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RÉSEAUX D’IMPLANTATION DES RESSORTISSANTS OUEST AFRICAINS DANS LA FORÊT CLASSÉE DE LA NIEGRÉ (SUD-OUEST DE LA CÔTE D’IVOIRE)pp. 194-206.

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Département d’Anthropologie UP Bioanthropologie

Université Félix Houphouët-Boigny Cocody-Abidjan eblinmarc06@gmail.com

M. YEO Petanhangui Arnaud Doctorant

Département d’Anthropologie UP Bioanthropologie

Université Félix Houphouët-Boigny Cocody-Abidjan petanhanguiy@gamil.com

Pr (M.C) AMANI Yao Célestin

Département d’Anthropologie UP Bioanthropologie

Université Félix Houphouët-Boigny Cocody-Abidjan amanicelestin@yahoo.fr

Prof. YORO Blé Marcel

Département d’Anthropologie UP Bioanthropologie

Université Félix Houphouët-Boigny Cocody-Abidjan yoroble94@yahoo.fr

Revue Africaine d’Anthropologie, Nyansa-Pô, n° 27 - 2018

RÉSEAUX D’IMPLANTATION DES RESSORTISSANTS OUEST AFRICAINS DANS LA FORÊT CLASSÉE DE LA NIEGRÉ (SUD-OUEST DE LA CÔTE D’IVOIRE)

RÉSUMÉ

Bien que le code forestier ivoirien ne donne aucune possibilité aux allogènes d’exploiter les domaines permanent de l’état, le constat est que, depuis les années 70 ceux-ci sont massivement implantés dans la forêt classée de la Niegré.

Pour comprendre cette situation, il a été mené une étude qualitative dans ladite forêt classée. Son objectif a consisté à décrire les réseaux d’implantations des ressortissants ouest africains dans ce domaine classé.

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place de système clientélaire, ont vu en cela un vivier pouvant leur assurer une manne substantielle pérenne pour vivre. Cette situation, a contribué avec le temps à la création de réseaux allogènes indépendants dont les conséquences ont été l’autonomisation des implantations.

Mots-clés : Réseaux, Implantation, Ressortissant ouest africain, Forêt classée, Niegré

ABSTRACT

Although the Ivorian forest code does not give any possibility to the non-native to exploit the permanent domains of the state, the observation is that since the 70’s these are massively implanted in the classified forest of Niegré.

To understand this situation, a qualitative study was conducted in the classified forest. Its objective was to describe the networks of settlements of West African nationals in this classified domain.

It appears that the massive establishment of these communities in this ecosystem is favored by the native people who through the establishment of clientelaire system, have seen in this a pool that can provide them a substantial manna perennial to live. This situation has, over time, contributed to the creation of independent allogeneic networks whose consequences have been the empowerment of the settlements.

Keywords: Networks, Implantation,West African national, Classified Forest, Niegré

INTRODUCTION

En Côte d’Ivoire, les forêts classées bénéficient de mesures juridiques qui leurs assurent une protection légale. Malgré cela, elles font face depuis les années 70 à une infiltration massive de populations empêchant leur conservation durable (Y.C. Amani, 2008). Parmi ces populations ont enregistrent de nombreux ressortissants ouest africains (Union Européenne, 2006 ; O. Morabet, 2006). L’article 10 du code forestier ivoirien est formel au sujet de ces

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derniers qui ne disposent d’aucune possibilité d’exercice d’activité dans ces forêts du domaine permanent de l’Etat contrairement aux nationaux. Et pourtant depuis de nombreuses décennies, ils se rendent responsables de l’occupation illicite de maintes forêts classées du Sud-ouest Ivoiriens (F. Ruf, 1988 ; Y.C. Amani, 2015).

C’est le cas de la forêt classée de la Niegré qui constitue l’un des grands massifs forestiers de la Côte d’Ivoire (E. Leonard, G.J. Ibo, 2005). Dans ce massif les études réalisées par la SODEFOR montrent que le taux d’implantation des ressortissants ouest africains est passé de 25 à 40% entre 1992 et 2006 (SODEFOR, 2007). Ce constat nous conduit à l’interrogation suivante :

Comment ces communautés ont-elles réussi à s’implanter dans ce domaine protégé ivoirien ?

L’objectif de cet article consiste à décrire les principaux réseaux conduisant à l’implantation

des ressortissants ouest africains dans les forêts classées ivoirienne en général et de façon spécifique dans celle de la Niegré.

Les résultats de cette étude ont été analysés à la lumière de la théorie de l’acteur stratégique de M. Crozier, E. Friedberg (1977). La structuration de ce travail s’articule autour de deux parties principales :

- La méthodologie de l’étude, et ; - Les résultats et discussion 1- MÉTHODOLOGIE

La démarche méthodologique adoptée dans cette étude s’articule autour de trois éléments fondamentaux. Il s’agit des techniques d’échantillonnage, de collecte et d’analyse des données.

La technique d’échantillonnage a défini notre échantillon à partir de la méthode du choix raisonné qui s’appuie sur deux critères.

Le premier critère, repose sur l’identification de localités abritant plusieurs ressortissants ouest africains infiltrés. Dans ce cadre 13 villages ont été retenus. Il s’agit de Alikro, Bakadou, Konédougou, Niampidou, Baleko, Zohorayo, Dabouyo, Yaokro, Grilli, Mossikro, Keita, Medor et Inahirie. Le second critère quant à lui, porte

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exclusivement sur le choix d’allogène exerçant des activités au sein de la forêt classée de la Niegré. Sur la base de la disponibilité, 277 personnes ont pu être interrogées à cet effet.

Concernant les techniques de collecte des données, trois instruments ont été utilisés : la recherche documentaire pour cerner certains aspects du problème sur la base d’études existantes, l’observation directe et les entretiens semi-directifs pour collecter des informations empiriques. Le traitement, l’analyse et l’interprétation de ces données ont été faits à partir de la méthode d’analyse de contenu qui a permis de mettre en évidence leur signification.

2. RÉSULTATS

2.1. Situation et Contexte de la mise en place des réseaux d’implantation des ressortissants ouest africains dans la forêt classée de la Niegré

La Forêt Classée de la Niegré tire son nom de la rivière Niegré qui la traverse du Nord-est au Sud-ouest. C’est une forêt ombrophile, située au Sud-ouest de la Côte d’Ivoire entre les latitudes Nord : 5°

et 5°40, et les longitudes Ouest : 6° et 6°30 (voir figure 1).

Figure 1 : Localisation de la forêt classée de la Niegré Source : SODEFOR, 2007

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Cette forêt est à cheval entre les régions de la Nawa et du Gbôklè.

Elle est située entre les départements de Sassandra et de Guéyo.

Elle s’étend plus sur quatre sous-préfectures que sont : Sassandra, Guéyo, Dapkadou et Dabouyo.

Dotée d’une superficie de 92500 hectares, la forêt classée de la Niegré présente aujourd’hui un tableau préoccupant avec une perte dramatique de sa biodiversité à toutes les échelles. L’un des faits majeurs qui explique cet état alarmant de cette forêt classée ivoirienne est la forte immigration de population allogène dans ce domaine de l’Etat. En effet, les études socioéconomiques de la SODEFOR de 1992 et 2006, indiquent que le taux d’implantation de chefs d’exploitation ouest africains dans cette forêt a crû graduellement de 25 à 40%

entre 1992 et 2006 (SODEFOR, 2007).

L’établissement massif de ces communautés dans cette forêt classée, s’est fait à travers deux grands réseaux qui ont permis à ces dernières de matérialiser leur emprise rapide sur ledit massif.

Ce sont les réseaux clientélaires par parrainage autochtone et les réseaux clientélaires par parrainage des pairs.

2.2. Réseaux clientélaires par parrainage des autochtones La forêt classée de la Niegré est à cheval entre différents terroirs autochtones. Au nombre de cinq (5), il s’agit de terroirs Bété, Godié, Neyo, Bakwé et Codia. Ces groupes appartiennent à la même ère géoculturelle Krou et constituent les principaux propriétaires terriens coutumiers reconnus par la présence ancienne de leurs ancêtres sur le territoire comprenant la forêt classée de la Niegré.

Ces autochtones, rappelons-le, ont traditionnellement un regard moins tourné vers l’agriculture de rente, car de tradition, cueilleurs, chasseurs et pêcheurs. De ce fait, avec l’avènement de l’économie de plantation axée principalement sur le cacao, ces autochtones n’ayant pas de spécialisation dans cette pratique ont donc contribué indirectement à son rayonnement à travers l’appel de nombreux migrants dont les ressortissants ouest africains (majoritairement les burkinabé). Compte tenu de l’intérêt massif des migrants agricoles sur les espaces forestiers, les autochtones ont perçu cela comme

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une opportunité économique pouvant leur assurer une manne substantielle. Pour ce faire, nombreux d’entre eux se déplacent dans des localités reconnues en Côte d’Ivoire comme de grandes zones de production de cacao, pour vanter leur localité. Les témoignages recueillis de ressortissants Burkinabé, vivants dans les villages d’Inahirie et de Keïta, nous permettent de faire ce constat.

« Moi celui qui m’a donné la place ici, m’a trouvé à Soubré où j’ai un champ de cacao. Il m’a dit : Monsieur si tu cherches un coin pour faire ta plantation ou si tu connais un étranger qui cherche un coin pour faire son champ tu peux m’appeler au numéro que je vais te laisser.

Je suis de Sassandra et là-bas, il y a beaucoup de forêt et tu peux avoir les hectares que tu veux. C’est comme ça que je suis arrivé ici » (B B : Ressortissants Burkinabé du village d’Inahirie).

« (…) j’ai croisé celui qui m’a vendu ma parcelle à Abengourou. Le Monsieur m’a dit : il y a beaucoup de forêt dans sa localité pour faire champ, et que si je suis intéressé ou si un de mes frères cherche forêt pour faire champ de lui faire signe. C’est comme ça que moi et mon frère Seïdou l’avons appelé un jour et nous sommes là aujourd’hui » (S T : Ressortissants Burkinabé du village de Keita).

A l’analyse des tuteurs, ces derniers ont été ainsi qualifiés par AMANI (2008) comme des personnes-relais dont le rôle consiste à susciter une attractivité autour des ressources forestières inoccupées de leur région. Leur objectif en allant à la rencontre des chefs d’exploitations étrangers, vise à instaurer un climat de confiance propice à la captation de nouveaux preneurs de terres. Aussi, faut-il noter que les autochtones ont pour préférence les étrangers parce qu’ils estiment que ces derniers seraient prêts à « miser gros pour l’acquisition d’une terre cultivable en forêt » comme l’affirme un ressortissant malien du village d’Inahirie. Cette préférence est aussi déterminée par le fait que ceux-ci sont perçus comme plus

« gentils », plus « reconnaissants » et plus respectueux de leurs devoirs envers leurs tuteurs ce qui est attesté par F. Ruf (2016). Par ailleurs, la majeure partie des ressortissants ouest africains arrivés dans la forêt classée de la Niegré par le biais des autochtones, ont été pour la plupart des chefs d’exploitations dans leur zone de provenance.

En témoigne les propos ci-dessous :

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« J’ai un champ dans la forêt de marahoué, mais il fut un temps ou l’Etat de Côte d’Ivoire voulait nous chasser de la forêt. Pour éviter de me faire surprendre par la décision de l’Etat, j’ai décidé de chercher une autre forêt pour faire mon cacao. C’est ainsi qu’en 2001 j’ai croisé un monsieur à Bonon qui m’a dit qu’il vendait forêt à Sassandra. C’est grâce à lui que je suis ici aujourd’hui» (Z L : Ressortissant Burkinabé du village d’Inahirie).

« J’ai un champ dans une forêt vers Sago, mais un jour quand je suis arrivé dans mon champ, j’ai constaté que les eaux et forêts avaient détruit une partie. C’est comme ça qu’un jour un ami m’a dit qu’il connaissait quelqu’un à Guéyo qui pouvait trouver une place pour moi. C’est comme ça que je suis arrivé ici » (K.A : Ressortissant Burkinabé du village de Bakadou).

L’itinérance des implantations de ces chefs d’exploitations allogènes est guidée par le souci de garantir leur sécurité foncière. De même leur allégeance aux propriétaires coutumiers répond à cette finalité et mieux à une protection sociale qui se manifeste à un double niveau : d’une part en cas de conflit autour de la parcelle acquise, contestée par d’autre terroir, par des propriétaires terriens et par des paysans et d’autre part en cas d’interpellation par les agents forestiers. Dans ces deux cas, ils sont assurés de bénéficier du soutien de leur tuteur. C’est fort de cette situation que, les populations ouest africaines préfèrent les réseaux des autochtones pour accéder à la forêt classée de la Niegré en particulier, et les forêts classées locales en général. Cette assertion est attestée par le témoignage d’un ressortissant malien, vivant dans le Village Konédougou :

« Pour avoir notre terre dans cette forêt nous avons voulu passer par les propriétaires de ce village parce que, si nous sommes dans des problèmes avec les eaux et forêts et les gens, ils pourront nous aider ».

Ces données nous permettent de constater l’importance du rôle joué par les autochtones dans l’appui aux implantations des ressortissants ouest africains dans la forêt classée de la Niegré.

Toutefois, l’étude a permis de constater que parallèlement à ces réseaux, les allogènes implantés dans la forêt classée de la Niegré, ont développé de façon autonome leurs propres réseaux, dont la spécificité consiste à parrainer leurs pairs.

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2.3. Réseaux clientélaires par parrainage des pairs

Ces réseaux se manifestent doublement à une échelle familiale et communautaire.

2.3.1. Réseaux familiaux d’infiltration

Les réseaux familiaux allogènes à la base de l’infiltration de la forêt classée de la Niegré s’organisent notamment autour des chefs d’exploitations. Ces derniers, éprouvent généralement le besoin de recourir à une main d’œuvre, en vue de faciliter le travail en plantation. Pour se faire, on observe qu’une majorité d’entre eux préfèrent recourir à une main d’œuvre provenant de leur filiation ou cousin, neveu, oncle, etc.

Deux grands objectifs sont visés par ces chefs d’exploitations en favorisant l’arrivée de ces derniers.

Le premier est d’accroître le nombre de travailleurs actifs afin de supporter la pénibilité du travail en période d’intensification des travaux champêtres. Ces recours servent aussi systématiquement au renforcement de la main d’œuvre.

Le second objectif vise à accroître la productivité du planteur à travers l’aide à la maximisation des défrichements en y implantant prioritairement des cultures de rente comme le cacao.

De l’avis des chefs d’exploitation, les recours aux aides familiales précède la période de la grande récolte du cacao (grande traite du cacao) comme en témoigne un chef d’exploitation Burkinabé du village de Zohorayo :

« Quand je vois que la période de production de la grande traite arrive, je me presse de faire venir des neveux ou des cousins pour m’aider à récolter ».

Cette période s’étend sur le trimestre allant du mois de juin à Août en vue de favoriser progressivement l’insertion socioprofessionnel du nouveau migrant. Les propos ci-dessous attestent ce fait :

« mon objectif en les faisant venir dans la période de juin à Août, est de les préparer à l’après traite car certains de mes manœuvres seraient partis » (O S : chef d’exploitation Burkinabé du village de Zohorayo).

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L’analyse de la façon dont s’organise cette insertion laisse transparaitre trois phases : les conditions d’accueil, l’initiation aux rudiments agricole et l’autonomisation de l’aide agricole.

En ce qui concerne les conditions d’accueil, plusieurs éléments interviennent dans la prise en charge du nouvel immigrant. Avant toute mise en service de ce dernier, celui-ci bénéficiera d’un appui financier du parent qui le sollicite, en vue de son déplacement. A son arrivée, c’est logiquement ce parent qui lui offrira nourriture, hébergement tout en pourvoyant à d’autres besoins comme la santé.

Par la suite, le migrant est mis en apprentissage à la pratique de l’économie de plantation. Cette étape dure environ deux (02) ou trois (03) années. Pendant cette période d’apprentissage, le migrant ne perçoit pas de revenus ou de salaire. A l’issue de ces années d’apprentissage, le tuteur (le parent du migrant) l’aide à trouver du travail par les contacts intercommunautaire ou extracommunautaire.

Souvent, il arrive que les tuteurs (leurs parents) les engagent en tant que contractuels salariés ou saisonniers ou encore de métayage. En témoigne, les propos suivants :

« Quand je suis arrivé du Burkina Faso j’ai aidé mon oncle durant deux (02) ans. Après ces années, il a trouvé du travail pour moi.

Aujourd’hui, je travaille dans cette forêt avec un frère Groussi » (B M : Ressortissant burkinabé du village de Bakadou).

« (…) j’ai fait trois (03) ans avec mon oncle avant d’être son aboussant. Il m’a confié ce champ et est parti rester dans son autre champ à Méagui » (S M : Ressortissant Burkinabé du village de Baléko).

Ces verbatim montrent comment s’organisent l’insertion et l’autonomisation économique du nouveau migrant à l’échelle familiale. Cette insertion permet en réalité aux pionniers de multiplier leurs lieux géographiques de production.

2.3.2. Réseaux communautaires

L’organisation des réseaux communautaires allogènes intervenant dans la forêt classée de la Niegré, s’observe à l’échelon des groupes ethniques d’une part et des systèmes de convoyage employés.

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2.3.2.1. Organisation par groupes ethniques

Cette première organisation communautaire s’observe à l’intérieur de chaque groupe ethnique ouest africain (majoritairement constitué de communautés Burkinabés) existant au niveau de la forêt classée de la Niegré. Dans cette forme d’organisation, la tâche est donnée le plus souvent aux chefs d’exploitations agricoles (pionniers) ayant montré leur notoriété à travers des réalisations dans leur pays d’origine.

L’immigration effectuée par le biais de ces derniers, se fait le plus souvent dans le premier trimestre qui suit la période de la grande traite du cacao (Janvier, Février et Mars). Cette période marque les congés des pionniers allogènes qui retournent dans leur pays d’origine, afin de bénéficier de repos après le travail difficile effectué pendant la grande traite du cacao. A l’approche de cette période, les pionniers allogènes, sont le plus souvent approchés par des ressortissants de la même communauté ethnique pour exprimer leur besoins en mains d’œuvres. Des sommes d’argent leur sont le plus souvent remis afin d’assurer le déplacement des travailleurs qu’ils auront captés au cours de leur séjour aux pays. Le recrutement des travailleurs s’avère le plus souvent facile au regard de la haute estime dont ils jouissent auprès de leurs connaissances restées au pays.

Cependant, avant la migration du nouvel immigré en direction de la Côte d’Ivoire, des contrats portant sur la rémunération et la durée du contrat sont signés entre le pionnier et le travailleur et/ou les parents ayant accepté laisser partir leur enfant. Une fois que ces contrats sont formalisés, les travailleurs sont remis aux exploitants (ayant fait la sollicitation auprès du pionnier) qui deviennent automatiquement leurs tuteurs. Tout comme au niveau du système familial, la prise en charge du nouveau migrant capté pour le travail, comprend la nourriture et hébergement pendant la durée du contrat.

Cependant, les salaires de ces nouveaux migrants sont éversés aux pionniers qui les ont captés. En cas de litige entre tuteurs et nouveaux migrants, les pionniers sont directement interpellés. En sus, on note qu’à la fin du contrat, celui-ci se charge s’il le souhaite, de lui trouver un nouveau contrat.

Ces données corroborent l’existence d’un circuit de peuplement de la forêt classée au niveau des communautés ethniques allogènes étrangères.

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2.3.2.2. Organisation par système de convoyage

L’organisation par système de convoyage, a lieu généralement après la période de la grande traite de cacao, lorsque les chefs d’exploitation allogène ayant besoin de main d’œuvre, n’enregistrent pas de départ de personnes de leur communauté en direction de leur pays d’origine. Dans cette situation, ces derniers s’orientent souvent vers les compagnies de transport ralliant les localités de la zone forestière (Sassandra et Gueyo) à leur pays d’origine. Ils prennent attache, soit avec un chauffeur ou un convoyeur à qui ils expriment le besoin d’avoir des manœuvres. Ceci est illustré par le témoignage suivant :

« (…) après la traite, quand aucun membre de notre groupe ne rentre au pays, et que j’ai besoin de travailleur, je vais à la gare de notre pays à Sassandra pour laisser des commissions aux chauffeurs ou aux convoyeurs » (O L : Chef d’exploitation agricole Burkinabé du village de Mossikro).

Les chauffeurs ou les convoyeurs une fois arrivés dans leur pays d’origine, se chargent du recrutement des prétendants à l’immigration. Cette tache apparait plus ou moins facile pour eux, car, en raison de leurs fréquents déplacements vers les pays d’origine des chefs d’exploitation allogène, ils sont le plus souvent approchés par des jeunes qui expriment leurs besoins de venir en Côte d’Ivoire à la recherche d’un travail. Les propos ci-dessous recueillis d’un ressortissant Burkinabé du village d’Inahirie décrivent ce fait.

« Moi, c’est grâce à un ami que j’ai reçu l’information de travail en Côte d’Ivoire. Ce dernier avait été informé par un convoyeur qui fait la ligne Burkina- Côte d’Ivoire. Il avait besoin de 05 personnes.

Mais, chacun devrait payer son transport. J’ai expliqué la situation à ma mère qui m’a remis de l’argent pour mon déplacement ».

En analysant les dires de ce ressortissant, nous notons que dans cette migration, les migrants obtiennent un appui familial afin d’effectuer leur déplacement. Dès leur arrivée en Côte d’ Ivoire, leurs passeurs (Chauffeurs ou convoyeurs) se chargent de les mettre à la disposition des personnes désireuses de travailleurs. Ces personnes deviennent automatiquement leurs tuteurs. Ils leur assurent nourriture, hébergement puis un salaire selon le type contrat (salarié, saisonnier et métayage).

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Faut-il noter qu’en général, l’organisation par système de convoyage au niveau des allogènes implantés dans la forêt classée de la Niegré apparait ouverte dans le sens où elle n’oblige pas le migrant à rester dans un même univers social et économique tout au long de son séjour. Celui-ci peut multiplier ses contacts au sein et en dehors de sa communauté d’appartenance. C’est à ce titre que R. Blion, S.

Bredeloup (1997) ont eu à noter que dans ce type d’organisation, le migrant peut aisément changer de lieu de résidence au gré des opportunités qui lui sont offertes.

DISCUSSION

L’analyse des réseaux d’implantation des ressortissants ouest africains dans la forêt classée de la Niegré, montre que les communautés autochtones installées en périphéries des domaines classés, constituent les premiers responsables de la dégradation des aires protégées de la Côte d’Ivoire. En réalité, l’établissement des réseaux clientélaires par ces dernières au sein des domaines classés, apparait non seulement comme l’expression du mécontentement de ces populations en vers l’Etat, mais, aussi comme des stratégies pour avoir la main mise sur les terres qui leur ont été dépossédées.

3.1. Réseaux clientélaires autochtones en forêt classée : des expressions du mécontentement des communautés riveraines autochtones en vers l’Etat

Les implantations agricoles pérennes réalisées aux seins des aires protégées constituent des entorses aux actions de conservation des écosystèmes (E. Konan, 2008). A travers les résultats de cette étude, on se rend compte que les implantations agricoles réalisées dans les forêts classées ivoirienne ont été favorisées par les autochtones à travers l’institution de systèmes clientélaires. Ces actes autochtones s’opposent à toutes idées de conservation. En réalité, les comportements allant à l’encontre de la conservation des domaines classés, perpétrés par les populations autochtones, résultent du non-respect des engagements de l’Etat en vers ces dernières lors de l’érection de ces massifs (Y. Akoué, 2005). Ainsi, ayant le sentiment d’avoir été trahies, toutes leurs actions à l’endroit des domaines protégés visent le sabotage des politiques de

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conservation (F. Constantin, 1998). En conséquence, ces sabotages présentent des impacts négatifs sur l’état de la conservation de ces massifs. En effet, on remarque que l’abstinence des populations autochtones de la gestion des massifs forestiers est à la base des échecs des différentes politiques de conservation (G.J. Ibo, 2005).

Selon F. Constantin (1994), Cette situation constitue un véritable désastre pour la gestion durable des aires protégées.

3.2. Réseaux clientélaires par parrainage des autochtones en forêt classée : des stratégies autochtones pour avoir la main mise sur les terres dépossédées par l’Etat A travers l’instauration des réseaux clientélaires par parrainage des autochtones au sein des forêts classées, on s’aperçoit que, bien que ces lieux soient sous la responsabilité de l’Etat, les autochtones réussissent tout de même à installer des ressortissants de diverses origines dans ces endroits. Cela prouve tout naturellement que ces populations (autochtones) continuent de considérer les domaines classés comme les leur (Y. Akoué, 2005). Dans cette dynamique, on remarque à travers la vente des parcelles de terres dans ces massifs (M.O. Eblin, 2013), qu’ils octroient le foncier des forêts classées aux individus de leur choix. Cela est attesté par RUF (2016) qui note que les autochtones préfèrent octroyer les terres aux allogènes parce qu’ils perçoivent ces derniers comme plus « gentils », plus « reconnaissants

» et plus respectueux de leurs devoirs envers leurs tuteurs. De ces pratiques on s’en rend bien compte que les populations autochtones ont réussies à avoir la main mise sur les terres des domaines classées.

CONCLUSION

La présente étude, montre que pour parvenir à s’implanter massivement dans la forêt classée de la Niegré, les populations infiltrées se sont appuyées sur des complicités autochtones. Ces derniers à travers la mise en place de systèmes clientélaires, ont vu dans les implantations d’allogène un vivier pouvant leur assurer une manne substantielle pérenne. Cette situation, a favorisé avec le temps la création de réseaux allogènes indépendants dont les conséquences ont été l’autonomisation des implantations. Ces résultats s’inscrivent dans la théorie explicative de l’acteur stratégique de CROZIER et

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FRIEDBERG (1977) qui stipule que : «Pour atteindre leurs enjeux, les acteurs mobilisent des ressources pour contourner les contraintes qui se posent à eux ». C’est sur cette base que l’on a pu faire un examen important des réseaux d’implantation des ressortissants ouest africains dans la forêt classée de la Niegré.

Toutefois, Pour parvenir à atténuer toutes implantations illégales dans cette forêt classée, il est important que l’Etat s’inscrive dans un système de compensation qui pourrait se traduire par le versement annuel aux communautés autochtones riveraines aux forêts classées en général, une part des devises tirées des activités d’exploitations forestières. Ceci permettrait à ces populations d’abandonner toutes pratiques en inadéquations à la gestion des aires protégées.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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