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La monnaie française depuis la guerre : 1914-1936 : inflation, stabilisation, dévaluation · BabordNum

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(1)

PROFESSEURALAFACULTÉDEDROITDEL'UNIVERSITÉDE PARIS

MONNAIE FRANÇAISE

DEPUIS LA GUEF3E

LIBRAIRIE DU RECUEIL SIREY, PARIS

(2)

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(3)
(4)
(5)

LA

MONNAIE^FRANÇAISE

DEPUIS LA GUERRE 1914-1936

(6)

DU MEME AUTEUR

La Crise du Capitalisme. Un vol. in-8° écu de 201 pages, deuxième édition (avec une préface nouvelle et deux appendices). Librairie du Recueil Sirey, 1936.

Le Corporatisme. Un vol. in-8° écu de 67 pages. Librairie du

Recueil Sirey, 1935.

Nouveaux aspects du Corporatisme. Un vol. in-8° écu de

51 pages. Librairie du Recueil Sirey, 1935.

Doctrines sociales et Science économique. Un vol. in-8° de

204pages. Librairie du Recueil Sirey, 1929.

Léon Duguit et l'Economie politique. Une brochure in-8° de

40pages. Paris, Librairie du RecueilSirey, 1933.

Les Doctrines économiques en France depuis 1870. Un vol.

in-16 de 220 pages. Collection Armand Colin, 3e édition, 1934, avec un appendice sur LesDoctrines devantla Crise

actuelle.

Georges Sorel (1847-1922). Un vol. in-12 de 67 pages. Collec¬

tion «Etudes sur le devenir social », tome XXII. Paris, Rivière, 1927.

L'Utilité marginale. Un vol. in-8° (autographié) de 285 pages.

Editions Domat-Montchrestien, 1932.

Les Théories de l'Equilibre économique. L. Walras et V. Pa-

reto. Un vol. in-8° de 407 pages (autographié). Editions Domat-Montchrestien, 1934.

Les nouveaux Courants de la Théorie économique aux Etats- Unis. Fascicule I. Un vol. in-8° de 303 pages (autogra¬

phié). EditionsDomat-Montchrestien, 1935.

Jean B..., Glanes (Le Monde et la Science. La Vie et la Mort.

Politique et Histoire). Présentation et préface de Gaétan Pirou. Un vol. in-16 de 143 pages. Editions Domat- Montchrestien, 1936.

(7)

j?j?n 05/t I 4285

GAETAN PIROU

PROFESSEURA LAFACULTÉDE DROIT DEL'UNIVERSITÉDE PARIS

LA

MONNAIE FRANÇAISE

DEPUIS LA GUERRE

1914-1936

INFLATION STABILISATION

(8)

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(9)

AVANT-PROPOS

On trouvera ici le texte de trois conférences

données à l'Université Technique de Lisbonne les

30 mars, 31 mars, et Tv avril 1936. Le lecteur voudra bien se souvenir de ces conditions de date et de lieu. Parlant à un auditoire étranger, nous étions obligé, dans la forme, à une présentation

très pédagogique, et, dans le fond, à une certaine

réserve en ce qui concerne l'avenir du franc.

Les changements politiques et sociaux survenus

au cours des dernières semaines ont-ils modifié,

substantiellement les données du problème moné¬

taire telles que nous les avions exposées ?

D'une part, les positions prises pendant la pé¬

riode électorale par les chefs des grands partis, de

la droite à l'extrême gauche, ont traduit l'hostilité générale de l'opinion publique à l'égard de l'éven¬

tualité d'une nouvelle dévaluation. Il est signifi¬

catif que les défenseurs les plus qualifiés de la thèse

dévaluatrice aient connu ou frisé l'échec, et que les premières déclarations faites par M. Léon Blum

sur leprogramme deson gouvernement aient com¬

porté la répudiation expresse de l'amputation du franc.

(10)

LA MONNAIE FRANÇAISE

D'autre part, la victoire des gauches implique

la fin de la politique de déflation et l'abrogation

au moins partielle des décrets-lois Laval. Les me¬

sures économiques et sociales déjà adoptées ou projetées pour l'avenir prochain (semaine de qua¬

rante heures, congés payés, relèvement des salai¬

res) se traduiront par une hausse importante des prix de revient et des prix de vente, en sorte que la disparité entre les prix nationaux et les prix mondiaux, redevenue déjà très sensible à la fin

de 1935 et au début de 1936, vas'accentuer encore dans une large mesure.

Dans ces conditions, il semble probable que la

France s'orientera vers une politique d'économie dirigée, à tendance autarchique et réglementaire,

avec un sévère contrôle des changes et des échan¬

ges. L'expérience étrangère montre qu'une telle politique peut fonctionner pendant une longue période, et qu'elle est susceptible d'apporter au pays qui lapratique une certaine reprise d'activité;

mais il est vraisemblable qu'elle s'accompagnera

d'une inflation (de monnaie ou de crédit) et qu'elle ne pourra se liquider que par une dévalua¬

tion légale.

En somme, les événements paraissent avoir à la fois reculé peut-être l'échéance, et certainement augmenté les chances, de la dévaluation. Ils ont

par ailleurs montré que le problème monétaire ne

se pose pas uniquement en termes techniques. Sur

(11)

AVANT-PROPOS 9 le plan technique, les deux solutions entre les¬

quelles l'option semblait devoir se faire étaient la

déflation et la dévaluation. Chacune d'elles invo¬

quait des arguments sérieux. L'une et l'autre se heurtaient à des impossibilités psychologiques \

Le régime de monnaie bloquée et d'économie fer¬

mée où, sans doute, nous allons entrer, permettra

de mettre un terme à une déflation condamnée par

l'opinion publique sans réaliser, du moins dans le présent, une dévaluation « à froid » également repoussée par elle. Ce serait toutefois se bercer

d'une grande illusion que de croire que l'on résou¬

dra le problème par l'inflation, de quelque ingé¬

nieux camouflage qu'elle se recouvre. Les précé¬

dents de la guerre et de l'après-guerre nous

apprennent, on le verra plus loin, que l'inflation

diffère simplement les difficultés et les sacrifices.

Nous convenons au reste que, en temps de crise

comme en temps de guerre, ce report est parfois

le seul moyen de faire face à une situation qui,

autrement, serait inextricable.

Juin 1936.

1 « Je crois qu'en France la dévaluation ne peut être accep¬

tée par l'opinion publiqueà moins qu'elle ne se produise par accidentouqu'elle nesoitquel'occasion d'une stabilisation. » B. Nogaro, Déclaration à la réunion d'économistes tenue à Anversenjuillet 1935 (Compte rendu des Travaux, p. 139).

(12)

mm

(13)

PREMIÈRE CONFÉRENCE

La monnaie française et la guerre de 1914-1918

Pour faire comprendre en quels termes se pose, à l'heure actuelle, le problème monétaire français,

il est indispensable de retracer les vicissitudes que le franc a connues depuis 1914. Pour une part, en

effet, les difficultés que le monde traverse aujour¬

d'hui sont liées à la liquidation de la guerre et

c'est seulement en remontant aux origines de ces difficultés et en indiquant de quelle manière a été réalisé, en France, le financement des dépenses de

guerre que l'on trouvera le point de départ du fil

dont le déroulement nous conduira ensuite, au

cours des deux conférences qui suivront celle-ci, jusqu'aux données du problème actuel.

Par ailleurs, cefinancement de la guerre ne peut

être expliqué que si l'on a présente à

l'esprit la

structuremonétaire de la France audébut de 1914.

Je m'attacherai donc rappelant à cet égard des

notions qui vous sont sans doute

familières

à brosser, dans la première partie de la conférence d'aujourd'hui, un tableau synthétique

du régime

(14)

FRANÇAISE

monétaire français d'avant-guerre. Ensuite, dans

une seconde partie, nous indiquerons par

quels

procédés la France a fait face à la

situation nouvelle

que la guerre créait.

I

Le régime monétaire français en 1914

A. Lamonnaie métallique

Le trait essentiel du système monétaire de la

France au xixe siècle fut, on le sait, son attache¬

ment au bi-métallisme. La France l'avait adopté

par la loi du 7 germinal an XI.

Elle avait alors

décidé que les pièces d'or et les pièces d'argent auraient, les unes et les autres, les deux attributs

de la monnaie principale : 1° frappe libre ;pou¬

voir libératoire illimité. Par là, le régime français

formait un contraste très net avec le régime an¬

glais qui sans doute comportait, lui aussi, des piè¬

ces d'oret des pièces d'argent, mais quireconnais¬

sait aux seules pièces d'or les attributs de la

monnaie légale, ce que l'on traduisait en disant

que l'Angleterre avait adopté le

mono-métallisme-

or.

Dans la seconde moitié du xix® siècle, il est vrai,

la France à deux reprises avait dû apporter de sé¬

rieuses atténuations au principe bi-métalliste lors-

(15)

INFLATION 13 que des discordances se produisirent entre

le

rap¬

port légal (1 à 15,5) et le rapport

commercial des

deux métaux. En 1865, la France (ainsi que les

autres pays de l'Union Latine), abaissait de

900

millièmes à 835 millièmes le titre des petites pièces d'argent et leur retirait frappe libre et

pouvoir

libératoire illimité. En 1878, la pièce d'argent de

5 francs se voyait, à son tour, privée de la frappe

libre. Néanmoins la France s'était toujours refusée

à seconvertir entièrement au mono-métallisme-or.

Elle restait, par une disposition

fondamentale, liée

au bi-métallisme, puisque la pièce

d'argent de

5 francs conservait le

pouvoir libératoire illimité.

D'oùle nom debi-métallisme incomplet ou encore de bi-métallisme boiteux que l'on donnait au sys¬

tème monétaire français.

B. La monnaie de papier

Elle se présentait sous la forme

de billets de

banque émis par la « Banque

de France

» que

Na¬

poléon créa au début du xixe

siècle, établissement

privé, soumis à un

contrôle

assez

étendu, puisque

c'est l'Etat qui nomme son gouverneuret ses

deux

sous-gouverneurs. A côté de ces

hauts

personna¬

ges, se tient le conseil

de

régence

composé de 15

notabilités dontlaplupartappartiennent au

monde

des affaires. Quant aux actionnaires

ils

ont, eux aussi, voix au chapitre, mais

d'une manière plus

(16)

FRANÇAISE

théorique que réelle, car ils ne peuvent se

faire

entendre qu'à l'assemblée générale qui se tient au début de chaque année, et encore faut-il noter que

ne peuvent pénétrer à cette assemblée que les

deux

cents plus gros actionnaires. La Banque de France

a ainsi une physionomie très particulière : elle

est, en somme une institution intermédiaire entre

la banque privée et la banque d'Etat.

Très caractéristique car on ne la retrouve

dans aucun autre grand pays —- était la réglemen¬

tation de l'émission des billets. On la désignait

sous le nom de règle du plafond. Entendez par

que l'Etat fixait par une loi le chiffre maximum

de billets que la banque pouvait émettre, et que

s'arrêtait son intervention. L'institut d'émission n'était nullement obligé à avoir une couverture correspondant à tout ou partie des billets émis.

Rien de comparable, par conséquent, soit avec le système anglais édicté en 1844 à l'instigation de

Sir Robert Peel et qui astreint la Banque d'Angle¬

terre à une couverture intégrale de son émission

en valeurs d'Etat ou en métal, soit avec le système

allemand qui exigeait de la Reichsbank une cou¬

verture métallique de 40 %. La règle française du plafond avait assurément de grands avantages au

point de vue de l'élasticité. Le système ne risquait

pas de se bloquer en cas de crise, et, s'il en était besoin, la Banque de France obtenait aisément des pouvoirs publics un relèvement du plafond. Fixé

(17)

INFLATION 15 au début, en 1883, à 3 milliards

500 millions, il

avait fait l'objet de rehaussements

successifs à la

fin du xixe et au début du xxe siècle. Lors du der¬

nier renouvellement du privilège de la Banque

de

France, en 1911, ilavait été porté à

6 milliards 800

millions. L'inconvénient du système, par contre,

c'est qu'il n'apportait aucune

garantie réelle

aux

détenteurs debillets, puisque la Banque

de France

aurait pu, sans

enfreindre

son statut,

réduire à

néant son encaisse. En fait, elle

n'avait

pas

usé de

cette latitude. Tout au contraire, elle s'était appli¬

quée à constituer une

réserve métallique très

forte qui, à la veille de la guerre,

dépassait 4 mil¬

liards en or et 500 millions en argent.

G. La monnaie scripturale

Nous rencontrons ici le dernier point de dissem¬

blance, qui n'est pas le

moins important, entre la

France etl'Angleterre. Celle-ci

faisait

un

très large

usage du chèque commemoyen

de régler les tran¬

sactions. Elle parvenait, par le jeu

des virements

et des compensations, à

supprimer

presque com¬

plètement le recours à

la monnaie métallique et à

la monnaie de papier dans les échanges.

Une

en¬

quête menée à la fin

du

xixe

siècle montre

que

déjà

à cemomentplus de 90 % des

transactions s'effec¬

tuaient à l'aide de ce que M. Ansiaux

appelle

ex- pressivement la «

monnaie scripturale

».

En

(18)

16

France, l'usage du chèque

.était infiniment moins

répandu. La

Chambre de Compensation des Ban¬

quiers de

Paris

ne

réglait

par an

qu'une vingtaine

de milliards de francs alors que le « Clearing

House » de Londres dépassait 400

milliards. Il

est

vrai qu'il faut

tenir

compte

aussi d'une sorte de

chèque de virement

appelé mandat

rouge,

dont

se

servaient les clients de la Banque de France.

Mais

il reste que la

monnaie scripturale

ne

jouait

en

France qu'un rôle

secondaire. En conséquence de

cette différence, le billet de banque

tenait

en

France une place beaucoup plus

grande qu'au delà

de la Manche. La circulation de billets dépassait

6 milliards alors qu'en Angleterre

elle

se

tenait

aux environs de un milliard, bien qu'en ce pays l'activité économique fût fort intense.

En résumé : une armature métallique dans la¬

quelle la pièce en argent

de 5 francs

se

tenait

sur

le même plan que les

pièces d'or

une masse importante de billets

qui formait l'instrument

or¬

dinaire des transactions de quelque importance

un usage modéré du chèque,

telles étaient les

ca¬

ractéristiques essentielles du

système monétaire

français d'avant guerre.

(19)

INFLATION 17

II

Le financement de la guerre

La guerre oblige les Etats à engager des dépen¬

ses formidables et immédiates. Pour fixer les idées, indiquons qu'en France, les dépenses deguerre ont atteint 40 milliards par année. Or, si l'on avait posé, dans le premier semestre de 1914, à un fi¬

nancierou à un économiste la question de savoir si

l'Etat pourrait faire face, pendant plusieurs années

à des dépenses de l'ordre de 40 milliards par an, il

aurait été fondé, semble-t-il, à répondre par la négative.

Quels sont, pour un Etat, les moyens de couvrir

ses dépenses? On en aperçoit deux : l'impôt et

l'emprunt.

L'impôt, avant la guerre, fournissait en moyenne un rendement de 4 à 5 midiards, et cette

charge était considérée par les contribuables

comme très lourde. On pouvait envisager que

l'Etat, en raison de la guerre, augmentât les im¬

pôts, mais il ne pouvait les augmenter raisonna¬

blement de plus du double, et encore ce double¬

ment risquait-il d'apparaître comme une charge insupportable.

Quant & l'emprunt, il ne peut pas dépasser en

une année, au maximum, la partie des revenus des

(20)

LA FRANÇAISE

individus non consacrée à leurs dépenses de con¬

sommation. Soit un particulier

qui

gagne

10.000

francs par an et qui affecte à ses

dépenses de

con¬

sommation immédiate 6.000 francs. Le maximum

de ce qu'il peut

fournir

comme

souscription à

l'emprunt est

4.000 francs,

en

supposant qu'il

y

affecte la totalité de ses fonds disponibles. Avant

la guerre, les

statisticiens les plus optimistes éva¬

luaient cette somme disponible à 5 ou

6 milliards

pour la France.

Si nous imaginons donc l'Etat

tirant le maxi¬

mum possible des

impôts

et

des emprunts,

nous

arriverons à une dizaine de milliards, soit le quart

de ce que l'Etat a

effectivement dépensé.

Aussi un certain nombre d'économistes et de

financiers avaient le sentiment que l'Etat ne

serait

pas en mesure

de

supporter

longtemps les charges

d'une grande guerre, en

raison des dépenses

qu'elle

comporterait. Cependant

en

fait, ni la

France, ni aucun des belligérants

n'ont été arrêtés

dans la guerre par des

motifs financiers. Il

y

avait

donc, dans le raisonnement

ci-dessus, à première

vue pertinent, une

faiblesse et

une

lacune.

La vérité c'est que, entous pays,

le financement

de la guerre a été

rendu possible

par

l'inflation.

Mais l'inflation a pris des formes

techniques diffé¬

rentes, suivant qu'il s'est

agi de

pays comme

la

France (dont la circulation

normale est à base de

billets de banque) ou de pays comme

l'Angleterre

(21)

INFLATION 19

(dont les règlements se font normalement par

chèques, virements et compensations).

A. Le financement de la guerre en France

L'instrument initial du financement de laguerre

en France fut le recours de l'Etat à la Banque de

France. Une convention du 30 novembre 1911 avait prévu qu'en cas de mobilisation la Banque

de France ferait à l'Etat une avance de 2.900 mil¬

lions. Cette convention était demeurée secrète. En

juillet 1914, le gouvernement fit savoir à la Ban¬

que de France qu'il en userait le cas échéant : il

eutainsi, grâce à cette avanceinitiale, lapossibilité

de couvrir les dépenses des premières semaines des

hostilités.

En échange de cette avance de la Banque de France, l'Etat prenait, par une loi du 5 août 1914,

deux dispositions :

1. Il édictait le cours forcé du billet de ban¬

que. L'article 3 de la loi du 5 août 1914 était ainsi

conçu : « Jusqu'à ce qu'il en soit décidéautrement

par une loi, la Banque de France est dispensée de l'obligation de rembourser ses billets en espèces. » A partir de cette date (et jusqu'en 1928) le billet

de banque est devenu, en France, du papier-mon¬

naie.

2. L'Etat accordait à la Banque de France

un relèvement du maximum d'émission. Dans le

(22)

20 LA MONNAIE FRANÇAISE

dernier état d'avant guerre, le statut

de la Banque

de France ne l'obligeait, comme nous

l'avons in¬

diqué précédemment,

à

aucune

proportion entre

son encaisse et sa circulation, mais lui

imposait

un chiffre maximum d'émission : 6.800

millions.

La loi de 1914 porta ce chiffre à

12 milliards. Une

série de lois ultérieures relevèrent à nouveau

le

plafond

jusqu'à 41 milliards

en

septembre 1920.

Les avances successives de la Banque de France à

l'Etat dépassaient, à

la fin de 1920, 26.600 mil¬

lions. Nous verrons par la suite ce

qu'il

est

ad¬

venu de l'émission et des avances après 1920.

De ce recours à la Banque de France par

l'Etat,

avec cours forcé et relèvement du plafond, une

première conséquence est

évidente et n'appelle pas

delongs

commentaires. Grâce à

ces avances,

à

ces

liasses de billets à cours forcé remis par la Banque

à l'Etat, celui-ci a pu payer ses

fournisseurs,

ses soldats, etc.

Une deuxième conséquence

moins évidente,

moins immédiate, est peut-être

plus importante

encore. Tous ces fournisseurs de guerre

auxquels

l'Etatremettaitdesbillets debanque

voyaient ainsi

s'augmenter, en

valeur nominale, leurs revenus

et leur fortune. Chaque billet de

100 francs qui

sortait des presses de la Banque

de France et

que

l'Etat remettait en paiement à

l'un de

ses

créan¬

ciers, se trouvait ainsi augmenter

de 100 francs le

revenu de ce particulier.

(23)

INFLATION 21 Il n'y avait pas, en réalité, un

enrichissement

réel des individus. Cet enrichissement n'eût été

possible que si les signes

monétaires plus

nom¬

breux, dont les individus étaient détenteurs, leur

avaient donné le droit d'acheter plus de marchan¬

dises qu'auparavant. Et pour cela,

il

eût

fallu

que le stock de marchandises se fût accru parallèle¬

ment à l'augmentation du nombre des

billets. Il

n'en était rien, au contraire. Les productions nor¬

males étaient diminuées, du fait de lamobilisation

d'une grande quantité de

travailleurs. Ceux qui

n'étaient pas mobilisés devenaient de plus en

plus

producteurs d'instruments de guerre,

lesquels,

par définition, disparaissaient rapidement après

avoir

été produits, tels que les obus et, à un

moindre

degré, les canons, les vêtementset les

équipements

militaires.

Donc, d'une part, le montant des

signes moné¬

taires s'élevait à mesure que la Banque livrait des

billets que l'Etat lançait dans la

circulation,

et,

d'autre part, le stock des

marchandises n'augmen¬

tait pas.

Pour apercevoir les conséquences

inéluctables

de cette situation, prenons une

comparaison, qui

n'est peut-être vraie que sous

certaines réserves,

mais qui fournit une image

commode

:

considé¬

rons le billet de banque comme un bon, donnant

droit à une quote-part dans le stock

global des

marchandises. Ce gonflement des signes

monétaî-

(24)

FRANÇAISE

res, non accompagné d'un gonflement

égal du

stock des marchandises, eut pourrésultat que cha¬

cun de ces bons de 100 francs ne fut plus en me¬

sure que d'acheter une quote-part

de plus

en

plus

réduite du stock de marchandises. Ce qui se

traduisit, enfait, parla hausse généraleet progres¬

sive des prix. Le gonflement des revenus en

valeur

nominale ne s'accompagne donc pas d'un enri¬

chissement réel des individus. Un individu qui avait, avant la guerre, un revenu annuel de

10.000

francs, n'était pas plus riche après la guerre

avec un revenu de 25.000 francs, s'il pouvait

acheter moins de choses avec ces 25.000 francs qu'avec les 10.000 en

1914. Néanmoins,

un gonflement de toutes les

valeurs nominales,

un changement dans l'échelle des

valeurs

et

de l'expression monétaire furent

la résultante

de l'inflation et vinrent rendre faux les calculs

établis avant la guerre. Quand on calculait

que l'impôt

pouvait produire

au

maximum 4 à 5

milliards, et les emprunts d'Etat 5 à

6 milliards,

il s'agissait de valeurs d'avant guerre.

Le jour où

s'est produit un fort gonflement

des

revenus,

les

données du problème ont changé. Les revenus

de¬

venant plus élevés en valeur

nominale, l'Etat

put,

sur ces revenus, prélever par l'impôt et par

l'em¬

prunt des sommes beaucoup

plus fortes.

Lerésultat d'ensemble de l'inflation a donc été : d'abord, résultat direct, de fournir à l'Etat des

(25)

INFLATION 23 ressources, puis 2° résultat indirect, de

modifier

l'échelle des valeurs, d'augmenter en montant no¬

minal les revenus des individus, de permettre à

l'Etat d'opérer des prélèvements

(obligatoires

par l'impôt, ou volontaires par

l'emprunt) atteignant

des chiffres qui auraient semblé

absurdes

dans

l'échelle des valeurs d'avant guerre.

En fait, le souci de rendre la guerre populaire

amena l'Etat à demander peu à l'impôt et beau¬

coup à l'emprunt, surtout sous la forme

spéciale

de l'emprunt à court terme, le Bon de

la Défense

Nationale \

Il s'établit ainsi un circuit. LaBanque de France

remet à l'Etat des billets ; l'Etat les lance dans la

circulation en les donnant à ses créanciers. Puis,

1 Gréé à la fin de 1914 sur l'initiative du ministre des Finances d'alors, M. Alexandre Ribot. le bon de la défense

nationale seprésentait sous la forme d'un titre à court terme

dont l'intérêt était payé d'avance au moment de la souscrip¬

tion. Pour obtenir un bon de 100 francs à trois mois, le souscripteur n'avait pas à verser 100 francs, mais cette

somme diminuée de l'intérêt. Le succès des B.D.N. fut énorme : il semble même avoir dépassé les espérances du

ministre des Finances. Deux catégories de souscripteurs for¬

mèrent la clientèle de ces bons : le public et les banques.

Pour le public, les B.D.N. furent le substitut des dépôts en banque à vue et à court terme substitut avantageux, car le taux d'intérêt des bons était sensiblement supérieur h

l'intérêt très faible que les banques donnent aux dépôts.

Quant aux banques, elles trouvèrent dans les B.D.N. un excellent succédané à l'escompte du papier de commerce qui

avait presque complètement disparu, la plupart des opéra¬

tions commerciales se faisant alors au comptant.

(26)

par les souscriptions aux bons

de la Défense Na¬

tionale, l'Etat reprend une partie de ces

billets. Il

les donne de nouveau à ses fournisseurs en paie¬

ment de leurs créances. Ceux-ci les rendent à nou¬

veau à l'Etat en souscrivant des bons de la Défense Nationale. Grâce à ce mécanisme, l'ensemble for¬

midable des dépenses de guerre a pu être couvert,

en somme, sans difficultés.

Enfin, quatre emprunts de

consolidation

ont permis de transformer une partie

appréciable des

bons de la Défense Nationale en emprunt à long

terme et de reporter dans l'avenir la solution

défi¬

nitive du problème de la liquidation

financière de

la guerre.

B. Comparaison avec le financement

de la

guerre

en Angleterre.

A première vue, il semble que

l'Angleterre

a

couvert ses dépenses de guerre sans

inflation. Sans

doute, dès le début d'août 1914, la Banque d'An¬

gleterre obtint la suspension

de l'Act dé Sir Robert

Peel et lé droit d'émettre des billets au-dessus de

la couverture métallique et de la somme

fatidique

de 19.750.000 livres, mais elle n'usa de cette fa¬

culté que pendant quelques jours:

le 10 août 1914,

elle avait déjà cessé de le faire. Sans doute

aussi,

à côté du billet de la Banque d'Angleterre (et

in¬

tentionnellement distinct pour éviter d'entraîner

(27)

INFLATION 25 le crédit du billet de banque dans des événements aléatoires), les pouvoirs publics décidèrent-ils, le

6 août 1914, la création d'un papier d'Etat, appelé

« currency-notes », en théorie convertibles en or, mais en fait inconvertibles. Ces « currency-notes » étaient destinés à fournir aux banques la monnaie

nécessaire pour répondre aux besoins de leurs clients, puis ils furent utilisés (parce qu'ils étaient

commodes et acceptés du public) par le gouverne¬

ment qui couvrit ainsi une partie de ses dépenses

de guerre. A la fin de 1919, il en circulait pour 356 millions de livres. Mais ce chiffre indique, par

sa modicité relative, que les currency-notes n'ont

pas joué en Angleterre le rôle du billet de la Ban¬

que en France.

De fait, ce n'est pas par une inflation de mon¬

naie, mais par une inflation de crédit que l'Angle¬

terre a couvert ses dépenses de guerre. Le méca¬

nisme de cette inflation de crédit est un peu délicat à exposer, mais il est indispensable d'en

donner une idée sommaire.

Tandis qu'en France, l'instrument essentiel est

le billet de la Banque de France, en Angleterre,

les règlements se font par chèques, virements et compensations. Quand l'Etat britannique eut be¬

soin d'argent pour couvrir ses dépenses de guerre, il s'adressa soit aux banques, soit au public. Aux banques, il demanda l'autorisation de tirer sur elles des chèques. Aux particuliers, il demanda

(28)

FRANÇAISE

de bien vouloir souscrire à ses emprunts. Mais ce n'est pas en monnaie que les souscriptions furent

effectuées. Le client disait à la banque où il avait

un compte en dépôt : « L'Etat me demande de

souscrire à son emprunt; donnez-m'en les moyens;

augmentez le montant de la somme que je puis

tirer sur vous par chèque. » La banque acceptait.

Ainsi lesparticuliers ont pu fournir à l'Etat britan¬

nique l'aide qu'il sollicitait d'eux.

Ces procédés n'étaient-ils pas dangereux?

N'aboutissaient-ils pas à créer des facilités de cré¬

dit ne reposant sur aucune base réelle?

En fait, lés choses s'arrangèrent, précisément

parce que les règlements britanniques se font par virements et compensations, par jeux d'écritures.

Tout s'est soldé, depuis le début jusqu'à la fin, de

cette manière et sans que la Banque d'Angleterre

ait eu besoin d'émettre des billets, puisque les rè¬

glements se faisaient sans monnaie.

Il n'en est pas moins vrai qu'il y avait accrois¬

sement du pouvoir d'achat de l'Etat et des parti¬

culiers, sans accroissement corrélatif des mar¬

chandises. Sinous prenons leterme d'« inflation » dans un sens large, comme il faut le faire pour

englober sous un même terme les choses sembla¬

bles, et que nous considérions qu'il y a inflation

toutes les fois qu'augmentent les disponibilités des individus, sans qu'augmente

parallèlement

le

stock des marchandises, nous sommes obligés de

(29)

inflation 27 dire qu'il y eut, en Angleterre comme en France,

inflation. Un spécialiste des questions monétaires qui a étudié le financement de la guerre en Angle¬

terre, M. Georges-Edgard Bonnet, a calculé qu'en

ce pays, de la fin de 1913 à 1919, le pouvoir

d'achat s'est multiplié par 2,5 alors que la masse des produits avait plutôt diminué.

L'analyse à laquelle nous avons procédé nous

conduit, en somme, à deux conclusions.

1. Dans ses modalités techniques, le finance¬

ment de la guerre s'est fait de manière bien diffé¬

rente en France et en Angleterre. La France a eu

recours surtout à la monnaie de papier, l'Angle¬

terre à la monnaie scripturale. Et cette différence

n'est que la conséquence de la diversité de struc¬

ture que, dès avantla guerre, on pouvaitconstater

entre les deux pays.

2. Sous ces modalités dissemblables se retrouve

au fond la même réalité économique : la création artificielle de pouvoir d'achat. Avec des apparences différentes, c'est, dans l'un et l'autre cas, l'infla¬

tionqui a assuréle financement de la guerre. Sans elle, il n'eût pas étépossible.

Seulement, si l'inflation permet de faire face à

des besoins imprévus et immédiats, elle ne réalise

pas de miracle. Tout au plus recule-t-elle les diffi¬

cultés en reportant la solution définitive à la pé¬

riode d'après guerre. Il a donc fallu, quand la

(30)

MONNAIE FRANÇAISE

guerre fut militairement terminée, songer à la li¬

quider financièrement opération difficile, qui

ne pouvait s'effectuer sans sacrifices. L'équilibre

antérieur entre la monnaie et les marchandises avait été, par l'inflation, rompu. Un nouvel équi¬

libre devait êtreobtenu, mais cela ne s'est pas fait

sansheurts nisansrésistances et, àl'heure actuelle,

alors que vingt années se sont écoulées depuis la

fin de la guerre, on ne peut pas dire encore que

sa liquidation financière soit achevée.

Le lent et long effort qui a été accompli en ce

sens de 1918 à 1928 fera l'objet de notre seconde

conférence. Dans la troisième et dernière, nous

aurons à nous demander en quelle mesure la solu¬

tion intervenue en 1928 peut être considérée

comme définitive.

(31)

DEUXIÈME CONFÉRENCE

Stabilité de lait et stabilisation légale

L'histoire de la monnaie dans le monde, depuis 1914, est comparable à une pièce de théâtre en trois actes. Nous avons parlé hier du premier acte : la guerre, le cours forcé, l'inflation. Il nous faut aujourd'hui aborder le deuxième acte : l'essai de

retour à la stabilité monétaire par le rattachement

à l'or des monnaies que la guerre en avait décro¬

chées. Le troisième acte, sur lequel le rideau n'est

pas encore tombé à l'heure actuelle, fera l'objet

de la conférence de demain.

Au lendemain cle la guerre, il y avait un accord

unanime pour considérer comme un mal l'insta¬

bilité monétaire. On constate donc, en tous pays,

un effort pour mettre un terme à l'inflation, reve¬

nir à la monnaie stable/rétablir entre la monnaie

et l'or le lien rompu en 1914. Mais ce retour à l'or

ne pouvait se faire de la même manière dans tous

les pays. Si l'on assimile l'inflation à une sorte de maladie, le traitement de cette maladie ne pouvait

être obtenu par les mêmes voies suivant qu'elle

avait été légère, grave, mortelle.

(32)

LA MONNAIE FRANÇAISE

L'Angleterre fut considérée à cette époque peut-être d'une manière un peu trop optimiste comme le type des pays qui n'ont connu qu'une

atteinte légère du mal. Onestima donc que le pont

entre la livre et l'or pouvait être reconstruit à l'en¬

droit même où il existait naguère : ce fut la reva¬

lorisation intégrale de la livre sterling réalisée en

1925, et qui devait tenir jusqu'en 1931.

A l'opposé, l'Allemagne, qui avait pratiqué une

hyper-inflation fantastique, fut contrainte à une véritable amputation, relevant de la chirurgie plus

que de la médecine. Elle dut abandonnersonancien mark, trop déprécié pour pouvoir remonter la pente, et créer en 1923-24 une monnaie d'or nou¬

velle.

La France (comme aussi la Belgique et l'Italie), plus durement touchée que l'Angleterre, moins

mortellement frappée que l'Allemagne, se rangea à une solution intermédiaire : celle de la stabilisa¬

tion. On reconstruisit lepont entre lefrancet l'or,

à un niveau sensiblement plus bas que le niveau

antérieur. Cette reconstruction a été effectuée lé¬

galement en 1928. Mais l'œuvre accomplie à cette date ne peut être expliquée que si l'on retrace au¬

paravant l'évolution des idées et des faits au cours des deux années qui ont précédé la stabilisation légale. Je vais donc vous décrire, d'abord, le con¬

flit des doctrines qui s'affrontèrent, dans la presse

techniqueet dans le grand public, à partir de 1926.

(33)

STABILISATION 31

Ensuite, j'exposerai les vicissitudes que le franc

a connues de 1926 à 1928. On verra comment l'évolution de fait a mis finalement un terme à la

controverse de doctrine et incliné la balance du côté de la stabilisation.

I. Le conflit des doctrines

Au cours des années qui ont précédé notre ré¬

forme monétaire s'est déroulée une controverse

qui a mis aux prises les partisans de

deux thèses

opposées : la thèse de la

revalorisation

et

la thèse

de la dévaluation.

Voyons d'abord en quoi

consistait

la thèse

de

la revalorisation et surquels arguments principaux

elle s'appuyait. La France, déclaraient ses

adep¬

tes, doit poursuivre, en matière

monétaire, le

même objectif que la Grande-Bretagne.

Elle doit

essayer de redonner au franc toute sa

valeur

d'avant guerre. Puisqu'un bon critérium de la va¬

leur d'une monnaie nationale est l'expression de

son rapport avec d'autres monnaies étrangères et

que, en 1914, la valeur du franc s'exprimait dans

la cote des changes par l'équivalence :

25

fr.

22

<=

1 livre sterling, il faut pratiquerune

politique telle

que l'on en arrive un jour, dans la cote des chan¬

ges, à retrouver ce rapport réalisé.

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