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Activités, pratiques territoriales et mobilité quotidienne des femmes en milieu rural au nord Togo pp. 16-32.

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Academic year: 2022

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ACTIVITÉS, PRATIQUES TERRITORIALES ET MOBILITÉ QUOTIDIENNE DES FEMMES EN MILIEU RURAL AU NORD TOGO

Assogba GUEZERE

Département de Géographie à l’Université de Kara BP 43, Kara- Togo

E- mail : guezere1970@yahoo.fr

RÉSUMÉ

Le manque de moyens de transport en milieu rural est un facteur déterminant de la pauvreté qui entrave énormément le développement économi- que et social des pays africains. Cette situation n’épargne pas le Togo dans la mesure où les cinq régions économiques du pays sont concernées par la pénibilité des déplacements des femmes qui n’ont de choix que d’utiliser la marche comme seul moyen pour leurs déplacements. L’objectif spécifique de cet article est d’analyser les liens entre pratiques territoriales, mobilité spatiale des femmes en milieu rural, accessibilité géographique des différents lieux d’activités rurales et domestiques dans un contexte de pauvreté. A partir des données documentaires et des enquêtes par questionnaires, l’article décrit la vie quotidienne des femmes et les énormes difficultés de déplacements qu’elles éprouvent avant de réaliser les activités quotidiennes nécessaires au besoin de la famille en milieu rural. Enfin dans notre conclu- sion, nous proposons comme solution au problème de mobilité des femmes l’utilisation des modes de transport intermédiaires qui pourront leur permettre d’obtenir de meilleures conditions de vie et de réaliser leur autonomie.

Mots-clefs : Togo, Kara, mobilité rurale, femme, transport, pauvreté, pratiques territoriales

ABSTRACT

The lack of means of transport in rural area is a determining factor of the poverty which enormously impedes the economic and social development of African countries. The five economic regions of Togo are concerned with the painfulness of displacements of women who have no other choice than count on their feet for their displacements. The objective in this article is to analyze the link between territorial practices, women’s space mobility in rural areas, and geographical accessibility of the various places of rural and domestic activities in the circumstance of poverty. From documentary data and investigations by questionnaires, we have described the everyday life of the women and the enormous and varying levels of difficulties of mobility they face before meeting need of the family in rural areas. To enable them to obtain better living conditions and to carry out their autonomy, it is advisable to facilitate their displacements by pro- moting intermediate means of transport.

Key words: Togo, Kara, rural mobility, woman, transport, poverty, territorial practice

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INTRODUCTION

La mobilité est une forme élémentaire de la vie quotidienne qui conditionne l’accès à la diversité des ressources. Selon Bonerandi E. (2007), elle fait sûrement partie des notions les plus partagées au sein des sciences sociales, à commencer par les disciplines que sont la géographie, la sociologie, l’aménagement et l’urbanisme, au point de devenir une question de société. Nous situons notre appro- che en géographie sociale tant notre sujet tente de décrire la mobilité des femmes et leurs pratiques territoriales quotidiennes. Il est important de rappeler d’abord quelques travaux théoriques de géographes qui se sont intéressés aux aspects sociaux de la mobilité. La mobilité apparait comme une sorte de nécessité qui se caractérise par le déplacement pour rejoindre son lieu de travail. Selon l’ouvrage intitulé

« Les mobilités » de Moriniaux V. (2010), elle consti- tue un élément fondamental de redistribution des relations qui s’instaurent entre organisation sociale et organisation spatiale et apparait comme un facteur d’inégalité. La mobilité quotidienne féminine signifie les déplacements que les femmes sont appelées à effectuer chaque jour pour accéder aux lieux de travail, aux sources d’eaux, aux marchés ruraux, d’où l’importance de l’article « mobilité, accessibilité et liens sociaux » écrit par Vandersmissen M.-H., (2003). La sociologie du quotidien a montré la ri- chesse de son approche en prenant pour objet « les manifestations brutes de l’activité humaines, telles qu’elles apparaissent de manière régulière et jour après jour au sein des divers groupes, majoritaires ou non, dans une société donnée » (Javeau C., 1991 : 24). L’espace de vie des femmes est donc l’espace des relations quotidiennes utiles liées aux activités champêtres, aux corvées d’eaux, aux recherches de bois de chauffe et aux fréquentations des marchés qui nécessitent les déplacements à pied. C’est dire que la mobilité n’est pas une fin en soi. C’est parce que toutes les ressources dont l’activité économique ou la vie sociale ont besoin pour s’accomplir ne sont pas directement accessibles sans déplacement, que la mobilité se développe (Bavoux et al, 2005).

La question dans cet article n’est pas de parler des mobilités quotidiennes des individus en milieu urbain africain qui ont suffisamment fait l’objet de plusieurs études. Il s’agira plutôt de savoir comment les femmes africaines en général et togolaises en

particulier, se déplacent en milieu rural dans un contexte de pauvreté et d’inexistence de moyens de transport adaptés. L’absence d’infrastructures et l’isolement des populations rurales est une situation de pauvreté qui met surtout les femmes africaines à rude épreuve. Le manque d’accès des populations rurales aux services essentiels est alors bien souvent un verrou enfermant les ménages dans l’extrême pauvreté (Allaire J. 2008 : 127). La problématique du transport rural n’est pas un sujet inédit mais s’inscrit dans le Programme de politiques de transport en Afrique subsaharienne (SSATP) que la Banque mon- diale et la Commission économique pour l’Afrique pilotent depuis longtemps. Dans plusieurs études de cas sur le rôle des femmes dans le transport rural et l’accès aux sources d’approvisionnement pour les besoins domestiques, il a été proposé d’améliorer les services de transport en milieu rural et d’accroître la mobilité individuelle et la production agricole grâce à l’introduction de moyens intermédiaires de transport (Banque mondiale, 1994).

Le Togo se retrouve parfaitement dans ce cycle infernal de pauvreté où les femmes rurales sont obligées de marcher et de transporter avant de subvenir aux besoins de la famille. Les régions de la Kara et des Savanes sont beaucoup concernées par ces difficultés qu’éprouvent les femmes en matière de transport et de portage dans les milieux ruraux.

Les femmes réalisent en priorité les déplacements de ménage essentiellement dominés par le trans- port de l’eau et du bois de chauffage. Les autres déplacements sont liés à l’activité agricole à savoir rejoindre les champs, apporter les intrants, transpor- ter les récoltes vers les habitations et les greniers, acheminer les récoltes vers les marchés pour les commercialiser. Cette étude est une initiative per- sonnelle pour satisfaire notre curiosité scientifique et pour contribuer à la connaissance des conditions de déplacement des femmes rurales togolaises. L’article nous permet de comprendre aussi comment le rôle de l’espace dans la génération et le maintien des comportements d’inégalités est une des grandes pré- occupations de la géographie sociale, qu’il s’agisse d’inégalités entre les classes, entre les groupes ethniques et, plus récemment, entre les hommes et les femmes (Vandermissen M.-H., 2001).

La question centrale est de savoir comment, en matière de la mobilité spatiale, les femmes du Nord- Togo s’adaptent à la pauvreté rurale à travers l’usage

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quotidien de la marche et du portage pour réaliser les différentes activités rurales et domestiques. Les problèmes secondaires posés par notre thème tour- nent autour des questions suivantes : quelles sont les activités qui rythment le quotidien des femmes en milieu rural ? Quelle est l’offre de transport au service de la mobilité rurale ? Comment se manifestent les déplacements et le portage des femmes ? Comment faire pour répondre au principe d’autonomisation des femmes en matière de mobilité spatiale ?

Pour répondre à ces questions, nous avons ex- ploité les documents et rapports sur la pauvreté en Afrique et au Togo qui nous ont permis d’avoir une bonne base de données démographiques et écono- miques. A part ces données documentaires, l’étude repose sur des données collectées auprès des femmes dans les communautés rurales des douze préfectures de la Région des Savanes (5 préfectures) et de la Région de la Kara (7 préfectures) au cours du mois d’avril 2010. Celles-ci ont été sélectionnées de façon aléatoire à partir de la liste des cantons et villages de l’estimation de la population de 20071 de manière à être représentatives de l’ensemble des deux régions. Dans chaque préfecture, environ 20 à 60 femmes ont été sélectionnées et interrogées, selon le poids démographique de chaque préfecture.

Au total, 360 femmes ont été soumises aux ques- tionnaires dans les deux régions dont un échantillon de 206 dans la Région de la Kara et de 154 dans les Savanes.

L’article est organisé autour de cinq points. Après avoir présenté les caractéristiques naturelles et économiques des deux régions concernées, nous décrirons les caractéristiques socio-démographiques des femmes. C’est ce qui nous permettra d’aborder le sujet de la vie quotidienne des femmes et d’analyser la marche comme seul moyen de mobilité nécessaire aux pratiques spatiales. Nous finirons notre article par une conclusion où des approches de solutions allant dans le sens de l’amélioration de la mobilité rurale féminine seront proposées.

1- Au moment de l’enquête, les données du dernier recensement étaient celles de 1981. Le quatrième recensement général de la population et de l’habitat n’a été effectué qu’en novembre 2010, dont les résultats provisoires ont été publiés en avril 2011.

1- DES TERRITOIRES AUX

CARACTÉRISTIQUES NATURELLES ET DÉMOGRAPHIQUES DIFFÉRENTES Le Togo est un pays de l’Afrique de l’Ouest blotti entre le Ghana à l’ouest, le Bénin à l’est, le Burkina Faso au nord et le Golfe du Bénin au sud. Le territoire est subdivisé en cinq régions économiques mais les Régions septentrionales des Savanes et de la Kara sont les deux régions qui nous intéressent dans cette étude.

1-1 PRÉSENTATION DES ZONES D’ÉTUDE Localisée entre 0 et 1° de longitude Est et 10° et 11° de latitude nord, la Région des Savanes, dont le chef-lieu est Dapaong, est la plus septentrionale du pays avec une superficie de 8533 km2, soit 15

% du territoire national. Le tiers de sa superficie est occupé par les réserves de flore et de faune. Quant à la Région de la Kara, elle est située entre le 9ème et 10ème degré de latitude nord et les méridiens 0°15 et 1°30 de longitude est. Plus vaste que sa voisine, cette région couvre 11490 km2, soit 22 % de l’étendue du territoire national avec pour chef-lieu Kara située à 413 km au nord de Lomé.

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Carte de la présentation de la zone d’étude et de son réseau routier

Source : Carte topographique au 1/200 000 des régions de la Kara et des Savanes

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Il est important de considérer les éléments du relief des deux régions qui rendent plus difficile le rôle des femmes dans l’exploitation des terres et dans le transport.

Dans la Région des Savanes, il y a la présence de deux plateaux gréseux, le plateau de Dapaong et celui de Bombouaka que l’érosion différentielle a transformé en relief de pseudo-cuesta. Les altitudes sont élevées et le relief est contrasté avec des lignes de crête caractéristiques. De Dapaong à Cinkassé à la frontière du Burkina Faso, s’étend une vaste péné- plaine peu accidentée dominée par des buttes tabu- laires. A part ces zones à pentes fortes, le relief ne constitue pas un obstacle insurmontable. En dehors des sols à bonne aptitude agricole correspondant aux alluvions de la vallée de l’Oti, de Koumongou et de la Fosse aux Lions, le reste des sols est situé dans les zones agricoles moyennes, médiocres et à faibles potentialités de mise en valeur.

La morphologie de la Région de la Kara est irré- gulière et plus accidentée. Très variée, son relief est constitué par une alternance de plaines, de vallées et de plateaux dominés par de vieux massifs acci- dentés aux aspects assez contractés. Les monts Kabyè sont composés des montagnes d’Asséré et de Boufalé, de la chaîne de Lama et le plateau de Kétao entourés de piémonts couverts pour la plupart de cuirasse. La chaîne des monts Togo qui traverse la région en diagonale du sud-ouest au nord-est, est composée de la chaîne de Défalé, des monts de Djamdé, des falaises d’Alédjo, de Daoudé et les monts Malfakassa. Dans certains cantons, les flancs de ces reliefs contrastés sont exploités par les paysans et le peuple Kabyè est bien reconnu sur le plan international pour la technique de culture en terrasse qu’il a dû développer pour s’adapter. Dans ce système de culture, les femmes occupent une place importante dans la mesure où elles doivent se déplacer des montagnes vers la plaine pour vendre les produits agricoles dans le marché urbain.

La population de la Région des Savanes est de 776 710 habitants contre 721 504 habitants dans la Kara. L’agriculture et les activités pastorales consti- tuent les activités économiques les plus importantes de tous les ménages ruraux avec une forte participa- tion des femmes. Elle est pratiquée par plus de 90%

de la population active avec une prépondérance de la production vivrière. Les principales cultures vivrières

sont le sorgho, le mil, le petit mil, le maïs, le riz et le haricot alors que les cultures de rente sont représen- tées par le coton et l’arachide dans les deux régions.

La structure par sexe révèle qu’il y a plus de femmes que d’hommes dans les deux cas. Selon les données du recensement de 1981, 51,7 % de la population était composée de sexe féminin dans la Kara contre un taux de 50,9 % dans les Savanes. Mais au regard des résultats du recensement de 2010, ces taux ont été légèrement modifiés et confirment toujours l’importance des femmes qui représentent 51,10%

de la population dans la Région de la Kara contre 51,90% dans la Région des Savanes.

D’une manière générale, quelle que soient les tranches d’âge considérées dans les deux régions, les femmes sont de loin moins alphabétisées que les hommes. Le taux d’alphabétisation des femmes est de 25 % dans les Savanes contre 49,4 % dans la Région de Kara alors qu’il est de 53 % dans les Maritimes et 54,5 % dans les Plateaux (DGSCN2, 2007). Le niveau d’éducation des femmes agit sur leur statut de pauvreté car moins la femme est éduquée, plus grand est le risque qu’elle soit pau- vre. Selon la même source, on dénombre 72% de pauvres parmi les ménages où le chef n’a aucune instruction. L’incidence de la pauvreté diminue au fur et à mesure que le niveau du chef de ménage s’élève pour atteindre 60,5% pour les ménages dont le chef a entamé le cours primaire sans l’achever, 28,8% pour les ménages dont le chef a achevé le cours secondaire et seulement 15,4% pour les ména- ges dont le chef a effectué des études supérieures.

Plusieurs études réalisées au Togo sur la pauvreté montrent que l’incidence de la pauvreté est très éle- vée dans toutes les régions au Togo, à l’exception de Lomé. Mais, elle est beaucoup plus marquée au centre et dans les parties septentrionales du Togo où elle touche 81,5 % de la population, soit 71,3 % dans la Région de la Kara et 94,3 % dans la Région des Savanes qui demeure la région la plus pauvre du Togo (DGSCN, 2007). C’est pourquoi dans les deux régions concernées, les jeunes hommes migrent vers les villes et d’autres zones rurales du sud-Togo pour chercher du travail ou exploiter des terres riches.

Sans hommes pour travailler et sans argent pour acheter de meilleurs outils et pour engager de la main d’œuvre qui a migré, les femmes doivent tra- 2- Direction Générale des Statistiques et de la comptabilité Nationale

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vailler plus dur. Non seulement elles ont les travaux domestiques, mais elles doivent aussi prendre part activement aux travaux champêtres. Il est important de décrire les caractéristiques sociales des femmes avant d’analyser leurs activités quotidiennes.

1-2 LES CARACTÉRISTIQUES SOCIO- DÉMOGRAPHIQUES DES FEMMES RURALES DU NORD-TOGO

Contrairement aux pays développés où une plus grande mobilité des femmes et une meilleure accessibilité géographique des emplois favorisent leur participation au marché du travail, aux meilleurs revenus, à la diminution des inégalités sociales entre hommes et femmes (Vandermissen M.-H., 2001), la femme en milieu rural togolais est plutôt enfermée dans la sphère domestique qui l’exclut de l’intégra- tion au marché du travail et de la promotion sociale.

Les données recueillies auprès de ces femmes permettent d’avoir des informations sur leur com- portement socio-démographique qu’il faut présenter avant d’analyser leurs activités quotidiennes et leur mobilité. Les résultats obtenus de l’enquête démon- trent que plusieurs femmes sont asservies sur le plan social. 76 % des femmes qui ont répondu aux questions sont des femmes mariées sous l’autorité d’un chef de ménage. Mais, 24 % des femmes, soit 19,2 % de veuves, 4,2 % des divorcées et 0,6 % de célibataires, sont en même temps chef de ménage cumulant la charge de l’homme et de la femme. Les femmes au foyer sont très jeunes plus que leur mari avec une moyenne d’âge de 35 ans et dans l’ensem- ble, plus de 60 % d’entre elle ont moins de 45 ans.

On dénombre en moyenne 4,85 enfants à charge par femme dans les foyers. Cette moyenne est va- riable selon le nombre d’épouses présentes dans le ménage puisqu’il y a des ménages monogames et polygames et 25 % des femmes doivent supporter entre 6 et 14 enfants en majorité jeunes. Les familles nucléaires, constituées de la seule cellule familiale restreinte, c’est-à-dire le père, la mère et les enfants sont rares. Les ménages de toutes les préfectures, du fait de l’existence systématique en leur sein d’au moins trois groupes d’individus (chefs, épouses, enfants, dépendants), sont relativement grands. Il s’agit des ménages élargis, ouverts à la parentèle et qui hébergent des dépendants et même des vi- siteurs. En ce qui concerne le niveau d’instruction, les épouses se sont limitées au niveau primaire. 60

% sont des analphabètes, 30 % ont affirmé avoir fréquenté le niveau primaire et 9 % ont atteint le collège. Avec un tel niveau d’instruction, il leur est difficile d’accéder à un travail décent et de conquérir leur liberté. Fondamentalement, toutes les femmes interrogées ont pour activité principale l’agriculture et presque toutes sont des ménagères avec 30 % qui ont comme activités secondaires le commerce et l’artisanat. On peut penser que la pratique féminine de ces activités commerciales et artisanales est liée à la flexibilité de leur exercice qui peut les rendre compatible avec l’accomplissement de leurs tâches ménagères quotidiennes. Ménagères ou cultivatri- ces, les conditions semblent les mêmes et difficiles à supporter dans la mesure où les travaux champê- tres et les activités domestiques sont obligatoires et nécessitent une grande mobilité. En raison de leur revenu inférieur et de la propension masculine à utiliser seule la bicyclette ou la moto familiale pour se rendre au champ, le taux d’accès des femmes à un mode de transport est généralement inférieur à celui des hommes. Qu’elles soient agricultrices à plein temps, à temps partiel ou qu’elles demeurent à la maison, les femmes passent significativement plus de temps que leurs conjoints dans les tâches familiales et domestiques. Ce double rôle des fem- mes affecte considérablement leur emploi du temps et l’ampleur de la charge de travail totale apparaît comme un facteur qui augmente le potentiel de mo- bilité géographique.

De ces caractéristiques socio-démographiques, il apparaît que les femmes en milieu rural togolais sont très vulnérables et défavorisées à cause de leur faible niveau d’instruction et de leur situation matrimoniale qui les maintiennent en situation de dépendance et dans la pauvreté permanente. Comme la majorité d’entre-elles est analphabète, elles constituent une proportion importante de la main d’œuvre dans le secteur agro-pastoral. Malgré leur nombre et le rôle important qu’elles jouent dans le développement rural régional, leur potentiel est sous-exploité et méconnu. Elles ne bénéficient pas de revenus et des ressources sur une même base équitable que les hommes. Dans les deux régions, elles continuent d’être victimes d’importantes discriminations et de toutes sortes de violences physiques et morales qui jouent sur leurs conditions de vie et contribuent à accentuer le degré de pauvreté qu’elles subissent.

Selon Konlani D. (2011), les femmes de la Région des

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Savanes sont défavorisées parce qu’elles jouissent d’une condition sociale précaire caractérisée par la pauvreté, la non accessibilité à l’éducation et aux moyens de productions avec une position sociale marquée par la règle absolue du respect à l’homme.

De façon globale, les femmes n’ont pas le même pri- vilège, la même autonomie ni la même autorité que l’homme. Non seulement elles n’héritent pas, mais aussi n’ont pas accès à la terre alors qu’elles sont des principales actrices du développement économique et social. Face à cette situation discriminatoire à leur endroit, elles deviennent vulnérables à l’insécurité alimentaire et à la pauvreté.

Cette analyse socio-démographique rend compte de la situation des femmes togolaises défavorisées et exposées à la pauvreté à cause du niveau bas de l’éducation et des charges domestiques qui pè- sent sur elles. Dans la deuxième partie, l’analyse de leur vie quotidienne à savoir leur espace de vie professionnelle, domestique et sociale permettra de mettre en évidence leur rôle et leurs conditions de mobilité.

2- VIE QUOTIDIENNE ET PRATIQUES TERRITORIALES : ENTRE ACTIVITÉS CHAMPÊTRES ET TRAVAUX

DOMESTIQUES

Les zones rurales togolaises connaissent d’im- portants changements sociaux et économiques provoqués par la féminisation des emplois ruraux à cause de la pauvreté et de l’incapacité des hommes à subvenir aux besoins du foyer. Dans ce contexte de changements sociaux et économiques, la mobilité des femmes est modifiée pour répondre au besoin et elles doivent partager leur temps entre les champs et les travaux domestiques en marchant quotidien- nement.

Les mobilités féminines sont partagées entre les activités champêtres et ménagères qu’il convient d’analyser à l’échelle sous-régionale avant de focaliser l’attention sur la zone d’étude. De façon globale, les femmes ouest-africaines occupent une place fondamentale dans les réseaux de sociabilité, d’expression des solidarités et d’auto-promotion éco- nomique où elles apparaissent comme les vecteurs stratégiques de la participation des populations à leur auto-développement. La division sociale du travail

leur confère, en effet, des obligations qui font d’elles des maillons essentiels dans la production des biens de consommation ou d’échange. Elles assument souvent leurs propres besoins et doivent participer aux dépenses de leurs familles. Cela les oblige à avoir des sources de revenus et à développer des stratégies pour les fructifier. L’agriculture est sans doute la principale forme de production en Afrique et les femmes constituent le plus fort contingent de la main d’œuvre agricole. Plusieurs recherches ont montré que dans la société rurale de l’Ouest de l’Afri- que subsaharienne, la femme joue un rôle primordial.

Près de la moitié de la main d’œuvre agricole est féminine, pour un secteur qui contribue à 30% du PIB régional ; et c’est principalement au niveau des cultures vivrières, qui occupent plus de la moitié de son temps de travail, que le rôle de la femme est le plus important, puisqu’elle y produit 70% des récoltes (Granié et al, 2006.). Avec les mutations introduites aussi bien par la colonisation, les indépendances que les modernisations agraires, les cultures rentières ont pris une importance grandissante dans le contexte des libéralisations des marchés et de recherche de revenus supplémentaires. Selon le même auteur, alors qu’elles étaient à l’origine, à la charge des hom- mes, ces cultures rentières ont fait de plus en plus appel à l’aide des femmes. Toujours dans l’optique de trouver des revenus supplémentaires afin de subvenir aux besoins familiaux, le maraîchage s’est peu à peu développé comme nouvelle source financière. Ces nouvelles responsabilités sont venues s’additionner aux journées déjà chargées des femmes qui restent impuissantes devant la situation (Tujague, 2006).

Selon Sarr, non seulement les femmes aident les hommes dans les grandes cultures et s’occupent de la transformation et de la commercialisation des pro- duits récoltés mais aussi, elles s’occupent des semis, du désherbage, des récoltes et du conditionnement (Sarr F. et al., 2006). Ces multiples activités partici- pent à la définition de l’identité féminine africaine et de son statut social. La FAO reconnaît pleinement la contribution fondamentale des femmes rurales à la vie du foyer et à la sécurité alimentaire nationale, ainsi que leurs rôles multiples d’un bout à l’autre de la chaîne alimentaire, ce qui a fait dire Jacques Diouf, Directeur général de la FAO, «qu’il n’y aura pas de sécurité alimentaire sans les femmes agricultrices ».

C’est ce qui explique aussi le choix du thème «les femmes nourrissent le monde» pour la journée

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mondiale de l’alimentation de 1998. Selon Musutu L.

(2006), le rôle de la femme dans le secteur informel de survie ou de subsistance en République Démo- cratique du Congo est plus visible en milieu urbain qu’en milieu rural car, ici, la femme consacre la plus grande partie de son temps à la pratique des activi- tés agricoles. « Il semble même que c’est la femme qui a inventé l’agriculture » (Ngoma-Binda P. 1999 : 51, cité par Musutu, idem). En plus de ces activités agricoles, la femme rurale s’occupe de l’économie domestique en préparant les aliments nécessaires à la réfection des énergies de toute la famille et en s’occupant de la propreté et de l’éducation des en- fants et de la maison.

Dans tout le Togo, l’agriculture est l’activité économique principale et les possibilités d’activi- tés économiques non agricoles sont extrêmement réduites dans les zones rurales. C’est pourquoi le déplacement domicile-champ est quotidien et il est impossible de séparer les activités champêtres de celles relevant des besoins domestiques de la famille.

Bien qu’étant un lieu de travail, le champ représente pour la femme la source de prélèvement des besoins quotidiens tel que le bois et les condiments et elle doit s’y rendre tous les jours même les jours de repos. De ce point de vue, il y a une inégalité entre la mobilité masculine et féminine liée à la double casquette que porte la femme puisqu’elle doit cultiver et s’occuper des tâches ménagères. Pour aller au champ, les hommes font autant que les femmes, les mêmes dis- tances qui varient selon les milieux. Mais à la fin des travaux, les femmes doivent faire des déplacements supplémentaires autour du champ ou même au-delà pour assurer le nécessaire du repas du soir. Dans plusieurs familles, certaines femmes apparaissent comme de véritables alliées pour leur mari et pour la famille parce qu’elles font pratiquement tout surtout quand le mari a migré vers le sud-Togo3. En tant qu’épouse, la femme doit accomplir dans le champ de son mari certains travaux tels que semer, planter, repiquer, désherber, récolter, transporter du fumier et des récoltes, s’occuper des conditionnements. Le traitement des récoltes exécuté selon les techniques traditionnelles, est le plus fastidieux et comporte plusieurs phases telles que le battage, le vannage, l’épluchage, le râpage, le tamisage et la mouture.

La conservation des produits alimentaires se fait par les séchages au soleil pour les produits tels que les 3- A cause de l’indisponibilité et de la pauvreté des sols au nord, plusieurs chefs de ménage décident de migrer vers le sud où les sols sont riches. Ils retrouvent leur famille au bercail après les récoltes et repartirons à la nouvelle saison des cultures.

céréales, l’arachide, les légumes, etc. Elles doivent soigner les petits animaux domestiques et s’occuper de la volaille. Dans tous les cas, c’est aux femmes qu’incombe le soin de préparer la nourriture dont la famille a besoin. Elles sont aussi obligées d’exercer des activités parallèles en cultivant des légumes, de petits champs et en s’adonnant à l’élevage de la vo- laille pour diversifier leurs revenus. Elles contribuent à hauteur de 60 % au total des heures humaines consacrées aux activités agricoles, artisanales et domestiques. Le pourcentage est de 25 % pour les hommes et de 15 % pour les enfants. Dans plusieurs localités où la dégradation de l’environnement est très avancée comme à Kara, les femmes, même en- ceintes, peuvent consacrer jusqu’à 8 heures par jour pour trouver du bois, chercher de l’eau et préparer la nourriture. Certaines cultivent leur propre champ de coton à côté du champ de leur mari. D’autres encore pratiquent de petites activités commerciales pour se procurer un peu plus d’argent. Parmi ces activités, on peut signaler la fabrication du savon traditionnel dans la Région de la Kara, la poterie, la fabrication du charbon et de la bière locale dans les deux régions, la fabrication du gari à fort coefficient de main d’œuvre dans la préfecture d’Assoli. L’extraction de l’huile de palme et celle de palmiste, la fabrication du beurre de karité, la fabrication des savons traditionnels et l’arti- sanat rural sous toute sa forme sont autant de tâches spécialisées des femmes qui contribuent directement à la consommation ou au revenu du ménage.

Ces nombreuses tâches agricoles exténuantes fatiguent doublement les femmes dans la mesure où elles doivent s’occuper exclusivement des activités ménagères qui imposent de longues distances qu’el- les parcourent quotidiennement à pieds.

Les activités ménagères engagent les mobilités domestiques, nécessaires au bon fonctionnement familial, que la femme doit exécuter tous les jours.

La mobilité quotidienne en milieu rural répond avant tout aux besoins d’une économie de subsistance. De fait, les activités domestiques sont à l’origine d’une très grande proportion de déplacements des ména- ges, essentiellement pour le transport de l’eau et du bois de chauffe. Les autres déplacements sont liés à l’activité agricole : rejoindre les champs cultivés, apporter les intrants quand il y en a, et acheminer les récoltes pour les commercialiser sur les marchés.

Force est de constater que ce sont les femmes qui supportent généralement l’activité de transport. Tra- ditionnellement, dans les sociétés ouest-africaines, le statut social de la femme demeure largement influencé par sa fonction de reproduction : fécon- dité, mariage et famille. En plus de la responsabilité

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d’enfanter et d’élever les enfants, elles assument les tâches domestiques à savoir le ramassage du bois de chauffe, la corvée d’eau, la préparation et la cuisson des repas, le traitement et le stockage des aliments, les soins des enfants, le nettoyage et le lavage, les achats et les courses.

Bref, les femmes assurent tous les soins aux en- fants tels que l’alimentation, les toilettes, l’habillement et la garde. La préparation de la nourriture destinée à la famille est essentiellement leur responsabilité.

Dans toutes les préfectures du Togo, les femmes rurales doivent préparer du repas de midi à transpor- ter au champ, quand il n’y a pas des ignames et du manioc à fumer sur place. De même, la préparation du repas du soir à la maison leur incombe. Dans les préfectures de la Kéran, de Bassar et de la Kozah, les femmes sont tenues de consacrer près de 3 heures par semaine pour piler le fonio ou le riz, pour battre et vanner le mil ou le sorgho, pour préparer la bière locale etc. Ces activités domestiques très capitales pour la vie quotidienne des membres de la famille sont consommatrices de temps et d’énergie humaine parce qu’elles sont pratiquées selon des techniques rudimentaires très pénibles.

La quasi-totalité des mobilités induites par ces activités leur incombe directement et cette population féminine prend à sa charge les deux tiers du temps consacré au transport. Une étude réalisée dans cinq zones rurales différentes en Afrique subsaharienne montre qu’une femme peut consacrer en moyenne pour ses déplacements entre une heure et 2 heures 40 minutes par jour (Allaire J., 2008 : 128). Selon le

même auteur, près du quart de la journée de travail des villageoises est dédié aux déplacements et aux transports dans certaines régions et l’effort réalisé équivaut à porter une charge de 20 kg sur une distance de 1,4 à 5,3 km sans compter les enfants portés sur le dos. Les mêmes scènes de vie sont omniprésentes dans l’espace rural togolais avec des chiffres révélateurs.

Dans la troisième partie consacrée à la situation de la zone d’étude, nous allons analyser la marche qui apparaît comme le seul moyen de mobilité adapté localement aux pratiques spatiales féminines.

3- LA MARCHE, LE SEUL MOYEN DE MOBILITÉ ADAPTÉ LOCALEMENT AUX PRATIQUES SPATIALES FÉMININES Les services de transport desservent certes les chefs-lieux de préfecture, mais ils sont loin de satis- faire les besoins de mobilité des populations rurales.

Les liaisons inter villageoises restent donc difficiles et la femme est la première à supporter les fardeaux.

L’usage des transports en commun, même quand ils existent, est rendu difficile par l’enclavement des villages et hameaux. Presque tous les déplacements des femmes se font pratiquement à pied. Comme le montre le tableau du réseau routier ci-après, les régions du Togo sont mal loties en infrastructures de transport rural alors que l’accessibilité d’une région se mesure essentiellement en termes de nombre de kilomètres de routes existant dans la région.

Tableau I : Répartitions de l’état des routes dans les 5 régions du Togo

Répartition régionale des routes du Togo (en km)

Maritime Plateaux Central Kara Savanes Total

Routes nationales revêtues 373,70 527,70 249 300 183 1633,40

Routes nationales non

revêtues 267,60 337,60 173 375,90 285,60 1439,70

Pistes rurales classées 209 180 171,80 309,30 22 892,10

Pistes rurales non classées 254 2050,80 678,10 439,40 517,65 3939,95

Total 1104,3 3096,10 1271,90 1424,6 1008,25 7905,15

Source : Direction des routes, 2002

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Il ressort du tableau que le réseau routier est inégalement réparti entre les régions. La Région Maritime et la Région des Plateaux, d’une superficie de 22588 km2, soit seulement 39,91 % du territoire, occupent à elles seules 53,13 % du réseau. Par contre, seulement 3704,75 km de routes soit 46,87

% du réseau sillonnent le reste du pays dont la superficie est de 34012 km2, soit plus de 60 % du territoire. Selon le tableau, quatre types de routes se distinguent : les routes nationales revêtues, les routes nationales non revêtues, les pistes rurales classées et les pistes rurales non classées. Que ce soit l’un ou l’autre type, on a aussi réparti l’état du réseau routier du Togo selon la qualité en 3 catégories: le mauvais état, l’état moyen et le bon état. Les pistes rurales non classées sont les plus nombreuses au Togo et se chiffrent à 3939,95 km, soit 59,85 % de l’ensemble du réseau routier contre 892,10 km de pistes rurales classées, soit 9 %. Ces pistes rurales non classées très sollicitées par les paysans au Togo sont en mauvais état à près de 63 % contre 32

% en état moyen et 5 % en bon état (Direction des transports, 2002). Dans presque toutes les zones rurales des régions d’étude, il n’y a pas d’alternative au portage et à la marche. La plus grande partie des besoins de transport au niveau villageois se font en dehors des routes conventionnelles, en général sur des sentiers, des pistes et traces sommaires.

Les déplacements sont principalement effectués pour des besoins de subsistance comme l’eau, la recherche du bois de chauffe, la production ou la commercialisation des produits agricoles. La plupart de ces déplacements se font à pied avec une charge disproportionnée pour la femme. L’utilisation des moyens intermédiaires de transport est rare alors que la charrette et la bicyclette constituent une voie pour la promotion des activités des femmes et des jeunes. Dans un contexte où le taux de possession de véhicule est bas et l’usage des camions souvent non viable, les villages ne sont desservis que par intermittence les jours de marché par les transports motorisés. Les distances parcourues pour vendre et pour accéder aux services dans les petites villes sont longues mais se pratiquent généralement à pied sans un moyen de transport. Certes, les bicyclettes et quelques rares motocyclettes sont utilisées. Mais aucun village de la région de la Kara n’utilise la charrette à traction animale alors qu’elle connaît du succès dans la région des savanes certainement

à cause de la proximité avec le Burkina Faso où la pratique est rependue. Le Burkina Faso est très en avance par rapport aux autres pays d’Afrique en ce qui concerne l’utilisation des moyens intermédiai- res de transport. Environ 67 à 87% des ménages possèdent une bicyclette (contre 13 à 21% dans les autres pays), 15 à 31% une mobylette et 20 et 47%

une charrette à âne (BARWELL I., 1996).

Dans plusieurs préfectures telles que Guérin Kouka, Mandouri, Tone, l’absence où l’inefficacité des infrastructures routières isolent de nombreux villages et zones rurales ou les rendent inaccessibles pendant la saison des pluies. Même les pistes d’accès qui doivent servir essentiellement à apporter les services sociaux dans les chefs-lieux de cantons et quelques gros villages sont absentes. Des localités comme Djarakpanga, Tindjassé, Séïboudè et d’autres ha- meaux de la plaine de Mô déconnectés du reste du pays à cause du mauvais état des pistes et de la chaîne de montagne de Fazao sont comme enfermés sur elles-mêmes faute de véhicules. Pour leur survie, les populations sont obligées de se tourner vers le Ghana plus proche à l’ouest pour vendre les produits agricoles. C’est dire que le mauvais état des pistes rurales et l’enclavement des villages exacerbent la pauvreté des populations et c’est la femme qui en pâtit le plus. La femme rurale togolaise doit beaucoup marcher parce qu’elle est souvent exclue de l’usage de mode de déplacement par le fait que son revenu ne lui permet pas d’acheter une bicyclette ou une motocyclette qui sont l’apanage des hommes.

Le recours à la marche et au portage sont les deux possibilités qui s’offrent à elles pour réaliser leurs acti- vités champêtres et domestiques. Elles sont condam- nées à marcher pour tous leurs déplacements. Les trajets quotidiens permettent d’articuler une activité à une autre, un rôle social à un autre, une image de soi à une autre, par le simple fait qu’ils font la jonction entre les lieux distants les uns des autres, assurant l’anonymat des individus (Coutras J., 2005 : 96). Ils sont un moyen par lequel aussi bien l’homme que la femme, accèdent aux ressources et services.

L’analyse de la mobilité des femmes rurales to- golaises repose en bonne partie sur la connaissance statistique des déplacements et de leurs caractéris- tiques et plus particulièrement sur la distance et la durée, qui traduisent l’inscription des femmes dans l’espace ou, plus concrètement, leur territoire d’ac-

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tivité. A travers l’enquête, nous avons pu produire des données sur les distances et les durées des déplacements pour les différentes activités. L’ac- croissement des déplacements féminins dans les zones rurales est celui des déplacements quotidiens de travail champêtre et de recherche des revenus pour compléter les gains insuffisants de l’homme.

Mais les mobilités domestiques qui répondent à la recherche des besoins de la famille dominent dans la vie de chaque jour de la femme malheureusement pénalisée par le déficit de l’offre de transport. Il faut reconnaître que le nombre de déplacements par personne n’est pas le même pour les deux sexes à cause des innombrables activités féminines do- mestiques. Selon les enquêtes, ils représentent en moyenne 4 déplacements par jour par femme alors qu’ils sont de 2 pour les hommes qui ont le privilège d’utiliser les bicyclettes. Les femmes ont des durées de déplacement par jour à pied, tous motifs confon- dus, supérieures à celles des hommes. Le bois de feu et d’autres combustibles ménagers doivent être ramassés dans des endroits éloignés de la maison à des distances qui varient de 1 à 10 km selon qu’on soit dans un petit ou un grand village. Aller chercher de l’eau prend beaucoup de temps et le chemin à parcourir pour la porter est souvent très long surtout dans certains villages perdus de Bassar, de Kantè et des Savanes où il n’y a pas encore de forages. Le temps moyen d’accès à la source d’eau la plus pro- che est de 29 minutes dans la région de la Kara et de 39 minutes dans la région des Savanes (voir tableau 5). Même en saison pluvieuse où l’eau de pluie est d’accès facile, les moyens d’en faire des réserves en quantité suffisantes dans de bonnes conditions hygiéniques font généralement défaut. Certes, un vaste programme d’hydraulique villageoise est en cours dans tous les villages mais il est loin de couvrir toutes les localités et hameaux reculés.

Il apparaît que faute d’infrastructures de commu- nication, la marche est le principal moyen qui s’offre aux femmes rurales pour réaliser leurs activités champêtres et domestiques. Nous montrerons dans la partie ci-après qu’au-delà de la marche, le portage est, dans ces conditions, la seule possibilité pour les femmes de pouvoir s’approvisionner et de subvenir au besoin de la famille.

4- UNE VIE QUOTIDIENNE DES FEMMES DOMINÉE PAR LE PORTAGE SUR DE LONGUES DISTANCES

La vie quotidienne de la femme en milieu rural en Afrique en général est faite de la marche et surtout des lourdes charges qu’elle doit porter. Ce schéma très présent au Togo est d’autant plus émouvant que les femmes non seulement portent leur fardeau sur la tête mais aussi leur bébé sur le dos pour aller au champ, au marché et au marigot. La charge totale que les femmes des villages togolais portent au cours d’une année est trois à cinq fois plus importante que celle portée par les hommes. Le bois de chauffe et le charbon de bois tiennent une grande place dans le système énergétique et dans la recherche des revenus additionnels. C’est pourquoi leur transport occupe une place de choix dans le portage quotidien observé le long des routes comme l’indiquent les deux photos-ci-après :

Photos 1 et 2 : Du charbon et du bois de chauffage transportés sur les têtes vers le marché

Source : Enquête de terrain, photos prises à Awan- djélo et à Abouda en 2011

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Ces images prises dans la région de la Kara représentent les scènes quotidiennes des femmes rurales qui doivent se rendre chaque deux jour dans la ville de Kara. Après avoir marché sur une distance de 8 à 20 km, elles arrivent au marché urbain avec du charbon, du bois, du maïs, et différents produits champêtre transportés sur les têtes, sans oublier les

bébés qu’elles portent. Attacher son bébé au dos avant de s’occuper de ses activités est un exercice coutumier répandu partout, en témoignent les photos ci-dessus où près de 70% des femmes en route ont un bébé au dos. Les tableaux ci-après nous donnent une idée du rôle du portage dans le quotidien de la femme rurale sur des distances importantes.

Tableau II : Part du portage dans le transport des récoltes et intrants

Moyen de transport Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulé

Portage 295 81,9 83,1

Charette 43 11,9 95,2

Taxi-moto 8 2,2 97,5

Location de voiture 9 2,5 100,0

Total 355 98,6

Source : Nos enquêtes de terrain, 2010

Tableau III : Part du portage dans le Transport du bois de chauffe

Moyen de transport Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulé

Portage 328 91,1 91,1

Charette 25 6,9 98,1

Vélo 7 1,9 100,0

Total 360 100,0

Source : Nos enquêtes de terrain, 2010

Tableau IV : Part du portage dans le Transport de l’eau

Moyen de transport Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulé

Portage 355 98,6 98,6

Charette 5 1,4 100,0

Total 360 100,0

Source : Nos enquêtes de terrain, 2010

De l’analyse des trois tableaux, il apparaît que le portage est le principal mode de transport des femmes en milieu rural. 98,6% des femmes trans- portent l’eau alors que 91,1% transportent le bois de chauffage. L’usage des charrettes, des motocyclettes et des véhicules loués est possible pour le transport des récoltes plus lourdes ; ce qui fait que la proportion du portage à ce niveau représente 81% des moyens de transport. Indépendamment de leur volonté, ce choix de transporter les bagages s’explique par la

pauvreté des femmes qui ne leur permet pas d’avoir d’autres alternatives de transport moderne. Cette thèse se confirme par le fait que 83% des femmes ont mis en cause la pauvreté alors que c’est seulement 12 % qui ont évoqué le problème de l’enclavement comme facteur limitant l’accessibilité de leur localité et l’usage des véhicules. C’est vrai que dans la Ré- gion des Savanes, il y a un léger soulagement des femmes à cause de l’utilisation des charrettes et de la bicyclette, mais ce n’est pas le cas de la Région

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de la Kara et des autres régions du pays où l’usage féminin de la bicyclette n’est pas encore d’actualité à cause de son inconvenance. Les raisons psycholo- giques relatives à une tenue décente sont évoquées à 5 % parce qu’au Togo, les femmes ont une sacrée habitude de nouer le pagne, le port du pantalon étant réservé à l’homme. Dans tous les cas, cette raison sociologique est peu convaincante dans la mesure où il n’y a pas de vélos à la disposition des femmes et celles qui en voudraient n’ont pas de moyens pour

s’en procurer. En dehors du problème de transport des récoltes, le plus éprouvant pour les femmes est le transport de l’eau qu’elles doivent chercher très loin des villages.

Pour la recherche d’eau au Togo, les communau- tés qui connaissent le problème de l’éloignement de la source d’eau sont en grande majorité présentes dans les régions des Savanes et de la Kara comme l’indique le tableau ci-après.

Tableau V : Durée par rapport à la source d’eau au Togo en 2006

Région/

Résidence

Temps pour s’y rendre et prendre de l’eau à boire Durée moyenne d’accès à la source d’eau en

minutes Eau à

domicile

Moins de 15 minutes

De 15 à 30 minutes

De 30 min à 1

heure

De 1 heure

ou plus Ne sait pas total Lomé

Commune 24,3 54,9 15,5 3,7 1,3 0,3 100 11,4

Maritime 25 37,5 17,3 11,9 7,7 0,6 100 21,7

Plateaux 12,2 26 28,1 23,7 9,6 0,3 100 21,7

Centrale 16,6 21,1 30,9 25 6,2 0,2 100 26,6

Kara 7,2 31,7 24 24,3 12,6 0,3 100 28,7

Savanes 5,2 24,6 23,6 25 21,5 0,2 100 38,7

Urbain 24 50 17,2 5,8 2,2 0,5 100 13,5

Rural 13,8 25,6 24,5 23,3 12,6 0,3 100 29,7

Total 18,1 35,6 21,5 16,1 8,3 0,4 100 23,6

Source : Direction Générale des Statistiques et de la comptabilité Nationale, et Programme des Nations Unies pour le Développement, 2007

Les données de ce tableau se rapportant en aller- retour de la maison à la source d’approvisionnement, montrent de faibles taux de 5,2% des ménages des Savanes et 7,2 % des ménages de la Kara qui ont leur source d’approvisionnement en eau de boisson surplace. Pour 25% des ménages dans les Savanes et 24,3% des ménages dans la Kara, il faut consa- crer entre 30 minutes et une heure à cette tâche.

21,6% des femmes passent plus d’une heure de temps dans les Savanes contre 12,6% dans la Kara pour transporter de l’eau potable. A l’exception des ménages qui ont de l’eau sur place, le temps moyen pour se rendre à la source d’approvisionnement est de 39 minutes dans les Savanes, 29 minutes dans la Kara, contre 27 minutes dans la Région Centrale et 21 minutes dans la Région Maritime (DGCN, PNUD, 2007).

Selon nos enquêtes de terrain, les femmes esti- ment que la situation s’est considérablement amé- liorée dans la mesure où plus de 90 % ont déclaré parcourir aujourd’hui moins de 3 km à cause des efforts de forage qui se font partout alors que 20 ans auparavant, ce taux était en-dessous de 50%.

De plus en plus, certains hommes gentils peuvent se charger des corvées d’eau ou de transport de bois à bicyclette lorsque les femmes indisposées ou malades le leur réclament. La pénibilité du portage de l’eau est accentuée lorsque la localité est située dans une zone à relief accidenté. Dans les villages situés sur des hauteurs et sur les plateaux, les points d’eau sont localisés dans des vallées plus ou moins encaissées. Dans ces conditions, les femmes par- courent non seulement de longues distances, mais aussi remontent de fortes pentes avec des enfants

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sur le dos et la bassine sur la tête. En saison des pluies, les pistes sont glissantes et les risques d’acci- dents élevés. C’est pourquoi la corvée d’eau est une tâche physiquement pénible qui n’est pas spécifique aux femmes togolaises. En Afrique de l’Ouest, il est démontré que les ménagères peuvent parcourir 10 km pour 60 litres d’eau (Femmes-Eau-Développe- ment, 2005 : 12). Dans le Pool au Congo, les femmes parcourent 30 km en aller et retour pour puiser et ramener 25 à 30 litres d’eau et la pénibilité du portage dépend de la distance à parcourir et de la topographie du terrain (Ofouémé-Berton Y., 2010 : 5).

Les femmes au village se déplacent pour aller non seulement au marché et au champ mais aussi au moulin, pour rendre visite à un parent, à un ami ou se rendre dans un centre de santé. Les dispensaires

se situent généralement dans les chefs-lieux de can- tons ou de village, ce qui explique leur éloignement et de longs parcours des femmes en cas de maladie d’un enfant ou pour des consultations prénatales.

L’acheminement d’urgence d’un malade, d’un blessé ou d’une femme enceinte se fait parfois sur plusieurs dizaines de kilomètres vers les services de santé avec les risques de mortalité terriblement élevés pour les personnes transportées. C’est surtout sur la route des champs et des marchés plus éloignés que le portage fatigue à cause de la lourdeur des produits transportés par rapport à l’eau. Ce tableau ci-après est une illustration des longues distances que les femmes parcourent à pieds pour se rendre dans les marchés avec toutes les formes de mar- chandise sur la tête.

Tableau VI : Croisement de la distance parcourue pour aller au marché et le mode de transport (en valeur absolue)

Distance en Km Portage Vélo Charette Taxi-moto Taxi brousse Total

Moins de 1 km 8 0 1 0 1 10

1 à 3 km 108 11 15 8 1 143

3 à 6 km 68 6 8 5 5 92

6 à 9 km 22 3 1 5 6 37

9 à 12 km 17 2 1 6 5 31

Plus de 12 km 38 1 1 3 4 47

TOTAL 260 23 27 27 22 360

Source : Enquêtes de terrain, 2010

Il est clair, selon ce tableau, que sur l’ensemble des 360 femmes échantillonnées, 260, soit 72,22%

se rendent à pieds dans les marchés avec des marchandises sur la tête, quelles que soient les dis- tances. De façon globale, les distances que doivent parcourir les femmes peuvent varier en fonction des activités et des préfectures. Pour une journée ordinaire, on peut évaluer les distances moyennes à parcourir par la femme de la manière suivante : recherche de l’eau au puits ou dans la rivière: entre 5 00 m et 8 km, marché : entre 1 et 15 km, champ : entre 2 et 10 km. En calculant les distances allers et retours, on arrive à une estimation moyenne située entre 10 et 30 km parcourus par jour. Toutes ces distances sont parcourues à pied, et pratiquement toutes les activités concernées impliquent le port sur la tête de charges plus ou moins lourdes. La femme

doit donc marcher en permanence, transportant constamment des charges sur la tête, même en état de grossesse ou lorsqu’elle porte un enfant au dos (photos 2 et 3). Pendant ce temps, lorsque la famille dispose d’une bicyclette, ce moyen de transport est exclusivement utilisé par l’homme.

Les scènes hebdomadaires sur les routes et les chemins des marchés sont les mêmes dans tous les villages. Fagots de bois ou sac de charbon al- longé sur une bassine, sac de maïs, du sorgho, de l’arachide posé sur une bassine, des ignames soi- gneusement rangées dans la bassine, etc. sont des charges multiformes des femmes qui se déplacent souvent en convoi à la queue leu leu empruntant des sentiers qui font office de raccourcis comme la photo ci-après.

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Photo 3 : Des femmes à la queue leu leu transportant des céréales vers le marché

Source : Enquête de terrain, photo prise à Awandjélo en 2011

De pareilles longues files s’observent surtout les jours de marché dans toutes les régions. Des escales se font pour se reposer et généralement, à l’approche du marché, elles échangent les habits qui ont été mouillés soit par la sueur soit par la rosée ou la pluie durant le parcourt. Les produits vendus appartiennent en grande partie aux hommes qui ar- rivent au marché autour de midi à bicyclette, à moto ou à voiture pour récupérer l’argent. On ne laissera à la femme que quelques miettes qui suffisent à peine pour l’achat du sel, de la potasse, du pétrole et de tous les produits manufacturés. Les femmes ne bénéficie pas directement de cet argent et seule la vente de quelques produits subtilisés ou provenant de leur propre champ et de leur volaille pourront leur permettre de faire quelques achats personnels.

Tout compte fait, la situation de la femme en milieu rural togolais est paradoxale. Alors que c’est elle qui contribue activement au processus de déve- loppement du ménage et aux besoins de la famille directement ou indirectement, elle est malheureu- sement défavorisée dans l’usage des moyens de transport moderne. Elle doit marcher chaque jour sur de grandes distances et on se demande comment son développement et son épanouissement pourront être possible s’il faut toujours transporter et marcher pour réaliser toutes les activités. C’est pourquoi nous proposerons dans la conclusion quelques approches de solutions à explorer et à inscrire dans un schéma

de sortie de la pauvreté pour réduire la marche et le portage.

CONCLUSION

L’article a analysé les activités quotidiennes fé- minines partagées entre les travaux champêtres et les obligations domestiques. Il a montré en quoi les femmes rurales togolaises en général et du Nord Togo en particulier luttent pour la survie et le dévelop- pement des familles. En plus de leur rôle traditionnel d’épouse, de mère, de ménagère, de gardienne et d’éducatrice des enfants, elles sont devenues des actrices économiques incontournables dans la sub- sistance des ménages par la pratique de l’agriculture, de l’artisanat et du petit commerce.

Face à la pauvreté et à l’inefficacité des infrastruc- tures de communication dans un pays où les pistes rurales sont dégradées et impraticables surtout en saison des pluies, la marche apparaît comme princi- pal moyen de transport qui s’offre aux femmes togo- laises pour la réalisation de leurs activités aussi bien champêtres que domestiques. Elles sont obligées de se déplacer à pied tout le temps sur de longues distances. L’étude a montré qu’elles assument la plus grande part des corvées de portage liées à des activités domestiques et champêtres. Ces corvées sont particulièrement longues et pénibles, l’eau, le bois et les céréales étant le plus souvent transportés sur la tête. Au regard du fonctionnement de la mobilité spatiale sexuée en milieu rural, le succès de toute orientation de développement visant à réduire la pauvreté à court terme et à l’éradiquer à long terme doit passer par l’intégration de la dimension féminine qui prend en compte la nature des inégalités selon le genre mais surtout trouver une solution adéquate au problème de la mobilité quotidienne de la femme au village. Cette solution s’inscrit bien dans les stra- tégies de lutte contre la pauvreté suggérées dans le Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté et cadre avec le concept de l’autonomisation des femmes (DRSP, 2009).

Dans l’ensemble des régions togolaises, il ap- parait que la mobilité spatiale en milieu rural met en évidence de fortes inégalités entre les hommes et les femmes en termes d’accès aux moyens de transport et même de biens. Il est plus que nécessaire de trou- ver une solution à la mobilité quotidienne adaptée à l’environnement de la femme pour la sortir de cette

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situation. L’Etat doit faire du transport et de la mobi- lité féminine une priorité dans les zones rurales en favorisant autant que possible l’accès aux moyens de transport intermédiaires et en réduisant l’inégalité d’accès aux transports entre hommes et femmes.

Pour ce faire, il est utile de mener une étude sérieuse permettant de comprendre les facteurs limitatifs ou favorables à l’accès des femmes à ces moyens de transports intermédiaires dont les coûts d’utilisation sont moindres. Trois solutions sont possibles à cet effet à savoir l’usage des bicyclettes, les tractions animales et l’appui à l’usage des motocycles.

La bicyclette est le moyen de transport le moins cher et le plus flexible déjà utilisé par les femmes moba dans la Région des Savanes qu’il faut vulga- riser. La bicyclette ne requiert pas d’infrastructures complexes mais circule mieux sur des terrains plus ou moins plats. Dans certains pays comme le Burkina Faso, elle joue déjà un rôle important pour les acti- vités économiques et sociales et cette solution peut être expérimentée au Togo. Les bicyclettes équipées de remorques permettent d’accroître le poids et le volume des charges qu’une femme peut rouler en toute sécurité. Elles peuvent être aussi équipées de side-car et servir au transport de voyageurs et de marchandises comme cela se passe déjà dans certains pays asiatiques et africains.

La deuxième solution est la traction animale très peu pratiquée au Togo alors qu’elle est courante et se développe dans de nombreuses parties du monde, notamment au Burkina Faso à côté. La charrette est probablement le moyen de transport le plus typique des transports agricoles que les femmes togolaises peuvent adopter. En général, différents animaux peuvent être utilisés pour porter et tirer des charrettes et il est possible au Togo d’utiliser les animaux tels que les bœufs, les chevaux et les ânes qu’on pourra facilement acheter au Burkina Faso à un bon prix.

Nous pensons que les moyens de transport à traction animale conviennent le mieux à la situation écono- mique des ruraux togolais car les charrettes peuvent transporter de lourdes charges entre les champs et le village et entre les maisons et les marchés, même lorsque les sentiers sont difficilement praticables.

Enfin, les motocycles sont chers au regard des revenus des populations rurales mais, ce sont des moyens de transport rapides, flexibles et moins oné- reux que l’automobile. Vu le niveau de développe-

ment des taxis-motos en milieu rural actuellement, on peut augmenter la capacité de charge d’un motocycle en lui ajoutant un side-car ou une remorque. On peut aussi les adapter pour les transformer en véhicules à trois-roues pour le transport des voyageurs et des marchandises.

Ces moyens intermédiaires de transport sont probablement les plus appropriés, les plus pratiques et les plus abordables en milieu rural pour divers services et surtout pour la collecte des récoltes. La fourniture de moyens intermédiaires appropriés dans les zones rurales peut être un élément à même de réduire substantiellement les charges de transport au niveau familial. Comme conséquence, il s’en trouve une amélioration de l’efficacité de la commercialisa- tion des produits agricoles, une incitation à une plus grande production agricole à travers l’accroissement des prix bord champ. La mise en œuvre des solutions proposées pourra entraîner l’allègement des corvées de transport et permettre aux femmes de consacrer plus de temps et d’efforts à des activités productives ou socialement plus bénéfiques. Partant de là, bon nombre d’aspects relatifs aux Objectifs du Millénaire pour le Développement peuvent être réalisés. Non seulement ces moyens de transports intermédiai- res peuvent permettre une amélioration de l’accès aux soins de santé et à l’éducation, mais aussi à la réduction de la pauvreté par l’augmentation du flux des échanges humains et commerciaux à l’échelle rurale. C’est à cette condition que les femmes pour- ront perdre moins de temps et d’énergie dans la mobilité quotidienne et s’engager dans le processus de modernisation de l’agriculture togolaise.

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Références

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