Article
Reference
Étude des matériaux récoltés par M. Henry-F. Montagnier F.R.G.S, au volcan de Chinyero (Tenerife, Canaries) (éruption de novembre
1909)
BRUN, Albert, COLLET, Léon William
BRUN, Albert, COLLET, Léon William. Étude des matériaux récoltés par M. Henry-F.
Montagnier F.R.G.S, au volcan de Chinyero (Tenerife, Canaries) (éruption de novembre 1909).
Archives des sciences physiques et naturelles, 1910, vol. 4e période, t. 29, p. 618-625
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:147591
Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.
1 / 1
ÉTUDE DES MATÉRIAUX
RÉCOLTÉS PAR M. HENRY-F. MONTAGNIER F.R.G.S,
AU
VOLCAN DE CHINYERO (TENERIFE, CANARIES) (éruption de novembre 1909)
PAR
Albert BRUN et Léon-W. COLLET
Les deux dernières éruptions de Ténérife
datent
de1715 pour le volcan de
«Guimar».
et de 1798 pourle volcan de
«Chahorra».
Le 18
novembre
1909, un nouveau volcan le Chi- nyero, se forma dans l'angle occidental de l'île de Té- nérife, sur un plateau à l'altitude de 1500mètres,
à une distance d'environ 8 km. de la côte sud comme dela côte nord et à 17
km.
à l'E.-S.-E. de la Punta de Teno.Le 19
décembre,
M.Henry-F. Montagnier' campaità 300 m. du nouveau volcan pour étudier la morpho-
logie et récolter des matériaux. L'étude de ces maté-
Voir: Léon-\V. Collet et Henry-F. Montagnier. Sur la récente éruption du Chinyero à Ténérife. Archives, 1910, XXIX, p. 422.
Genève. – Et Lucas Fernandez Navarro. Erupcion volcanica del Chinyero, Madrid, 1910.
riaux, qui consistaient en sels et lapillis, nous a con- duit aux résultats suivants
Sels.
Analyse des sels condensés sur les parois
d'une
fu- merolle sise à environ 500 m. des bouches principales,le 21 décembre
1909.
Le 7 décembre,
d'après
M.Perret,
le fond de lafumerolle était encore à la
température
rouge au-delà de 800°. Sels déposés en croûtes blanches, colorés par place en jaune pâle.– L'odeur
dégagée par lesgaz était désagréable et piquante
(pungenl:
M. Mon-tagnier).
Chlorure d'ammonium 79,35
Chlorure ferreux 4,86
Fluorure d'ammonium 9.46 Fluorure de calcium .2<
Fluorure de silicium 3.67 Acide chlorhydrique libre 3,72 Alumine
Manganèse.
ples tracestraces99,27
Propriétés des sels. Us sont intégralement solu-
bles dans
l'eau,
sans résidu. Si on les sublime au con-tact de
l'air
humide, le Fluorure de silicium est décom- posé et des flocons de silice mêlés aux autres sels seforment, qui, eux alors, sont insolubles dans
l'eau.
Nous déduisons de cette expérience que ces sels ont été sublimés au sein
d'un
gaz qui, en tous cas, devait contenir moinsd'eau
quel'atmosphère
dans laquellel'expérience
a été faite et dont le point de saturation était à 9° (pression de la vapeurd'eau
à9°=8,5mm.).
Gaz.
1° Les lapillis récoltés à 400 m. de distance du cône, chauffés dans le vide à
t=\ 000°,
ont donné lesproduits volatils suivants
Salmiac par kg. 8 l/i mg.
Chloruresvolatilisésà la température
explosive par kg. 400 mg.
Quantité de gaz sous
0°760
par kg. 270 cms.Composition centésimale des gaz.
Chlore
libre
22,66Acide chlorhydrique absent
Anh> drique sulfureux 14,66
Anhydrique carbonique 49.33
0x5 de de
carbone.
10,66Azote
et autres. 2,66
99,97
llemarque. Les lapillis privés de ces gaz, puis oxydés à fond, fournissent encore par kg. 466 cm' de gaz, dont la composition centésimale
est:
Anhydride sulfureux 36,64
Anhydride carbonique 63,36 100.00
La totalité des gaz que ce magma est encore capable de fournir après
l'éruption
de 1909 est de270-j-466cm'=736
cm' par kg.2° Lapillis (encore très chauds 280°) récoltés au
sommet du cône,
le
20 décembre~909,
chauffés dansle vide à
L=1000°
ont donnéSalmiac par kg. 35 mg.
Chloruresvolatilisés
explosive.
àlatempérature par kg. 90 mg.Quantité de gaz, sous 760° par kg. 220 cm3.
Composition centésimale des yaN.
Chlore
libre
24,02Acide chlorhydrique absent Anhvdride
sulfureux.
11,60Anhydride carbonique 50,65
Oxyde de
carbone.
;60Azote
etautres.
2,0099,87
Remarque.
Les
résidus de cette première chauffe, oxydés par un courant d'air, fournissent abondammentde
l'anhydride
sulfureux et de l'anhydride carbonique.En les oxydant à fond, on obtient encore par kg.
760
cm'
de gaz contenantAnhydride carbonique 74,5
Anhydride sulfureux 25.5
100,0
Il est assez long, en chauffant dans un courant d'oxy- gène,
d'arriver
à l'oxydationintégrale du carbone rési- duel. Dans une expérience,arrêtée prématurément,
nous n'avons obtenu que 640
cm'
de gaz CO, et SO,par
kg,Sur le
terrain
on remarque que les lapillis complè- tement rubéfiés, donc oxydés à fond, sont restés trèsporeux,
ce qui est difficile àréaliser
dans une expé-rience de laboratoire. Sur le
terrain,
la rubéfaction des lapillis doit se faire à une température voisine de500° à 600°.
Enclaves.
La lave contenait des enclaves d'un basalte noir qui nous a fourni dans le vide les produits volatils sui-
vants
Salmiac par kg. 18 mg.
Chloruresvolatilisés a la température
explosive par kg. 466 mg.
Quantité de gaz, sous 7600 par kg. 356 cms.
Composition C~<M'Utt6[<edes ga~.
Acide chlorhydrique faibles traces Anhydride
carbonique.
80.00 °/oAnhydride sulfureux 5,04 0/0 Oxyde de carbone 7,47 "10
Méthane. <,86<
H\drogène.
5,58 °/°99,95
Températures explosives.
Température explosive des lapillis formant le cône
=
1059°.
Température explosive de la roche compacte des enclaves
=
1076°.Capacité calorifique à l'instant
explosif– 31 gran-
des calories par kilog. de roche.
Hemarque.
–
Il est à noter que cestempératures
sont presque identiques à celles qu'exigent, pour faire
explosion, les laves basaltiques du volcan de Guimar à
l'autre
extrémité de l'île(éruption
de 1715).
Quantité des gaz
à l'instant
del'éruption.
Les
lapillis
du sommet pèsent 450 gr. parlitre,
en adoptant2,39
comme densité du verre, nous dédui- sons que la quantité des gaz émis à l'instant del'érup-
tion a été de 174 cm' par kg.
(760,0°).
Ce chiffre, ajouté aux gaz émis dans le vide(220
cm' parkg.),
nous donne un total de 394 cm3 de gaz susceptibles de
s'échapper
du magmapar
une élévation detempéra- ture
de 1059°.L'explosion paroxysmale a donc eu lieu bien avant que la lave soit épuisée de ses
générateurs.
De plus, si une oxydation par l'atmosphère entre en jeu, le magma peut encore fournir 1760 cm' de
CO, -j- SO,, pourvu que la
température
voulue se maintienne.Ceci montre que l'émanation gazeuse secondaire peut être bien supérieure à celle du paroxysme.
Pétrographie.
Les lapillis sont essentiellement vitreux et ne con- tiennent que de cristaux très petits et en petit nombre.
Pour
séparer
les éléments minéralogiques cristalli- sés, du verre qui les englobe, nous avons faitentrer
dans la pratique, avec succès, le principe géologique posé par l'un de nous (L.-W. Collet)' qui
est: l'atta-
1 Action des acides organiques en géologie. Archives, 1908, t.
XXV, p. 70.
que des silicates par les acides organiques. Le
traite-
ment du magma vitreux basique brut
(c'est-à-dire
nonpulvérisé) par une solution aqueuse chaude d'acide oxalique pur1, nous a permis
d'isoler,
deslapillis
ducône, de très petits cristaux d'une augite légèrement titanifére. Monoclinique avec V1' et
h'
largement déve- loppés, m etg'
plus petits. Coloration pâle légèrement violacée. Les cristaux sont peutransparents,
ils possè-dent des inclusions. Les extinctions sont sur
g'
=35°en moyenne, et sur
h'=0.
A côté de cela l'on isole de petites baguettes sans terminaisons cristallines, très fortement dichroiques
en brun et qui ont été rapportées, avec doute, à une Hornblende ferrifère.
La composition centésimale sommaire de ce verre montre qu'il est très basique et riche en alcalis. Sa
forte teneur en titane et en manganèse, comme le montrent les chiffres ci-dessous, lui donne un caractère
assez particulier. Nous avons trouvé
Si 02 43,4
Ti 02 5,1 °/o
Mn
0 5.2 °/oDans la roche compacte, le feldspath est un Labra- dor basique, sous forme de cristaux.
L'augite, de première consolidation, est le seul mi- néral bien développé.
Cette méthode, très élégante, est vraiment recommandable pour les vitrophyres basaltiques. Elle mérite en tous cas d'être tentée, dans tous les cas, avant d'essayer l'action des acides mi-
néraux. Les acides tartrique et citrique sont aussi très actifs.
43
Conclusions.
La caractéristique du magma du Chinyero est sa richesse en
carbone'.
Il est àremarquer
qu'aussi longtemps que cet élément est présent dans la lave,les silicates ferreux ne peuvent pas être oxydés. Si l'on voulait
admettre,
comme la théorie aqueuse le veut, que l'explosion est due à de la vapeurd'eau,
la présence de ce carbonedémontrerait
en tous cas pé- remptoirement que la quantitéd'eau n'a
pas été suffi- sante pour pouvoir faire avec lui de l'anhydride car- bonique, conformément à l'équation thermique bien connue*.Cette réaction, jointe à celle citée précédemment au sujet du fluorure de silicium, prouve une fois de plus que
l'eau n'est
pour rien dans le phénomène vol- canique à latempérature
de 1059°.A. Brun. Exhalaison volcanique secondaire.Archive.s, 1910, t.
XXIX, p. 99.
2 Gaz à l'eau industriel réaction qui se passe précisément à la température volcanique du Chinyero, 1059°.
ARCHIVES, t. XXIX. Juin 1910.