PhotiusaprèsDa-
mascius.Ildit qu’ilappartenait à
un
grammairien
nommé Ammonius
,et qu’il étaitdoué
d’unsi gentilesprit,
et tellement
né
pour les belles cho- ' ses,qu’il quittait leboireet le
man-
gerpour entendre réciterdes vers,
etsemontraitfortsensible
aux
beau- tésdela poésie.Le
Brancaleoné est sansdouteune
copiedel’ânedeLu-
cien,ou
de celui d’Apulée. C’est^une
fiction Italienne fort divertis- santeetpleined’esprit.Lucien,outreDigitizedI
CE
sROMANS/
son
Lucius, afaitdeux
livres’d’his- toires grotesques et ridicules, et tju’ildonne
pour telles,protestant d’abord qu’ellesne
sont jamaisarri- vées, etn’ontpu
arriver.Quelques-uns voyantceslivres jointsà celui dans'lequelil
donne
des préceptespour
bienécrirel’histoire,sesontpersua-, désqu’ilavaitvouludonner un exem-
plede
ce qu’il avaitenseigné.Maisil déclare, désl’entréede son ouvrage qu’il n’avaitpointd’autre desseinque
desemocquer
de tant de poètes,
d’historiens, et'
même
de philoso- phes, qui débitaient^impunément
des fablespour
desvérités, et écri- vaientde fausses relations,des pays étrangers,comme
avaient faitCré- sias etiambulus. S’il estdonc
vrai,comme
l’assurePhotius,quele
DigitizedbyGoogle
42 ÎÎE l’
ORIGINE man
d’Antonius Diogenés a étéla sourcede cesdeux
livresde Lucien; il faut entendreque
Lucien a pris occasion de ceRoman
, aussi bien,que
deshistoiresfabuleuses de Cré-siasetd’Iambulus, d’écrire les sien- nes
,pour enfairevoirl’impertinence et lavanité.
Ce
futdanscemême
tems qu’Iam- bliquemit aujourses l>abyloniques.C’est ainsi qu’ila intitulé son
Ro- man
, dans lequel il a surpasséde
bienloinceuxquil’avaient précédé^:^carsi l’on en peutjugerparl’abrégé
que
nous en a laissé Photius,son
desseinnecomprend
qu’une action revêtue d’orneinens couvenaljles, etaccompagnée
d’Episoiles prisdansla matièremême. La
vraisemblance yest ebservée avec assez,d’exactitude,etDigitizê?Bytî^ôgle
ftEs
romans;
«les aventures
y
sont mêlées avecbeaucoup
de variétéet sans confu- sion. Toutefoisl’ordonnance de son desseinmanque
d’art. Ilasuivi gros- sièrement l’ordre des tems,et n’a pasjetéd’abordlelecteur,comme
ille pouvait,dansle miliçu
du
sujet, suivant l’exemple-qu’Homere en
a laissé dans son Odyssée.Le
temsa respecté cet ouvrage, eton
1avü
dans la bibliothèque de l’Escurial.Héliodorel’asurpassé dans la dis- position
du
sujet,comme en
toutle reste.Jusqu’alorson
n’avait rienvu
demieux
entendu, nideplusache- vé dans l’artRomanesque,
que le^aventures de
Théagene
etdeCariclee.Rien
n’est plus chaste que leurs amours; en quoi il paraitqu
outre la*religion chiétieiuie donti’auteurt
Î4 DE
l’ORIGî^ ë
faisait profession
,sa propre vertd luiavait
donné
cet air d’honnêteté qui éclate dans tout l’ouvrage:eten
cela, non-seulement lamblique
,
mais
même
presque tous les autres quinoussont restés, luisontbeau-coup
inférieurs» Aussi son mérite l’éleva-t-ilàladignité del’épiscopat*- Ilfut évêque de Tricca, villede
iThessalie
,etSocrate rapporte qu’il introduisit dans cette province, la"
coutume
de déposer les ecclésias- tiques quine
s’abstenaient pas desfemmes
qu’ilsavaientépousées avant leur entréedans le clergé.Tout
celame
rend fort suspect, ce qu’ajoute Nicephore, écrivain crédule,peu
judicieux, etpeu
fidele, qu’unsi-
node
provincial voyant le périloù
lecture de ceRoman
,qui étaiiDigitizedbÿCtoogt
D
Es ,R
OM
AN
s; ‘45âutoriséparladignitédesonauteur, faisait
tomber
lesjeunes gens, et lui ayant proposécettealternative,
ou
deconsentirque son ouvragefutbrûlé
,
ou
de se défaire de son évéché, il accepta le dernierparti. Jene
puis,
aureste,assezm’étonner
, qîi’un sa- vant
homme
deceteins,ait
pu
douterque
celivre futd’Héliodore, évéque deTricca,aprèsletémoignagesiévi->.dent de Socrate, de Photius, etde Nicéphore,
Quelques-uns
ont cru qu’ilavécu surla findu deuxieme
siecle,leconfondant avec Héliodore
Arabe
,dontPhilostrateaécrit lavie parmi celles des autres Sophistes,'Mais on
sait qu’il a été contempo-i raind’Arcadius etd’Honorius. Aussi voyons-nousque dansle dénombre-s meixt(juephotiug%fait rPiftauciçr^'46
»
E l’ORîG1N
fiqu’il croitavoir imitéAntoniusDio-- gênés5
où
illesanommés
selonl’or- dre des tems,il a mis Héliodore après Iumlilique,et devantDamas^
cius quivécut
du
tems de l’empereur Justinien..'
A
cecompte
Achillés Tatius quia
fait
un Roman
régulier desamours
de Glitophon et de Leucippe,l’au- rait précédé; car c’est le seul fon-dement
que je trouve pour conjec- turersonâge. D’autreslejugentplus récentpar le style.Quoi
qu’iRen.soit
,iln’est pas comparableà
Hé-
liodore nienl’honnétetédesmœurs,
ni enla variété des événeraens, nien
l’artifice des dénouemens.Son
style,à
mon
gré, est préférableà celui d’Héliodore;ilestplussimple etplus naturel,l’autre estplusÆi'cé;^DigitiZîîtfr-rCrîm-^lc
DE»
ROM
AirS. 4-7On
dit qu’il fut enfin chrétien,etmême
évêque. Jem’étonne qu’on putsiaisémentoublier l’obscénitéde son livre,etbienplusencore
que
l’em- pereurLéon, surnommé
le philo-sophe
, enaitlouéla modestie parune épigramme
qui nous est de-meurée
f etaitpermis,et
même
con-seillédele lired’unbout àl’autreà ceux qui font profession d’aimerla chasteté.
Je mets iei peut-êtreavectrop de hardiesse cet Athénagoras, sous le
nom
duquelon
voitun Roman
in- titulé ;Du Vrai
etP
arjaitAmour, Ce
livre n’ajamaisparu qu’en fran- çais,de latraductiondeFumée
^qui
-ditdans sa préface qu’il aeul’ori- ginal grecde monsieur de
Lamahé
,
protonotaire de monsieur le cardi-
«
•'48
DE
l’ORIGINE-
nal
d’Armanac
, et qu’ilnel’avaitja- maisvu
ailleui-s.T
oseraisquasiaj*od- ter que personnene
l’a jamaisvu
depuis:carsonnom
n’ajamaisparu,*que
jesache,dansleslistesdes biblio- thèques:ets’ilsubsisteencore,ilfaut qu'il soitcaché dans la poussièredu
cabinet de quelque ignorant, qui possédéce trésor sans le savoir,
ou
de quelque envieux, quien
peut fairepart aupublic sans levouloir.Lé
traducteur dit ensuite, qu’il le croitune
production de ce célébré Athénagoras,qui aécrit
une
apolo- giepour
la religion chrétienneeu
forme de légation, adressée
aux
empereurs Marc-Aurele etCom- mode
, etun
traité de la résurrec- tion.Il se fonde principalement sur legtjrlequ’il tj'ouveconformeà celui•
de
’DÎgitlzed*t5ÿT
de cesouvrages, et'dontil a
pu
ju- ger,ayantlesoriginauxen
son pou- voir.Et
il le prendenfin pourune
^véritable histoire
,faute d’intelligence
en
l’artdesRomans. Pour moi
,quoi
que
je n’en puisse parleravec assu- rance,m’ayant pas
vu
l’exemplaire grec; néanmoins sur la lectureque
j’ai faite delatraduction, jenelais- serai pas de vous dire
,que^ cen’est pas sans apparence qu’il l’attribueà Athénagoras, auteur de l’apologie.
iVoici
mes
raisons. L’apologisteétait chrétien:celui-ciparledeladivinité d'une maniéré quine peut convenir qu’àun
chrétien;comme quand
il faitdireaux
prêtresd’Hammon
qu’il n’y aqu’unDieu
, dont chaque na- tionvoulantreprésenterl’essenceaux
simples, a inventé diversesimages,5o
DE
l’ORIGINE
* ^
quin’exprimentqu’une
même
chose;
que
leur véritable signification s’é- tantperdue avecletems,levulgaire avaitcruqu’ilyavaitautantdedieux qu’onenvoyaitd’images; que delà est venue l’idolâtrie;que Bacchus, en glatissant letemple
d’Hammon
,ti’ymitpointd’autreimage quecelle de
Dieu
; parcequecomme
iln’y a qu’uncielquin’enferme qu’unmon-
de, il n’y a aussi dans cemonde
N
‘qu’un-
Dieu
qui secommunique en
esprit. Il en faitdire autant et da- vantage, à, de certains
marchands
Egyptiens:savoir,que lesdieux
de
laFable
marquent
les différentesac- tionsde cette souveraine etimique divinité, quiestsans
commencement
etsans fin, et qu’il appelleobscure
^etténébreuse
, parcequ’elle estinvi-
DES ROMANS.
* 5t sible et incompréhensible.De
plus,
les raisonnemensque font ces prê- tres, etces
marchands
sur l’essence divine,sontassezsemblables àceux
d’Athénagoras dans sa légation. Cet apologisteétaitun
prêtred’Athènes, .celui-ci étaitun
pliilosophe d’Athè- nes.L’unet l’autreparaissenthommes
debon
sensetd’érudition,etsavans dans l’antiquité. INIais d’un autre côté, plusieurschosespeuvent faire soupçonner ,non
- seulement qu’il n’est pas l’Athénagoms chrétien , niaismême
quecetouvrageestsup- posé.^hotius ayant parlé avec assez d’exactitudedes faiseurs deRomans
qui l’ont précédé,.ne dit rien de celui-ci:
on
n’en voitaucun exem-
plairedans lesbibliothèques,et ce-
,lui
même
dont s’est servi letraduc-5a
DE
L*ORIGINE
teur, n’a point paru depuis. D’ail- leurs,il représente la
demeure
, la 'vie, et laconduite des prêtresetdes religieusesd’Hammon,*
sisemblablesaux
couventsetaugouvernementde
-nos moines''et de nos religieusesjqu’elle s’accorde
mal
avec ceque
l’histoire nous apprend
du
temsoù
laviemonastique a pris naissance
,
et
où
elle s’est perfectionnée.Ce
,qui
me
paraît'donc
de plus vrai- semblable danscetteobscurité, c’estque
l’ouvrage est ancien,mais plus
nouveau
quel’apologie: car j’y vois-
un
savoirsi profond dansleschoses‘de lanature etdel’art
, tantdecon-
naissances dessièclespassés
,tant
de
^remarquescurieuses qui n’ontpoint été prises des anciens auteurs qui [pousrestent
,maisquis’yrapportent
Dign.