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Conformité fiscale : obligations et responsabilité du client envers la banque

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Conformité fiscale : obligations et responsabilité du client envers la banque

THÉVENOZ, Luc

Abstract

Cet article commence par donner un aperçu des obligations de droit public de la banque et du client en relation avec la fiscalité du client, puis il analyse les obligations civiles du client envers la banque en rapport avec sa propre fiscalité. Enfin, en examinant les prétentions de la banque en cas de violation de ces obligations, il met en évidence les conditions restrictives auxquelles la banque peut se faire indemniser des coûts et des risques que le droit public met à sa charge.

THÉVENOZ, Luc. Conformité fiscale : obligations et responsabilité du client envers la banque.

Revue suisse de droit des affaires et du marché financier , 2016, vol. 88, no. 2, p.

110-122

Available at:

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The responsibility of Swiss banks and other financial intermediaries in respect of their clients’ and client assets’

tax status have undergone a paradigmatic change.

Banks need to manage their tax and criminal risks related to their clients. FATCA, the OECD’s Common Reporting Standard (CRS), and the implementing Swiss legislation impose strict duties on banks (and almost none on their clients) to obtain all the informa- tion required for the automatic exchange of information for tax matters.

This article explores the obligations and liability of clients to their banks in collecting the relevant infor- mation. It finds that a client’s duty to declare and pay taxes in relation to her financial assets has no third party effect in favour of the bank. A client is not liable to her bank for the failure to disclose her financial as- sets and pay taxes in her country of residence. Further- more, as the law now stands, the client does not have a duty to spontaneously reveal her tax status to the bank.

Banks are required by law to collect the relevant in- formation from the client and to verify its plausibility.

For her part, the client is obligated to answer sincerely and truthfully the questions asked and, when re- quested, to deliver true and accurate documents. The client’s liability lies with possible breaches of these two duties.

The scope of the resulting liability is nonetheless narrow. The client may be asked to pay for the assis- tance obtained from the bank in complying with her fiscal duties. She may be required to indemnify the bank for the costs incurred by it in proceedings where it is not a defendant. Where the bank is jointly liable for the tax amounts due by the client, it is also entitled to indemnification. But the penalties inflicted upon the bank for assisting the client’s tax fraud or for launder- ing its proceeds cannot be recovered from the client, nor can the amount of any disgorgement of profit.

Table des matières

I. Les obligations de la banque et du client résultant du droit public

II. Les obligations civiles du client envers la banque 1. Déclarer les avoirs bancaires et payer les

impôts ?

2. Informer spontanément la banque sur son statut fiscal ?

3. Répondre de manière véridique III. La responsabilité du client envers la banque

1. Coûts des démarches demandées par le client 2. Coûts des procédures dirigées contre la banque 3. Coûts des procédures auxquelles la banque

collabore comme tiers

4. Pénalités monétaires et confiscation du gain illi- cite de la banque

5. Responsabilité solidaire de la banque pour la dette fiscale de son client

IV. Conclusion

Les poursuites pénales dirigées contre UBS par le US Department of Justice (2007), le Positionspapier pu- blié en 2010 par la FINMA, l’adoption du standard OCDE pour l’échange de renseignements fiscaux à la demande, la mise en œuvre du Foreign Account Tax Compliance Act et, maintenant, le passage à l’échange automatique d’informations ont fondamentalement et radicalement modifié l’attitude des banques à l’égard de la fiscalité de leurs clients. Cette évolution leur a fait prendre conscience d’un risque administra- tif et pénal direct pour l’établissement, ses organes et ses collaborateurs. De nouvelles conventions et de nouvelles lois suisses ont délégué aux banques des obligations d’identification, de rapport, voire de pré- lèvement d’une retenue à la source qui bénéficient directement aux administrations fiscales étrangères.

Cette histoire, qui est encore en train de s’écrire sous nos yeux, a déjà été racontée mille fois ailleurs.

Les transformations qui en résultent relèvent au premier plan du droit fiscal et du droit pénal. Mais elles ne restent pas sans effet sur les rapports de droit privé entre les clients et leurs intermédiaires finan-

* Professeur à l’Université de Genève, directeur du Centre de droit bancaire et financier.

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ciers  – et au premier plan les banques et les négo- ciants en valeurs mobilières.1

Les banques suisses ont fortement incité leurs clients à saisir l’occasion des programmes de régula- risation volontaire pour assainir la situation, avec un succès inégal mais significatif.2 Ceux qui n’ont pas obtempéré et ont préféré poursuivre ailleurs le jeu du chat et de la souris ont donné lieu à une toute nou- velle problématique : le refus de nombreuses banques de restituer les avoirs déposés sous forme d’espèces ou de papiers-valeurs, leur insistance à ne pas inter- rompre le paper trail, ont beaucoup occupé la littéra- ture et les tribunaux ces derniers temps. Même si le Tribunal fédéral s’est prononcé récemment dans deux dossiers tessinois très semblables, la messe n’est pas encore dite.3

Cet article examine un thème durable des rela- tions bancaires présentes et futures. Le client a-t-il des obligations civiles envers la banque relatives à sa situation fiscale et au paiement régulier de ses impôts en rapport avec les avoirs déposés ? S’il est en situa- tion fiscale irrégulière, encourt-il une responsabilité envers la banque pour les coûts et les dommages qu’il pourrait lui causer ?

Nous commencerons par donner un aperçu des obligations de droit public de la banque et du client en rapport avec la fiscalité du client, qui sont très dif- férentes suivant que le client est contribuable en Suisse ou à l’étranger (I). Nous analyserons ensuite

1 Voir notamment Lombardini, Banques et clients en situa- tion fiscale irrégulière : un état des lieux, Not@lex 2015, 33 ; les contributions de Lanz, Verantwortlichkeit der Kun- den gegenüber der Bank für steuerkonformes Verhalten, 1–31 ; Emmenegger/Good, Der Einfluss ausländischer (Steuer-)Regulierung auf die Bank/Kunden-Beziehung : Welche Rechte haben Abschleicher ?, 33–140, les deux in Verhaltensregeln (Emmenegger, Hrsg.), 2015 ; Emmeneg- ger/Döbeli/Fritschi, Sind Bankverträge über unversteuerte Vermögenswerte gültig?, Jusletter 31 août 2015 ; Burkhal- ter, Das US-Programm und die Bussenzahlungen – besteht ein Regressrecht der Banken ? PJA 2014, 1601.

2 Baromètre des banques EY 2016, 19 (<www.ey.com/ch>) : un sondage d’opinion indique que 62% des banques de gestion, 69% des banques étrangères, 82% des banques régionales et 69% des banques cantonales estiment que plus de 75% de leurs clients se sont déjà régularisés.

3 Cf. Thévenoz et al., Le droit bancaire privé suisse 2015, RSDA 2016, p. 207 ss. Cf. Ivell/Romerio, Barauszahlung bei Verdacht auf Steuerdelikte, in Verhaltensregeln (Emmen- egger, Hrsg.), 2015, 141 ; Baumann/Stengel, Kontosperre durch die Bank bei Verdacht auf Steuerdelikt im Ausland, Jusletter 11 mai 2015.

les obligations civiles du client envers la banque en rapport avec sa propre fiscalité, un inventaire dont on constatera qu’il reste aujourd’hui assez bref (II). En examinant les prétentions de la banque en cas de vio- lation de ces obligations, nous mettrons en évidence les conditions restrictives auxquelles la banque peut se faire indemniser des coûts et des risques que le droit public met à sa charge (III).

I. Les obligations de la banque et du client résultant du droit public

En matière de conformité fiscale, les obligations du client et celles de la banque4 dépendent fondamenta- lement de la résidence du client. Lorsque le client est domicilié en Suisse, il est assujetti au droit fiscal suisse. Celui-ci met de nombreuses obligations de droit public à la charge du client. En revanche, la banque est soumise à un nombre restreint de devoirs relatifs à la situation fiscale de ce client. En l’état ac- tuel,5 le secret bancaire ne lui permet de donner des informations et des documents relatifs à son client que dans le cadre d’une procédure pénale ou d’une procédure pénale administrative.6 En outre, lorsque la banque acquiert un soupçon fondé que son client a commis un délit fiscal qualifié au sens de l’article 305bis al. 1bis CP, elle doit communiquer ce soupçon au Bu- reau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS).

La situation est très différente lorsque le client a son domicile à l’étranger et est assujetti aux impôts (revenus, fortune, gains en capital, succession) dans son état de résidence. Il en va de même lorsque le client, même domicilié en Suisse, est une US Person

4 Le mot banque est ici employé dans un sens générique pour désigner les principaux intermédiaires financiers que sont les banques et les négociants en valeurs mobilières.

Ce qui suit s’applique à un cercle plus vaste d’établisse- ments financiers suisses au sens de l’art. 8 al. 2 de la loi sur l’assistance administrative fiscale (RS 651.1) et de l’art. 3 de la Loi FATCA (RS 672.933.6) et d’institutions finan- cières suisses (au sens de l’art. 2 al. 1 let. d de la loi sur l’échange international automatique de renseignements en matière fiscale, LEA, pas encore en vigueur).

5 La réforme du droit pénal fiscal a été repoussée par le Conseil fédéral.

6 Ou encore en cas d’enquête de l’Administration fédérale des contributions pour soupçon fondé de grave infraction à l’impôt fédéral direct, art.190 ss de la loi sur l’impôt fédé- ral direct (LIFD, RS 642.11).

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au sens de la législation fiscale des Etats-Unis d’Amé- rique. La loi fiscale applicable impose des obligations au client et peut-être aussi, par un effet extraterrito- rial, à la banque. Le droit fiscal suisse n’impose en revanche aucune obligation directe au client, sinon dans la mesure où celui-ci se prévaut d’une conven- tion de double imposition. En revanche, la législation suisse soumet la banque à un nombre croissant d’obli- gations relatives à la fiscalité du client.

Comme Sylvain Matthey le démontre dans ce même cahier,7 le droit suisse et les conventions inter- nationales qui lient la Suisse imposent aux banques – et aux autres intermédiaires financiers à qui ces textes sont applicables8  – des obligations étendues d’identification du partenaire contractuel et de l’ayant droit économique, de leur domicile, de leur nationalité et, le cas échéant, de leur statut fiscal au regard de la loi fiscale applicable.9

Pour l’essentiel, ces obligations sont à la charge de la banque. Celle-ci pose des questions à son client, lui demande de remplir des questionnaires qu’elle a préparés ou des formules officielles qui lui sont impo- sées ; dans certains cas, elle exige du client que le client atteste formellement et par écrit son statut fis- cal ou certains faits importants (autocertification).

L’obligation d’obtenir et de vérifier la plausibilité ces informations revient à la banque exclusivement. De ce point de vue, le client est soumis à une forme d’in- combance (Obliegenheit), et non à une véritable obli- gation. Il peut refuser de répondre ou de remplir tel document et s’expose alors au refus d’entrer en rela- tion d’affaires ou à la résiliation de la relation exis- tante. Au regard du droit public, les choses ne s’ag- gravent pour le client que lorsqu’il remplit et signe un document qui a le caractère d’un titre au sens du

7 Sylvain Matthey, Know Your Customer  – Quo Vadis ?, RSDA 2016, p. 123 ss.

8 On vise ici les établissements financiers suisses au sens de l’art. 8 al. 2 de la loi sur l’assistance administrative fiscale (LAAF, RS 651.1), les établissements financiers suisses rap- porteurs au sens de l’art. 3 de la loi fédérale sur la mise en œuvre de l’accord FATCA entre la Suisse et les Etats-Unis (Loi FATCA, RS 672.933.6) et les institutions financières suisses au sens de l’art 2 al. 1 let. d de la loi sur l’échange international automatique de renseignements en matière fiscale (LEA, FF 2015 8745, pas encore en vigueur).

9 On pense ici à l’auto-classification des entités au regard du régime FATCA, qui compte une quinzaine de statuts diffé- rents et que le titulaire de compte doit exécuter sans l’as- sistance de l’établissement financier.

Code pénal. Si, dans un tel document, il fait inten- tionnellement de fausses déclarations, il se rend cou- pable d’un faux dans les titres10 et s’expose à des poursuites pénales.

La réglementation fiscale, comme la législation contre le blanchiment d’argent, créent ainsi une si- tuation asymétrique entre la banque et le client. La banque est tenue de recueillir des informations et do- cuments qui les corroborent, le client peut refuser de les fournir. Pour illustrer ce point sans exhaustivité : i) La loi sur le blanchiment impose à la banque de requérir dans certaines circonstances une déclara- tion du cocontractant relative à l’ayant droit écono- mique, mais n’impose pas au cocontractant une obli- gation légale de la fournir.11

ii) La Loi FATCA fait du consentement du titulaire de compte à l’échange de renseignements une condition de l’ouverture d’un compte, mais le refus du consen- tement n’emporte pas d’autres sanctions.12 Ses dispo- sitions pénales visent exclusivement des obligations à la charge des établissements financiers ; ainsi, son art. 19 sanctionne la banque qui ne demande pas les documents prescrits, mais non le client qui refuse de les fournir.

iii) La loi sur l’échange automatique de renseigne- ments en matière fiscale permettra à la banque d’exi- ger une autocertification, mais le client n’encourra de sanctions que si, ayant accepté de remettre un tel document, il donne intentionnellement une autocer- tification incorrecte, ne communique pas les change- ments de circonstances ou donne des indications fausses sur ces changements.13

Le droit suisse impose à la banque des obligations étendues d’identification, de documentation, de caté- gorisation et de transmission d’informations (person- nelles et financières) relatives à la fiscalité de ses clients domiciliés à l’étranger14 qui n’ont pas d’équi- valent pour les clients domiciliés en Suisse. A cela s’ajoute pour la banque (et pour ses organes et colla- borateurs) un risque résultant de la loi fiscale (étran- gère) applicable au client. Dans ce contexte de charges administratives, de coûts et de risques accrus,

10 Art. 251 du Code pénal suisse (CP, RS 311.0).

11 Art. 4 LBA ; art. 27 Convention de diligence 2016.

12 Art. 9 al. 1 Loi FATCA.

13 Art. 18 et 35 LEAR.

14 Cela s’applique également aux US Persons, quel que soit leur domicile.

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il s’impose d’examiner en détail quelles sont les obli- gations de droit privé du client envers la banque en relation avec son statut fiscal (II) et, en cas de viola- tion de ces obligations, la responsabilité qui peut en découler (III).

II. Les obligations civiles du client envers la banque

En particulier, on peut se demander si, en vertu de la loi et des règles de la bonne foi, voire en vertu de clauses contractuelles spécifiques, le client a une obligation envers la banque :

1. de déclarer ses avoirs, les revenus, les gains en capital et les autres informations requises par la loi fiscale à laquelle il est soumis et d’acquitter les impôts qui s’y rapportent ?

2. d’informer spontanément la banque sur son sta- tut fiscal et sur celui de ses avoirs ?

3. de répondre aux questions orales ou écrites de la banque, et de remettre les documents éventuel- lement requis par la banque ?

1. Déclarer les avoirs bancaires et payer les impôts ?

Chaque système fiscal est différent des autres : tous ne connaissent pas l’impôt sur le revenu, la fortune, les plus-values ou les successions ; l’assiette et le taux de l’impôt varient, de même que les méthodes de pré- lèvement. Chacune des affirmations qui suit connaît donc des exceptions et est naturellement soumise à la réserve de la loi fiscale applicable.

Le client suisse et, le plus souvent, le client étran- ger sont tenus de déclarer à l’autorité fiscale l’exis- tence des avoirs déposés auprès de la banque suisse et ils sont tenus de payer divers impôts en rapport avec ces avoirs. Ces obligations de droit public ré- sultent de la loi fiscale de l’Etat de résidence et, pour les US Persons, de celle des Etats-Unis.

Ces obligations de droit public ont-elles un effet ou un équivalent en droit privé dont la banque puisse se prévaloir ?

a) Les règles fiscales pertinentes ne sont pas des normes de protection (Schutznormen) dont la viola- tion constitue un acte illicite au sens de l’art. 41 al. 1 CO obligeant le client à réparer l’éventuel dommage

causé par la banque. Elles protègent exclusivement les intérêts de la collectivité publique qui perçoit les impôts. Tous les citoyens et les usagers des services publics bénéficient certes de la perception de l’impôt, indispensable au financement des tâches de l’Etat.

Mais cela ne donne pas aux règles fiscales la nature de normes de protection protégeant d’autres intérêts que ceux de la collectivité publique. L’impôt n’est pas non plus prélevé dans l’intérêt des banques. Celles-ci sont de lege devenues des auxiliaires des autorités fiscales suisses et étrangères, tenues d’obligations personnelles et directes envers la Suisse – et même envers l’Internal Revenue Service15 – de communiquer des informations pertinentes, automatiquement ou sur demande, voire même de prélever certains im- pôts à la source, avec ou sans effet libératoire pour le contribuable.16

b) Certaines banques ont récemment inscrit dans leurs conditions générales une clause relative au res- pect des obligations légales de leurs clients. Sur les cinq principales banques de détail suisses,17 trois l’ont déjà fait. Ces clauses sont très semblables dans leur structure et dans leur formulation ; l’on en re- produit une ici à titre d’exemple :

« Respect des lois – Le client est responsable du res- pect des dispositions légales et réglementaires qui lui sont applicables. Cela inclut aussi entre autres l’obli- gation de déclaration fiscale et de paiement. » Ces clauses ont une fonction de rappel des obligations légales qui s’imposent de toute manière au client. Ce rappel est très général ; seules les obligations fiscales sont expressément mentionnées, indiquant le souci qui a motivé leur rédaction. Ces clauses sont du même genre que celles que l’on trouve souvent dans

15 Rappelons que, dans le système du Qualified Intermediary comme dans l’application de l’Accord FATCA de type II conclu entre la Suisse et les Etats-Unis, les banques suisses (et de nombreux autres établissements financiers) sont di- rectement enregistrées auprès de l’IRS et assument des obligations personnelles et directes envers l’Internal Reve- nue Service.

16 L’impôt anticipé suisse et l’impôt à la source fondé sur la convention avec l’Union Européenne n’ont pas d’effet libé- ratoire pour le contribuable. L’impôt à la source prélevé sur la base des conventions avec le Royaume-Uni (RS 0.672.

936.74) et avec l’Autriche (RS 0.672.916.33) ont un effet libératoire.

17 UBS, Credit Suisse, Postfinance, Raiffeisen et Zürcher Kantonalbank.

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les « règlements de dépôt »18 et qui avertissent formel- lement l’investisseur que l’acquisition de titres de participation ou de dérivés peut faire naître des obli- gations déclaratives assurant la publicité des partici- pations.19

Au-delà de cette fonction de rappel, cette clause (et celles qui lui ressemblent) crée-t-elle une obliga- tion du client de respecter ses obligations fiscales dont la banque serait la créancière et dont elle pour- rait tirer des effets juridiques ? La chose n’est pas ex- clue dans son principe. Elle relève de l’interprétation de l’accord des volontés. La clause figure dans des conditions générales rédigées par la banque aux- quelles le client adhère par une signature globale ou par simple renvoi dans un autre document (ouver- ture de compte, etc.). Il sera généralement difficile de constater une réelle et commune intention des par- ties. La clause s’interprète donc selon le principe de la confiance et du point de vue du client puisque sa for- mulation est proposée par la banque. Or la formula- tion choisie n’exprime pas clairement la volonté d’ajouter une obligation en faveur de la banque aux obligations « légales et réglementaires » du client. On pourrait certes envisager que le client prenne un tel engagement, ou encore qu’il s’engage à répondre des conséquences qu’un manquement à ses propres

« obligations légales et réglementaires » pourrait cau- ser à la banque. Cette volonté devrait être d’autant plus clairement exprimée qu’elle serait pour le mo- ment complètement inusuelle et que la clause figure parmi de nombreuses autres dans un contrat d’adhé- sion. La jurisprudence relative aux clauses insolites s’appliquerait à de telles clauses.20

c) Enfin, une obligation du client envers la banque de respecter ses obligations fiscales ne saurait pas être déduite des règles de la bonne foi. Dans un rapport

18 Le règlement de dépôt est la terminologie usuelle en Suisse pour désigner la convention de compte de titres au sens de la loi sur les titres intermédiés (LTI, RS 957.1) et de la Convention de La Haye sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire, cf.

art.  108a de la loi sur le droit international privé (LDIP, RS 291).

19 Cf. désormais art. 120 ss de la loi sur l’infrastructure des marchés financiers (LIMF, RS 958.1).

20 ATF 138 III 411, JdT 2014 II 459 (distinction entre mala- dies physiques et psychiques dans un contrat d’assu- rance) ; TF, 4A_229/2007, SJ 2008 I 167 (dénonciation anticipée d’un contrat de crédit immobilier).

contractuel, l’art.  2 al.  1 CC a une fonction supplé- tive : il permet au juge de compléter les obligations principales et accessoires stipulées par des règles de comportement directement fondées sur l’exigence de bonne foi, con crétisant un standard minimum de loyauté et d’égards mutuels que se doivent les parties.

En rapport avec les obligations fiscales du client, on ne voit aucune base pour une intervention supplétive du juge en faveur de la banque. Par le biais des condi- tions générales, les banques peu vent étendre le cata- logue des obligations de leurs clients dans la mesure qu’elles jugent opportune. Tout à la fois sujets, ac- teurs et victimes des transformations brutales et ra- dicales qui caractéri sent la politique suisse en ma- tière de coopération fiscale internationale, les banques ont adapté et continuent d’adapter leurs outils juridiques et opérationnels pour faire face au

« risque fiscal » et à leurs nouvelles responsabilités.

Elles sollicitent leurs clients à de multiples égards, leur imposent de nouvelles formalités, vérifient leur régularité fiscale, et ont prié de nombreux clients étrangers de régulariser leurs affaires ou de mettre un terme à la relation bancaire. Elles le font avec tous les moyens à leur disposition et commencent à utiliser, dans une mesure prudente, les conditions générales à cette fin. Il paraît difficile de concevoir une situation où une intervention supplétive du juge, fondée sur l’art. 2 al. 1 CC serait nécessaire et oppor- tune.

Cette section se conclut donc par le constat que, en l’état du droit, les obligations fiscales du client suisse ou étranger, qui relèvent du droit public, ne sont pas assorties d’une obligation de droit privé dont la banque serait la bénéficiaire. Certes, il pourrait exis- ter entre la banque et le client un contrat valable par lequel celui-ci s’obligerait à se conformer à ses obliga- tions fiscales et s’engagerait à répondre des consé- quences que leur violation pourrait causer à la ban- que. De telles clauses ne semblent pas opportunes.

D’une part, la banque peut résilier en tout temps la relation d’affaires, et la violation des obligations fis- cales lui fournit pour cela un juste motif (art. 404 CO).

D’autre part, il est douteux que les dommages-inté- rêts qu’elle pourrait exiger sur le fondement de cette clause soient plus étendus que la responsabilité que nous examinons plus bas (III). En résumé, une clause faisant obligation au client de payer ses impôts serait possible, mais elle ne présente pas un grand intérêt pour la banque.

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2. Informer spontanément la banque sur son statut fiscal ?

Martin Lanz et Sabine Burkhalter estiment chacun que le client est tenu d’informer spontanément la banque sur son statut fiscal, et donc probablement aussi sur le statut fiscal des avoirs déposés.21 Cette obligation accessoire aurait pour but et pour justifica- tion de protéger la banque contre les risques liés au statut fiscal du client, qui ne lui est pas connu.

Ces deux auteurs ne mentionnent pas la base contractuelle ou légale de cette obligation accessoire.

On pourrait imaginer qu’il s’agisse de l’art. 2 al. 1 CC.

A juste titre cependant, les tribunaux sont réticents à fonder une obligation d’information spontanée sur les règles de la bonne foi lorsque la vie ou la santé du cocontractant n’est pas en jeu,22 comme l’indique d’ailleurs la jurisprudence restrictive relative aux obligations accessoires d’information et de conseil des banques.23 Comme l’écrivait le professeur Merz en 1966 déjà : il n’y a pas d’obligation générale d’in- former son cocontractant sur des circonstances im- portantes pour lui.24

Du reste, le raisonnement de ces auteurs ne convainc. Il repose sur l’idée correcte que le client sait (ou qu’il est la personne la mieux placée pour savoir) si les avoirs déposés ont été déclarés et sont taxés conformément à son statut fiscal personnel. Mais il repose aussi sur la double idée, discutable, que la banque ne le sait pas et que l’on ne peut pas attendre d’elle qu’elle fasse les démarches nécessaires pour le vérifier.

Jusqu’à la fin du XXe siècle, les banques procla- maient sans ambages que la fiscalité de leurs clients n’était pas leur affaire.25 La gérante de fortune ou le conseiller à la clientèle avait souvent une idée assez précise de la situation fiscale du client. D’ailleurs, le statut fiscal du client était souvent pris en considéra-

21 Lanz (n. 1), 5 ; Burkhalter (n. 1), 1606.

22 CR CC I-Chappuis, N 19 CC 2.

23 Thévenoz, Information, conseil, mise en garde : risques et responsabilité dans les opérations sur valeurs mobilières, in Journée de droit bancaire et financier 2007, 19–57 ; ar- rêts du Tribunal fédéral 4A_525/2011 du 3 février 2012 ; 4A_271/2011 du 16 août 2011 ; 4A_383/2011 du 12 dé- cembre 2011, et 4A_189/2007 du 31 juillet 2007.

24 BK-Merz, N 270 CC 2.

25 Zulauf, « Weissgeldstrategie » für das Schweizer Private Banking ? in Vermögensverwaltung VI (Isler/Cerutti, Hrsg.), 2013 , 7–40.

tion pour le choix des placements, par exemple en rapport avec l’impôt anticipé qui n’est pas récupé- rable pour les clients qui ne déclarent pas les revenus correspondants. Les instructions de correspondance banque restante et les restrictions pour la prise de contact étaient des indices connus de tous les intéres- sés. Il n’y avait pas besoin d’en dire plus. C’était inu- tile puisque la fiscalité du client n’était pas le souci de la banque, à moins que le client ne lui demande de l’aide (production d’état fiscal, choix des placements, etc.).

Avec la mise en place du système Qualified Inter- mediary de l’Internal Revenue Service, les banques ont pour la première fois établi systématiquement le sta- tut fiscal de leur clientèle au regard de la législation américaine. L’entrée en vigueur de la convention avec l’Union européenne et de la loi fédérale sur la fiscalité de l’épargne les a amenées à procéder à une nouvelle revue de leur clientèle pour déterminer les avoirs soumis au prélèvement de l’impôt à la source en faveur des pays membres de l’UE. Depuis lors, le programme de régularisation du US Departement of Justice, la mise en œuvre de FATCA et celle très pro- chaine de l’échange automatique de renseignements avec plusieurs dizaines de pays ont suscité autant de nouvelles occasions de vérifier l’identification et la qualification fiscale des titulaires de comptes, ayants droit économiques, titulaires de procuration, etc.

Si ce sont les banques qui supportent la charge et la responsabilité de ces inventaires, vérifications et approfondissements, elles dépendent souvent de leurs clients pour les mener à bien. Le client est inter- rogé pour fournir des informations qui n’avaient pas encore été recueillies, voire des documents qui les corroborent. Sa collaboration est nécessaire et elle n’est pas toujours accordée de bonne grâce ou avec diligence. Le client qui ne collabore pas se voit indi- quer le risque d’une rupture de la relation bancaire.

Les banques n’attendaient pas  – et n’attendent toujours pas – de leurs clients qu’ils communiquent spontanément des renseignements relatifs à leur sta- tut fiscal. Elles les interrogent à ce sujet. On ne saurait tirer des règles de la bonne foi une obligation acces- soire des clients sur laquelle les banques n’ont jamais exprimé aucune attente.

Le Tribunal du commerce de Zurich a adopté la même position en décidant le litige qui opposait les époux Millard au Credit Suisse. Les Millard étaient pris dans un long contentieux fiscal avec les Iles Ma- riannes (un Commonwealth des Etats-Unis où ils

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étaient précédemment domiciliés) portant sur env.

USD 118 millions lorsqu’ils déposèrent certains avoirs auprès de la banque Clariden Leu à Zurich. Le gouvernement des Mariannes avait demandé à un tri- bunal à New York d’exécuter un jugement correspon- dant sur les avoirs des Millard déposés auprès de la banque en Suisse. Prise dans cette procédure en tant que successeur de Clariden Leu, Credit Suisse a tran- sigé la procédure pendante à New York pour USD 1,4 million et demandé le remboursement de cette somme par ses clients (art. 402 CO). Il fut débouté par le Tribunal du commerce notamment au motif que les Millard n’avaient pas une obligation d’infor- mation spontanée lors de l’ouverture du compte quant à l’existence de ce contentieux fiscal.26 L’affir- mation est un peu extrême si l’on considère la situa- tion très inusuelle dans laquelle les clients se trou- vaient lors de l’ouverture du compte. Il est vrai cepen- dant que leur contentieux fiscal ne présentait aucun rattachement avec la Suisse et que la banque ne s’est trouvée impliquée dans cette affaire qu’en raison de la juridiction extraterritoriale exorbitante que se re- connaissent les tribunaux étatsuniens.

Les dernières années ont sensibilisé massivement les banques suisses au risque fiscal qui résulte pour elles de la législation fiscale applicable à leurs clients.

Depuis une quinzaine d’années maintenant, elles posent à leurs clients des questions précises, souvent sous la forme de formulaires, et exigent parfois des documents pour corroborer ces réponses. Même si la cible n’a cessé de changer depuis 2008, la banque connaît les informations et documents dont elle a be- soin pour satisfaire à ses propres obligations adminis- tratives et gérer ses propres risques. En matière de statut fiscal, la véritable obligation des clients concerne la réponse à ces questions et questionnaires et la remise des documents réclamés par la banque.

3. Répondre de manière véridique

Il est donc raisonnable de retenir que, pas plus que le droit public analysé plus haut (I), le droit privé n’im- pose au client de fournir spontanément à la banque des informations et des documents relatifs à sa situa- tion fiscale. Son obligation se situe ailleurs : elle

26 Handelsgericht ZH, HG110247 du 23  février 2015, c.  4.5.2, ZR 2015 133, RSDA 2015, 400 r14.  Cf. Neue Zürcher Zeitung du 9 janvier 2013, 25, et 24 mars 2015, 24 ; Le Temps, 25 mars 2015.

consiste à répondre de manière véridique aux questions qui lui sont posées et de fournir des documents sincères et authentiques.

Un devoir qualifié de vérité est le fondement de nombreuses normes pénales, au nombre desquelles l’escroquerie, l’atteinte astucieuse aux intérêts d’au- trui et le faux dans les titres (art. 146, 151 et 251 du Code pénal). Curieusement, l’interdiction de mentir ou d’induire en erreur est assez peu thématisée en droit privé.27 Sa violation est un motif d’invalidation du contrat pour dol (art. 28 CO) et, par incidence, de responsabilité précontractuelle. Alors que l’on peine à trouver son affirmation dans des contextes pure- ment contractuels, un devoir de vérité est fortement affirmé par la jurisprudence suisse comme fonde- ment d’une responsabilité pour acte illicite (art.  41 al. 1 CO) :

«  Celui qui est interrogé sur des faits sur lesquels, grâce à sa position, il dispose de connaissances ou d’informations particulières doit  – s’il s’autorise à donner une réponse  – donner un renseignement conforme à la vérité pour autant qu’il lui soit recon- naissable que ce renseignement est lourd de consé- quences pour celui qui l’interroge ; il ne doit pas énoncer des faits qu’il sait faux ni se permettre des affirmations dont la fausseté devrait lui sauter aux yeux sans grande vérification. »28

Cette règle de droit prétorien dont la violation consti- tue un acte illicite était ici reprise pour apprécier la responsabilité d’une banque pour des renseigne- ments commerciaux inexacts donnés sans engage- ment contractuel de sa part. Elle a été réaffirmée dans de nombreux arrêts ultérieurs comme fonde- ment d’une responsabilité en l’absence d’un rapport contractuel.29

Il n’y a besoin d’aucun effort d’interprétation pour appliquer cette règle à la situation analysée ici.

Interrogé par la banque sur des faits relatifs à sa si- tuation fiscale, le client peut refuser de répondre et s’expose alors au refus d’entrer en relation d’affaires (contexte précontractuel) ou à la résiliation immé-

27 Yung, La vérité et le mensonge dans le droit privé, in Etudes et articles, Genève 1971, 71–97.

28 ATF 111 II 471, c. 3, JdT 1986 I 485, traduction revue et corrigée. Pour une discussion récente, cf. Haftpflicht- Komm-Fischer, N 95 ss OR 41.

29 ATF 115 II 15, c. 3c (tuteur) ; ATF 116 II 695, c. 4 (acte de complaisance) ; ATF 121 III 350, c. 6c (responsabilité fon- dée sur la confiance) ; ATF 124 III 363, c. 5a (avocat).

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diate de la relation bancaire (contexte contractuel).

S’il choisit de répondre, il doit le faire de manière conforme à la vérité, dès lors qu’il lui est reconnais- sable que ces informations ont des conséquences im- portantes pour la banque au regard de ses obligations imposées par le droit public.

La manière dont les informations sont fournies – oralement, par écrit sur un questionnaire préparé par la banque ou par une autorité, ou sous la forme de documents remis par le client – ne modifie pas l’appli- cation de cette règle civile. En revanche, cela a une incidence sur une éventuelle qualification pénale du mensonge. C’est notamment le cas si l’affirmation men- songère figure dans un titre au sens du Code pénal30. La confection ou l’utilisation intentionnelle d’un titre qualifié, c’est-à-dire d’un titre qui jouit d’une portée probatoire accrue ou qui émane d’une personne jouissant d’une crédibilité accrue, est un crime au sens de l’art.  251 CP.31 Avant même l’entrée en vi- gueur d’une base légale suffisante,32 le Tribunal fédé- ral a jugé qu’une déclaration mensongère du client au moyen de la Formule A prévue par la Convention de diligence des banques suisses constitue un faux (intellectuel) dans les titres.33 Il reviendra aux tribu- naux de décider si ce raisonnement s’applique à d’autres renseignements écrits, formulaires, déclara-

30 Art. 110 al. 4 CP : « Sont des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait. L’enregistre- ment sur des supports de données et sur des supports- images est assimilé à un écrit s’il a la même destination. » La jurisprudence exige en outre que le titre suscite une confiance particulière, soit parce qu’il repose sur une exi- gence légale, soit en raison de la crédibilité particulière de son auteur, cf. ATF 138 IV 130, JdT 2013 IV 46, c. 2.2.1, et références citées.

31 Pour une synthèse récente : BSK-StGB-Boog (3e éd., 2013), N 61 ss art. 251.

32 Art. 4 al. 1 de la loi sur le blanchiment : « L’intermédiaire financier doit requérir du cocontractant une déclaration écrite indiquant qui est l’ayant droit économique, si … ».

33 TF, 6S.346/1999, SJ 2000 I 234. En revanche, le client qui ne modifie pas spontanément la Formule A suite à un changement de circonstances ne commet pas cette infrac- tion, cf. TF, 6B_844/2011 du 18 juin 2012.

tions ou autocertifications que les nouveaux textes permettent à la banque d’exiger de son client.34

On fera ici trois remarques.

i) Contrairement à l’infraction pénale, la règle civile relative à l’obligation de répondre de manière véri- dique couvre tant les comportements intentionnels que les cas de négligence ; ceci est conforme à l’art. 41 al. 1 CO, qui ne distingue pas selon la nature de la faute.

ii) Quelle que soit la qualification pénale du men- songe, l’acte illicite au sens du droit civil entraîne une obligation d’indemniser le dommage causé, si les autres conditions de cette responsabilité sont réa- lisées. On y revient ci-dessous (III).

iii) La violation de la règle civile fonde une responsa- bilité extracontractuelle ; la jurisprudence ne précise pas si elle engage également la responsabilité dite contractuelle, fondée sur l’art. 97 al. 1 CO. La qualifi- cation délictuelle ou contractuelle ne modifient pas les conditions de la responsabilité ni l’étendue de la réparation. En revanche, une responsabilité contrac- tuelle est plus sévère pour son auteur et plus favo- rable à la victime, principalement au regard de sa prescription selon les règles actuelles (art. 127 CO)35 et de la responsabilité du fait d’un auxiliaire (art. 101 CO). Le silence de la jurisprudence sur cette question s’explique par le fait que tous les cas où cette respon- sabilité a été mise en œuvre se situaient hors d’une relation contractuelle.

34 Cf. notamment art. 9 LAAF. La loi sur l’échange automa- tique de renseignements envisage une autocertification et impose sa correction en cas de changement de circons- tances ; mais la violation intentionnelle de ces obligations est constitutif d’une simple infraction punie par une amende de CHF 10 000 (art. 11, 18 et 35 LEAR). La portée d’une « autodéclaration » est discutée par le Conseil fédé- ral dans sons message du 5 juin 2015 proposant d’intro- duire dans la LBA des « obligations de diligence étendue pour empêcher l’acceptation de valeurs non fiscalisées », FF 2015 3809 : « Reste à savoir si une autodéclaration mensongère constitue un faux dans les titres… et, avant tout, si l’autodéclaration est un titre. » Les deux chambres du parlement ont refusé d’entrer en matière les 22  sep- tembre 3 décembre 2015.

35 En attendant la réforme pendante devant le Parlement, cf. message du 29 novembre 2013 relatif à la modification du code des obligations (Droit de la prescription), FF 2014 221.

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Il n’y a pas de raison de douter que la règle préto- rienne rappelée plus haut a également une portée contractuelle. A moins que les parties à un contrat y aient valablement dérogé, elles ne sont pas tenues à moins d’égard entre elles que des personnes qui ne sont liées par aucun contrat. Les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) fondent une exigence de véracité qui, dans un rapport contractuel, n’est pas inférieure à celle qui existe dans des rapports extracontrac- tuels.36

III. La responsabilité du client envers la banque

La banque peut encourir des coûts importants en rap- port avec le statut fiscal de son client. Sans prétendre à une analyse exhaustive, ce chapitre dessine une ty- pologie de ces coûts encourus par la banque et exa- mine la mesure très limitée dans laquelle la banque peut les faire supporter à son client.

1. Coûts des démarches demandées par le client

La première catégorie est la moins problématique.

Pour régulariser volontairement sa situation fiscale ou pour se défendre dans le cadre d’une procédure de redressement fiscal, le client a généralement besoin de l’appui de la banque. Il lui demande de produire des relevés de comptes et des estimations de porte- feuille pour plusieurs années. Ces documents ont peut-être déjà été émis dans le passé ou doivent faire l’objet d’un traitement spécial pour répondre aux exi- gences de l’autorité fiscale.

Ces prestations demandées par le client ont un coût pour la banque, principalement le temps consa- cré par des collaborateurs pour retrouver, reproduire ou retraiter des informations existantes.

En soi, il s’agit de services supplémentaires à ceux pour lesquels la banque est rémunérée dans le cadre de ses rapports contractuels avec le client (co-

36 Pour les auteurs qui admettent que l’art.  2 CC fonde en même temps des obligations contractuelles et des actes il- licites, l’identité des devoirs contractuels et extracontrac- tuels fondés sur cette disposition est une évidence. Cf. no- tamment HaftpflichtKomm-Fischer, N  92–102 OR 41, et références.

nservation d’actifs, achat et vente, conseil, gestion).

Ces services peuvent aussi être fournis à d’anciens clients avec lesquels il n’existe plus de relation d’af- faires.

Dans la mesure où ces services, fournis dans l’in- térêt du client, relèvent du droit du mandat,37 la banque peut exiger une rémunération « si la conven- tion [avec son client] ou l’usage lui en assure une » (art. 394 al. 3 CO). Même si la pratique bancaire tend

à parler de « frais », il s’agit d’un honoraire (rémuné- ration) plutôt qu’un défraiement au sens de l’art. 402 al.  1 CO. Les « avances et les frais » (Auslagen und Verwendungen) visés par cette dernière disposition sont des débours et des coûts de ressources engagés volontairement par le mandataire dans l’intérêt du mandant. Pour en obtenir le remboursement, le man- dataire devrait démontrer précisément les ressources utilisées dans l’intérêt du mandant, leur coût unitaire et leur quantité. Ce n’est généralement pas l’approche adoptée, les banques préférant tarifer leurs services par un montant forfaitaire ou horaire (time sheet).

2. Coûts des procédures dirigées contre la banque

Nolens volens, la banque, ses organes ou ses collabo- rateurs peuvent se retrouver impliqués dans une pro- cédure fiscale ou pénale, en Suisse ou à l’étranger, en rapport avec la situation fiscale de ses clients. Il peut d’abord s’agir de procédures dirigées contre la banque et éventuellement certains de ses dirigeants et collaborateurs, qui mettent en cause leur propre responsabilité. De telles procédures aux Etats-Unis, en Allemagne et en France alimentent la presse.

La banque est par exemple prévenue d’infrac- tions pénales propres en lien avec la réception, la conservation, la gestion ou le transfert d’avoirs non fiscalisés d’un ou plusieurs clients. Les incriminations peuvent aller de la complicité au blanchiment du pro- duit de l’infraction fiscale du client. En Suisse, le blanchiment du produit d’un délit fiscal qualifié est réprimé depuis le 1er janvier 2016 (art. 305bis al. 1 et 1bis CP). Souvent, ces poursuites visent également la

37 L’établissement de rapports écrits portant sur des faits (et non sur une appréciation ou une évaluation), peut aussi relever du contrat d’entreprise, cf. ATF 109 II 34, 37 (plans de géomètre, décomptes de salaire), ATF 119 II 427 (pro- jet d’architecte).

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violation de règles de surveillance limitant la presta- tion de services transfrontières.

Même si des clients de la banque peuvent avoir commis des infractions pénales à la loi fiscale, cha- cune des parties visées par les poursuites supporte en principe la charge de ses propres coûts de procé- dure.38 Le cas échéant, la loi de procédure applicable répartit la charge de ces coûts.

3. Coûts des procédures auxquelles la banque collabore comme tiers

Plus délicates sont les procédures dirigées contre le client dans lesquelles la banque ou le banquier sont requis de fournir des informations, des documents ou une déposition. La banque est ici prise comme un tiers tenu de collaborer à la procédure. Son obliga- tion de collaborer, son droit de refuser sa collabora- tion, les modalités de cette collaboration sont entiè- rement déterminées par les règles de procédure ap- plicables.

Les coûts internes (et parfois externes) supportés par la banque pour répondre à ces obligations légales sont très variables. Ils vont des recherches néces- saires pour répondre à une demande d’entraide fis- cale aux coûts considérables exposés dans une procé- dure à l’étranger, comme l’illustre la procédure intro- duite à New York par le Commonwealth des Iles Mariannes contre les époux Millard, procédure où Credit Suisse (en tant que successeur de Clariden Leu) a payé une indemnité transactionnelle de USD 1,4 million pour éviter (notamment) de contrevenir au secret bancaire du droit suisse.39

Il paraît difficile de qualifier les coûts internes et externes occasionnés à la banque par sa collabora- tion à une procédure visant son client comme des

« avances et des frais (Auslagen und Verwendungen)…

faits pour l’exécution régulière du mandat » (art. 402 al. 1 CO), ou encore des « dépenses » (Auslagen) « que l’exécution du contrat [de dépôt]  a rendues néces- saires » (art. 473 al. 1 CO). La banque qui collabore comme tiers à une procédure fiscale ou pénale diri- gée contre son client le fait dans l’intérêt de la justice et de la mise en œuvre du droit, et non dans l’intérêt de son client. (Les hypothèses où le client a requis son

38 Sous réserve bien sûr d’éventuelles obligations de la ban- que en tant qu’employeur à l’égard de ses salariés.

39 Handelsgericht ZH, HG110247 du 23 février 2015, RSDA 2015, 400 r14. Affaire résumée supra sous II.2, pp. 115–116.

aide ont été discutées plus haut sous III.a). Elle y est tenue par les règles de procédure qui l’obligent à col- laborer à l’établissement des faits, et non par ses obli- gations envers son client. Son activité et les coûts qu’elle génère ne s’inscrit pas dans « l’exécution régu- lière du mandat ».

C’est ce qu’a jugé le Tribunal de commerce de Zu- rich dans l’affaire Millard.40 Mais le cas était particu- lier puisque Credit Suisse (qui comparaissait comme tiers dans la procédure étrangère) demandait notam- ment le remboursement par ses clients d’une indemni- té transactionnelle payée au demandeur en échange du retrait d’une ordonnance de production de pièces qui lui était adressée, sous menace d’amende, et à laquelle il ne pouvait pas obtempérer sans violer l’art. 47 LB.

Plutôt que des dépenses faites volontairement dans l’intérêt du client, il faut qualifier de dommage les coûts supportés par la banque dans la procédure dirigée contre son client. Il s’agit d’une diminution involontaire de son patrimoine. Si son client a violé ses obligations à son égard, elle peut s’en faire indem- niser. Dans le cas contraire, ce dommage est la réali- sation du risque opérationnel de son activité ; sauf à pouvoir l’assurer, il grève son profit et ses fonds propres.

Dans l’affaire Millard, le Tribunal de commerce a jugé que les clients, qui ont ouvert en 1999–2001 des comptes auprès d’une banque suisse (Clariden Leu) sans présence aux Etats-Unis, n’étaient pas tenus d’avertir spontanément celle-ci qu’ils étaient débi- teurs d’une décision exécutoire en paiement d’arrié- rés d’impôts qui ne présentait aucun rattachement avec la Suisse. Les juges zurichois ont également rete- nu que les clients n’avaient pas envers la banque une obligation de participer à la procédure pendante contre eux devant la cour fédérale du district sud de New York, procédure dans laquelle la banque s’est trouvée menacée d’amende et a choisi de transiger avec le demandeur.41

Dans le cadre plus général discuté dans cet ar- ticle, la question revient à déterminer si le client a violé l’obligation de véracité analysée plus haut, c’est- à-dire l’obligation de ne pas donner d’informations orales ou écrites inexactes à la banque et de ne pas lui remettre des documents contrefaits ou falsifiés.

40 Jugement précité, au considérant 4.4.

41 Idem, au considérant 4.5.

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Hormis son éventuel fondement extracontrac- tuel (art. 41 al. 1 CO), la responsabilité du client en- vers la banque est réglée aux art. 402 al. 2 CO (et en tant que de besoin 473 al.  2 CO), lex specialis des art.  97  ss CO. Le mandant doit indemniser le dom- mage du mandataire « causé par l’exécution du man- dat, s’il ne prouve que ce dommage est survenu sans sa faute ».

Il revient à la banque de prouver son dommage, la violation d’une obligation du mandant et le lien de causalité. En particulier, la banque devra démontrer qu’une information fausse ou un document contrefait ou falsifié remis par son client est la cause (pas néces- sairement exclusive) de son dommage. Si elle y par- vient, le client ne pourra échapper à sa responsabilité qu’en prouvant qu’il a agi sans intention ni négligence, en d’autres termes qu’il ignorait sans faute la fausseté de ses affirmations ou des documents qu’il a remis.

4. Pénalités monétaires et confiscation du gain illicite de la banque

Une procédure dirigée contre la banque peut aboutir à sa condamnation au paiement de montants consi- dérables. Le droit suisse distingue deux qualifications : la condamnation à une peine monétaire, qui pour les personnes morales prend la forme d’une amende (art.  102 et 106 CP), et la confiscation du produit d’une infraction (art. 70–71 CP) ou d’un gain réalisé de manière illicite (art. 35 LFINMA). Les buts de ces deux sanctions sont clairement distingués en droit suisse. Ce n’est pas toujours le cas des paiements transactionnels acceptés par les banques suisses, par exemple dans le cadre d’un Deferred Prosecution Agreement42. Le Conseil fédéral propose d’ailleurs de résoudre par des bases légales expresses la question controversée du traitement fiscal différencié des amendes et de la confiscation des gains illicites.43

42 Cf. notamment paragraphes 4 ss de l’annexe B au Deferred Prosecution Agreement du 2 février 2015 (Julius Bär), sec- tion 7 du Plea Agreement du 19 mai 2014 (Credit Suisse).

43 Avant-projet de loi fédérale sur le traitement fiscal des sanctions financières, mis en consultation le 18 décembre 2015. L’avant-projet distingue entre d’une part les amendes, les peines pécuniaires et les sanctions financières de na- ture administrative dans la mesure où elles ont un carac- tère pénal, et de l’autre les « sanctions visant à réduire le bénéfice dans la mesure où elles n’ont pas un caractère pénal ».

a) Une peine monétaire telle qu’une amende est une diminution involontaire du patrimoine sous la forme d’une perte éprouvée (damnum emergens). Elle ré- pond à la définition du dommage. Cette qualification n’est pas affectée par le fait que son montant puisse être le résultat d’une transaction avec les autorités de poursuite (plea bargain) dans les Etats qui connaissent ce mode de conclusion de la procédure pénale.44

Le client doit-il indemniser la banque si ce dommage a été causé par une violation de ses obligations à l’égard de la banque telles que nous les avons exami- nées plus haut ? Une prétention en dommages-inté- rêts se heurte à une double objection.

La première objection est factuelle. Il faudrait d’abord que la violation de l’obligation de véracité du client soit effectivement la cause du dommage subi par la banque. La preuve du lien de causalité pourrait être difficile à administrer si la condamnation pénale de la banque repose sur une faute propre intention- nelle de la banque ou de ses organes ou collaborateurs.

Dans l’hypothèse où elle serait condamnée pour sa participation intentionnelle à l’infraction fiscale de son client ou pour un acte intentionnel de blanchi- ment du produit de l’infraction fiscale, la banque ne pourrait pas faire valoir qu’elle a été trompée par son client sur sa situation fiscale. Le mensonge du client, comme faute contractuelle ou comme acte illicite à l’encontre de la banque, n’est pertinent que si la banque a été condamnée pénalement pour une in- fraction commise par négligence.

La deuxième objection est plus fondamentale.

Dans une jurisprudence constante qui remonte à 1960, le Tribunal fédéral considère que la nature strictement personnelle d’une condamnation pénale exige que l’amende soit supportée par la personne à qui elle est infligée ; il interdit donc d’en reporter la charge sur un tiers. Ce principe vaut aussi bien lorsque la prise en charge de l’amende repose sur une

44 En Suisse, tant le Département fédéral des finances (oc- tobre 2010 : CHF 10 millions ; mars 2015 : CHF 10 000, violation de l’obligation d’annoncer une participation im- portante) que le Ministère public genevois (juin 2015 : CHF 40 millions, blanchiment d’argent aggravé) ont classé des procédures pénales après paiement par les personnes physiques ou morales poursuivies d’une indemnité à l’Etat.

Dans ces trois cas, le paiement de l’indemnité a été consi- déré comme une réparation suffisante du dommage justi- fiant l’abandon de la poursuite (art. 53 CP).

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obligation contractuelle spécifique45 que sur un chef de responsabilité.46 Notre Haute cour applique aussi ce raisonnement aux amendes prononcées par une autorité étrangère.47

Dans les deux derniers arrêts, un obiter dictum semble réserver l’hypothèse où l’amende aurait été infligée sans faute de la personne condamnée.48 Dans une telle hypothèse, il paraît discutable de considérer que la peine a un caractère à ce point personnel qu’elle exclut une action en responsabilité de la banque, innocente de toute faute, contre son client qui l’a trompée.

b) Sans que la question ait été examinée par les tri- bunaux à ce jour, on doit admettre que le montant versé par une banque au titre de la confiscation d’un gain illicite ne peut pas être reporté sur le client.

Dans le cas d’un client qui s’est soustrait à l’impôt, le gain réalisé par la banque et éventuellement consi- déré comme illicite est constitué des revenus bruts ou nets qu’elle a encaissés en contrepartie des ser- vices rendus. Ces services ont été rémunérés par le client à la banque, de sorte que le client s’est acquitté de ses obligations à ce titre. La confiscation du gain considéré comme illicite signifie que la banque n’est pas autorisée à rester enrichie des revenus ainsi per- çus. Elle voit donc son patrimoine diminuer dont il avait été enrichi. La raison de cet appauvrissement réside dans la nature illicite du service qu’elle a rendu, indépendamment de la question de savoir si le contrat de services qui liait la banque et son client est nul en raison de son objet (art. 20 CO).

45 ATF 86 II 71, c. 4, JdT 1960 I 586 (nullité du cautionne- ment relatif au paiement d’une amende).

46 ATF 115 II 72 (pas de responsabilité de la banque pour vio- lation du secret bancaire ayant amené à la condamnation d’un client pour infraction au contrôle des changes) ; ATF 134 IIII 59, SJ 2008 I 169 (pas de responsabilité de la fidu- ciaire pour amende fiscale du contribuable) ; TF, 4A_491/

2013, 6  février 2014.  Cf. T. Koller, Steuern und Steuer- bussen als privatrechtlich relevanter Schaden, RDS 1994 I 183 ; B. Chappuis, La responsabilité du conseiller fiscal, in La pratique contractuelle 4 (Werro/Pichonnaz, éds), Zurich 2015, 166–215.

47 ATF 115 II 72, précité.

48 ATF 134 III 351, c.  2.3.4 & 2.3.5 ; TF, 4A_491/2013, c. 2.4.2.

Si la banque pouvait exiger du client qu’il prenne à sa charge le profit confisqué, celui-ci supporterait une double rémunération pour les services fournis. Du point de vue du but de la mesure, un transfert à la charge du client détournerait les effets de la confisca- tion, qui vise à priver la banque de son enrichisse- ment. Il reporterait sur le client les effets du compor- tement contraire au droit de la banque.

On pourrait éventuellement considérer la confis- cation d’un gain illicite comme un lucrum cessans, une forme de gain manqué non parce qu’il n’est pas réalisé, mais parce qu’il est rétroactivement expro- prié par une décision d’autorité. Si l’on voulait y voir un dommage, les arguments adoptés par le Tribunal fédéral en rapport avec les amendes valent ici aussi.

S’il est un dommage, le gain illicite confisqué est un dommage que l’ordre juridique veut faire supporter au seul destinataire de la mesure de confiscation et qui n’est pas susceptible d’être reporté sur un tiers, quel que soit le fondement de la responsabilité de ce tiers.

Ainsi, la distinction entre peine monétaire et confiscation d’un gain illicite n’est ici pas détermi- nante. En raison de la nature strictement personnelle de ces sanctions, la banque ne peut pas en reporter les effets pécuniaires sur son client.

5. Responsabilité solidaire de la banque pour la dette fiscale de son client

Une dernière hypothèse mérite d’être envisagée, celle où le droit fiscal auquel le client est assujetti consi- dère que la banque dépositaire des avoirs qui avaient été soustraits à l’impôt est débitrice solidaire des im- pôts éludés. Contrainte de régler la dette fiscale de son client, la banque peut-elle exiger de lui le rem- boursement et le cas échéant faire valoir un droit de gage ou de compensation sur les avoirs ?

La situation n’est pas inconnue du droit suisse.

L’art.  56 al.  3 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes49 et l’art. 177 de la loi sur l’impôt fédéral direct50 prévoient une telle solidarité pour l’impôt éludé à la charge de celui qui est condamné à une d’amende pour avoir in- cité, prêté assistance ou participé à l’infraction du contribuable. Selon ces dispositions, la solidarité pour

49 RS 642.14.

50 RS 642.11.

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le paiement de l’impôt est une conséquence addition- nelle de la faute pénalement sanctionnée du tiers.

On peut aussi imaginer que d’autres ordres juri- diques prévoient une solidarité passive sans faute de la banque pour certaines dettes fiscales de son client.

Cela en ferait un mécanisme de garantie du recouvre- ment de l’impôt.

Le raisonnement développé plus haut sur le ca- ractère strictement personnel des amendes pénales et de la confiscation du gain illicite ne s’applique pas ici. Indépendamment d’une éventuelle faute person- nelle, la banque n’est pas le contribuable assujetti à l’impôt. La dette d’impôt dont elle est garante n’est pas sa propre dette. Il n’y a pas de justification à ce qu’il lui soit interdit de se faire rembourser par son client.

Le paiement par la banque de la dette d’impôt du contribuable nous semble relever de l’alinéa 1, et non de l’alinéa 2 de l’art. 402 CO. En effet, dans un sys- tème juridique où la banque est garante légale de l’impôt du contribuable, cette obligation et son règle- ment sont une incidence légale des services contrac- tés par le client. Il s’agit donc d’une obligation encou- rue51 ou d’un paiement effectué (dépense, Auslage)

« pour l’exécution régulière du mandat », et non d’un dommage de la banque. On peut rapprocher cette si- tuation du prélèvement du droit de timbre de négo- ciation,52 de l’impôt anticipé,53 et de la retenue d’im- pôt au titre de la fiscalité de l’épargne.54 Il n’est pas douteux que la banque peut faire supporter au client le montant de l’impôt qu’elle est tenue de prélever et de verser au trésor public en vertu de l’art. 402 al. 1 CO, et non à titre de dommage aux conditions restric- tives de l’art. 402 al. 2 CO.55

51 A juste titre, les versions allemande (eingegangene Verbind- lichkeiten) et italienne (assunte obbligazioni) de l’art. 402 al. 1 CO sont plus larges que la version française (obliga- tions par lui contractées).

52 Dont le commerçant est le débiteur, art. 17 de la loi fédé- rale sur les droits de timbre, RS 641.10.

53 L’obligation fiscale incombe ici aussi au débiteur de la prestation imposable, art.  10 al.  1 de la loi fédérale sur l’impôt anticipé, RS 642.21.

54 Qui incombe à l’agent payeur, art. 4 al. 1 de la loi fédérale concernant l’accord avec la Communauté européenne re- latif à la fiscalité de l’épargne, RS 641.91.

55 Kantonsgericht SG, BZ.2005.93, du 23 janvier 2006.

IV. Conclusion

Il y a 20 ans, la fiscalité du client n’était pas le pro- blème de la banque. Les obligations de celle-ci se li- mitaient à prélever l’impôt anticipé, fournir au client à sa demande les documents nécessaires à sa taxa- tion, et dans des situations exceptionnelles de colla- borer à des procédures pénales ou administratives relatives dirigées contre le client.

Avec la fiscalité de l’épargne européenne et les deux conventions (avec le Royaume-Uni et l’Autriche) prévoyant un prélèvement libératoire, les banques étaient devenues les auxiliaires de la perception ano- nymisée d’impôts étrangers. Négociés dans l’espoir d’éviter l’échange automatique de renseignements, ces accords seront incessamment remplacés par ce qu’ils visaient à éviter. Les banques deviennent la source directe des informations nécessaires à la taxa- tion de leur client par des autorités étrangères, et le deviendront probablement une fois pour la percep- tion des impôts suisses.

Cette évolution radicale des rapports entre les banques et la fiscalité de leurs clients est la source d’un bouleversement profond pour la place finan- cière. Une fois réglé l’héritage du passé, l’échange au- tomatique de renseignements devrait diminuer les risques juridiques de la banque. Mais ce dispositif re- pose sur l’exactitude des informations recueillies par la banque, et notamment celles reçues de son client.

Les obligations et la responsabilité du client ne concernent donc pas seulement la phase transitoire et douloureuse de règlement du passé, marquée par des enquêtes, des pressions et des poursuites pénales.

Elles concernent aussi le bon fonctionnement du nouveau système qui sera à peu près complètement mis en place en 2017.  Les premières réflexions pré- sentées ici vont certainement s’enrichir des expé- riences faites dans ce nouveau monde au cours des prochaines années.

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