Etude de la régénération naturelle contrôlée
en
forêt tropicale humide de Guadeloupe
I. - Revue bibliographique, milieu naturel et élaboration d’un protocole expérimental
M. DUCREY .N.R.A., Station de
P. LABBÉ erches
forestière
I.N.R.A., Station de Recherchesforestières
Centre de Reeherches agrnnoraxiyues des Antilles et de la Guyane Domaine Duclos, F 97170
Petit-Bourg, Guadeloupe
Résumé
Après
une revuebibliographique
des études sur larégénération
naturelle des forêtstropicales,
les auteurs donnent des informations sur la forêthygrophile
deGuadeloupe.
Cette forêt
présente l’originalité
dans le mondetropical
d’être riche en un nombre limitéd’espèces précieuses.
Deux
espèces principales :
legommier
(Dacryodes excelsa) et le bois rouge carapate (Amanoa caribaea)représentent respectivement
20,7 p. 100 et12,6
p. 100 du nombre detiges
total.Six autres
espèces,
bien que moinsfréquentes,
sont intéressantes : le marbri (l2ieheriagrandis), l’acajou
blanc (Simaruba amara), lepalétuvier jaune
(Symphonia globulifera),le mauricif (Byrsonima coriacea), le résolu (Chimarrhis cymosa) et le bois doux
chypre
(Phoebe elongata).L’ensemble de ces 8
espèces représente
48 p. 100 du nombre detiges
total et 64 p. 100 de la surface terrière totale.Cette
particularité
rendpossible
l’idée d’utiliser unetechnique proche
de larégénération
naturelle par coupes
progressives
etapparentée
au « Tropical shelterwood system » pour le renouvellement et l’enrichissement de cette forêt en essencesprécieuses.
L’expérimentation
mise enplace
entre 1979 et 1981 et fondée sur unedescription précise
du milieuforestier,
comporte 5 traitements :- 1
parcelle
(2 ha) avec une coupe d’ensemencementforte,
1 coupe secondaire à 3 ans et 1 coupe définitive à 6 ans ;- 1
parcelle
(2ha)
avec une coupe d’ensemencementforte,
1 coupe secondaire à 4 anset 1 coupe définitive à 8 ans ;
- 1
parcelle (2 ha)
avec une coupe d’ensemencementfaible,
2 coupes secondaires à 3 et 6 ans et 1 coupe définitive à 9 ans ;(·‘) Adresse acluelle : I.N.R.A., Station de Sylviculture méditerranéenne, avenue A, Vivaldi,
84000 Avignon.
- 1 parcelle (2 ha) avec une coupe d’ensemencement
faible,
2 coupes secondaires à 4 et 8 ans et 1 coupe définitive à 12 ans ;- 1
parcelle
témoin (1 ha) sous forêt naturelle.Elle a été
répétée
en 4 endroits différents de la forêthygrophile.
Le but
principal
est d’étudier larégénération naturelle,
la survie et la croissance des semis des 8espèces principales.
On utilisera aussi les différencesécologiques
entreparcelles,
créées par les traitementssylvicoles,
pourpréciser
le tempérament de cesespèces.
1. Introduction
L’exploitation
d’un massif forestier pour laproduction
de bois posetoujours
le
problème
de la reconstitution de la forêt.Si,
dans les paystempérés,
lestechniques
derégénération
sont relativement bien connues, il n’en est pas de même et de loin dans le mondetropical.
En
effet,
on assistebeaucoup plus
à uneexploitation
minièrequ’à
unesylvi-
culture raisonnée et à une
gestion rigoureuse
des forêtstropicales.
C’estpourquoi,
dans ce milieu
qui représente
environ 60 p. 100 de la couverture forestière mon-diale,
soit2,5
milliardsd’hectares,
etqui pourrait
de ce faitparaître inépuisable,
de graves
problèmes
comme lasurexploitation
ou la déforestation abusive se font sentirchaque jour.
La destruction des forêts denses
tropicales
est actuel; ornent évaluée à5,5
mil-lions d’hectares par an
(L ANLY
&C L É MENT , 1979).
Les forêts
qui
nous intéressent entrer dans le cadreplus
restreint de la forêttropicale
humide - ou forêthygrophile
-qui représente
tout de même 750 mil- lions d’hectares dans le monde et pourlaquelle
tous cesproblèmes d’exploitation,
dedéforestation et de
régénération,
bienqu’ils
soient moinscruciaux,
existent néan- moins.La
régénération
de ces forêts est évidemmentindispensable
et pose des pro- blèmesqui
ont souventopposé
deux écoles allant mêmejusqu’à
créer un « schisme »entre elles
(T AYLOR , 1954),
l’uneproposant
larégénération artificielle,
maintenant laplus
souvent utilisée en milieutropical,
l’autre défendant la cause de larégénération
naturelle elle seule
permettant,
entre autres, la conservation d’une certaine diversitéen
espèces
dans les forêtstropicales.
Dans cet
article,
nous abordons leproblème
de larégénération
naturelle de la forêttropicale
humide de laGuadeloupe.
Cettequestion
étaitposée
par l’Amé-nagement
de la forêt de laGuadeloupe
dont l’arrêté daté du30-3-1979, stipule
que la 4esérie,
dite d’Essenceslocales,
sera traitée en futaieirrégulière
d’essences locales et quependant
une durée de 12 ans desopérations expérimentales
derégénération
seront effectuées sur 32
ha,
lesurplus
de la série étant laissé au repos.C’est alors à la demande de l’Office National des Forêts et en collaboration étroite avec cet
organisme
que nous avons mis enplace
desdispositifs expérimen-
taux d’étude de la
régénération
naturelle des forêts concernées parl’aménagement
forestier.
Dans ce
premier
article nousprésentons
les motivations et le cadre de cette étude. Dans unpremier chapitre bibliographique
nous faisons uneanalyse
des dif-férentes études
entreprises
dans ce domaine et destechniques
mises aupoint
pour favoriser larégénération
naturelle en faisant ressortir ledegré
d’intervention humaine.Ensuite nous nous attardons un peu sur la forêt
hygrophile
deGuadeloupe
cequi
permet de mieuxcomprendre
le choixqui
a été fait de s’orienter vers larégénération
naturelle de cette forêt
plutôt
que vers sa transformation enplantations monospéci- fiques. Enfin,
nous décrivons la méthode derégénération
naturelle que nous avonscommencé à
employer
ainsi que ledispositif expérimental
mis enplace
pour étudier les différentesphases
de cetterégénération.
Dans le
prochain article,
nous nous intéresseronsparticulièrement
aux consé-quences des coupes d’ensemencement sur l’installation et la croissance des semis avant que n’aient lieu les
premières
coupessecondaires,
c’est-à-dirependant
les troisou
quatre
années suivant la mise enrégénération
et nousprésenterons
lespremiers
résultats concrets
déjà
obtenus.2.
Analyse bibliographique
Les recherches sur la
sylviculture
des forêtstropicales
ne datent pasd’aujour-
d’hui.
Déjà
en1928,
STEVENSON sepréoccupait
de «l’aménagement
des forêts d’aca-jou
dans le Hondurasbritannique
» et à peuprès
en mêmetemps,
AusREmLLE(1929)
se demandait « Comment constituer une forêt
tropicale
derapport
» danslaquelle
les
peuplements
issus derégénération
naturelle auraient eu unelarge place.
En
1931,
onprévoit
pour l’année suivante et avecbeaucoup d’optimisme,
«
l’aménagement
des forêts lesplus
accessibles » de laGuadeloupe (G REBERT , 1931).
Cet
aménagement
a finalement et fort heureusement vu lejour,
nous venons de levoir, près
de 50 ansplus
tard.A peu
près
à cetteépoque,
LAVAUDEN(1934-1935)
sepenche
sur lepassé
dela Forêt
Equatoriale
Africaine ets’inquiète
de son avenir.On retrouve les
préoccupations
des forestiersfrançais
et leursexpérimentations
en matière de
régénération
naturelle lors de lapremière
Conférence forestière Inter- africaine àAbidjan
en 1951(B ELLOUARD , 1951).
A la mêmeépoque,
leurscollègues belges
ont les mêmespréoccupations
auCongo (M AUDOU X, 1954 ; W ILTEN , 1955 ; Do
N is, 1956).
Mais il faut bien le
dire, malgré
leurenthousiasme,
ces forestiers et ces cher- cheurs n’ont pas réussi à modifier les méthodes degestion
etd’exploitation
de laforêt
tropicale
et leurgrande expérience,
les circonstancespolitiques aidant,
s’estmal transmise aux
générations
suivantes.Au cours des dix dernières
années,
à l’initiative de la F.A.O.puis
de l’LU.F.R.O.des
expériences
ont été mises enplace
en Malaisie et en Thaïlandepuis
par le C.T.F.T.en
Côte-d’Ivoire,
enRépublique
Centrafricaine et enGuyane Française
pour mesurer l’effet des coupes commercialesplus
ou moins intensives sur l’accroissment du peu-plement
restant(R OLLET , 1983).
Il est toutefois difficile de ranger ces méthodes pourlesquelles l’exploitation
forestière constitue le traitementsylvicole
essentielparmi
lesméthodes de
régénération
naturellepuisque
d’unepart
on enlève dès le début lesprincipaux
semenciers et que d’autre part on ne sepréoccupe
pas des semis induits par les coupes.On peut
cependant
faire unbilan,
certainement trèsincomplet,
des différentes études et des différentes méthodes que l’on a tenté de mettre aupoint
pourfavoriser,
assister ou provoquer la
régénération
naturelle des forêtstropicales.
Pour ce bilannous avons
légèrement
débordé du cadre des forêtstropicales
humides de moyennealtitude, qui
est celui de notre étude. Ceci nouspermet
de voir quequelque
soitla méthode de
régénération envisagée
- nous les avons classéesd’après
la naturedes interventions humaines lors du processus de
régénération
- il y a unegrande
différence entre les
régions
à saison sèchemarquée
avecrégénération préexistante
d’essences commerciales peu abondante et difficile à provoquer et les
régions
à saison sèche très peumarquée
etrégénération préexistante
abondante etvigoureuse.
2.1. La
régénération
nnturelle nonprovoquée
De nombreux auteurs se sont
penchés
sur leproblème
de la reconstitution des forêtsprimaires tropicales.
C’est toute unedynamique qu’il s’agit
d’étudier et, même si « une étudecomplète dépasse
les limites de travail d’une vie humaine» (WESs
et
al., 1972),
de nombreuses observations ontdéjà
été faites.La
plupart
des études faites quant à la structure et lacomposition
de la forêttropicale
montrent que nous avons à faire à une véritable« mosaïque (RICHARDS, 1952)
en éternelle évolution. Des successionsd’espèces
sonttoujours
observables et même si l’étude d’une assezgrande
surface montre un caractère relativementstable,
toute une
dynamique
de transformation depeuplements s’y
déroulechaque jour.
Le mécanisme
qui
entretient cetterégénération
fait presquetoujours appel
àla
présence
de clairières ou « gaps »(W HITMORE , 1978)
souventprovoquées
par laprésence
de « chablis »(O LDEMAN , 1972), qui
déclenchent l’installation desespèces héliophiles
et favorisent la croissance desespèces sciaphiles
presquetoujours pré-
existantes
(RoLt.!T, 1983).
Des études ont été faites au sein de ces trouées naturelles et laséparation
entre « small gaps » et« large
gaps »(AsHTOrr, 1978)
se révèledéjà
nécessaire. Eneffet,
le comportement des différentes essences rencontrées(es-
sences de
lumière,
essencesd’ombre) jouera
directement sur leurprésence
ou non à l’intérieur de ces clairièresplus
ou moinsgrandes.
Par
ailleurs,
il faudradistinguer
les différentesphases pouvant
se succéder dans la reconstitution de ces trouéesnaturelles, phases pionnières
etphases secondaires,
«
dynamic phase
» et « homeostaticphase
»(G EOLLEGUE
&H UC , 1979).
De nombreuses études sur ces successions ont d’ailleurs été faites notamment en Indonésie et Malaisie dans les
peuplements
dediptérocarpacées (Fox, 1971)
maisaussi en
Afrique
dans despeuplements
riches en méliacées(A LE xnrrDRE, 1977)
et enAmérique
du Sud(R OLLET , 1969).
Dans tous les cas, ces études de
régénération
naturelle « ont un double intérêt :elles
permettent
decomprendre
les mécanismes de transformation descompositions floristiques
de forêtdense,
et elles sont d’autre part à la base desproblèmes pratiques
de mise en
production
despeuplements (RoLLE T , 1969).
En
effet,
lasimple
observation des taches derégénération
naturelle peut dé- boucher par la suite sur desopérations sylvicoles
commandéesjustement
par lapré-
sence de ces
préexistants.
Bien que se basant sur desrégénérations déjà acquises,
ces méthodes seront classées dans le deuxième
paragraphe
concernant lesrégéné-
rations naturelles
provoquées
ou assistées.La
composition
même de ces taches derégénération peut
avoir un lien très lointain avec lepeuplement
enplace (A TJBREVILLE , 1938)
ou, aucontraire, peut
être relativementsignificative
dupeuplement principal (M AZUERA , 1979)
mais les diffé-rences s’atténuent
généralement
avec l’ancienneté de larégénération
observée.Malgré
tout, et ce sera souvent le cas, les clairières existantesqui
nepeuvent
être contrôlées entretiennent unerégénération
vraiment aléatoire surlaquelle
lesylvi-
culteur est
quelque
peuimpuissant.
Ainsi,
si certaines essences ont une meilleure croissance dans lespetites
clairièresde chablis tel Turraeanthus
africana Méliacées,
enAfrique (A LE xntvDRE, 1977),
dansla
plupart
des cas, c’est une insuffisance de lumièrequi
est àdéplorer provoquant
une absence
quasi
totaled’espèces
lesplus
intéressantes mais aussi lesplus exigeantes
telle Cedrela odorata au Venezuela
(P ET iT, 1969).
C’est
pourquoi, malgré
tout l’intérêt queprésentent
ces études sur larégénéra-
tion naturelle non
provoquée
ou études despréexistants,
on se doit de s’intéresserprincipalement
aux différentes méthodessylvicoles permettant
de contrôler cetterégé-
nération. D’autant que « nous pouvons affirmer
qu’il
ne faut pascompter
sur lanature seule pour
régénérer
la forêt» (C A T IN OT, 1965),
si par ailleurs l’homme l’a tropperturbée.
2.2. La
régénération
naturelle assistéeElle est
toujours
basée sur l’étude despréexistants.
Des méthodesstatistiques permettant
leur dénombrement ont étélargement
décrites telles que le « linear rege- nerationsampling (B ARNARD , 1950)
ou le « Milliacre survey» (DOU A Y, 1954).
Sui-vant les résultats
obtenus,
les auteurs admettent ou nond’entreprendre
des travauxsylvicoles
dans lesparcelles
inventoriées. Nous citerons parexemple
les travaux d’amélioration despeuplements
d’okoumé(Aucoumea ,klaineana)
au Gabon(L EROY D
EVAL
, 1976)
ainsi que les différentes méthodes utilisées en Malaisie basées surl’observation d’un minimum de 2 500 semis par hectare avant
d’entreprendre
destravaux d’entretien et
d’empoisonnement
du couvert :« Malayan
UniformSystem
»(WY
ATT -SMITH, 1963).
En
réalité,
ce genre de méthodes utilisées sur deplus
ou moinsgrandes
sur-faces
correspond
à unesylviculture
detype jardinage,
les interventions consistant endes
dégagements
de semis en mêmetemps qu’en
une coupepermettant
la croissancedes taches observées
(B ELL , 1971).
Les bons résultats observés sont en réalité « le fait de forêts naturellement riches
en
quelques espèces, principalement d’espèces
de lumière dont lesjeunes plants
tolèrent l’ombre dans leurjeunesse p (CnT!voT, 1974).
Si,
enpratique,
le seul moyen d’accroître directement la densité des semis d’essences de valeur est de faire coïncider lesopérations sylvicoles
avec une chuteabondante de semences d’essences
précieuses (S YNNOT
&KEt,!r, 1976),
leproblème
de la
fréquence
des inventaires despréexistants
resteposé
oualors,
des observationspériodiques
de la fructification doivent-elles être faites dans ces forêts ? D’autantplus
que si le nombre de semis lors des années de fructification est
important,
peu d’en- tre eux surviventjusqu’à
l’année de fructificationsuivante, excepté
dans les clai- rières(B URGESS , 1968).
On peut tout de même
envisager
de favoriser ou de provoquer cetterégénération
d’une
façon plus systématique
et c’estl’objet
de notre dernierparagraphe.
2.3. Lcz
régénération
naterrelleprovoquée
Les méthodes
peuvent
allerdepuis
lejardinage
àpetite
échellejusqu’aux
coupesrases
d’exploitation
forestière.Cependant,
il s’est avérérapidement
nécessaire deconserver une certaine ambiance forestière. C’est le but
proposé
par leTropical
Shelterwood
System (R OSEVEAR
&L ANCASTER , 1953)
utilisé très tôt enAfrique,
toutd’abord dans les colonies
anglaises
-Nigéria
-puis essayé
dans un peu tous les pays.L’opération peut
être décrite ainsi(C ATINOT , 1965) :
1&dquo; année Nettoiement des
parcelles :
coupe des lianes etjeunes
brins.2&dquo; année :
Empoisonnement
des arbres sans intérêt.3’ année :
Dégagements
de semis.4&dquo; année :
Dégagements
de semis. Contrôle de larégénération.
5’ année :
Dégagements
de semis.6&dquo; année :
Exploitation.
7! année :
Dégagement, dépressage.
1 l’ année :
Dégagement, dépressage.
16&dquo; année Eclaircies.
21° année
Coupe
définitive.Cette
technique, inspirée
des méthodes de paystempérés permet
la conserva-tion
pendant quelques
années de ce nécessaire couvert forestier mais aussil’appa-
rition
progressive
d’unequantité
de lumière suffisante au sol.Elle a été
appliquée
avec réussite à Trinidad sur une dizaine de milliers d’hec- tares(Du p LA Q UE T , 1960)
bien quequelquefois
descompléments
parplantation
aientété nécessaires.
Malgré
tout, lesopposants
à cette méthode furent nombreux. Audépart,
l’undes
principaux problèmes
a été le coût desopérations (R OSEVEAR
&L ANCASTER , 1953).
Certainement aussiquelques
difficultés degestion apparaissaient
tant le nombred’hectares devant être
régénérés
ainsi étaitgrand
et tant le suivi devait êtreimportant.
Ainsi,
des milliers d’hectares ont dû êtreabandonnés,
au Ghana parexemple,
où uneméthode
plus souple
de typejardinatoire (N W O BOSHI , 1976) :
la« gestion
sélective »apparaissait (exploitation
sélective etdégagement
de semis tous les 15 ans conservanttoujours
une bonnerépartition
dessemenciers).
L’orientation vers des coupesjardi-
natoires s’est faitjour aussi,
pour les mêmesraisons,
au Surinam(S CHULZ , 1967) où
on
déplorait
deplus
l’envahissement herbacétrop important
dû aux coupespourtant
nécessaires pour la croissance des semis d’essencesprécieuses.
Cet envahissement seral’un des facteurs déterminant
qui
influe directement sur le coût et la réussite de cesopérations.
Certains auteurspensent pouvoir
réduirequelque
peu cetype
d’inter- vention enfaisant,
parexemple,
desdégagements
par bandes(S CHULZ , 1967).
Notons enfin que si
parfois
des observations derégénération après
coupe rased’exploitation
semblent êtrejugées positives,
comme enDominique (B ELL , 1976),
il faudra se méfier n
priori
d’unepart
d’une ouverturetrop grande
du couvertqui risque
de transformercomplètement
lacomposition floristique
future - étude durecrû
après
coupepapetière
enGuyane
-(DE F ORESTA , P REVOST , 1981),
mais aussi des marques laissées par lesexploitations
mécanisées laissant surplace
de véritables« écotypes d’exploitation » (Fox, 1972)
où une absence totale derégénération risque
de se faire sentir.
En résumé de cette
analyse bibliographique sommaire,
nous pouvons dire queces
problèmes
derégénération
naturelle des forêtstropicales
sont encore mal résoluset
qu’il
est nécessaire de continuer à observer et àexpérimenter.
Eneffet, l’appli-
cation de larégénération
naturelle est devenuetrop
rare en milieutropical
en raisond’un « manque de
prise
deresponsabilité
vis-à-vis des forêtstropicales
et un manque de connaissancessylvoécologiques
»(L AMPRECHT , 1976).
C’estpourquoi
il nous sembleindispensable
d’initier ou depoursuivre
des études dans ce domaine et c’est aussi dans cetteoptique
que nous avonsentrepris
nos études sur larégénération
naturelle de la forêttropicale
humide deGuadeloupe.
Le but de nos
expériences
est d’obteniraprès régénération
un nouveau peu-plement plus
riche en essencesprécieuses.
Pourcela,
nous avons utilisé une méthode voisine de larégénération
naturelle par coupesprogressives
et donc duTropical
shelterwood system, en
pratiquant
des coupes d’ensemencement d’intensité variable et des coupes secondaires variables en nombre et enfréquence.
Ceci nous permettra, en
plus,
d’obtenir le maximum d’informations sur letempé-
rament de ces différentes
espèces qui,
pourl’instant,
est à peuprès
inconnu et dechoisir les méthodes
sylvicoles
àemployer
pour favoriser telle ou telleespèce.
3. La forêt
hygrophile
deGuadeloupe
3.1. Sa
place
dans laforêt guadeloupéenne
Les conditions
particulières
de relief et detopographie
des deux îlesqui
consti-tuent la
Guadeloupe
créent degrandes
différencesclimatiques,
notamment en cequi
concerne les
précipitations.
Ceciexplique
la diversité des formationsvégétales
ren-contrées sur les 1 500 kilomètres carrés de la
Guadeloupe (Basse
Terre et GrandeTerre
uniquement).
Les formations forestières définies par STEHLE(1946)
ont étéregroupées
en troistypes
liés à lapluviométrie : xérophile, mésophile
ethygrophile
ainsi que le montre la
figure
1.La forêt
xérophile
est essentiellement rencontrée dans la Côte-sous-le-Vent de la Basse Terre et dans la Grande Terre. Située à une altitude inférieure à 250 m et bordant lelittoral,
ellereçoit
annuellement entre 1 000 et 2 000 mm d’eau. Cette forêt a été fortementperturbée
par laprésence
humaine. De nombreuses cueillettes ainsi que des défrichementsimportants
l’ont souvent transformée en friches ou en terresagricoles
à vocationagrumicole.
La forêt
mésophile
estreprésentée
aussi bien en Côte-au-Ventqu’en
Côte-sous-le-Vent de la Basse Terre. Son aire est
simplement
limitée par lesisohyètes
2 000 mmet 3 000 mm. Cette forêt a subi de nombreuses
dégradations
par cueillette des bois de valeur et c’est dans cette formation que se sont installées lesplantations
de bananeet de canne à sucre.
La forêt
hygrophile
est le type de formation actuellement leplus représenté.
Elleest située à des altitudes variant de 400 m à 1 000 m et
reçoit
en moyenne desprécipitations
de 3 000 à 6 000 mm.Au-dessus de 1 000 m, cette forêt devient
rabougrie
et laisseplace
à des savanesd’altitude,
cet ensemblejouant
un rôleimportant
dans laprotection
des sols.Il est difficile d’avoir une estimation
précise
dessuperficies occupées
par lesformations forestières et elles varient entre 60 000 ha et 90 000 ha selon les sources
documentaires.
La forêt soumise
n’occupe
que 28 000 ha situés dans le massif montagneux de la Basse Terre(voir fig. 1).
Elle a faitl’objet
d’unaménagement
forestier valablepour la
période
1979-1990 et a été divisée à cette occasion enquatre
séries d’aména- gement.La
première
série(15 000 ha),
horscadre,
est une série deprotection
consti-tuée par les forêts
rabougries
et les savanes d’altitude.La deuxième série
(8
000ha),
dite detransformation,
occupe les !onesdégra-
dées de la forêt
mésophile
et est en cours d’enrichissementgrâce
à desplantations d’acajou
du Honduras(Swietenia macrophylla).
La troisième série
(500 ha),
dite de laurier rose, occupe lesparties
hautes de la forêthygrophile proches
de la Soufrière et est consacrée à lasylviculture
de cetteespèce (Podocarpus coriaceus).
La
quatrième
série(4 400 ha),
dite d’essenceslocales,
occupe lamajeure partie
de la forêt
hygrophile.
Cette
quatrième
série est en repospendant
la durée duprésent aménagement.
Seules y ont été
prévues
lesexpérimentations
sur larégénération
naturelleobjet
duprésent
article.3.2.
Coinpositioti
(le laforêt hygrophile
La forêt
hygrophile
est caractériséeclimatiquement,
outre sesprécipitations
an-nuelles de 3 000 à 6 OOB mm
réparties
surplus
de 300jours,
par une humidité tou-jours supérieure
à 75 p. 100 et destempératures
moyennes variant entre 22 °C et 27 7 &dquo;C.La forêt
hygrophile,
formation la moinsperturbée
en raison de la difficultéd’accès, présente
une structurecomplexe depuis
les stratesherbacées, lianoïdes, épi- phytes, jusqu’aux
strates arborescentes dominantes. Cette stratificationcomplexe
per-met la
présence d’espèces
nombreuses dont lesplus fréquentes
et lesplus impor-
tantes sont :
pour la strate arborescente dominante :
-
gommier
blancDcreryodes
excelsa- bois rouge
carapate
Al1lanoa caribaea- corossolier
montagne
Guatteria caribaea- mapou baril Siercitlia ccrribaea
-
châtaignier grande
feuille Slnanea ma.ssoni- acomat boucan Sloanea caribaea
- autres
châtaigniers
Sloanea truncata, S. Berteriana pour la strate arborescente moyenne :- marbri Richeriu
g r atidis
-
acajou
blanc Sil1laruba al1lara- cotelette noire
7’apiii-(i latifnlia
- mauricifs
B y rsoni l1l a
sp.-
caïmitiers,
balatas Pnuteria sp.pour la strate arborescente inférieure :
-
guépois Myrcia leptoclada
- cassant
Rmlgecr citrifolin
pour la strate arbustive :
- bois cotelette Micoili(l sp.
- arbustes divers
appartenant
aux genres suivants : Palicnurea,
Psychotria, Cephaelis.
Cette liste est évidemment très
incomplète
et on observe degrandes
variationsgéographiques
dans lacomposition botanique
de la forêt. Seulsquelques
auteurs :Duss
(1897),
STEHLE(1945),
BEARD(t949)
et DULAU(1956)
se sontpenchés
surce
problème
mais n’ont pas abouti à une véritable zonationécologique
des diffé-rentes
espèces
de la forêthygrophile.
L’inventaire
statistique
réalisé en1974, préalablement
àl’aménagement
fores-tier,
donne des informationscomplémentaires
sur laquatrième
série. Le nombre detiges
de diamètresupérieur
à12,5
cm est de 646 par hectare. Cecicorrespond
àune surface terrière de
39,5
m!/ha. Lesespèces principales,
ditesprécieuses,
et re-connues comme telles dans
l’aménagement représentent
48 p. 100 du nombre total detiges (dont 20,7
p. 100 pour legommier, 12,6
p. 100 pour le bois rouge,8,5
p. 100 pour le marbri et1,8
p. 100 pourl’acajou blanc)
et 64 p. 100 de la surface ter-rière.
Une estimation des volumes sur
pied
donne pour les arbres de diamètresupé-
rieur à 30 cm, un total de 236 m:1 par hectare dont 148 pour les essences
principales (67,3
m:! pour legommier,
62 me pour le bois rouge et moins de 10 mB pour cha-cune des autres
espèces)
et 88 pour lesespèces
diverses.Cette richesse en essences
principales,
laprédominance numérique
de deux deces
espèces,
legommier
et le bois rouge, ainsi quel’importance
du volumeexploi-
table font de cette forêt un cas
particulier
des forêtstropicales
où engénéral
- c’estle cas de la
majorité
des forêts africaines et de la forêt amazonienne - aucuneespèce précieuse
n’estprédominante
et où les volumesexploitables
sont faibles.Cette situation
justifie l’importance
que l’on attache enGuadeloupe
à larégéné-
ration naturelle de cette forêt et, par cette
méthode,
àl’augmentation
dupourcentage
d’essencesprincipales.
3.3.
Principales ea7!èces procieacses
cle laforêt hygrot!lzile
L’Aménagement
n’a retenuqu’une
dizaine d’essencesprincipales susceptibles
d’utilisation en raison de leur
qualité,
leur traditiond’usage
et leurfréquence
dansles
peuplcments.
Enfait,
d’autres essences sont utilisables et GREBERT(1931) indique l’usage
d’unevingtaine d’espèces principalement
pour lecharronnage
et la construc-tion
traditionnelle,
lesqualités
recherchées étant ladureté, l’imputrescibilité
et larésistance aux termites.
En
fait,
toutes cesespèces
sont encore mal connues endépit
des travaux deDuss
(1897),
STEHLE(1936, 1937),
LITTLE et al.(1964, 1974)
et FOURNET(1978)
dans le domaine
botanique
et ceux de LorrcwooD(1962)
sur lescaractéristiques technologiques
des bois. Enparticulier,
on n’apratiquement
pas derenseignements
sur la
biologie
de lareproduction
et les lois de croisement(espèces autogames
ouhétérogames)
des essencesprincipales
dont nous étudions larégénération
naturelle.Le
gommier
blanc(Dacryodes
excel.sa Vahl.Bacrseraceae)
est trèsrépandu
en forêthygrophile.
Il occupe une strate altitudinale allant de 350 m à 950 m. Au niveau inférieur il est devenu rare, semble-t-il à cause desexploitations
et défri-chements abusifs. C’est un arbre très
grand atteignant
30 m de hauteur. Le fût esttrès
élancé,
sansbranches,
le diamètre à la basepouvant dépasser
un mètre. Labase du tronc est un peu
élargie
etprésente quelquefois
de courts contreforts.Le bois de coeur est brun
pâle puis
brun roséaprès séchage.
L’aubier,
rarement trèsépais, apparaît gris
clair. La texture est fine. Le bois est trèschargé
en silice. La densité est de0,64 après séchage
à l’air et de0,47
àl’état vert. Le
séchage
se fait en trois mois minimum avec un retrait radial de4,1
p. 100 et
tangentiel
de6,4
p. 100. Il est utiliséprincipalement
pour lamenuiserie,
la
charpente
et la caisserie. Une utilisationplus
ancienne concernait la fabrication de canots.Le bois rouge carapate
(Amnnoa
caribaea Kr. et Urb.Euphorbiaceae)
est en-démique
de laGuadeloupe
et de laDominique
et se trouve assezfréquemment
en forêthygrophile
à des altitudes allant de 300 à 850 m.C’est un
grand
arbrepouvant
atteindre 30 m avec un fût sans branche surplus
de 15 m. Le tronc est de couleur rouge sombre avec desaspérités
blanchâtres.La base du tronc est
généralement
anfractueuse avec des contrefortsprononcés.
Lebois est
particulièrement
dur etimputrescible
et résiste bien aux termites.L’aubier assez
important
est brun rouge, le coeur est marron. Le retrait volu-métrique, toujours élevé,
varie de17,7
à19,4
p. 100. Il est utiliséprincipalement
pour la
charpente
et la construction.Le marbri
(Richeria groaclis
Vahl.E ll p/ 1O rbiaceae)
est essentiellement cantonné dans la forêthygrophile
bienqu’on puisse
le trouver dans la forêtmésophile plus
sèche. On le retrouve ainsi à des altitudes allant de 150 m à 1 000 m. L’arbre est de taille moyenne,généralement
inférieure à 20 m. Le tronc est droit et élancé. Le bois est résistant aux termites. Sa densité est de0,74
à 12 p. 100 d’humidité. Il est utilisé essentiellement pour laconstruction,
mais peut aussi servir en ébénisterie.L’acajou
blanc(Simaruba
amara Aubl.Sintararbaceae)
estprésent
dans toutl’arc Antillais ainsi
qu’en Guyane
et en Amazonie. Il estfréquent
dans les zonesinférieures de la forêt
hygrophile
ainsiqu’en
forêtmésophile.
On le trouve entre 250 et 700 m d’altitude. L’arbre est assezgrand
et élancé. Le bois est blanc et il est difficile dedistinguer
le coeur de l’aubier. C’est un bois très tendrequi
résiste auxtermites. Sa densité est de
0,44
à l’état vert et de0,38 après séchage
à l’air. Le retraitvolumétrique
est faible : 8 p. 100 mais sensible aux variationshygrométriques.
Il est
principalement exploité
à des fins de boiserie et caisserie maispeut
être utiliséen menuiserie.
Le
palétuvier jaune (Synzphonia g/!&:;/;7c!<
L. Clusiaceae) est un arbre de bas de versants inondés etprésente
des racines échassescaractéristiques.
Il donne unexcellent bois utilisé aussi bien pour la
charpente,
la caisserie que la menuiserie fine.Le mauricif
patagon (Byrsonil 1l a
coriacea,Malpiglziaceae)
est un arbre moyen occupant lapartie
inférieure de la forêthygrophile.
Il estplus fréquent
en forêtmésophile.
Son bois est utilisé pour lacharpente.
Bien que les forestiers locaux fassent la différence entre le mauricif
patagon
etle mauricif
bois-charbon,
il est difficilebotaniquement
de faire laséparation
entreces deux
appellations
locales et les quatreespèces botaniques
concernées B. coriacea, B.laevignta,
B. martinicensis ou B. trinitensis.Le résolu
(Cfiimar;fiis
cymosaJacq. Rubificeae)
rencontréprincipalement
lelong
des cours d’eau fournit un bois utilisé en menuiserie et ébénisterie.
Le bois doux
chypre (Plroebe eloagata
Vahl. Lnurnceae) est un arbre moyen situé enpartie
basse de la forêthygrophile.
Sonbois,
trèsprisé,
est utilisé pour l’ébénisterie fine. Là encore cetteappellation
locale estsusceptible d’englober
d’au-tres
espèces
de la famille des Lauracées car les identifications faites par les agents forestiers ne sont pastoujours
concordantes.4.
Dispositif
d’étude de laregénération
naturelle4.1. Le
protocole expérimental
Comme nous l’avons
déjà
dit en conclusion de notreanalyse bibliographique,
nous avons utilisé une méthode voisine de la
régénération
naturelle par coupes pro-gressives
dont dérivent en fait les méthodes utilisées en forêttropicale
et connuesprincipalement
sous le nom de «Tropical
shelterwood system » et de «Malayan
shelterwood system ».
Comme nous n’avions aucune information a
priori
sur letempérament
des dif- férentesespèces
àrégénérer,
nous avonsimaginé plusieurs
combinaisons entre l’inten- sité de la couped’ensemencement,
lenombre,
l’intensité et lafréquence
des coupes secondaires afin de créer des conditionsécologiques
aussi différentes quepossible
tout en restant dans des limites raisonnables. En
effet,
une mise en lumièretrop rapide
entraîne un recrû herbacé et arbustif très abondant et conduit à une aug- mentation considérable desdégagements. Inversement,
une mise en lumièretrop prudente peut rallonger
inutilement la durée de larégénération
ou même la mettreen
danger.
Toutefois,
nous pensons que les conditionsécologiques
créées au niveau dusol,
par les coupes lesplus fortes,
favoriseront larégénération
des essences delumière,
tandis que celles créées par les coupes les
plus
faibles favoriseront les essencesd’ombre.
Pour
cela,
nous avons choisiquatre
traitementssylvicoles,
deux débutant parune coupe d’ensemencement dite « faible » et deux débutant par une coupe d’ense- mencement dite « forte ». Les deux
parcelles correspondant
àchaque type
de coupe diffèrent ensuite par la durée de laphase
derégénération,
c’est-à-dire par le nombre et lafréquence
des coupes secondaires ainsi quel’indique
le tableau 1.Des travaux de
dégagement
des semis ont été initialementprévus
de manièreun peu
arbitraire,
mais nous pensons, au vu despremiers résultats, qu’il
vaut mieuxles
prévoir
au fur et à mesure desbesoins,
enessayant
de trouver uncompromis
entre un nombre de
dégagements
tropimportant
et la concurrence que peuvent rai- sonnablementsupporter
les semis.Au vu des
premiers résultats,
onpeut déjà
dire que dans les coupes fortes desdégagements
bisannuels sont suffisants et que dans les coupes faibles on peut allerjusqu’aux premières
coupes secondaires sansdégagement.
4.2.
Emplacement
etcaractéristiques
desdispositifs expérimentaux
Chaque dispositif expérimental
est constitué dequatre parcelles
derégénération
de 2 hectares chacune et d’une
parcelle
témoin d’un hectare. Lesparcelles
sontséparées
les unes des autres par des bandes tampons de 40 à 50 m et on aménagé,
tout autour du
périmètre expérimental,
une bandetampon
de mêmelargeur,
cequi porte
lasuperficie
d’undispositif expérimental
à environ 16 hectares.Nous avons installé au total